Quel mot étrange. Je ne savais pas comment définir cette journée …
Aujourd’hui, cela fait neuf ans que je suis passée sur le billard pour me faire implanter les deux oreilles en même temps. Une opération bilatérale, qui n’est pas courante chez l’adulte sourde de naissance, de ce que j’en ai retenu au moment où je me suis fait opérer. Est-ce que ca a évolué, je ne sais pas.
Les deux premières années ont été très difficiles. Vous trouverez ici le récit de la première journée… et l’activation des implants cochléaires après 18 jours de silence.
Quand j’y repense, j’étais angoissée à l’idée de cette nouvelle vie sonore, que j’avais tagguée #newSophie sur les réseaux sociaux pour en parler. Ca ne s’est peut être pas ressenti que j’étais angoissée.
Ce saut vers l’inconnu sonore me faisait peur.
Ce monde sonore dont je n’avais aucune idée de ce que ca allait donner parce que c’est propre à chaque personne, sa plasticité cérébrale, sa motivation, et évidemment l’entourage familial. Pour moi, cela a bien marché mais à un prix émotionnel et psychologique assez fort.
Aujourd’hui, mon expérience sonore évolue encore. Je pensais que ca se stabiliserait, que ma compréhension s’arrêterait à un moment donné. Et non. Même après toutes ces années.
Les sons s’affinent avec le temps, je comprends de mieux en mieux. Parfois ce n’est pas perceptible, parfois ce n’est pas conscient. Lors du dernier bilan à l’hôpital en février dernier, ma compréhension avait encore progressé. Ils étaient surpris.
À l’instant chez moi, dans mon bureau, les fenêtres fermées, j’entends le fond sonore des voitures qui passent sur le bitume mouillé. Il n’y a quasiment pas de bruit dans la pièce où je suis. J’ai un chat qui me fixe en respirant fort, mais je ne l’entends pas respirer, j’entends que les touches de mon clavier et le clic de ma souris. Parfois, j’entends ma souris bouger sur le bureau car je n’ai pas de tapis, elle est directement au contact du bois. Et les notifications de mon ordinateur.
Beaucoup me demandent encore régulièrement, est-ce que tu regrettes d’avoir franchi ce pas ? Aujourd’hui, je dirais non.
Même si parfois, je ressens cette fatigue sonore si intense, si forte.
Elle peut se manifester de temps à autre quand j’ai surestimé mes forces, par le biais d’une migraine où je dois rester dans le noir les yeux fermés sans implants ou bien quelques acouphènes qui viennent me faire croire qu’il y a un marteau piqueur dans la rue qui casse le bitume … J’enlève mes implants pour retourner dans ma bulle qui n’est pas silencieuse dans ces moments.
Aujourd’hui, j’ai cette chance de pouvoir planifier mes journées comme je le souhaite pour justement optimiser mon écoute. Je n’ai pas honte de dire que je fais une sieste de 20 à 25 minutes entre 12h et 15h pour justement être opérationnelle auditivement entre autres !
Le silence revient après la tempête.
Aujourd’hui, j’ai envie de poser ce texte comme souvenir pour cette neuvième année, mais aussi me faire une promesse à moi même. Pour les 10 ans de mes implants cochléaires, il me faudra faire quelque chose d’un peu exceptionnel. Je vous le dirai le moment venu.
Ce mot : implantversaire n’est pas français, mais je voulais dire simplement joyeux anniversaire mes implants, mes oreilles bioniques.