A11YParis, le rassemblement de l’accessibilité !

Scène de la conférence avec au centre le solide qui présente les mécènes, du sous-titrage en dessous, une interprète en langue des signes sur la droite de l’écran. Sur chaque côté, un gigantesque panneau représentant l’affiche de la conférence A11yParis. Sur la scène, on voit Anthony Martins-Misse animer l’évènement avec son chien-guide.

J’attendais beaucoup de cet événement. Je me suis sentie comme un poisson dans l’eau. Non, comme une professionnelle qui accomplit son métier à part entière, pas juste une personne handicapée qui veut accomplir son boulot. 

Ça ne vous parle peut être pas, mais c’est toujours énorme pour moi qui n’entends pas. Je n’ai pas eu à demander si c’était le cas ou pas.

La transcription de la parole est de plus en plus utilisée dans les conférences, ce n’est pas un automatisme pour toutes les conférences mais ça évolue !

J’ose penser que c’était aussi le cas pour les professionnels du numérique (hommes et femmes) ainsi que ceux et celles qui font de l’accessibilité. Professionnels que nous sommes, nous sommes parfois un peu éparpillés partout en France. Il n’est pas toujours évident de faire entendre l’importance de ce sujet. Les revoir, pouvoir échanger avec eux de vive voix, c’est une source de reboost d’énergie. Comme un shoot de jus d’orange bien vitaminé ! Le constat est que nous devenons de plus en plus nombreux à exercer dans ce domaine. Il est intéressant d’échanger sur le sujet de l’accessibilité, quel que soit le chemin emprunté pour arriver au même objectif final.

À la Maison de la Radio, j’ai vu de nombreuses conférences qui m’ont appris des choses comme à chaque édition. J’attends avec impatience l’enregistrement des minis-conférences auxquelles je n’ai pas pu assister car il m’a fallu faire un choix de ce que je souhaitais voir, mais tous les sujets m’intéressaient. 

Les sujets abordés sont variés. Ils vont du législatif (entre autres les sanctions et le sujet européen) aux différents domaines telles que l’inclusion des personnes handicapées, les bibliothèques, la formation et l’enseignement, la mobilité urbaine, des retours d’expérience en passant par les jeux vidéos et les IA pour finir avec des ateliers pratiques. 

 A11yParis a été rendu accessible en transcription directe de la parole ainsi qu’en langue des signes pour les personnes malentendantes et sourdes. Il y avait également des bénévoles à disposition pour les personnes handicapées qui demandaient une assistance. Les chiens-guides étaient bienvenus.

Cet événement m’a rappelé encore une fois que l’accessibilité est un élément essentiel de ce que nous pouvons produire au quotidien quelle que soit son application, elle se doit d’être présente partout pour que les personnes handicapées fassent partie intégrante de notre société. 

Comme le disait Jérémie Boroy sur FranceInter le 26 avril : « l’inaccessibilité est un délit ». Les lignes bougent d’année en année, peut être pas assez vite à mon goût mais c’est tant mieux. 

Comme très souvent, chaque événement plante une petite graine dans mon esprit (encore une !) je vais laisser celle-ci germer un peu et je reviendrai la partager avec vous. 

Merci à Frédéric Halna et Manuel Pereira ainsi que Tanaguru et l’association Valentin Hauÿ. Merci également aux mécènes qui ont permis la tenue de cet événement La Caisse des Dépôts, AccessLab,  AcceoTadeo, Ideance, Ezymob, ContentSquare Foundation et Temesis pour ce bel événement ! 

L’accessibilité n’est pas une variable d’ajustement

Gros plan sur une cerise rouge posée sur un gâteau à la crème.

En 2023, j’ose penser secrètement que les personnes handicapées font partie intégrante de la société.

Mais en réalité, elles ne sont toujours pas prises en compte. Je le constate tous les jours en tant que personne sourde mais aussi en tant que professionnelle du web dans l’accessibilité numérique. 

Aujourd’hui je pense comme Forrest Gump : « La vie, c’est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber. » 

Régulièrement, je demande : 

  • aux auteurs de podcasts s’ils peuvent produire une transcription pour que je puisse en profiter aussi
  • à un réalisateur et producteur, j’ai demandé s’il est possible d’avoir des séances supplémentaires pour un film français au cinéma, 
  • à un évènement s’il y a une accessibilité de prévue ou le cas échéant sur les replays, 
  • à une organisatrice de webinaire si elle pense diffuser du sous-titre en direct.

Chaque fois que je demande si c’est accessible, ce n’est absolument pas dans le but de mettre des bâtons dans les roues, d’embêter les gens. Il n’y a pas d’arrière pensée. Juste envie de participer ou de profiter comme tout le monde.

En 2023, il n’est pas concevable de donner les réponses suivantes à une personne handicapée quand il s’agit de prendre en compte l’accessibilité :

  • Pas l’envie, 
  • Pas prévu, 
  • Pas le temps,
  • Pas l’argent. 

Ce sont des réponses que j’ai eues encore récemment. Y’a rien qui vous choque ? Je trouve ça violent. 

À chaque obstacle rencontré, je tente d’aider à la résolution du problème quand on me demande de l’aide.
La personne qui n’a pas l’envie, je ne peux pas l’aider. 
La personne qui ne l’a pas prévu, je peux lui trouver des solutions mais si elle n’a pas le temps, ni l’argent, je découvre que l’accessibilité devient une variable d’ajustement. 

L’accessibilité doit être au cœur du projet et pas une cerise sur le gâteau. 

Je veux juste être comme les autres, sans avoir à me justifier, sans avoir à demander, à me prendre la claque magistrale de la réponse négative qui est quasi quotidienne finalement.

J’écris ce qui reflète ma pensée en essayant de peser chaque mot sur cette page blanche. J’ai fait attention. Pourquoi ? Parce que je suis un humain comme tout le monde, j’ai des émotions, des sentiments, envie de faire comme toi qui me lis. 

Je ne veux pas devenir la variable d’ajustement de vos projets.

Si on pouvait faire évoluer les discours négatifs en discours positifs, ce serait un grand pas. J’ai déjà un handicap auditif que j’essaie chaque jour de transformer en force, je sais que je vais y arriver. Ne m’enfoncez pas ne serait-ce que dans vos réponses. 

Par contre, votre communication pourrait être différente. 
Faire en sorte que l’accessibilité soit prise en compte directement dès le départ. 
Les personnes handicapées ne sont jamais sollicitées, on leur demande rarement leur avis. 

Tant mieux si on mélange les torchons et les serviettes, mais surtout ne faites pas comme les jeux olympiques, où encore une fois, on passera après… 

Le handicap est universel 

Tour de Toyko vue d'en bas, les couleurs vont du rouge au violet qui est au sommet de la tour. Il fait nuit, on voit le feuillage des arbres sous lesquel j'étais pour prendre la photo.

Mais pourquoi je dis ça ? (ça y est, elle débloque)

Au fond de moi, je me dis que vous êtes en train de vous imaginer mille et une réflexion dans votre tête. 

J’ai des idées qui sont différentes des vôtres, c’est certain mais j’ai aussi peur de ce que vous pouvez penser.

Alors, oui, le handicap est universel. 

Voilà 45 jours (déjà) que je suis rentrée de mon voyage du Japon, la tête pleine de souvenirs, la tête sereine, la tête pleine d’espérance et de sérénité. J’ai pendant mon séjour, révélé à des inconnus mon handicap auditif lors de plusieurs visites de lieux publics.

Comment ça ? (je vous vois avec un air interrogateur)

J’ai simplement sorti la carte de mobilité inclusion qui nous est attribuée en France. Cette carte permet de confirmer à l’interlocuteur que je suis reconnue comme une personne handicapée sur le territoire français. 

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, c’est une carte qui est difficile à obtenir. Je l’ai obtenue avec une validité permanente après 40 années de procédures. Procédures où je devais monter un dossier à chaque échéance devant prouver que j’étais bel et bien sourde. Je vous raconterai cette histoire une autre fois. 😉

En montrant cette carte qui a aussi le symbole du fauteuil roulant alors que je ne le suis pas, je suis simplement sourde. Mais il me paraît évident de signaler aux personnes qui m’entourent que je n’entends pas lors des visites de lieux publics, ne sait-on jamais ce qui peut se passer. Le monde est devenu imprévisible. C’est une façon aussi de pouvoir me rassurer moi-même face à l’imprévu. 

À chaque fois que j’ai sorti cette carte, je n’ai jamais eu un refus, ni de grimaces de désapprobation. J’ai toujours eu le droit à la réduction et parfois la gratuité concernant mon accompagnateur. Ce qui était finalement la même chose qu’en France pour la plupart des lieux publics. 

À la différence de la France, mes interlocuteurs étaient empathiques et bienveillants. Ils me montraient du doigt où il fallait que j’aille par exemple, si je m’étais trompée de file, si je n’avais pas fait quelque chose correctement, compréhensifs vis à vis de la personne qui m’accompagnait et qui enlevait son masque de temps à autre pour pouvoir communiquer à l’oral avec moi en français. Jamais je me suis fait disputer comme une enfant comme ça aurait pu être le cas en France.

J’espère qu’en France, pendant les Jeux Olympiques et Paralymiques en 2024, que les Français auront le même comportement avec les personnes handicapées qui viennent de l’étranger. Ce comportement que j’ai apprécié pendant mon séjour au Japon. 

Le handicap est universel. 

Sur le bord des chemins noirs…

Affiche du film "sur les chemins noirs". Jean Dujardin avec une paire de lunettes cerclées, le regard dans le vide en arrière plan avec au premier plan une autre vue de l'acteur qui descend la montagne. Un film de denis imbert d'après le récit de sylvain tesson publié aux éditions gallimard.

Je m’apprêtais à lire le livre « Sur les chemins noirs » de Sylvain Tesson. Une collègue m’a conseillé d’aller voir le film qui est sorti le 22 mars 2023 sur le grand écran, à peine 3 semaines.

Ce soir, je décide donc de regarder les nouvelles salles pour pouvoir à mon tour réagir aux différents avis donnés autour de moi. Un sujet qui me permet de pouvoir échanger avec les personnes qui m’entourent. Un moment où je suis incluse, comme tout le monde.

Ce film est réalisé par Denis Imbert, porté par Jean Dujardin. Largement inspiré du livre de Sylvain Tesson.

Je vérifie sur le site internet CinéST qui recense tous les films français sous-titrés en français. Personne jusqu’à ce jour n’a eu l’idée de sponsoriser ce site CinéST qui est pourtant d’utilité publique comme l’était Medias-soustitres.com il y a un moment. Ce sont des sites internet qui permettent d’informer les personnes sourdes et malentendantes quels sont les films et médias accessibles.

Je vois sur le compte twitter du réalisateur Denis Imbert, une interview de Jean Dujardin sur Geo, je me fais la réflexion que c’est bon, c’est sous-titré.

Je constate ce soir sur CinéST, après publication des nouvelles salles de cinéma pour la semaine que ce film est diffusé à Paris pour la dernière fois le 17 avril à 17h55. Je ne connais personne qui va au cinéma à cette heure-ci, moi à 18h je suis encore au boulot. Et vous ?

Ce soir, je coche plusieurs cases, la frustration, l’énervement, la colère, la déception. En 2023, j’ai encore l’impression d’être au bord du chemin. J’en ai marre. Je veux aller au cinéma comme tout le monde sans devoir aller à l’autre bout de Paris, sans devoir poser de demi-journée de congé. C’est quand même pas sorcier à comprendre !

J’ai beau faire des efforts pour entendre, comprendre, m’adapter à cette société. Mais est-ce que l’inverse est vrai ? Je ne sais plus.

Messieurs, je suis une spectatrice sourde, j’ai besoin du sous-titrage français pour comprendre les films français comme les 6 millions de personnes sourdes et malentendantes en France.

Serait-il possible de faire quelque chose pour que votre film soit sous-titré en version française quelle que soit la plate-forme de diffusion utilisée pour les personnes malentendantes et sourdes ?

Faudra pas s’étonner que ma culture cinématographique française soit pauvre, vu que les efforts ne sont pas conséquents. Je suis toujours au bord du chemin…

Je suis terriblement déçue de ne pas pouvoir aller le voir au cinéma comme toute personne. Je ne peux donc pas « faire le plein d’émotions » comme tout le monde.

Aidez-moi à faire passer le message !

Note : Merci également à Nursit qui héberge gracieusement Medias-soustitres.com

Sourire à l’écran de télévision ne va pas faire apparaître des sous-titres pour les personnes sourdes et malentendantes

Stella Young - "Je ne suis pas votre inspiration, merci beaucoup" - TedxSyndey

C’est une citation de Stella Young qu’elle a dite quand elle est passée à TedxSydney.

Cette semaine, je n’ai rien publié mais ce n’est pas grave.

Je vous partage cette vidéo de Stella Young que j’ai vue il y a quelques années, qui est toujours d’actualité et je vous incite à la regarder.

À chaque fois que je regarde cette vidéo, je me dis « bordel, elle a vu juste ».

Elle est vraiment inspirante, je vous promets que le temps de visionnage ne sera pas perdu, vous en sortirez grandis.

Se déplacer quand on est aveugle à Tokyo

Mes baskets noires à pied joint sur une bande podotactile verticale et une inscription japonaise (j'attends la traduction)

La semaine dernière, je vous ai parlé d’une surprise qui m’avait déroutée : l’écriture

Quand je suis à l’étranger et en tant que personne sourde, je suis sensible à tout ce qui est graphique, visuel.

Partout où j’ai été, il y avait ces surfaces colorées en jaune dans la rue et le métro. Je me suis fait la réflexion plusieurs fois que c’était super qu’elles soient aussi visibles. C’est omniprésent, seules les petites ruelles ne sont pas balisées. Au moins, ce n’est pas dissimulé ou caché. 

Saviez-vous que les bandes podotactiles ont été inventées par un Japonais ?

Il s’appelle Seiichi Miyake, il a inventé ce système de balisage en 1965 pour que les personnes malvoyantes puissent se déplacer. Ce système est devenu obligatoire dans les gares de la compagnie ferroviaire Japanese National Railways en 1977. 

Il existe 2 sortes de bandes podotactiles : picot ou verticale.

Les bandes à picots indiquent à l’utilisateur qu’il faut faire attention (rues, croisements, feux, etc.) et les bandes verticales indiquent que le chemin continue. 

Dans le métro, les stations de Tokyo sont toutes équipées de ce système, de l’entrée de la station jusqu’au quai. 

Métro qui entre en gare, avec une barrière métallique qui le sépare du quai. Au sol, on voit des bandes podotactiles tout le long du quai ainsi qu'à l'emplacement des portes.

Tout le long du quai, on a la bande verticale qui est au bord du quai doublée d’une séparation métallique d’une hauteur de 1m20 à peu près. Il y a les espaces réservés aux portes correspondants aux rames qui entrent en gare. Sur ces espaces d’échange, il y a les bandes à picots ainsi qu’à un mètre du bord qui fait toute la rame.

La personne aveugle peut circuler aisément en toute sécurité sans avoir peur de tomber sur les rails. C’est peut-être un détail pour vous, mais je pense qu’en terme de charge mentale de déplacement, ça doit être un peu plus agréable de se sentir en sécurité. 

Sur chaque porte, il est indiqué le numéro du wagon et l’emplacement de la porte en japonais ainsi qu’en braille. 

Gros plan de la porte de métro avec au bord du quai une bande verticale suivie d'une bande à pictos de couleur jaune vif. Sur la séparation métallique, on aperçoit le numéro du wagon de la rame ainsi que le numéro de la porte. Il est indiqué qu'il ne faut pas courir et qu'il y a des places prioritaires à cette porte par le biais d'un logo bleu qui symbolise le profil d'une chaise. Sur le dessus de cette séparation métallique, on y voit une bande lumineuse blanche pour les personnes sourdes. Un pictogramme de croix et de cœur est également présent dans un rectangle rouge (défibrillateur je pense) et enfin, les pictogrammes à destination du grand public (ne pas enjamber la protection, ou de s'y accouder)

Les personnes attendent sur les côtés et les gens sortent en premier. Personne ne se bouscule (du moins aux moments où je l’ai pris). Il y a une partie de la rame qui est indiquée réservée aux personnes handicapées mais aussi aux parents avec des enfants très jeunes, les femmes enceintes, les personnes âgées et les personnes avec un handicap invisible (comme les personnes cardiaques comme indiqué sur la photo) et aussi aux personnes blessées. 

J’ai rarement vu ces sièges prioritaires occupés, généralement par groupe de 6 à 8 places à chaque wagon de la rame. 

Photo de l'autocollant placé au dessus des places prioritaires qui sont réservés aux personnes agées, personnes blessées, personnes avec un handicap invisible (pacemaker, etc…), personnes accompagnées de petits enfants et femmes enceintes. Je suis au premier plan masquée, on ne me voit que les yeux sourieurs et les cheveux un peu désordonnés. Il est indiqué plus bas d'éteindre son téléphone portable ou de le mettre en silencieux.

Dans la gare Nishishinjuku, j’ai vu une borne d’information avec un plan que l’on peut voir visuellement, qui a aussi une borne sonore pour que les personnes aveugles puissent s’approcher et la consulter.

Borne vocale en aluminium agrémentée d'un logo bleu qui représente une personne aveugle avec une canne. Au pied de cette borne, on a une bande podotactile à picots qui est précédée d'une bande verticale jaune. Cette borne est aussi vocale et elle permet à la personne aveugle de pouvoir se repérer sur un plan tactile de la gare qui lui restitue les chemins, escalators, ascenseurs, toilettes et entrées / sorties.

Le plan a été pensé pour être consulté tactilement. Trouver son chemin avec l’emplacement des bandes podotactiles ainsi que les escaliers et escalators avec le sens d’utilisation ! 

Photo d'un plan tactile de métro qui montre les chemins par bande podotactiles, ainsi que les accès aux ascenseurs, escalators. Ils ont aussi indiqué le sens des escalators (montant / descendant), les sorties, les toilettes et le point où on est pour pouvoir se repérer sur le plan.
escalier avec bande podotactile à picots au début de l'escalier et une bande verticale sur la gauche de l'image. Deux flèches sont indiquées à plusieurs reprises, celle qui sert à descendre est sur la gauche, celle qui sert à monter est sur la droite. Sur la droite de la photo, on a un escalator qui monte.

Sans oublier les escaliers et escalators à Tokyo ont un sens pour monter et descendre ! Que du bon sens !

Les personnes aveugles ont un parcours qui est clairement balisé et ces personnes ne sont pas bousculées et peuvent parcourir leur trajet tranquillement. 

Un homme et une femme attendent le métro à un emplacement où il y a des places prioritaires dans le wagon. Ils sont placés sur la bande podotactile à picots. Ils sont aveugles tous les deux et ont tous les deux une canne, face à une porte. Leur visage est flouté par respect de la vie privée.

Si ce billet vous a plu, n’hésitez pas à laisser un petit commentaire. Je vous donne rendez-vous mardi prochain pour continuer à parler d’accessibilité à Tokyo !

Me retrouver complètement déconnectée d’un univers visuel et sonore

Quartier d'Akibara - Prise de vue d'un carrefour routier, avec des facades d'immeubles remplies de panneaux publicitaires écrits en caractères japonais, certains illuminés, d'autres pas. Il y a du monde aux abords de la route entre chaque passage piéton, les gens attendent pour traverser.

Je n’entends pas. Mon quotidien demande un effort permanent pour comprendre ce que j’entends, pour lire sur les lèvres des personnes que je vois en visio-conférence, en présentiel, ou même à travers les masques (pas transparents). Quand je suis vraiment bloquée dans ma communication, ce qui me sauve, c’est l’écrit. 

Une des choses qui m’a surprise voire déroutée en même si je le savais en arrivant au Japon : l’écriture. Je n’étais pas assez préparée en même temps, je n’ai pas cherché à l’être. Je me suis retrouvée comme projetée dans un univers sonore et visuel totalement différent de celui que j’ai au quotidien. Je ne reconnaissais plus aucun son, plus aucun mot hormis ceux qui sont écrits en anglais. Totalement larguée.

Heureusement que notre ami est venu nous chercher parce que je n’ose pas imaginer comment on aurait fait pour aller jusqu’à Tokyo, on aurait certainement réussi, j’en doute pas. Décrypter des choses que tu ne comprends pas, ça demande finalement une énergie assez forte.

Je suis sortie de l’aéroport, j’ai découvert les panneaux routiers qui contiennent eux aussi des caractères que je ne saurais pas identifier, ni les comprendre. Certains sont parfois doublés en anglais dans les lieux touristiques ou bien de rōmaji mais c’est tout. 

Mon cerveau était en mode « je veux tout voir, je veux tout lire, je veux tout comprendre ». C’était le cas pendant les premières heures qui ont suivi mon arrivée à Tokyo. Les panneaux dans l’aéroport, les panneaux sur la route, les facades des magasins, les panneaux publicitaires, les documents d’entrée sur le territoire japonais (doublés en anglais heureusement) et j’en passe… 

J’ai lâché prise quelques heures après. C’était nécessaire pour pouvoir profiter de mes vacances ! Astuce : si tu ne sais pas ou tu arrives difficilement à lâcher prise, le Japon est pour toi. Je n’ai pas trouvé plus radical et pourtant, j’en redemande ! 🙂 

Panneau d'indication de chaque étage en japonais. Il y a 9 étages avec les caractères japonais qui indiquent par exemple l'électroménager, l'informatique, etc… Ils sont entourés de publicités.

L’écriture des hiragana, katakana et kanji, c’est peine perdue pour une personne qui ne maîtrise pas cette langue. Cette langue peut être écrite en verticalement de haut en bas et de droite à gauche ou bien horizontalement de gauche à droite et de haut vers le bas comme la langue française.

Heureusement que la plupart des panneaux sont doublés de rōmaji. C’est l’écriture latine des caractères japonais. C’est un support qui aide un tout petit peu psychologiquement, parce que d’une part on sait qu’on prononce comme c’est écrit (même si on a pas l’accent), parce que certaines personnes ne lisent pas les hiragana, katakana et kanji mais les rōmanji, et enfin les gens comme moi qui sont totalement largués que ca rassure de comprendre quelque chose en lisant. 

Panneaux de menus du macDonalds en japonais. On voit le visuel des hamburgers et des menus écrits en japonais doublés de l'anglais, avec le prix en yen qui va de 670 yens à 750 yens pour le menu. Au premier plan, il y a une caisse électronique avec une inscription en caractères japonais sur un panneau jaune.

En dehors des chiffres romains et des pictogrammes, difficile de comprendre. En 2023, la technologie est là pour nous aider. Il existe des applications qui peuvent traduire en temps réel approximativement. Ca donne parfois des jolies surprises puisque le texte peut être écrit verticalement ou horizontalement. 

Partout où j’ai été, j’ai été incapable de savoir si c’était un magasin de vêtement, un supermarché, une boulangerie, ou un musée. Je n’entends pas, mais là je ne comprenais pas ce que je lisais. Un sentiment étrange j’ai envie de dire, parce que j’ai été obligée de m’en remettre à mon intuition et mon bon sens. Parfois, j’ai eu des choses étranges que je n’ai pas su identifier mais que j’ai bien aimé par expérience. 

Mardi prochain, je te parle du handicap visuel au Japon !

Face au démarchage commercial : non mais allô ?

Téléphone avec un fil qui relie le combiné au terminal. Les chiffres s'obtiennent en les tournant sur l'interface du téléphone. Téléphone du 20e siècle. Il n'a rien de digital.

Dans mon quotidien, il m’arrive de devoir faire face au démarchage commercial. Ça peut être surprenant surtout quand on est sourde comme moi.

À 10h10, mon téléphone sonne. La sonnerie du téléphone se déclenche directement en bluetooth dans mes implants cochléaires. Il m’est impossible d’ignorer l’appel. 

Je prends mon téléphone, je vois un numéro qui commence par un 01 62. Je décroche et j’active la reconnaissance vocale automatisée via RogerVoice, mon application favorite pour le téléphone. Je me dis que je devrais arriver à me débrouiller, ce qui est très souvent le cas. 

Une voix de femme commence à parler. Elle parle assez vite, au point que la reconnaissance vocale automatique suit mais avec difficulté. Elle me dit qu’elle fait partie de telle entreprise et me demande si j’ai utilisé mon chèque cadeau de 200 euros pour l’énergie.

Je réponds que je n’ai pas connaissance du chèque cadeau. Elle commence à me répéter le même texte pendant 2 minutes à peu près, temps durant lequel j’essaie de l’interrompre et d’obtenir des informations complémentaire, pour avoir en résumé : chèque énergie, cadeau, accompagnement, vos informations personnelles et impôts.
Là, ça fait « tilt » dans ma tête.
Je ne suis pas dupe.
J’ai en tête la loi sur le démarchage commercial et le RGPD, ce sont mes premiers réflexes. Surtout mes données personnelles. 

Je l’interromps en lui disant que je suis une personne sourde et que je la comprends grâce à une application RogerVoice qui me retranscrit tout ce qu’elle me dit à l’écrit. 

Elle insiste, je répète que je veux savoir quelle est l’entreprise pour qui elle appelle, elle me donne le nom de l’entreprise. Je réponds que j’ai bien entendu l’information et que comme elle a toutes mes données personnelles, je l’invite à m’envoyer un email puisque je suis une personne sourde et que ça sera plus facile pour la suite de l’échange. 
Réponse négative de sa part parce que ce n’est pas la « procédure ». Ce moment d’échange dure bien 3 minutes environ. 

Je réponds également par la négative en lui disant que je ne suis plus intéressée. Là elle m’interrompt, en me disant, je cite « que vous êtes une grande fille que je peux décider par moi-même ». Je réagis au quart de tour en lui demandant pardon et de me répéter ce qu’elle vient de me dire et là : « enfin, je veux dire que vous êtes une grande personne ».

Je suis hallucinée. Je vais au culot, je lui dis que cette conversation est enregistrée. Et là, tut, tut, tut…
Elle avait raccroché directement. 

Alors c’est vrai, je connaissais pas le numéro. J’aurais pu utiliser les  options suivantes : 

  • ne pas décrocher parce que je ne connais pas le numéro ; 
  • faire la sourde. 

Oui mais non, c’est mal me connaître. Dans ma vie privée, j’ai des besoins qui ne peuvent pas être comblés autrement que par le téléphone et donc oui, je m’adapte. 

Faire la sourde, c’est une idée mais pas la meilleure car j’ai des besoins téléphoniques. C’est pas la solution à tout, ni la meilleure façon de sensibiliser et parler du handicap auditif. Et qu’est-ce que ca va apporter de plus ? La personne ne sera pas sensibilisée, et peut être ne réfléchira pas de son côté à la situation qui est arrivée puisqu’elle n’aura pas les clés en main pour faire autrement.

Avec le recul, je trouve que c’est d’une violence verbale inouïe. Il n’est pas possible de tenir de tels propos au téléphone ! J’ai l’impression d’être revenue au siècle dernier où il n’y avait aucun respect de la personne en situation de handicap.

Le démarchage commercial est aussi un métier à part entière. Je ne peux pas en vouloir à ces personnes qui doivent passer des appels à longueur de journée et qui sont dans les centres d’appel pour pouvoir gagner leur vie elles aussi. 

De jour en jour, je suis de plus en plus convaincue sur le fait qu’il faut à tout prix mettre une sensibilisation au handicap à tous les niveaux de la vie qu’on remette l’humanité au centre.

Une française sourde au pays du soleil levant

Morceau d'hublot d'avion avec un horizon donnant sur un ciel bleu et les nuages blancs

Voilà 10 jours que je suis rentrée du Japon, de Tokyo. Le pays du soleil levant. Il y a tellement à dire que je ne sais pas par où commencer. Je sais que je veux déjà y retourner. (vous êtes prévenus !) 

Quel exercice difficile. Il s’est passé tellement de choses en si peu de temps, que j’ai du mal à commencer et je ne sais pas par où, ni quoi vous raconter. Et en même temps, j’ai envie de garder certaines choses pour moi. 

Choix difficile ce soir, j’ai commencé à écrire mais, peut être un condensé de billets de blog sur plusieurs thématiques. À l’instant T, je ne rêve que de reprendre un billet pour repartir et y séjourner pour écrire tout ce que je voudrais. Peut être que je ferai ça un jour. Une sorte de retraite spirituelle, mentale et physique. Drôle d’idée, je ne sais pas. 

De toute façon, la vie est pleine de surprises. 

J’avais réservé les billets, sur un coup de tête, l’an dernier pendant ma convalescence. En dehors de mon compte en banque, j’ai eu énormément de mal à me projeter sur ce voyage. La dépression et le quotidien avaient pris le dessus.

J’ai commencé à réaliser peut être 24h avant le décollage et encore ! Je savais que j’avais les passeports de ma petite famille, c’était l’essentiel. Le reste n’avait pas trop d’importance à part le fromage pour nos amis ! Je n’ai bouclé ma valise que la veille, si ça peut vous permettre de situer l’état d’esprit dans lequel j’étais. 

Cette fois-ci, j’allais vers une destination où le port du masque est très fréquent. Une destination dont je ne parlais pas la langue : le japonais. À part, bonjour, merci beaucoup et au revoir, je ne sais rien dire d’autre. Ça n’allait pas changer grand chose pour moi puisque je ne comprendrai pas plus qu’en France (quand le masque était obligatoire partout).

Il faut dire que nous avions un vol de 13h et un autre de 3h sans compter le temps d’escale et les formalités d’embarquement / débarquement. J’ai eu le temps de réaliser. Les larmes de joie ont coulé au décollage, j’ai réalisé à ce moment-là mais aussi à l’arrivée, des larmes de joie parce que j’ai rencontré quelqu’un avec qui j’échangeais depuis très longtemps via internet ainsi que sa famille.

Je ne connaissais rien du Japon. Je n’avais vu quelques vidéos sur les réseaux sociaux mais je n’ai pas acheté de guide, ni fait de recherches. Je préfère voyager au fil du temps, découvrir les choses au fur et à mesure. La découverte est d’autant plus riche je trouve. 

J’aime bien partir à l’aventure, sans rien savoir et découvrir les choses sur place. C’est un moyen pour moi de m’immerger directement dans la culture du pays, sans avoir à réfléchir, je fais beaucoup par mimétisme. Je regarde et je fais pareil.

Toyko est une mégalopole peuplée de 37 274 000 d’habitants. Bizarrement, ce n’est pas le sentiment que j’ai eu. Tokyo fait presque la moitié de la population française. 

Je n’ai pas eu un sentiment d’étouffement, de stress. J’ai trouvé que c’était plutôt ordonné, calme, sécurisé et propre. 

Rien n’est comparable. Très construit de ce que j’ai pu voir de la Tokyo Skytree qui offre une vue à 435 mètres (la tour en fait 634 mètres en faisant d’elle la deuxième plus haute structure autoportante du monde)

Évidemment, quand on est tout en haut, il ne faut déjà pas avoir le vertige si on regarde en bas. J’ai eu l’impression d’être une géante qui regarde les fourmis. Les véhicules n’étaient pas plus gros que mon petit doigt, les gens plus petits que je le pensais.

Au programme sur les prochains billets, je vous raconterai le voyage, les découvertes culinaires, le contact avec les personnes, la vision du handicap à Tokyo entre autres.
Si vous avez des questions, des préférences sur les différentes thématiques citées ci-dessus, n’hésitez pas à participer en commentaire ! 

Aie, mon oreille !

Sophie, bébé joufflu à un an dans une robe avec un sourire aux lèvres. Les mains sur un tronc d'arbre pour se tenir en équilibre. La photo est un peu passée en couleurs.

Aujourd’hui, est la journée nationale de l’audition en France – JNA 2023. La thématique est « Petites oreilles, grands risques ». Protégeons l’ouïe de nos enfants !

Quand je lis ça, tout de suite je pense à mon fils. Étant concernée par la surdité, je savais qu’il fallait protéger ses oreilles du mieux que je pouvais. Ce que j’ai fait jusqu’à l’adolescence et là … tout est parti en sucette.

Qui dit ado, qui dit « je fais ce que je veux » (et donc avec ses oreilles aussi !)

Je continue à le sensibiliser à ce sujet ainsi que les personnes qui nous entourent :

  • Tu as un concert, ok, mais tu mets des boules quiès pour atténuer le bruit et protéger ton ouïe. (oui, maman un jour, maman pénible toujours)
  • Tu veux un casque, ok, mais pas n’importe lequel (maman un jour, maman geek au top)
  • Tu as une gêne dans l’oreille, ok, mais direction l’orl pour vérifier que tout va bien (maman un jour, maman poule toujours)

Et quand je répète plusieurs fois ce que je dis, je sais que ce n’est pas un problème d’audition mais un problème d’adolescence sinon ça serait parcours orl, audioprothésiste et orthophoniste !

Je vous invite à en faire autant avec vos enfants, adolescents, proches, n’hésitez pas à consulter un professionnel de l’ouïe. La technologie a tellement bien évolué que ça ne se voit plus ou presque !

N’hésitez pas à consulter la page : Journée de l’audition 2023 sur Mon parcours handicap