Suivre une formation

Les Gobelins, l’école des métiers de l’image.
Nouveau choc, nouveau monde, nouveau combat.
Plus un sourd autour de moi. Le vide intersidéral, bon ok, le terme est un peu fort peut-être, mais il fallait que je me réhabitue.

Entrer à l’école des Gobelins a été une chance pour moi.
C’était la première session des Assistants Réalisateurs en Multimédia.
Il y avait une sélection sur dossier.
Sauf que … j’ai tout de même eu un entretien supplémentaire avec les responsables de cette formation pour pouvoir les convaincre que j’arriverais à suivre leurs cours, je devais m’adapter à l’école, l’école ne s’adapterait pas à moi.
J’ai commencé l’année avec une carte de photocopies que j’avais pu négocier à l’entretien au début de l’année.

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Découverte d’un nouveau monde

Le lycée.
J’allais intégrer un lycée privé spécialisé dans l’enseignement des sourds et malentendants à Paris. Cette chance n’était pas offerte à tout le monde.
Pendant ma dernière année de collège, j’avais des camarades sourds en intégration avec moi qui me disaient : “tu vas aller au lycée avec des singes » « tu vas voir ils parlent pas, ils parlent avec les mains« , « tu vas avoir la grosse tête« .
Évidemment, quand t’es le premier de la classe, t’es pas forcément aimé, même si tu fais les conneries qu’il faut pour te faire apprécier.

Appréhension très grosse.

Première rencontre avec des sourds pratiquant la LSF, langue des signes française.
J’avais 15 ans.
Choc frontal avec un autre monde, bien différent de celui que j’avais pu imaginer.

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Trouver sa place à l’école

Il est arrivé à tout le monde de ne pas trouver sa place, de pas se sentir bien à tel moment ou à tel endroit. J’aimerais bien que ces situations-là se reproduisent moins dans le futur.

L’école.
J’ai eu à plusieurs reprises cette sensation de ne pas être à ma place durant mon parcours scolaire, mais la prise de conscience n’était pas aussi forte qu’aujourd’hui. Peut-être que c’est tant mieux. Je ne sais pas.

Ce n’est pas toujours évident puisque le français s’acquiert aussi par l’ouïe et la parole. (oui toi là derrière, ne crie pas, je sais qu’il y a aussi la lsf, le lpc…mais ce sont pas des moyens qui m’ont été donnés dans ma jeunesse) Je ne critique personne, c’est juste un constat de ce que j’ai vécu.

L’école primaire
Je m’étais bien débrouillée en première année de CP. Le corps enseignant a jugé bon de me mettre en intégration dès le ce1. (Certains diraient que c’est de l’intégration sauvage, oui, bon, ne criez pas au scandale, c’est fait.)

Il ne m’a pas été facile de me faire accepter, étant vite le centre d’attention du maître d’école…

Ces traitements de faveur ont fait que je passais très vite pour le “chouchou” du maître d’école.

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Sortir avec des entendants

Parfois, il arrive qu’on fête des anniversaires de personnes qu’on apprécie ! (coucou toi !)

Ces moments qui sont censés être chouette (ils l’ont été pour ma part), il arrive qu’il y ait de la musique (cékoiça ?), un truc d’entendant pour mettre de l’ambiance.

Vite sortir Shazam (une application permettant de te dire ce que c’est comme musique, quel auteur) pour être à la pointe et pas passer pour un looser de la musique même si je le suis profondément… (ok je l’ai pas utilisée ce soir mais j’y ai pensé très très fort !)

La musique n’a toujours été source de « bruit » même si j’aimerais en profiter davantage. Et de surcroit qu’on tamise les lumières pour rendre ce lieu bien plus charmant, cosy, tout ce que tu veux…  (c’est quoi ce tamisage de lumière, franchement ça aide ?!?), soit je commence à sentir la difficulté à arriver.
Pas de silence, pas de lumière…

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Être à l’hôpital

La surdité et l’hôpital ça ne fait pas bon ménage.
Mais je pense que l’hôpital fait pas bon ménage tout court, hein ?

Accompagner un proche à l’hôpital, c’est jamais très marrant me direz-vous.
Mais en tant que personne sourde, c’est carrément PAS marrant du tout.

Déjà aux urgences, pour toute personne valide j’imagine qu’avoir des informations c’est pas chose aisée. A plusieurs reprises, j’ai demandé qu’on me regarde, qu’on articule. Soit. Ca a été à ce niveau avec les infirmières. Les docteurs n’en parlons pas… Au fait si une infirmière ou un docteur passe par ici, il serait bien qu’on ait un déroulé de comment ça va se passer hein, parce que vraiment là, c’est pas terrible terrible du tout.

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Rigoler avec les autres

– « Attends »
– « Non, c’est pas la peine que je te raconte »
– « C’est une blague à 3 francs »
– « Pas maintenant, plus tard »

Voilà le type de phrases que je subis régulièrement, c’est un peu démoralisant d’autant plus que j’essaie de m’intégrer, de vivre en même temps que les autres, sans pour autant rendre les choses pénibles quand je les fais répéter.

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Procurer le silence à un entendant…

Y’a des choses qui arrivent, qu’un proche soit hospitalisé par exemple. Auquel cas être confrontée à des choses qu’on aurait jamais, jamais imaginé mais qu’on le fait parce que c’est automatique (non pas comme les antibiotiques hein), on cherche le bien-être des gens qu’on aime.

Aller chercher des boules quiès, c’est une chose.
Les choisir c’en est une autre !
Ce qui me fait bien rigoler quand on est sourde comme moi 🙂

Voulant remplir ma mission à bien,  je me suis rendue dans une pharmacie et j’ai demandé des « boules quiès » et on me répond « Vous souhaitez lesquelles ? »

Réponse de ma part : « ah parce qu’il y en a plusieurs ? [avec étonnement je ne savais pas] » et réponse de la pharmacienne : « nous avons 2 types de boules quiès, les ….* et les silicones ». Je lui demande de répéter, je comprend toujours pas.

N’ayant pas compris la première option, je lui réponds que je n’ai jamais eu l’utilité de ces boules quiès à savoir que quand j’éteins mes appareils auditifs, je n’entends plus rien mais vraiment rien. zéro, nada, que dalle [pour votre information il me faudrait un 747 pour entendre quelque chose ].

A son tour, elle me regarde avec étonnement… je souris et lui explique que c’est pour un proche qui est hospitalisé, j’enchaine en lui demandant quel modèle elle préférait, elle en tant que personne entendante.

Réponse : elle me tend une boite de boules quiès en silicone bien colorées, qui ne serviront jamais (je suspecte un souci d’utilisation de la chose).
Je repars toute contente avec mon achat, et ma mission remplie.

Je comprends que les personnes entendantes recherchent parfois le silence (qui ne doit pas l’être totalement absolu j’imagine) mais le silence peut être parfois assourdissant, voire vertigineux …

Et toi lecteur entendant, qu’est ce que tu préfères ?

* cires

Vous avez un message !

Rien de plus agaçant d’avoir un téléphone sur son bureau, alors qu’on entend pas et que jamais, jamais on s’en servira ! Et que ce foutu téléphone il restera là quoi qu’on en dise.

Énervant, pourquoi me direz-vous ?

Parce que certains téléphones sont munis d’un répondeur … Ahem. Oui.

Ces téléphones ont des petits boutons, hein, il faut qu’ils servent à quelque chose. Des fois, ca se met à clignoter.

Et rien de plus énervant de le voir du matin au soir clignoter alors qu’on aura pris soin de le planquer derrière l’écran, mais que la femme de ménage le remet à sa place initiale (au secours !), qu’on aura essayé de comploter un assassinat de téléphone (en essayant de prévenir sur twitter) en le débranchant, oui mais comme c’est de la VOip, ben ton PC il lâche le réseau aussi.
Et là je m’aperçois que je suis dans le caca. (ce que je dis à mon fils pour rester polie – même si c’est pas poli de parler comme ça, il faut que ca sorte !! ).

Donc t’es o-bli-gée de le garder sur ton bureau. (si tu cliques sur la photo, tu auras droit à une jolie vidéo condensée de 10 secondes)

Groumph.

Fin mot de l’histoire, ma « ligne téléphonique » a été transférée chez ma supérieure hiérarchique. Personnellement, j’aurais préféré que la ligne n’existe pas carrément, histoire qu’on se dise bien que je suis la nana qui est sourde mais qui parle.
Oui mais j’entends pas au téléphone !!!

 

J’avais un rêve, Paris Web l’a fait

Pardon d’avance si j’ai oublié des personnes, je les remercie chaleureusement.

Le streaming de 2010

 

Cela faisait déjà 2 ans que ma moitié y allait sans moi, frustration de le voir partir le matin, et le voir rentrer le soir avec la banane aux lèvres, et me dire intérieurement : « et moi ? »
En 2010, j’ai appris bien trop tard qu’il y aurait de la vélotypie à Paris Web. Il n’était pas concevable pour ma part d’aller à Paris Web en payant le prix fort, d’autant plus que je n’avais pas les moyens à ce moment-là (parfois, il faut faire des sacrifices)

J’ai donc suivi l’édition 2010 via internet grâce au streaming et à la vélotypie retransmise en direct également. J’en garde un excellent souvenir (mon fauteuil aussi). Je travaillais à la maison à cette époque-là. J’ai finalement posé ma question sur le twitter de Paris Web, en demandant si la prochaine édition serait sous-titrée. Ma moitié a vu mon tweet passer sur l’écran, a demandé à prendre la parole et a posé ma question.

Une chose était certaine à ce moment-là : l’équipe de Paris Web a dit qu’elle allait essayer de tout faire pour renouveler cet exploit de vélotypie et voir comment avoir des interprètes LSF.

Début 2011, je me remets en question, à savoir si je devais changer de métier, changer de voie, puisque je n’arrivais plus à trouver du travail.
Était-ce la faute à mon handicap, la faute à ma motivation, ma confiance qui était au niveau zéro depuis quelques temps.

Les apéroweb

Lors d’un apéroweb (merci à V-Lentz sans qui cela n’existerait pas, cependant j’ai une réclamation : mais pourquoi le lundi et pas le vendredi ?!?), ma moitié met au défi les quelques personnes présentes de me proposer du boulot, de dire que c’est pas le handicap qui prime mais les compétences.

C’est chose faite.

J’ai rendez-vous pour un boulot, j’accepte avec appréhension, la peur au ventre de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur des attentes.
Durant quelques mois, je me remets à faire du css, du SPIP.
Merci à Cym de m’avoir fait confiance.
Merci aux spipeurs du chan #SPIP, j’ai appris plein de choses et j’y reviendrai 🙂

En Mai, @Sebcbien me confirme qu’il y aura de la vélotypie et des interprètes pour l’édition 2011.
Je trépigne de joie … mais aussi de peur, de rencontrer ces personnes que je ne connais qu’à travers un écran virtuel, avec qui j’ai échangé des mots peut-être parfois un peu « directs » pour certains, mais un réel échange s’est noué. Il m’est plus facile de communiquer par l’écrit que par l’oral quand je ne connais pas la personne.

Devenir Oratrice

 

Arrive l’atelier des orateurs « Maman j’ai peur je ne veux pas y aller » pour se préparer à être orateur, je me décide à la dernière minute à y aller. Je me dis que cela ne peut pas me faire de mal et me donner un aperçu de ce que ca pourrait être. J’y vais. Moment difficile, vaincre sa timidité, prendre sur soi, avoir confiance, il y a eu des grands moments de solitude, être contente mais ne pas arriver à parler, à aller vers les gens pour échanger … Finalement, ce fut enrichissant même si je suis restée discrète. Merci à @Nissone et @Cheekfille pour vos encouragements.

L’appel aux orateurs arrive, je me dis que oui après tout je peux tenter ma chance moi aussi, et que je verrai bien ce que cela donnera … Après tout, ma proposition pouvait très bien ne pas être retenue. Et auquel cas, j’étais sauvée si ce n’était pas retenu. Oui je sais, je suis un peu folle sur les bords.

Fin juin, la réponse tombe. Ma présentation a été retenue. La pression monte d’un cran. Je me prépare mentalement, je finis visiblement la première mes slides et mets la pression à tout le monde. Pardon Stéphane, c’était pas voulu !

En août, c’est les vacances, je m’arrange pour pouvoir faire une présentation d' »entrainement« .
Merci à vous d’avoir rendu cela possible, ça aide beaucoup.

Les 3 jours à Paris Web

 

Soirée Orateurs, la pression monte d’un cran, je comprends difficilement les personnes faute de calme, saluer entre autres les personnes qu’on a « croisées » par-ci, par-là, sur twitter, un peu partout … Ça fait bizarre… 🙂

Vient le jour J, la peur au ventre, de ne pas y arriver, d’être nulle, de faire un fiasco. L’ambiance dès l’arrivée est chaleureuse, on s’y sent comme chez soi.
L’équipe toujours là pour avoir le petit mot qui fait plaisir, qui rassure ou tout simplement le regard.
Je me suis dit que j’étais dans un rêve et je n’y croyais pas.
Une fois ma présentation terminée j’ai commencé à réaliser que c’était arrivé.
Que je n’étais pas dans un rêve mais que c’était bien réel.

J’assiste aux conférences, je savoure avec la vélotypie (la langue des signes moins pour ma part mais c’est un support qui peut aider parfois quand il y a vraiment besoin ou quand il y a pas de vélotypie ce qui était le cas dans le petit amphi). J’alternais entre l’interprète LSF et l’orateur quand il était bien audible. (oui, il y a certains orateurs qui articulent vraiment ! je ne citerai personne pour pas faire de jaloux)
Vient la soirée de l’apéro communautaire, ambiance détendue, c’était chouette. J’étais bien même si parfois j’arrivais plus à comprendre parce que la fatigue était là, et mon cerveau arrivait plus à fournir, trop d’infos à emmagasiner en si peu de temps. C’est pire que du lait concentré. si, si, overdose.

3 mojitos. Merci à @tetue pour le dernier mojito. Il m’a emmené au pays des bisounours.

Retour à la maison, les larmes de fatigue, de joie, coulent de réaliser que c’est vraiment arrivé et que putain (pardon maman pour la vulgarité), que oui moi aussi je sais faire quelque chose dans le web, et que je peux assurer (les personnes qui m’ont employées pourront me le confirmer enfin j’espère ! y’a que les personnes modestes qui sont de véritables experts. Merci Nico.).

2ème jour, pareil. Que du bonheur. Que du #sharethelove. Etre entourée de gens qui comprennent ce que tu fais, qui parlent « ta langue ».

Vient le 3ème jour (promis y’a pas 7 jours !), les ateliers c’est un peu plus dur, car plus de vélotypie, plus d’interprètes. Mais, mais… pour faire durer le plaisir d’avoir assisté à ces trucs, je choisis avec soin les personnes que je peux suivre.
Me montrer à chaque atelier en disant : « steupléé m’oublie pas, articule !!  »
Oui, même Denis Boudreau avec son accent québécois.
J’ai pris le risque, et j’ai savouré encore plus !

 

Cocotte Aujourd’hui, ça fait 3 jours que Paris Web est terminé, mais grâce à vous tous, ça dure encore un peu grâce aux sublimes photos que vous avez faites, grâce aux cocottes en papier (y’a un concours qui se prépare), et grâce à la gentillesse et générosité des gens que j’ai rencontrés, je crois que je vais continuer dans le web encore un peu … peut-être m’orienter davantage vers l’accessibilité si j’arrive pas à faire du code et du spip. Mais au moins faire quelque chose d’utile et productif.

J’ai peut-être encore des choses à dire, mais pour l’instant c’est ce que mon cœur m’a dicté. Et la larme à l’œil est pas loin…

Merci à vous.

#sharethelove
J’avais un rêve, vous l’avez réalisé.

S’intégrer dans une équipe

Un nouvel épisode, écrit à chaud pour que toi, lecteur entendant puisse comprendre mes émotions.

ça fait plusieurs fois que ça se produit, je ne vise personne en particulier.

Être au sein d’une équipe/groupe, c’est super car il y a des échanges, des réflexions, et surtout je ne suis plus seule. Que du positif.

Oui mais non, c’est à double tranchant.

Double tranchant pourquoi ? Parce que tu veux faire bonne impression d’une part, et d’autre part il faut ré-expliquer ton handicap.

C’est pas toujours chose aisée.

La surdité c’est plus compliqué que ça.

Suffit pas de parler plus fort (entre nous, ça me sert à rien),
Suffit pas de se rapprocher de moi et baisser la tête vers le bas (c’est pire parce que je dois « descendre » physiquement pour être à ton niveau),
Suffit pas de ne pas bouger le corps, mais dodeliner de la tête, ça aide pas non plus… (j’essaie de faire avec mais des fois avec la fatigue je laisse tomber),

Lecteur entendant, si tu n’articules pas, que tu me regardes pas, je peux pas comprendre ce que tu me dis.
Pardon si je pète un cable, mais j’ai beau faire des efforts, mais parfois c’est sur-humain ce que tu me demandes.

Ne pas comprendre une conversation « ping-pong » ça arrive souvent, oui parce que ça va très vite, et moi le temps que je comprenne…

C’est à retardement, c’est très chiant d’arriver après.
Mais surtout c’est nul d’avoir un train voire un wagon de retard dans la conversation : j’ai l’air con au final, et j’aime pas ça.