6 mois que j’ai choisi d’être bi-implantée

Aujourd’hui est un jour spécial, voilà 6 mois qui ont passé à la vitesse du son de la lumière.

6 mois que j’ai choisi d’être bi-implantée.

Ce matin en préparant mon petit-déjeuner, je me suis rendue compte que les bruits du matin m’étaient familiers même si parfois j’ai encore du mal à supporter ces bruits après une nuit de silence total, profond.

Heureux hasard, aujourd’hui mon conjoint est en congés. Ce matin, je n’ai pas petit-déjeuné seule avec les fenêtres fermées. Il fait chaud, les fenêtres sont ouvertes. Les petits oiseaux chantent. Les voisins ont des cerisiers, ce sont des nids à oiseaux !

J’entends les oiseaux depuis peu, je ne vais pas me plaindre mais qu’est-ce que c’est bruyant !
Avant, je n’entendais que la tourterelle mais ça c’était avant.
Ça ne fait que 3 jours que j’ai identifié la pie grâce à une amie qui est venue déjeuner à la maison, j’entends aussi les tourterelles et autres petits oiseaux que je n’ai pas encore identifié car je n’ai pas de spécialiste sous la main.

Ce matin, j’ai eu le bonheur de reconnaître la pie du premier coup. Mon mari était étonné, on a attendu tous les deux qu’elle rechante, et il m’a bien confirmé que oui c’était la pie !

Au fond de moi, je suis heureuse de ce petit exploit qui est peut être insignifiant pour la plupart des personnes, parce qu’il paraît que le chant de la pie est pas spécialement beau ! 🙂
Impossible de dire si c’est beau ou pas, je n’ai pas 36 sons répertoriés dans mon cerveau pour pouvoir comparer et dire ce que je préfère.

Je ne peux pas constater les progrès au quotidien car je n’ai pas de repères auditifs. Ça me semble très long. Trop long. Il faut faire preuve de patience.

Il y a certainement des progrès, mais peut-être pas là où le corps médical les attend, notamment en compréhension orale (qui veut dire comprendre les gens sans pouvoir les regarder parler, faire de la lecture labiale). Ce sont des choses que je n’avais pas imaginées pouvoir faire un jour.
Percevoir certains mots avec le texte sous les yeux, j’y arrive mais à quel prix. J’en reconnais quelques uns mais il me faut un contexte à minima.
C’est et ce sera encore des moments difficiles qui solliciteront beaucoup d’efforts et de concentration.
La concentration est un peu plus efficace qu’il y a 6 mois. Je suis plus réactive aux sons, mais aussi beaucoup plus sensible. Je m’en rends compte par moments à la maison. J’arrive maintenant à entendre le petit bip-bip du four de la cuisine quand je suis dans mon bureau et inconsciemment ce midi, je l’ai reconnu sans vraiment être attentive. Je savais que le four marchait mais je ne connaissais pas l’heure de fin de la cuisson.

Les réglages commencent à prendre une vitesse régulière, à priori je suis à un réglage par mois. Ils commencent à se stabiliser, il était temps… Je suis néanmoins repartie sur de nouvelles bases le mois dernier. J’en reparlerai dans un autre billet plus tard, je ne préfère pas me prononcer, c’est trop frais encore.

C’est aussi pour ça que je n’écris pas beaucoup sur ce sujet, car ce sont des choses qui prennent du temps, qui sont pas forcément bonnes à partager à chaud. J’écris toujours autant dans ces petits carnets qui sont salvateurs. Parfois, je me dis qu’un livre pourrait être intéressant mais je ne sais pas comment faire, ni par où commencer, ni à qui en parler.

Cette opération a bouleversé ma vie. C’était l’inconnu avant, je ne savais pas à quoi m’attendre, je ne savais pas ce qui m’attendait.
Je savais que je pourrais récupérer ce que j’avais à minima mais je ne pouvais pas placer d’espoir sur la possibilité d’entendre mieux, car ma surdité est tellement ancienne et le cerveau assez complexe. Il n’y a pas assez de recul scientifiquement pour pouvoir juger l’efficacité de l’implant dans des cas comme le mien.

6 mois que j’ai les papilles gustatives qui sont pas au point (les nerfs gustatifs ont été probablement touchés durant l’opération, ce sont des choses réversibles). J’avais la sensation de manger du plastique en sortant du bloc, maintenant c’est du métal et il est bien ancré ce goût métallique … Vivement que ca revienne à la normale !

Tous les jours, il y a de nouveaux sons. J’ai découvert dernièrement le silence des personnes qui entendent. C’est pour moi un bruit permanent et non pas un silence total tel que je le connais. Mon silence n’est pas le vôtre et inversement.

Le bouleversement est tellement grand qu’il m’est difficile de me relever tout de suite (note : chacun réagit différemment vis à vis de l’implant, il n’est pas possible de le généraliser). Je ne mentirai pas non plus sur le fait que ces 2 derniers mois ont été difficiles psychologiquement, avec en plus l »hiver qui a été long. Se poser des questions, sortir de sa zone de confort, revoir ses attentes sonores vis à vis des implants cochléaires, me motiver pour garder la banane, continuer à faire ce que je faisais avant tout en tenant compte de ce bouleversement sonore.

J’ai l’impression que c’était hier que je partais au bloc à cette heure-ci.

Voilà, ça fait déjà que 6 mois.

 

7 réflexions sur « 6 mois que j’ai choisi d’être bi-implantée »

  1. 6 mois également et l’impression forte aussi que les choses sont longues. Tu sais qu’on avait cet objectif commun de suivre les conversations dans un diner entre amis, à 4. Je ne ressens pas du tout d’amélioration là dessus et c’est une frustration même si je progresse je le sais sur d’autres choses.
    Les petits oiseaux c’est magique je ne m’en lasse pas. Par contre jamais eu l’idée d’aller jusqu’à creuser quel animal chante !
    Et le four est une nouveauté pour moi aussi de l’entendre sonner quand je suis dans d’autres pièces.
    Bises à toi. J’espère que le bilan dans 6 nouveaux mois sera plus radicalement positif pour chacune de nous 2.

  2. Je suis toujours aussi curieuse et intéressée par ton expérience, que de choses je découvre moi aussi ! Mais surtout comme je suis admirative du courage que tu as eu de quitter le connu pour l’inconnu et de la tenacité dont tu fais preuve pour progresser jour après jour en abattant le mur du silence.
    Je t’embrasse bien fort.

  3. quel beau billet !… Tu es vraiment formidable et le mot n’est pas trop grand !… j’aime quand tu expliques , quand tu racontes,, quand tu joues avec les mots

    Quel beau billet ! tu es vraiment formidable ! j’aime quand tu racontes, quand tu expliques, quand tu nous rappelles que ce n’est pas facile, que c’est long, très long… ce qui nous permet de comprendre  » un peu mieux  » ce que tu dois ressentir ! mais voilà… tu avances peut-être doucement mais sûrement ! tu vois, moi je n’ai jamais pris le temps d’écouter une pie, pourtant il y a plein d’oiseaux dans  » le petit bois derrière chez moi  » …… Je vais m’y coller dès demain….
    Je te souhaite encore et encore plein de courage et je t’embrasse très très fort….

    1. Ce n’est pas toujours facile de mettre les mots avec les formes, je fais du mieux que je peux
      Essaie, ca doit être sympa d’entendre les oiseaux avec le bois que tu as derrière chez toi.

  4. Hello,

    Je découvre ton blog via le dernier commentaire que tu as laissé à Kreestal (j’aime bien aller lire les gens qui lisent la même chose que moi – un sentiment de communauté partagée qui me rappelle il y a longtemps sur le web).

    Je voulais te dire que j’ai adoré lire les billets où tu racontes ce qui se passe depuis ton implantation et que, si je ne peux même pas imaginer ce que tu traverses et si ce que je ressens à ta lecture doit te sembler à côté de la plaque (parce que c’est difficile pour toi, souvent), et ben je trouve tes écrits super poétiques, magnifiques. J’en parlais à mon homme il y a même pas une demi-heure, et on se disait que c’est toi qui aurais dû écrire « la première gorgée de bière » ou ce genre de trucs dont je ne suis pas fan parce que je les trouve niais, parce que toi ça a du sens, vraiment, et que c’est ça qui rend tes billets aussi beaux.

    Et aussi, puisque sur LLM on parlait de spontanéité perdue, moi j’aime beaucoup ces billets dans lesquels tu dis ce qui va mal, je les trouve beaux à leur manière biscornue – je me suis toujours demandée ce qu’on pouvait avoir à raconter quand tout va bien tout le temps et comment même ça pourrait être le cas. Même si, okay, on n’est pas obligé de se plaindre sans arrêt. Mais parler du gris et du noir, c’est pas se plaindre – ou alors, parler du rose ce serait étaler son bonheur dans la face des gens, et je crois que c’est pas ça non plus 🙂

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