Moment suspendu

Vue de Pralognan de nuit après une heure de marche en raquettes à la nuit tombée

Je viens de sortir de chez moi. Il est 7h35, je suis contente, j’ai tenu ma décision ce matin. Hier, je n’avais pas réussi, l’inertie s’était emparée de mon corps, la seule chose qui marchait étaient les larmes. C’était un jour profondément sans. Parfois, reculer pour mieux sauter, ça marche.

Dehors il fait nuit noire.

On dirait que les mers qui étaient déchaînées et noires hier se sont calmées.

Je marche vers la gare, je lève la tête, je vois le croissant de lune. Il brille de mille feux comme si on avait pointé l’éclairage sur lui.

Blanche comme neige dans cette nuit noire.

Je continue à marcher, le goût du café fraîchement avalé dans la bouche. Le nez qui commence à être engourdi par le froid. Quelques picotements apparaissent. Je renifle, je me moucherai à la gare. En attendant je marche, la tête dans mes pensées, enregistrer tout ce que je vois, ce que j’entends et sens.

J’entends quelques oiseaux pépier, ça y est, ils se réveillent alors que le soleil n’est pas encore levé. Ils me surprennent. Les pépiements, c’est vraiment quelque chose que je n’aurais jamais imaginé entendre et surtout, je pensais que c’était par période et non pas tout le temps. C’est je crois une de mes plus belles victoires depuis mes implants cochléaires.

Je continue à marcher, mes baskets claquent quand je marche, la rue est droite, dépeuplée des enfants qui y passent aux heures de pointe. Les voitures brillent. On dirait qu’une fée paillette est passée cette nuit. Non, c’est tout simplement le givre qui se révèle sous les lampadaires. J’aime croire que ces voitures ont des paillettes… ça rend les choses plus poétiques.

J’avance, le silence est présent dans la rue à part les pépiements d’oiseaux. Je vois le bus au bout de la rue qui passe et j’entends son moteur vombrir. C’est fou comment on peut entendre plein de détails… dans ces moments calmes.

J’arrive au bout de la rue, je regarde le sol pour ne pas tomber, j’entends un roulis de train qui passe sur le pont pas très loin de là où je suis… le rer vient de partir de la gare. Les lumières du train clignotent dans la noirceur de la nuit. Elles éclairent les alentours par leur puissance dans la nuit. C’est n’est pas grave, j’aurai le prochain. Je suis à l’heure.

J’entre dans la gare. Elle est éclairée. Tout est calme. On n’entend que le bruit métallique du tourniquet qui tourne à chaque passage.

Je monte sur le quai. Je me mouche. Je mets mon masque ffp2. Je suis prête. Le train peut arriver.

Bonne journée !

Rendre un podcast accessible aux sourds

Jacques Villeret dans la Soupe aux choux

Les podcasts ont la côte ces derniers mois, tout le monde s’y met. Si on regarde d’un point de vue général, c’est un format pratique, je le comprends, je peux le charger avant de partir de chez moi et l’écouter sur mon trajet de transport, pendant que je fais une course à pied ou encore pendant la préparation du repas du soir, etc… 

Pourquoi écouter des podcasts si t’es sourde ? 

Avez-vous imaginé comment je pouvais m’approprier ce nouveau média ? Impossible pour moi de l’écouter sans avoir un texte sous les yeux.

Dans le cadre de ma rééducation sonore je peux faire cet effort mental de relier le son que j’entends et le texte que je lis. Je ne le fais pas assez souvent car c’est assez énergivore.

J’ai cherché des podcasts où ça ne parlait pas trop vite, le son n’est pas trop parasité par la musique ou trop mauvais, un sujet qui peut être intéressant. Il me faudrait des podcasts très courts et retranscrits pour commencer. C’est un moyen de faire de la rééducation auditive et sonore de façon sympa quand on a des implants cochléaires. J’en ai trouvé quelques uns que je vous partagerai sur un autre billet. 

Et, enfin, avoir accès à l’information comme tout le monde sans avoir à faire des efforts pour comprendre. 

Les formats 

On a la radio qui est un format audio diffusé en direct, autant dire que je n’ai jamais vu jusqu’à aujourd’hui d’émission radio qui diffuse des sous-titres ou un texte en direct. Si ça existe, partagez le lien ! 🙂

Le podcast est un format audio pré-enregistré ou un replay de la radio en direct. 

Et dans ce que je connaissais jusqu’à aujourd’hui, je me suis rendue compte. Il y a trois styles :  

  • Le podcast 
  • Le podcast sous-titré sur une plate-forme vidéo
  • Le podcast retranscrit à l’arrache

J’ai fait l’expérience avec trois podcasts, mais les styles sont bien plus nombreux que je pourrai éventuellement détailler dans un autre billet.

Premier exemple : le podcast 

Il n’était pas accessible, j’ai cherché un moyen rapide de retranscrire le son sans rien demander à personne. La dictée. Oui, la dictée.
J’ai trouvé ça fastidieux et long. Un podcast de 50 minutes, il faut lancer son ordinateur et attendre que la transcription se fasse en temps réel. 
J’avais 2 options, la première étant de lire au fur et à mesure, la seconde attendre et lire la retranscription.

Si je compare avec une personne qui entend, j’ai perdu 50 minutes de mon temps à avoir la transcription bloquée derrière ma machine alors que mes copines par exemples auront pu faire autre chose en même temps, du style tricoter !

Second exemple : le podcast sous-titré sur une plate-forme vidéo

C’est un podcast « sous-titré » sur une plate-forme vidéo. Le sous-titre est incrusté sur une image figée tout le long de la durée. Il n’y a pas moyen de modifier le format du sous-titre puisqu’il est « imprimé » directement sur l’image.

Certains podcasts demandent à ce qu’on reste derrière l’écran durant la durée. Regarder mon écran d’accord, ça c’est possible.
Une même image pendant 10, 15, 20 minutes avec seulement des sous-titres incrustés en plus ? 

Si je prends ce format, je peux pas faire une course à pied et regarder ce podcast sous-titré. Imaginez le nombre de poteaux sur mon trajet que je me prendrais ! C’est à mon sens, contre-productif.

Troisième exemple : le podcast retranscrit à l’arrache 

C’est un podcast qui a une transcription textuelle de son contenu audio.

Il y a un pré-requis pour que l’accès à l’information soit équitable pour toutes et tous : diffuser le support audio et écrit sur la même interface, sinon ça n’a pas de sens.
Devoir chercher une transcription placée sur un site sans que son lien soit diffusé sur les différentes plates-formes de podcasts … et inversement, trouver un podcast mais ne pas savoir s’il y a une transcription quelque part.

Ou encore trouver un podcast avec un texte de 3 kilomètres dans la description du podcast, ce n’est pas une solution idéale ! On ne sait pas si c’est un contenu intégral, synthétique. 

Et le RGAA dans tout ça ?

RGAA veut dire Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité, il est appliqué en France. C’est une méthode technique qui permet de vérifier qu’un contenu web est conforme. (j’ai simplifié au max pour perdre personne)

La méthode technique du RGAA permet de vérifier que tout contenu HTML est conforme aux 50 critères de succès des niveaux A et AA de la norme internationale WCAG 2.1 qui ont été retenus dans la norme européenne de référence pour établir le niveau d’exigence légale en matière d’accessibilité numérique.

https://accessibilite.numerique.gouv.fr/

En faisant cet effort de transcrire le contenu de votre podcast, vous cochez les cases des critères suivants (attention, il y en a d’autres pour d’autres cas de figure) :

  • Critère 4.1 – Chaque média temporel pré-enregistré a-t-il, si nécessaire, une transcription textuelle ou une audiodescription (hors cas particuliers) ?
  • Critère 4.2 – Pour chaque média temporel pré-enregistré ayant une transcription textuelle ou une audiodescription synchronisée, celles-ci sont-elles pertinentes (hors cas particuliers) ? 

En résumé

Ma préférence va à la transcription du podcast.
Avec cette technique, je peux choisir d’accéder à ces podcasts à n’importe quel moment dans ma journée sans dépendre de la technologie et de personne.

La transcription doit avoir les éléments suivants et diffusée sur le support audio : 

  • Titre du podcast et de l’émission
  • Auteur/autrice ainsi que les intervenants
  • Date de diffusion
  • Minutage (option)
  • Nom de la personne qui parle et ses propos
  • Ajout d’informations (voix-off, musique, bruits présents dans le podcasts)
  • Suppression de tics de langage
  • Disponible en téléchargement au format texte pour être accessible au plus grand nombre et sur tous les supports. 

Quelle technique pour transcrire du son en texte ? 

Je n’ai pas préparé de liste de logiciels. Uniquement des conseils : 

  • Utiliser la dictée vocale pendant l’enregistrement et relire ensuite (c’est ce que j’ai fait pour mes premiers podcasts que je voulais écouter), en cherchant un peu, vous en avez forcément une sur votre machine,
  • Utiliser des outils (speech-to-text) permettant de le faire,
  • Reprendre le script de votre émission et le compléter au clavier manuellement pour corriger les erreurs.

À vos micros et claviers !

2023, abacadabra ou espoir ?

Feu d'artifice rose pâle qui éclate dans un ciel couchant en bord de mer

Les fêtes de fin d’année sont passées. 
Le Père Noël a fait sa tournée, j’espère que tous les petits et grands ont vu leurs souhaits réalisés ! 
2022 a laissé place à l’année 2023.

Abacadabra ?

Depuis le premier jour de l’an, je vois passer beaucoup de messages de nouvelle année. Ça me gêne. Ça me met mal à l’aise. Pourquoi ?
Parce que j’ai l’impression que tout le monde dit la même chose. On dirait que c’est du « copier-coller ». C’est rude à dire, je suis d’accord. 

Ne soyez pas surpris si moi aussi, je vous ai souhaité « meilleurs vœux pour 2023 » ou si j’ai répété votre message d’une manière ou une autre.

Je n’ai pas envie d’être un mouton parmi d’autres. Je veux rester moi. 
Ça sonnerait faux si je disais que j’ai eu une super année 2022 et que j’ai hâte de remettre ça ! 

En réfléchissant, je me rends compte que les deux années de Covid m’ont bien coupée du monde puisqu’il y a eu des confinements, l’apparition du masque sur les gens. La société inclusive, on repassera puisqu’elle a une incidence à tous les niveaux imaginables. Qu’on en soit encore là en 2023, ça me fait peur. La sobriété énergétique est de mise partout et la vie qui ressemble à un grand 8 émotionnel.

Le but n’est pas de lister tout ce qui est négatif. Je sais que nous avons tous et toutes besoin d’y croire. Besoin de positif, de nouveau, et profiter du changement d’année pour oser rêver, espérer du mieux. 

« On peut pas dire que tout est rose et aussi on peut pas dire que tout est noir ! » 

Je vous dis : 2023, année de l’espoir

Avec ces deux années de covid, j’ai appris à savoir ce qui était essentiel même si parfois je me trompe encore.
L’apparition du masque m’a forcée à mieux entendre et reconnaître certains sons.
La société a évolué mais pas assez vite à mon goût, il est difficile de ne plus penser accessibilité encore en 2022 et je m’efforce de faire de mon mieux, 
La sobriété énergétique m’a fait prendre conscience que je suis extrêmement chanceuse. Le fait de repenser notre consommation d’énergie pour en avoir suffisamment chaque jour. Elle me permet d’entendre et de communiquer avec toutes ces nouvelles technologies qui en ont besoin comme mes batteries d’implants cochléaires, mon smartphone et mon ordinateur pour communiquer, 
La vie m’a fait prendre conscience à plusieurs reprises en 2022 qu’elle pouvait être courte et parfois écourtée si injustement. 

Je ne peux que vous souhaiter de profiter de la vie intensément chaque jour, d’être heureux, de garder la motivation pour réaliser vos souhaits quels qu’ils soient.

Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes c’est celui de chacun.

Boris Vian – L’écume des jours

Joyeuses fêtes !

Étoile de noël au crochet

Tout au long de ce mois de décembre 2022, j’ai eu à cœur de partager un pan de ma vie de sourde sans filtre, des moments précieux, des conseils et des émotions. 

Je vous souhaite de passer de joyeuses fêtes de fin d’année entourés de vos proches que vous aimez, même si je sais que pour certaines et certains d’entre-vous seront seuls ou auront des personnes manqueront à l’appel. Ces personnes absentes sont avec vous par la pensée, en vous. 

Je vous souhaite de découvrir de nouveaux sons, comme l’eau qui coule, le vin qui est déversé, les boissons à bulles qui font du bruit au contact du verre. 

Prêtez-y attention, vous verrez, ce sont de jolis sons. 

Écoutez le son de vos proches qui découvrent leurs surprises. L’exclamation, les petits cris de surprise et de joie ainsi que le bruit du papier déchiré, qui bientôt ne fera plus partie de nos quotidiens si tout le monde passe au papier cadeau en tissu…  Découvrez les sourires authentiques que vous voyez rarement qui s’expriment avec le corps, le sourire du cœur. 

Prenez soin de vous, et merci de m’avoir accompagnée tout au long de ce mois de décembre ! 

Les sous-titres, c’est pas automatique ! 

Moi en train de présenter la conférence devant une salle remplie à Paris Web. Sur l'écran est indiqué le titre suivant : "je veux un vrai sous-titrage !"

La nouvelle tendance sur internet est de publier un média vidéo (enregistré ou en live) quel que soit le réseau. Je n’ai pas mis d’images volontairement car je ne veux pas viser qui ce soit.

Blanc sur blanc : des sous-titres blanc incrustés dans l’image de la vidéo

L’intention d’incruster des sous-titres part très certainement d’une bonne intention. Une vidéo, c’est une image qui bouge, en l’occurrence qui a des couleurs qui varient de temps à autre. Il peut arriver qu’on ait des zones claires voire blanches sur le bas de l’écran : du blanc sur du blanc. 
Ça devient vite illisible.

Astuce : si vous incrustez le sous-titre sur la vidéo, mettez un fond noir opaque pour améliorer la lisibilité. En plus, vous aiderez les personnes qui ne voient pas très bien les contrastes de couleur. Désactivez le sous-titrage automatique si c’est le cas d’un sous-titrage incrusté. Vaut mieux un bon sous-titre que 2 mauvais.

Automatique : des sous-titres générés automatiquement 

Excellente idée, cela permet de gagner un temps précieux puisque l’interface fait le travail toute seule. Il peut y avoir une reconnaissance de la bande sonore. On y retrouvera souvent la transcription automatisée de la parole et des indications s’il y a une présence de musique.
Par contre, attention, s’il y a un usage des termes un peu techniques ou spécifiques, ça part très vite en sucette. Activer c’est bien, vérifier c’est mieux ! 

Astuce : exportez les sous-titres et vérifiez le contenu de ces sous-titres s’ils correspondent à ce qui est sur la bande sonore. S’il vous reste un peu de temps, essayez de couper les phrases correctement. C’est assez pénible de devoir recoller les morceaux quand c’est mal coupé, non ? 

Les 2 premières minutes : des sous-titres au début de la vidéo

Une vidéo sous-titrée, c’est génial ! On se laisse vite prendre par la vidéo et au bout de 2 minutes il n’y a plus de sous-titres. 
À qui ce n’est pas arrivé de regarder une vidéo en se disant : « c’est bon, je suis tranquille pas besoin de mes écouteurs ». Et plouf, les sous-titres disparaissent.
Soit il y a un souci de licence (gratuit vs payant), soit vous avez eu une coupure dans votre action et vous avez oublié par la suite, soit la flemme de finir parce que c’était trop long. 

Astuce : faites les choses jusqu’au bout ! Imaginez qu’on fasse la même chose avec le son 🙂

Placement du sous-titre sur la vidéo

Un réel qui a des sous-titres incrustés, génial d’y avoir pensé ! Souvent, les sous-titres sont pas bien placés selon le support de diffusion. Les réseaux sociaux ont chacun leurs spécifications techniques. Par exemple sur instagram, les informations de la vidéo vont être au même niveau que le sous-titre, il faudra mettre l’écran en pause à chaque affichage de sous-titre. C’est, comment dire… pénible !

Astuce : Adaptez le positionnement du sous-titre comme vous adaptez le format de la vidéo qui est diffusée. 

Les sous-titres, ce n’est pas automatique !
Il y a encore des habitudes à prendre pour que tout le monde, moi la première, puisse y accéder confortablement. 

C’était l’avant-dernier billet pour clore ce calendrier de l’avent 2022.
Vous pourrez me retrouver sur mon blog : https://www.sophie-drouvroy.com en 2023

Jour 23 – La photo a été prise par un photographe lors de l’édition 2011 de Paris Web. (faites moi signe pour que je crédite la photo !)

10 choses à ne pas faire avec une personne sourde

Deux implants cochleaires Nucleus 7 face à face formant un cœur au centre de la photo

Il est parfois bon de rappeler les choses basiques

  • offrir une paire d’écouteurs à une personne implantée, le son passe plus par la cochlée !
  • offrir une place de spectacle, sans avoir vérifié avant si c’est accessible ou si c’est visuel
  • s’éclairer à la bougie sous prétexte de sobriété énergétique, un bon éclairage est important
  • cacher votre bouche avec ses doigts ou de parler la bouche pleine, la lecture labiale sera plus facile
  • crier, articuler exagérément ou même sourire en parlant, ça déforme la lecture labiale, parlez normalement
  • évitez les bruits de fond, c’est difficile de faire la différence entre la parole et le fond sonore
  • parler tous en même temps, je vous écoute et je mobilise toute mon énergie pour comprendre
  • parler dans le dos, ça ne sert à rien mes yeux sont pas derrière la tête, je lis sur les lèvres
  • reformuler votre phrase tout de suite sans avoir essayé de la répéter une fois ou deux, j’ai un cerveau mais je ne suis pas une machine à comprendre
  • rester complètement immobile, votre corps et votre gestuelle communiquent aussi !

Je suis fatiguée mentalement

Perspective du tunnel rouge de l'opera avec son tapis roulant

Il y a des matins comme celui d’aujourd’hui qui arrivent, ils sont spéciaux. 

Spéciaux parce que je suis fatiguée mentalement, 
Spéciaux parce que j’ai donné une autre image que celle que je ressens, 
Spéciaux parce que le trajet en métro n’est pas toujours marrant, 
Spéciaux parce que les tristes nouvelles c’est pas toujours facile à accepter et il le faut, 
Spéciaux parce que je veux rester dans ma bulle de silence,
Spéciaux parce que je suis fatiguée mentalement tout simplement. 
J’ai envie de silence même si je veux comprendre et voir les personnes qui m’entourent.

Parfois, c’est juste le démarrage de la journée qui est compliqué… Ça arrive à tout le monde. 
Parfois, j’ai envie de rendre les armes mais je tiens bon. 

Parce que je ne veux pas que la dépression reprenne le dessus.
Parce que je ne sais pas pourquoi je suis comme ça, j’essaie de trouver des excuses, des solutions.

Il faut juste accepter d’être comme ça. 

J’ai pris ma tasse de café double ration, mes deux tranches de brioches et je me suis installée pour commencer ma journée de télétravail. La première visio m’a mise de bonne humeur. J’ai continué sur ma lancée jusqu’au déjeuner. 

À midi, j’étais inspirée pour écrire mais j’ai été interrompue par mon petit monde. J’ai oublié finalement ce que j’avais en tête. 
Quelqu’un hier m’a dit « les écrits restent, les paroles s’envolent ». Cette personne avait raison de me rappeler cette expression. 

Cet après-midi, j’ai repris ce que j’avais à faire.

Dans mon métier, je fais des audits d’accessibilité. J’ai à coeur de bien faire mon travail mais ce n’est pas toujours aussi simple qu’on le croit. Je pourrais penser que je suis nulle, que je sais pas, mais en fait, je suis persuadée d’être en apprentissage permanent. Je n’ai pas envie de perdre mon énergie. 

Accepter et savoir dire « je ne sais pas »,  c’est à mes yeux important. 
Reconnaître que je peux me tromper, que je me suis trompée, c’est tout aussi important. 
Être humble, c’est bien aussi.
Ça ne fait pas de moi une personne mauvaise ou incompétente. 
C’est un sentiment désagréable pour moi, mais je reste convaincue que c’est ce qui fait ma force. 

Par contre, une chose qui m’agace profondément. Je ne dis pas que tout le monde doit être parfait, tout savoir mais…

les choses simples de l’accessibilité, comme les alternatives textuelles des images, les contrastes de couleur, et bien d’autres choses… 
Quand je repense aux remarques qu’on m’a faites au sujet de la mise en accessibilité dans le passé du type « ah mais c’est pas dans le cahier des charges », « on est pas payés pour ça ». 

Je dis : Ca suffit. 

Même moi, quand je déroule ma timeline des réseaux sociaux, je vois encore des podcasts qui n’ont pas de transcription écrite, et je me dis qu’on m’a encore laissée au bord de la route. 

Le monde que j’avais imaginé devient de plus en plus utopique. Je suis fatiguée mentalement de réclamer ce droit qui m’est dû aussi alors que je fais de mon mieux. 

Cher Papa noël,

Sophie, assise sur les genoux d'un Père Noël qui fait 2 mètres 50 de haut.

J’ai aimé penser que tu étais une vraie personne qui parcourais le monde en traineau avec tes rennes. Enfant, je me demandais comment tu pouvais livrer des cadeaux par milliers, comment tu faisais sans cheminée ? 

Le sapin était décoré, Petit Papa Noël de Tino Rossi marchait souvent. Je ne comprenais pas les paroles, ni la mélodie, mais l’amour et l’ambiance y étaient. Je m’appliquais à bien poser le vinyl correctement sur la platine. Mettre ce diamant qui permettrait à ma famille d’entendre cette jolie musique sortir de cette boîte. 

Les soirs de décembre, quand il faisait nuit noire, je montais sur ce grand bureau noir accolé à la fenêtre. J’y guettais quelque chose. Quelle forme ? Quelle couleur ? Rouge certainement. 
Quand la neige tombait, c’était encore plus beau à voir, c’était magique pour moi. Dans ces moments-là, je me rappelle que je n’avais pas mes appareils le soir. C’était souvent avant d’aller me coucher. La neige est associée au silence pour moi. Le paysage devenait blanc et je t’imaginais en train de braver les flocons de neige. 

Mon esprit avait mille et une idées pour ton voyage du 24 décembre.
Même si tu en avais l’habitude, ça ne devait pas être simple pour toi ce soir particulier. Tu arrivais à déjouer les fuseaux horaires pour que tout le monde ait son cadeau. 

Mon cousin du même âge que moi, me soutenait que le Père Noël savait ce que je voulais et qu’il passait parfois par la porte ou la fenêtre. Le soir du réveillon, nous allions tous ensemble avec les cousins dans un coin à l’écart au calme pour attendre le Père Noël. Il passait et déposait ses paquets au pied du sapin. L’excitation était à son comble dans ces moments-là du plus vieux à la plus jeune. 

Nous étions une bonne douzaine d’enfants. J’étais la seule à ne pas entendre. Tous sensibles à ce détail, qu’ils faisaient tous attention à ne pas m’oublier, j’ai vécu mes plus beaux noëls avec eux. Ils me donnaient les informations qu’ils pouvaient obtenir ou entendre. Je me rappelle d’une année d’un de mes cousins dont j’étais très proche, il était tellement expressif que je comprenais à son visage ce qui se passait. 

J’ai longtemps cherché à savoir comment je pouvais communiquer avec toi.
Quand je me suis retrouvée devant toi à 5 ou 6 ans, je n’ai pas pu te parler. J’étais trop intimidée par la personne que tu es. Je ne pouvais pas te comprendre. Tu as une magnifique barbe blanche, douce et épaisse.

Je n’ai pas oublié ma liste au Père Noël, je sais que je suis pas super en avance.
Mais j’ai été sage ! Je me suis appliquée à bien travailler, un peu trop même. Ca va beaucoup mieux. J’en ai tiré des leçons. Et quelques bêtises, tu verras, rien de bien terrible. 

J’ai un voeu que j’aimerais réaliser en 2023 : un projet d’écriture.
Peut être que tu pourras m’aider à le réaliser, à trouver une maison d’édition ? 

Merci Papa Noël, 

PS : voici mon email : sdrouvroy arobase gmail point com
Jour 20 du calendrier de l’avent – Ce billet est dédié à mes cousins et cousines… ❤️

J’ai un sosie !

Chatte noir qui baille aux corneilles, la langue rose et les crocs bien visibles. On la voit sur une couverture arc-en-ciel

Plus exactement, je rencontre tout le temps des sosies labiaux. Ça me semblait important d’interpeller votre attention sur ce sujet. On en parle très peu et pourtant on les rencontre tous les jours. Ils sont nombreux.

Qu’est ce que c’est ?

C’est quand deux mots ont la même image labiale.
Par exemple, les sons « a » et « an » sont très proches en lecture labiale. Les sons « p », « b », « m » ou « f » et « v » ont exactement la même lecture labiale.
Je peux confondre un mot à un autre.

Ca arrive à tout le monde et alors ?

J’entends mais je ne comprends pas tout. C’est un peu la dictée à trous qui fait partie de ma vie. C’est un exercice énergivore, c’est une véritable gymnastique du cerveau. Je suis souvent sauvée par le contexte de la conversation, des phrases. Ne soyez pas surpris quand je suis en mode « j’ai pas compris ». Parfois, il suffit simplement de répéter la phrase et si je n’ai toujours pas compris alors il faut changer le mot et pas la phrase pour que je puisse m’y retrouver.
Honnêtement, ça génère de la fatigue sonore.

J’adorais ça quand j’étais jeune car j’étais dans ma zone de confort à l’école avec ces dictées que mes camarades n’aimaient pas. Je trouvais toujours les bons mots. Il faut bien trouver des avantages ! Mais au bout d’un certain temps, c’est moins drôle.

À quoi ça peut ressembler ?

Voici quelques exemples qui reviennent souvent :

  • Mets ton pantalon / Bois ta menthe à l’eau.
  • Va prendre le bain / Va prendre le pain.
  • Il va acheter un pull / Il va jeter une poule / Il va acheter les moules

Niveau de lecture

Ma lecture labiale ne sera pas la même qu’une autre personne sourde. Nous avons tous et toutes des niveaux différents. Depuis que j’ai mes implants cochléaires, quand je suis dans un environnement calme, je me sers moins de la lecture labiale. Le son que je perçois va de pair avec ce que je lis.

Parfois, je suis dans un environnement sonore, festif, et là, je vais pas m’appuyer sur ce que j’entends mais sur ce que je vois.

Toujours pas convaincu ?

C’est une situation qui est certainement arrivée à plusieurs d’entre vous. Quand vous êtes au café et que vous attendez votre interlocuteur. Vous êtes pressés d’échanger avec elle, la tentation de communiquer est grande. Essayez de parler avec cette personne à travers la vitre. Vous aurez bien des surprises sur ce que vous aurez compris.

Voici une situation cocasse qui m’est arrivée pas plus tard que cette semaine.

— Tu feras une aloche à ton mari de ma part.
— Quoi ?
— Tu feras une aloche à ton mari !
— Quoi, une taloche ? Non mais ça va pas la tête ?
— Mais non, une aloche !
— Je ne comprends pas !
— Mon interlocuteur mime le mot.
— Je ris aux éclats, j’en pleure.

Avez vous deviné ? 🙂

Déconnectons-nous !

Enceinte de musique allumée, on voit le bouton entouré d'une lumière bleue

À l’heure où tout le monde prône la déconnexion, mais aussi réduire l’usage des objets connectés et en même temps a peur de cette pénurie d’énergie. 

Je suis presque certaine que vous oubliez que ces objets connectés peuvent avoir une utilisation autre que celle qui a été prévue initialement.

Pensez à la télécommande de votre télévision, les SMS !

Ces objets connectés me permettent à moi, personne sourde, d’être autonome. 

Sans ma montre connectée, je ne me réveillerais pas en silence sans réveiller ma moitié,
Sans mon smartphone, je ne pourrais pas rester en contact avec des personnes qui ne sont pas familières d’internet
Sans mon ordinateur, je ne pourrais pas faire mon métier, ni être au courant de tout ce qui m’entoure quelle que soit la langue. 
Sans mes implants cochléaires, je ne vous entendrais pas. 

Alors oui, il y a des choses non connectées qui pourraient les remplacer. Je déconnecterai dans la mesure du possible sans mettre en péril mon autonomie.

Mais cela me demanderait tellement d’énergie en plus de ce que j’utilise tous les jours.