Mais qu’est-ce que tu entends au juste ?

Affiche sur laquelle la moitié des lettre est cachée et lisible difficilement du premier coup. Le texte suivant est "à l'école un enfant malentendant ne devrait jamais ressentir ce que vous ressentez en ce moment en lisant ces lignes". Affiche de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris

Il m’est déjà arrivé à plusieurs reprises, d’expliquer ce que j’entends.

Au square, au milieu d’enfants, l’un d’entre-eux vient me voir, c’est un ami de mon fils.

Il me jauge, me tourne autour, rigole avec moi, me provoque dans son jeu. Je réagis à son petit jeu, ça l’amuse.

Et tout d’un coup, il se plante devant moi et me dit : « C’est quoi ce truc que t’as dans l’oreille ?!? »

Je souris, le papa du petit garçon gêné ne sait pas quoi lui répondre, je le regarde avec un regard rieur qui avait l’air de dire « Je vais lui répondre »

Je ris, je le regarde, je pèse mes mots avant de parler.
C’est un petit garçon de 4/5 ans, mais je vais m’adresser à lui comme si je m’adressais à un adulte. Je vois pas pourquoi il ne faudrait pas leur dire les choses comme elles sont.

Je lui dis : « Vois-tu, j’ai les oreilles qui ne marchent pas, ces trucs que tu vois, ils me permettent d’entendre des sons »
Il me regarde, ne bouge pas.
Je continue dans mon explication qui doit être à son niveau de  compréhension sans pour autant passer pour un alien ou une personne bizarre.
J’enchaîne avec une comparaison qui me traverse l’esprit : « Quand tu as la jambe dans le plâtre, tu peux pas t’en servir, alors tu as des béquilles. Mes appareils à moi, ce sont mes ‘béquilles’ et surtout il faut que je te regarde pour te comprendre en plus de mes béquilles. »

Avec le recul, ma comparaison est pourrie :  on ne peut pas comparer des oreilles à des jambes.

Le petit garçon se contente de la réponse, il me fait un sourire jusqu’aux oreilles. Je vois qu’il a eu la réponse à sa question. Mon fils vient le chercher pour jouer et ils repartent ensemble.

Sauf que… Il y a le papa à qui ma réponse a paru pas complète. Il me regarde d’un air inquiet sur la réponse que j’ai donnée.
Il me dit : « Mais vous entendez pas avec vos appareils ? »

Je lui dis que non. Je lui explique que entendre n’est pas comprendre.

Regard d’incompréhension.

Je lui dis que malgré, mes appareils je dois regarder les gens pour comprendre ce qu’ils disent. Sinon j’ai pas la totalité des paroles.

Soulagé et ravi de cette précision, nous continuons à parler comme si cette parenthèse n’avait pas eu lieu, et nous enchaînons sur la langue des signes des bébés et j’ai gagné un interlocuteur un peu plus sensibilisé à la surdité.

7 réflexions sur « Mais qu’est-ce que tu entends au juste ? »

  1. Souvent j’explique avec un papier et un crayon et je note un texte codé dans lequel certaines lettres sont remplacées par des chiffres dont la graphie ressemble à une lettre.

    3X3MPL3 :
    50UV3N7 J’3XPL19U3 4V3C UN P4P13R 37 UN CR4Y0N 37 J3 N073 UN 73X73 C0D3 D4N5 L39U3L C3R741N35 L377R35 50N7 R3MPL4C335 P4R D35 CH1FFR35 D0N7 L4 GR4PH13 R3553M8L3 4 UN3 L377R3.

    C’est très imagé et la personne comprend alors que ce que l’on entend est tronqué et que c’est le cerveau qui, à l’insu de notre plein gré, compense. Du coup, elle comprend aussi que cela ne sert à rien de crier parce que ce que l’on n’entend pas, eh bien on ne l’entendra toujours pas, mais en plus fort (c’est bien malin ça!). Elle comprend aussi à quel point la compensation mentale est fatigante car elle aura conscience que si 3 lignes codées, ça peut être ludique, elle abandonnerait dès la première page si un roman entier était écrit comme ça… Or nous, c’est toute la journée !

    Quant aux appareils, bien évidemment, ça aide mais pour les sons qu’on n’entend pas du tout, on a beau monter le volume, on ne les entend toujours pas du tout.

  2. Je ne trouve pas qu’elle soit pourrie ta comparaison, bien au contraire.
    Et ton article est super clair, ça devrait en aider plus d’un à te comprendre et à comprendre les gens appareillés comme toi.

  3. Bonjour,
    Ta comparaison n’est pas pourrie.
    Et je te remercie, car dans mon travail j’ai parfois affaire à des personnes ayant ton handicap, je fais attention, mais je crois que parfois, je ne le fais pas assez :s … je comprends mieux certaines choses maintenant, et je ferais encore plus attention garce à tes explications.
    Merci encore

  4. Superbe post 🙂
    C’est évident que devant un handicap invisible on a besoin de le mettre en comparaison avec un handicap visible afin que les choses soient au moins claires, Ah, ce besoin d’image !

    Tiens, devant l’incompréhension des adultes sur « entendre ce n’est pas comprendre », c’est assez vrai et lourd de leur part, ils veulent du rationnel, des comparaisons, alors je leur balance, « j’entends comme tu entends une radio brouillée, mais au moins j’entends des sons »

    c’est fou ce besoin de comparer !

    Bises !

  5. Hé oui, on n’a pas tous les mêmes d’audition, d’après les tests, je n’entends pas les sons aiguës !
    Avec l’âge, dur dur d’entendre et lire les lèvres…le niveau de mon ouïe a un tout petit peu baissé à la faute de l’âge.. Vivement que je sache parfaitement la LSF pour être bien dans une maison de retraite….héhéhéh pas bête hem…
    Préparons nous donc !
    Bien amicalement
    Za

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