Désormais dans ma bulle de silence…

Dans mon précédent billet, je disais que je partais au pays des rêves artificiels dans moins de deux heures…

Départ au bloc

Je m’étais endormie en attendant le brancardier, j’ai angoissé à mon réveil en sursaut car l’heure était passée, qu’ils m’avaient oubliée car ma chambre était en bout de couloir. Mais non, il y a eu un décalage des opérations, un retard en appelant un autre et ainsi de suite. Je suis donc partie avec 3h de retard au bloc. Mon téléphone mobile étant bloqué dans le coffre-fort du placard, je n’ai donc pu prévenir personne de ce retard.

Le brancardier qui vient me chercher me demande de ranger mes dernières affaires dans le placard, d’enfiler ma charlotte et mes chaussons de bloc pour ensuite monter sur le brancard. Il me recouvre d’un drap telle une momie. Je ne suis pas stressée, juste un peu inquiète de la suite des choses. Je remonte le couloir en sens inverse, je vois les lumières du plafond défiler. L’air qui se rafraichît au fur et à mesure que nous descendons vers le bloc.

Dans le hall des blocs opératoires, je suis transférée sur un autre brancard de bloc, qui lui est encore plus étroit mais confortable pour le dos. À peine plus large que mes fesses, qu’un nouveau brancardier m’attache les hanches avec une ceinture de sécurité large de 15 cm pour pas que je tombe pendant le déplacement du brancard et l’opération.

Je regarde autour de moi, je vois un ballet de blouses bleues, vertes et blanches. C’est calme, pas d’effervescence, les gens qui me croisent me disent bonjour, je leur réponds.

À chaque personne qui s’adresse à moi, je leur rappelle que je n’entends pas, que je lis sur les lèvres. La communication des personnes sourdes à l’hôpital reste encore à améliorer, c’est pas simple car les gens ne peuvent pas deviner si vous comprenez bien ou pas, si vous lisez sur les lèvres. J’y reviendrai.

Le bloc opératoire

L’équipe d’anesthésistes a été super avec moi, ils avaient tous des masques, ils les ont tous baissés au moment de me parler, car quand je suis rentrée dans le bloc j’ai prévenu que je lisais sur les lèvres. J’étais sereine, mais le stress commençait à monter (pas trop tôt tu me diras ! 5h  après la prise du petit cachet calmant).

J’ai retrouvé l’anesthésiste que j’avais vue en consultation, ca m’a rassurée de voir un visage que je reconnaissais. Ses gestes étaient rassurants, maternels. Ils tombaient bien après tout ce stress entre autre à cause du retard.

J’ai craqué sur le moment où il a fallu respirer dans ce masque à oxygène, c’est là où j’ai réalisé que je faisais le grand pas, le saut vers l’inconnu. L’anesthésiste qui me tenait le masque a été vraiment rassurant à me regarder avec un regard souriant et à me faire des signes de pouce levé malgré mes larmes qui coulaient doucement. C’est rassurant de partir au pays des rêves artificiels avec un tel visage apaisant.

La salle de réveil

Le réveil s’est fait avec un visage que je ne connaissais pas mais qui m’était doux à voir, l’infirmière a été bienveillante. Toujours à faire attention à ce que je puisse lire sur les lèvres même si je n’arrivais pas à parler correctement à cause de l’anesthésie. J’étais comme un ours qu’on réveillait ! Elle m’a surveillée pendant 2h30, en me demandant régulièrement si j’ai mal, si j’ai pas de nausées, si j’ai pas de vertiges, j’ai eu droit à de la morphine au réveil. J’avais la tête comprimée dans un bandeau assez serré (au moins 5cm d’épaisseur de bande de crêpe autour de chaque oreille).

J’avais le look de Thomas Pesquet sans son casque d’astronaute si ça peut vous donner une idée de l’épaisseur 🙂 (d’accord j’ai pas décollé avec lui mais c’est tout comme ! )
L’infirmière m’a remis une dose de morphine avant que je remonte pour que je puisse supporter le passage de l’équipe de nuit. Il était 22h.

La nuit

La nuit allait être longue.
À mon arrivée dans ma chambre, j’ai demandé à l’aide-soignante si mon mari était prévenu, elle me répond qu’il y a un monsieur dans le couloir. Je lui dis que s’il est pas chauve et qu’il a pas un manteau rouge, c’est pas le mien ! Elle regarde et me fait un signe de grimace qui me signifie que non pas du tout !
Je lui ai quand même demandé avant qu’elle reparte faire sa tournée de me donner mes compotes de pommes qui sont au fond de mon sac et mes gâteaux pour les mettre sur ma table de nuit ainsi qu’un livre et mon cahier, parce que j’étais bloquée dans mon lit.

Un peu déçue de ne pas voir mon conjoint à mon réveil, je me dis que ce sera pour demain. Je me concentre sur la douceur de ma peluche Licorne pour adoucir cette  déception et essayer de me rendormir sous les effets de l’anesthésie puisqu’il fait nuit.

Un peu coincée entre la sonde urinaire (passage obligé quand tu vas au bloc un long moment, au moins t’as pas ça à gérer en plus de la douleur), les bas de contentions avec un brassard qui compresse et décompresse pour activer la circulation du sang des jambes à un rythme régulier et l’oxygène pour que je puisse respirer sereinement. Au début j’ai trouvé ça pénible, mais au final ça m’a bercée, la tête endolorie comme un œuf de pâques à chercher la bonne position pour dormir au moins sommeiller.

À aucun moment, je n’ai eu des nausées, des acouphènes, j’ai quelques vertiges mais rien de bien méchant comparé à ce que j’ai eu pendant mes crises de vertiges.

Au petit matin

Le lendemain matin, on m’enlève les bas de compression (même système que pour prendre la tension mais sur toute la longueur des jambes pour favoriser le flux sanguin dans les jambes) et le bandeau de compression à la tête pour que je puisse prendre mon petit déjeuner,
Je m’assois. J’ai cette sensation bizarre d’être dans une bulle de « vide ».
Je tourne la tête pour regarder la fenêtre sur ma gauche, voir le temps qu’il fait dehors,  je me rends compte que j’ai mal aux muscles du cou, et étrangement à aucun moment ma tête me fera mal. Peut-être la cicatrice mais guère plus.
Pendant mon petit déjeuner je m’aperçois que j’ai du mal à ouvrir la mâchoire. Je me dis que ça va passer, mon corps est endolori par cette aventure.

Premier voyage en fauteuil

Je dois passer un scanner pour vérifier que les implants sont bien mis.
Le brancardier vient me chercher pour le scanner, premier voyage assise dans le silence.

Quand j’étais appareillée, j’entendais le bruit du scanner faiblement sans mes appareils, cette fois-ci la sensation était différente. Un silence total. Je n’ai compris que le scanner avait été fait parce que le brancard avait bougé. Je n’ai pas entendu le bruit du scanner cette fois-ci.

Quelle sensation bizarre. Impression que personne ne peut pénétrer dans ma bulle de silence. Mes yeux sont à l’affût de tout ce qui se passe autour de moi.

Mes yeux sont mes oreilles désormais.

La sortie

Une fois cet examen effectué, j’apprends que je pourrai sortir à 11h une fois que mes papiers de sortie seront prêts et le scanner vérifié. L’infirmière me fait mon pansement et me préviens que  je peux m’habiller et rassembler mes affaires.
Mon mari a été prévenu (alors que c’est lui qui a appelé au bon moment – la communication, on y reviendra, promis !).
Je fais mon sac au ralenti, je m’habille au ralenti, je fais tout au ralenti pour pas prendre de risques mais de toute façon mon corps veut pas aller vite. Je me rallonge et je m’assoupis en attendant mon mari. C’est son parfum qui me réveillera finalement à son arrivée…

Nous sommes sortis de l’hôpital tous les deux, moi qui marchant à deux à l’heure mais heureuse de sentir cet air frais de dehors. Je mets mon bonnet arc-en-ciel que j’avais tricoté l’an dernier et qui fait pile la taille de ma tête sans pour autant perturber mon bandage. Je sors incognito de l’hôpital. Seule ma démarche me trahit quand je monte dans le taxi.
Je découvre alors un monde animé sans bruit.

Quel silence assourdissant.

Je suis toujours sereine, contente d’avoir sauté le pas, je n’ai pas mal.
C’est le plus important je crois.

PS : il manque certainement des précisions permettant de comprendre ce qui s’est passé ou des passages sont inversés mais en voici les grandes lignes. 

PPS : prochaine étape : l’activation des électrodes prévue pour le 5 décembre 2016, soit 18 jours après mon implantation.

21 réflexions sur « Désormais dans ma bulle de silence… »

  1. Contente que tout se soit bien passé, j’ai trouvé moi aussi l’accueil au bloc opératoire plein de bienveillance et heureusement ! Remets toi bien maintenant et puis on attend avec toi que le 5/12 arrive.
    Bises !

  2. Si tu savais à quel point j’admire ton courage et le recul que tu as sur toute cette grande aventure au point d’être capable de nous en faire le récit au jour le jour. Bravo Sophie. Je pense fort à toi.

  3. Ouf, une grosse étape de passée! Tu t’en est bien tirée et je suis contente de lire que les équipes médicales ont été très bienveillantes à ton égard 🙂 Je te laisse, parfois on arrive pas à poser les mots tellement les sentiments se bousculent. Des bises ma copine! T’es une warrior!

    1. Ca me semblait important d’en parler, j’ai eu du mal à trouver des témoignages de personnes dans mon cas … je les ai certes trouvées mais pas sur des blogs. 😉
      Et sensibiliser ca aide aussi ! des bises !

  4. Ton témoignage presqu’ à chaud, ta décision me bouleverse. Je te souhaite un bon retour chez toi et de belles choses pour la suite.
    Et bien évidemment je t’adresse des bisous di Web

Répondre à cyberbaloo Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.