Retour au monde sonore : 1 an déjà !

Implants cochléaires posés en forme de cœur

Quand je relis ce billet qui date d’il y a un an, le 5 décembre 2016 je faisais mon retour dans le monde sonore grâce à l’activation de mes deux implants cochléaires. (Je suis dans une faille spatio-temporelle, hein, malgré l’actualité… triste entre autres avec Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday)

Joyeux anniversaire mes petites cochlées équipées d’électrodes qui retransmettent ces sons qui sont à la fois magiques et épuisants !

Nous sommes mercredi, j’ai un sentiment enfoui au fond de moi-même. Un sentiment que je n’arrive pas à définir. Depuis quelques jours, j’ai ce goût de métal dans la bouche comme l’an dernier. J’ai les tripes remuées depuis hier. Je m’en suis rendue compte à cause de la date anniversaire. Ce matin, je me suis réveillée avec un mal de tête, un étau qui te compresse le crâne. Toute la journée, il m’a suivi malgré les cachets.

Ce matin, j’étais toute chose. Les tripes, y’a rien à faire, attendre que ça passe.

Ce matin, seule et debout dans la cuisine, d’un seul coup, je me suis mise à pleurer. Pourquoi ces larmes ? Ce n’était pas de joie, de l’émotion, de la prise de conscience que cela fait que et déjà un an que cette journée particulière s’est passée. Ma gorge s’est serrée tout au long de cette journée.

J’ai tenté d’occuper mon esprit comme j’ai pu. D’ailleurs, n’hésitez pas à aller lire les billets du calendrier de l’avent des 24 jours de web qui a été mis en place par HTeuMeuLeu ! 😉

L’année qui s’est écoulée a été à la fois, courte et longue. Quand je regarde derrière moi, je vois le chemin que j’ai parcouru, un chemin semé de petites embûches, des grosses montagnes à gravir, de petites et grandes victoires. Je sais que ce n’est pas fini, ce n’est que le début.

Le bilan annuel

J’ai passé le bilan annuel à l’hôpital la semaine dernière :

  • un bilan orthophonique qui consiste à remplir un questionnaire (qui à mon sens n’a aucune utilité et qui est un peu dépassé sans parler du fait que pour une personne qui maitrise bien le français, je trouve les questions et réponses sont bizarrement formulées). Discuter avec l’orthophoniste pour faire le point sur votre sentiment auditif au quotidien, si vous trouvez qu’il y a une amélioration.
    C’était avec une orthophoniste que je ne connaissais pas encore une fois de plus. Concours de circonstances, ce sont des choses qui arrivent, je peux le comprendre. Cela n’aura jamais été la même au final.
    Compliqué à gérer parce que chaque orthophoniste a son accent, sa manière de parler, de prononcer et d’articuler, de se cacher derrière la feuille… (Ça pourrait être un billet à lui tout seul l’orthophoniste derrière la feuille !)
  • un bilan audiométrique (tonal et verbal) :
    L’audiogramme tonal permet de voir à quel niveau est votre audition sur la courbe des décibels (qui vont de 0 à -120db) et des fréquences données (qui vont de 0 à 8000 Khz). Vous êtes sollicitée de façon à montrer que vous reconnaissez le signal qui est envoyé par le biais d’enceintes. Cela peut aller du plus fort au plus faible ou bien ils vont directement vous envoyer le signal faible mais c’est plus compliqué car il faut arriver à reconnaitre chaque fréquence qui a un rythme différent. D’autant plus, que le cerveau enregistre les fréquences et quand vous passez d’une fréquence à une autre, vous avez encore en mémoire le rythme de l’autre fréquence alors qu’il vous faut chercher à reconnaître la nouvelle fréquence. C’est chaud patate comme exercice.
    Résultat : j’ai un audiogramme qui se rapproche de l’humain qui entend normalement. Seulement mon cerveau a 39 ans d’éducation sonore à faire, et ce ne sera pas aussi rapide qu’un petit enfant qui aura la même opération que moi. C’est juste de la perception pas de la compréhension (attention, ce sont deux mots différents, j’insiste dessus, c’est pas parce que mon audiogramme se rapproche de la normale que je comprends tout, que nenni ! et que tous les bruits/sons me sont supportables, la gestion du bruit reste encore, un an après difficile, il m’arrive encore de serrer les dents à certains bruits — coucou le dentiste !—).
    L’audiogramme verbal consiste à envoyer une liste de mots prononcés par la machine il me semble ou alors c’est une voix enregistrée, et il faut reconnaître les mots qui sont dit. La machine ne répète pas les mots qui sont envoyés (on pourrait la faire répéter mais c’est pas dans le jeu sinon c’est pas marrant… et cela pourrait fausser les résultats).
    Résultat : j’ai doublé la reconnaissance des mots par rapport au bilan des 3 mois. Ce qui est bien, même très bien je trouve puisqu’avant avec les appareils auditifs, il m’était impossible de reconnaître des mots.
  • Et pour terminer un rendez-vous avec le chirurgien qui vérifiera vos oreilles au passage et un petit entretien qui se suit.

Je ne retournerai que l’an prochain pour le bilan qui aura lieu chaque année.

Les réglages

Pour l’instant, je continue les réglages à intervalles réguliers. Je remercie ma régleuse d’être aussi patiente avec moi, de croire en moi, de m’encourager aussi. Mon cas est apparemment particulier m’a t-on dit.
Une surdité de naissance implantée à l’âge adulte ce n’est pas courant parait-îl. Ceux qui me connaissent vraiment, savent que je ne suis pas du genre à baisser les bras même si je suis une grande sensible (oui, je l’admets et c’est ce qui me caractérise quelque part aussi et faudra faire avec 😉 )

Les chiffres

J’ai voulu en savoir plus, et les seuls chiffres concernant les implants de marque Cochlear comme le mien que j’ai pu trouver sur le site de la HAS (page 9) était qu’il y avait eu en 2012 d’après mon calcul : environ 28 adultes sourds bi-implantés. Mais je ne sais pas où me faire confirmer ce chiffre avec toutes marques confondues, si quelqu’un sait, qu’il se manifeste par le formulaire de contact 😉

Leçons à retenir

Ce que j’ en retire aujourd’hui depuis l’opération :

  • Apprendre à être patient (leçon numéro un dans l’histoire, même si vous l’êtes de nature, il faut encore faire preuve d’encore plus de patience, c’est inimaginable !) ;
  • Apprendre à s’entourer des bons professionnels avec qui vous avez une relation de confiance avec eux pour que le résultat soit optimal ;
  • Ne jamais lâcher (de temps en temps, ok ça fait du bien), ne pas penser que ça va se régler tout de suite avec 2 séances d’orthophonie par semaine (dans le cas des surdités de naissance) en quelques mois (après c’est variable mais bon… je dois avoir dépassé la centaine de séances d’orthophonie et c’est pas prêt de s’arrêter surtout qu’on continue encore à 2 séances par semaine) ;
  • Apprendre à prendre du recul et lâcher prise quand c’est + que nécessaire (oser enlever ses implants cochléaires pour être un moment dans le silence, ce n’est pas preuve d’échec. Juste reculer pour mieux sauter. Le cerveau n’est pas une machine, mais un muscle qui est plein de ressources épatantes) ;

Sacrée aventure

C’est finalement une aventure palpitante, je trouve, avec ses hauts et ses bas.
Oui, j’ai été heureuse, euphorique par moments,
Oui, j’ai entendu des choses que j’aurai jamais imaginé pouvoir le faire un jour,
Oui, j’ai été au fond du trou, je l’admets.
Il ne faut pas se voiler la face, c’est bien plus dur qu’on peut le laisser penser.
Je cherche pas à ce qu’on ait de la compassion ou tout autre sentiment négatif, juste être vraiment réaliste. Chaque personne aura un vécu différent vis à vis de cet outil qui permet d’entendre, pour certains ce sera tellement facile et rapide, pour d’autres ce sera difficile et long.

J’ai quitté ma zone de confort et j’ai souvent parlé de cette métaphore du tunnel sans fin, sans sortie de secours sur les côtés avec cette impossibilité de faire demi-tour (c’est le cas quand on est en voiture) mais ce n’est pas la bonne image.
J’ai aussi évoqué la métaphore du saut dans un trou dont on ne voit pas la fin. Cette métaphore n’est pas positive puisque le trou aura forcément une fin, il arrivera un moment où il y aura un vrai confort auditif et un vrai bénéfice au quotidien.
Je cherche encore aujourd’hui la métaphore pour caractériser cette année qui vient de passer.

Et si c’était à refaire ?

À celleux qui doutent de mes propos ou qui se posent la question telle que « Et si c’était à refaire ? » Oui, je le referais avec si possible moins de complications au départ.
Je pense que ça en vaut vraiment la peine, oui.
Je n’ai pas de regrets, aucun.

Pour finir, je reprendrai cette séquence du petit Prince, que j’affectionne particulièrement.

– Je cherche des amis. Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?
– C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens… »
– Créer des liens ?
– […] Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. […] Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé…
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
– S’il te plaît… apprivoise-moi ! dit-il.

Le Petit Prince de Saint-Exupéry

C’est une aventure qui mériterait d’avoir plus de détails, pour celleux que ca intéresserait, j’aimerais bien voir dans les commentaires si ca intéresse que je développe davantage par ailleurs.

Je me prépare désormais à revenir dans le monde professionnel, qui j’espère cette fois-ci sera la bonne date !

NB à moi même : il faudrait que je refasse le thème puisque les appareils auditifs je ne les ai plus … (si quelqu’un veut se dévouer, il peut aussi !)

6 réflexions sur « Retour au monde sonore : 1 an déjà ! »

    1. Pour répondre à ta question, pour l’instant je ne me rappelle pas de mes rêves. Je ne peux donc pas te dire s’ils sont sonores. Ce que je peux te dire c’est que cette nuit j’ai rêvé que j’étais hospitalisée… la preuve, l’an dernier je sortais de l’hôpital à la même date.
      Impressionnant comment on peut être marqués.

  1. encore un magnifique billet qui nous transmet toute la grandeur de ce que tu traverses depuis un an ! courage, ténacité sont tes maitres-mots !….j e t’embrasse fort ma Sophie

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