Joyeux implantversaire !

Implants cochléaires posés face à face avec chacun de leur côté l'antenne qui est reliée. La forme intérieure est un coeur.

Quel mot étrange. Je ne savais pas comment définir cette journée …

Aujourd’hui, cela fait neuf ans que je suis passée sur le billard pour me faire implanter les deux oreilles en même temps. Une opération bilatérale, qui n’est pas courante chez l’adulte sourde de naissance, de ce que j’en ai retenu au moment où je me suis fait opérer. Est-ce que ca a évolué, je ne sais pas.

Les deux premières années ont été très difficiles. Vous trouverez ici le récit de la première journée… et l’activation des implants cochléaires après 18 jours de silence.

Quand j’y repense, j’étais angoissée à l’idée de cette nouvelle vie sonore, que j’avais tagguée #newSophie sur les réseaux sociaux pour en parler. Ca ne s’est peut être pas ressenti que j’étais angoissée.

Ce saut vers l’inconnu sonore me faisait peur.

Ce monde sonore dont je n’avais aucune idée de ce que ca allait donner parce que c’est propre à chaque personne, sa plasticité cérébrale, sa motivation, et évidemment l’entourage familial. Pour moi, cela a bien marché mais à un prix émotionnel et psychologique assez fort.

Aujourd’hui, mon expérience sonore évolue encore. Je pensais que ca se stabiliserait, que ma compréhension s’arrêterait à un moment donné. Et non. Même après toutes ces années.

Les sons s’affinent avec le temps, je comprends de mieux en mieux. Parfois ce n’est pas perceptible, parfois ce n’est pas conscient. Lors du dernier bilan à l’hôpital en février dernier, ma compréhension avait encore progressé. Ils étaient surpris.

À l’instant chez moi, dans mon bureau, les fenêtres fermées, j’entends le fond sonore des voitures qui passent sur le bitume mouillé. Il n’y a quasiment pas de bruit dans la pièce où je suis. J’ai un chat qui me fixe en respirant fort, mais je ne l’entends pas respirer, j’entends que les touches de mon clavier et le clic de ma souris. Parfois, j’entends ma souris bouger sur le bureau car je n’ai pas de tapis, elle est directement au contact du bois. Et les notifications de mon ordinateur.

Beaucoup me demandent encore régulièrement, est-ce que tu regrettes d’avoir franchi ce pas ? Aujourd’hui, je dirais non.

Même si parfois, je ressens cette fatigue sonore si intense, si forte.

Elle peut se manifester de temps à autre quand j’ai surestimé mes forces, par le biais d’une migraine où je dois rester dans le noir les yeux fermés sans implants ou bien quelques acouphènes qui viennent me faire croire qu’il y a un marteau piqueur dans la rue qui casse le bitume … J’enlève mes implants pour retourner dans ma bulle qui n’est pas silencieuse dans ces moments.

Aujourd’hui, j’ai cette chance de pouvoir planifier mes journées comme je le souhaite pour justement optimiser mon écoute. Je n’ai pas honte de dire que je fais une sieste de 20 à 25 minutes entre 12h et 15h pour justement être opérationnelle auditivement entre autres !

Le silence revient après la tempête.

Aujourd’hui, j’ai envie de poser ce texte comme souvenir pour cette neuvième année, mais aussi me faire une promesse à moi même. Pour les 10 ans de mes implants cochléaires, il me faudra faire quelque chose d’un peu exceptionnel. Je vous le dirai le moment venu.

Ce mot : implantversaire n’est pas français, mais je voulais dire simplement joyeux anniversaire mes implants, mes oreilles bioniques.

Je comprends rien à ce que tu dis !

Je me rappelle qu’on m’a dit un jour à la récré alors que j’avais pas vraiment conscience que j’étais différente des autres enfants avec mes appareils auditifs et mon élocution. Voici un échantillon des propos qui m’ont été dits quand j’étais enfant, en primaire et au collège.

  • Je comprends rien à ce que tu dis,
  • Tu parles mal,
  • Je ne joue plus avec toi parce que …(placer ici une remarque liée à la surdité) ,
  • Tu vas aller dans une école de singes et faire comme eux !

Ces propos m’ont été dits avec une grimace exagérée de ce que je disais ou même des grimaces pour imiter les primates.

La dernière phrase, c’est une de mes camarades de collège quand elle a appris que j’allais passer dans le secondaire. Cette phrase, elle m’a été dite tout au long de l’année scolaire.

Ces propos me reviennent en plein face, 40 ans plus tard, quand je lis qu’aujourd’hui on lutte contre le harcèlement scolaire et que les enfants en situation de handicap sont encore plus exposés que les autres. Et quelle violence !

Oui, quand on a un handicap, nous sommes davantage exposés.

Combien de fois, j’ai pleuré, rien dit et ai dû faire abstraction de ce qu’on me disait pour continuer mon chemin, tracer ma route pour être la personne que je suis aujourd’hui. Ces phrases ont eu un impact sur ma personnalité, elles sont comme marquées au fer rouge à l’intérieur de moi, cela explique peut-être certains traits de ma personnalité.

Aujourd’hui, c’est encore plus dangereux car il y a la cyberviolence. Je vous invite à rester vigilants, de ne rien laisser passer. Chaque enfant doit pouvoir grandir en sécurité.

En aucun cas, ne restez pas sans agir si vous êtes confrontés à la situation, il faut les dénoncer pour que cela ne se reproduise pas. Le 30 18 est accessible par l’application, par messagerie, téléphone ou email.

Ne laissez plus passer ces propos.

Pour finir sur une note positive, je vous rassure, j’ai eu 4 bons camarades sur qui compter sur la période du primaire et collège. Je suis toujours en contact avec eux. Leur amitié m’a sauvée.

L’accessibilité des obsèques, parlons en !

Mamie, cheveux courts bouclés blancs, en train de décortiquer les moules dans une assiette. Bouche serrée par la concentration, le pouce sur le couteau et la moule. Une baguette de pain à proximité de l'assiette ainsi que des verres de table et des couverts

J’ai perdu ma grand-mère la semaine dernière, c’était le pilier de mon enfance, comme certaines et certains auront pu le constater à travers mes billets. Voilà une semaine qu’elle est partie. 

Ce n’est qu’en étant confrontée aux situations qu’on pense à ce qui peut être amélioré. 

Avec le recul aujourd’hui, je me rends compte que l’accessibilité n’a pas tellement évolué de ce côté là. J’en parlais déjà aux obsèques de mon grand-père en 2013.

À l’époque, les membres de ma famille pensaient à me donner une version écrite de leurs prises de parole. Cette fois-ci, c’était différent puisque les petits-enfants, dont je fais partie, étaient en charge des textes. J’ai pu accéder facilement au contenu en amont des cérémonies.

Cependant, je me suis retrouvée quand même prise au dépourvu au crématorium. Certains textes ont été proposés par le maître de cérémonie. Je n’ai pas pu suivre puisqu’ils n’avaient pas été prévenus en amont, qu’il y avait une personne sourde dans la famille.

J’ai pris le temps cette fois-ci de rentrer en contact avec eux après les obsèques pour me procurer les textes.

Ça peut vous paraître bête, mais ne pas comprendre au même moment que ses membres de la famille ajoute de la frustration, accentue la peine que l’on a au moment présent.

J’ai demandé à l’équipe du Crématorium, s’il était possible d’envisager un livret à mettre à disposition des familles lors des cérémonies. Ils m’ont répondu, je cite : « qu’ils mettaient en place des moyens permettant à chaque personne présente lors de la cérémonie de suivre son cours, comme par exemple l’affichage sur l’écran des paroles, l’impression des textes, ou autre sur demande de la famille ».

Cela dit, ils ne m’ont fait aucune difficulté pour me fournir les textes à posteriori. Ils m’ont également dit qu’ils étaient désolés de ne pas avoir pu me donner ces supports pendant la cérémonie. 

Si vous avez des personnes handicapées dans vos familles, je vous invite à les prendre en considération pour qu’elles aussi puissent faire leur deuil au même titre que chacun et chacune. N’hésitez pas à leur demander de quoi elles ont besoin.

À titre d’exemple, la liste n’est pas exhausive : 

  • Supports écrits pour les personnes sourdes et malentendantes,
  • Interprète en LSF ou codeuse LPC selon leurs besoins,
  • Supports numériques pour les personnes aveugles et malvoyantes en fonction de leurs besoins, 
  • Accès au parking PMR, 
  • Accès à la place PMR dans l’espace religieux.

Je reste évidemment à la disposition de celles et ceux qui voudront améliorer ces évènements, difficiles parfois, à rendre la peine un peu plus douce de chacune et chacun.

Mamie Marie-Thérèse

Sophie à l'âge de 3 ou 4 ans, assise sur le pas de la maison de ma grand-mère. Toute sourire, petite robe grise, pull over rouge, bottines de peau beige avec de la moumoute. Le pas de la maison de ma grand-mère est fait de dalles blanches en pierre déstructurées.

Voilà quatre jours que tu es partie rejoindre Papi pour l’éternité. 

Tu avais 96 ans, un bel âge pour une vie tellement remplie …

Quatre jours que je ressasse les souvenirs que j’ai avec toi.
Quatre jours que je me demande comment je vais commencer ce billet tellement je veux laisser une trace ici. 

J’ai encore eu cette chance d’avoir pu aller te voir le mois dernier où j’ai passé tout un moment en ta présence mains dans les mains, tête contre tête.

Mars est le mois de ta naissance et de ton décès, mais ce que je retiens surtout, cette année, c’est la période de floraison des Magnolias en France et des Sakura au Japon. 

Tu aimais tellement les fleurs, que tu avais toujours un pot dans la salle à manger avec ces cyclamens ou ces kalanchoés, toujours une petite rangée de fleurs sur le devant de ta maison. 

Toi toujours coquette, avec ta mise en plis faite avec précaution souvent par une voisine. Classe, avec tes vêtements que tu pouvais coudre toi-même et prestance car tu étais grande. Ces qualités ne t’ont quasiment pas quittée de ta vie.

Les souvenirs sont pêle-mêle, les années se mélangent.

Aller dans l’arrière-cuisine en catimini pour y chiper des sucreries, je me disais toujours ni vu, ni connu, mais à mon avis, je devais faire bien plus de bruit que je ne le pensais. Est-ce que tu faisais semblant de ne pas avoir entendu ?

Regarder avec envie ces yaourts que tu achetais pour Tonton Olivier au caramel, et je demandais à chaque fois si je pouvais en prendre. Bien sûr que oui, pour moi c’était les yaourts de Tonton Olivier qui était à l’époque chauffeur routier. 

Repenser à cette porte-fenêtre dans la chambre où je dormais. Je n’avais pas le droit de passer le pas de cette fenêtre qui donnait directement sur le jardin et qui n’avait pas de barrière. Il arrivait que je bravais l’interdit pour descendre de cette fenêtre, faire le tour de la maison pour sonner à la porte d’entrée. Je riais aux éclats parce que je pouvais facilement passer sous la fenêtre de la cuisine qui était bien haute. Parfois tu riais de ma bêtise, parfois tu me disais que non il ne fallait pas le faire. 

Ce souvenir de ce tiroir dans cette cuisine en formica imitation bois, où il y avait les cahiers de dessin et de coloriage avec les crayons. Ce tiroir a toujours été là. 

Cette poubelle magique qui m’intriguait quand j’étais petite. On ouvrait la porte de l’évier et il y avait un trou béant au sol qui « avalait » les déchets, les miettes qu’on pouvait ramasser avec le balai. J’ai été longtemps intriguée par cette poubelle, je ne comprenais pas comment ce trou pouvait avaler autant de choses … Je l’ai compris bien plus tard. 

Cette cave toute noire, froide, basse de plafond, nombreuses sont les personnes qui se sont cognées la tête sur ce cadre de porte. J’en avais tellement peur que je ne voulais pas y aller. Les années ont passé, un jour j’y suis allée et j’ai été émerveillée de voir toutes ces pommes et ces pots de confiture que tu conservais dans cette cave avec papi, alignées parfaitement, comme si ca avait été rangé avec une règle.

Ce grenier sombre, j’avais interdiction d’y aller, l’escalier était tellement raide. Tu avais peur qu’on s’y rompe le cou. Comme c’était interdit, la tentation d’aller voir, était bien grande que j’y suis allée quelques fois avec mes cousins pour y découvrir des choses qui ne servaient plus …

Comme ces chaises hautes de bébé avec une lanière de cuir pour les empêcher de tomber, c’est vrai, tu as été nourrice pendant une période de ta vie après avoir élevé cinq enfants. 

Je sais que tu as connu la guerre de 39-45 mais tu en as jamais parlé de ton ressenti de cette période. J’ai juste les quelques bribes que Papi a bien voulu partager avec nous.

Le soir, je pouvais regarder la télé mais pas la journée ou alors seulement les Feux de l’Amour ou Dallas. À l’époque, les programmes sous-titrés étaient bien rares et pas forcément adaptés à mon âge. La télé était dans la cuisine avec mon décodeur télétexte. Je pouvais regarder le programme que je voulais c’était un luxe pour moi ! Avoir la télé à moi seule pendant que tu la regardais avec papi dans la salle à manger. 

La journée, il m’arrivait de prendre une chaise pour y accrocher un élastique au portail et sauter à l’élastique devant la sortie du garage. Je passais en fin de compte pas mal de temps dehors à faire je ne sais plus quoi. 

Cette clio grise où il fallait monter derrière parce que Papi était pas d’accord et qu’une fois la côte montée, tu t’arrêtais, je passais devant sur les sièges pour pouvoir m’attacher correctement. Cette cachotterie n’a pas duré longtemps, mais j’en garde un excellent souvenir. 

C’est toi aussi qui m’a donné ce contact avec les animaux, découvrir ces petits poussins tous jaunes enfermés dans des cagettes dans la grande Halle du marché de Bressuire, ca m’avait intriguée.
Les oies et lapins que tu nous laissais toucher pour ensuite les tuer pour le repas, je n’ai jamais pu en manger un seul puisque j’avais vu comment tu faisais. Mais ça ne m’a pas empêchée d’être intriguée sur la préparation des escargots, des poissons, ces trucs que tu préparais avec ton sempiternel couteau de cuisine et ton tablier. Tu en avais le pouce abimé à force. 

Ce pouce, qui passait son temps à tourner autour de l’autre pouce quand tu avais les mains croisées sur ton ventre quand tu regardais la télé, pendant les conversations, c’était une manière d’occuper tes mains. 

J’ai appris il y a deux ans, je crois, que tu avais fait une école de couture, j’aurais tellement voulu en parler davantage mais ta mémoire te faisait déjà bien défaut… école, stage, je ne sais pas, mais tes yeux ont brillé à ce moment-là quand tu en as parlé. 

C’est toi qui m’a offert ma première machine à coudre. J’ai appris à coudre toute seule mais j’étais fière de pouvoir faire comme toi, de coudre mes vêtements désormais. 

J’adorais quand on arrivait avec mes parents sans prévenir, et voir ta tête dans l’encadrement de la fenêtre de la cuisine. Tu avais un air ahuri, incrédule à chaque fois que ce soit à Bressuire ou à la Boisselée. Tu levais les bras tellement tu étais contente. Toujours contente que j’avais peur d’être étouffée dans tes bras et ton énorme bisou sonore que personne n’a jamais pu imiter. 

Il n’y aura plus d’arrivées surprises. 

Journée mondiale de la surdité

Sophie avec un sourire à l'âge de 5 ans au garde à vous, les bras derrière le dos, avec sur la tête un bandeau intitulé Presse-Ouest, avec une plume rouge accrochée.

10 millions de personnes qui ont un trouble de l’audition en France ! Hein, j’ai pas bien entendu ?

Oui, aujourd’hui ce chiffre est estimé à 10 millions de personnes (source : enquête de la DREES). Il est urgent d’agir, de ne plus mettre ce handicap de côté.

Pourquoi je parle de ce chiffre ? La surdité est un handicap invisible. Nombreuses sont les personnes qui sous-estiment la charge mentale que j’ai quotidiennement pour pallier à mes besoins auditifs.

Je le vis bien aujourd’hui parce que j’ai mis en place des systèmes qui font que je ne fatigue plus autant qu’avant, mais cet équilibre est fragile et peut être menacé à tout moment.

Quelles sont les 3 principales bonnes pratiques que vous pouvez utiliser face à une personne sourde comme moi ?

  • Parlez normalement : restez vous-même !
  • N’hésitez pas à répéter : je fronce des sourcils quand je n’ai pas compris,
  • Évitez de mettre les mains sur votre visage car je lis sur vos lèvres.

Comment je lis sur vos lèvres ?

Je pratique la lecture labiale depuis ma tendre enfance, c’est ça qui m’a sauvée de mon silence. Cela demande un entraînement mais aussi une souplesse célébrale pour faire la distinction entre les différents mots qui ont des sosies labiaux.

Fatigue auditive ?

À force d’efforts quotidiens, beaucoup de personnes oublient que la fatigue auditive est quasi présente. Pour cela, je fais en sorte d’utiliser les outils qui me facilitent mon quotidien, j’y arrive mais cela implique une bonne organisation et une bonne dose de sensibilisation.

C’est un sujet qui est très peu abordé mais qui commence à l’être avec l’évolution des technologies, les personnes qui ont des troubles de l’audition, le chiffre va doubler d’ici 2050 au niveau mondial.

Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale de la Surdité. Je partage ces deux petits moments de joie du jour avec vous :

Le premier, j’avais décliné ma présence à un évènement au départ. En discutant avec la personne, les choses se sont mises en place, et une solution a été trouvée. Je suis contente parce que je sais que je vais pouvoir me reposer dessus pour ma compréhension.

Le second, j’ai eu la joie ce matin de rencontrer une équipe avec qui je vais travailler dans les semaines à venir. Lors de notre rencontre, j’ai eu droit à la question des choses à faire pour que notre rendez-vous se passe bien, que notre collaboration soit optimale et que la communication ne lèse personne.

Ce genre de comportement fait plaisir, car oui, la surdité est un handicap invisible et parfois il est un peu lourd à porter seule.

N’hésitez pas à faire ces petits efforts minimes pour vous, mais tellement importants pour moi et les personnes concernées par cette surdité.

PS : désolée pour ceux qui n’aiment pas les photos des gens, mais là j’étais obligée pour vous interpeller sur le sujet. Et oui, j’étais déjà en mode « combative », enfant.

2025, les résolutions, les vœux…

Implants cochléaires posés face à face avec chacun de leur côté l'antenne qui est reliée. La forme intérieure est un coeur.

Janvier est souvent le mois des résolutions, des vœux.

Le monde a tellement évolué. Il y a du bien mais le négatif déborde dessus. C’est difficile de garder à vue le côté positif de ce monde surtout en ce moment.

Voilà maintenant 30 jours que je me refusais à publier un message de meilleurs vœux pour montrer que j’existais sur les réseaux entre autres.

Je trouve ça hypocrite. 

Voilà, j’ai procrastiné, maintenant faut passer à l’action.

J’ai lance So accessible voilà il y a maintenant, 6 mois.
Non, je ne ferai pas de bilan chiffré. 

Le question qui brûle les lèvres, j’imagine : est-ce que je regrette ? Non. 

L’entreprenariat n’est pas à la portée de n’importe qui comme on peut le voir sur les réseaux sociaux. 

L’entreprenariat au féminin, c’est pas si facile que ça. Je pèse mes mots parce que je ne veux pas donner de vision précise pour le moment, chacune et chacun a son idée.

L’entreprenariat en tant que personne sourde, ce n’est pas facile du tout. Le handicap augmente la difficulté de pouvoir entreprendre, compenser par rapport à son handicap. Et la compensation a ses limites matérielles, psychologiques et physiques. 

Le sentiment que j’ai aujourd’hui : être au 42 ème jour du mois de janvier. C’est pour vous dire qu’il a été si long, il m’a achevée. Mise à terre pour être franche.

Cependant, ce nouveau challenge m’appris de nombreuses choses.

Le silence

J’ai conscience qu’il me faut davantage de silence qu’avant. Aujourd’hui, je ne peux plus me lever et mettre les appareils au réveil. Non, il me faut du temps.

Même chose en journée, j’ai besoin de ce temps de silence. 

Jamais, au grand jamais, j’aurais imaginé que ça m’arriverait. Personne ne m’avait prévenue, j’en parle maintenant pour prévenir les générations futures. La fatigue auditive, personne n’en parle.

Elle est dangereuse car elle peut aller jusqu’à provoquer une fatigue physique et mentale. 

Janvier est le mois où mon corps m’a redit à nouveau stop. Cette fois-ci, ne pas utiliser sa souris et travailler mais avec un cerveau encore en marche. La douleur a pris le dessus. Elle a tout effacé et a commandé l’arrêt total. 

Après 3 semaines de mise à terre, je me relève enfin. Je tire des leçons, de la résilience, comme toujours. Toujours je me relèverai. Je n’abandonnerai pas.

Regard dans le rétroviseur

2024 a été une année incroyablement riche. Quitter mon emploi salarié après avoir été à l’autre bout du monde, repartir sur un vélo pour faire 1000 kilomètres toute seule sans avoir vraiment planifié les hébergements, oser se lancer dans cette folle aventure de l’entreprenariat, qui est une découverte perpétuelle. Chaque journée est différente. Rien n’est pareil, rien n’est figé. 

C’est violent quand même, surtout on sait que la stabilité c’est plus confortable… à tous points de vue.

Il n’y a pas à dire l’entreprenariat en étant une femme handicapée, c’est pas de la tarte. Parce que sur les réseaux, je ne vois que des gens qui réussissent, qui n’ont pas forcément des difficultés, que tout va bien. Hélas, je pense que ce n’est pas totalement vrai, d’où ma sincérité sur ce post. 

Un peu de futur quand même

J’espère que j’en tirerai bientôt satisfaction mais pour l’instant, je ne peux pas me reposer sur mes lauriers, pas encore. 

Je vais continuer à rester motivée, me reposer sur mon réseau de partenaires professionnels qui est là en soutien, des clients présents et confiants. Je les en remercie aujourd’hui de m’avoir aidée à faire ce beau démarrage. 

Je reviens vite.

La musique est désormais tactile

Interface d'Apple Music avec la couverture de l'album de Gershwin, le titre est The Piano Rolls. Le morceau qui est joué est Rhapsody in Blue de Georges Gershwin. L'option Musique tactile est activée et que c'est connecté à mes appareils "Sophie Hearing Devices"

J’écoute de la musique. Quand c’était possible, je posais les mains sur les enceintes pour pouvoir la ressentir. Je l’écris au passé, car aujourd’hui c’est en train de changer.

Apple a innové avec la dernière version d’iOS 18 pour les personnes sourdes et malentendantes. La musique est désormais tactile. Le fait de ressentir la musique par les vibrations sur mon téléphone me permet de me raccrocher à quelque chose de bien concret. J’ai activé cette fonctionnalité en passant par le menu des réglages > accessibilité > Musique tactile.

Même si je suis implantée bilatérale depuis maintenant 8 ans, je découvre toujours de nouvelles sonorités, mon cerveau apprend encore. Quand on n’a jamais entendu de sa vie, le son est quelque chose de difficile à matérialiser. C’est possible mais il faut beaucoup de ténacité, de volonté pour entendre.

Avec les implants cochléaires, tous les sons sont au premier plan au début de l’apprentissage. Il faut apprivoiser notre cerveau, lui apprendre à faire la différence entre ce qui est au premier plan ou en arrière plan.

J’ai testé cette fonctionnalité dès qu’elle est sortie.

Mon premier morceau est un morceau que j’affectionne particulièrement, c’est “Rhapsody in Blue” de Georges Gershwin. J’ai écouté et surtout, j’ai ressenti toutes les variations instrumentales de ce morceau.

Entendre un violon démarrer doucement, pour ensuite être accompagné par un autre instrument sur un autre tempo, c’est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé pouvoir le ressentir. Il y a des sonorités que je perçois moins bien que d’autres, désormais ça va être plus facile pour faire apprendre à mon cerveau qu’à ce moment là, il y a un son qui arrive et que c’est cette intensité, ce rythme, ces pauses.

L’émotion était tellement forte, les larmes ont coulé toutes seules. Arriver à ressentir un son par la vibration avec une telle précision.

J’ai testé avec d’autres musiques comme “Billie Jean” de Mickael Jackson, qui est un morceau que de nombreuses personnes connaissent, ou encore “FlashDance”. Partager l’émotion musicale avec d’autres personnes est désormais possible.

De temps en temps, je peux me poser et regarder mon téléphone avec la musique pour lire les paroles et savoir quand elles sont prononcées mais aussi les comprendre à la façon d’un karaoké.

Interface d'Apple Music avec le morceau de Billie Jean de Mickael Jackson. Les paroles sont affichées à l'écran et s'éclairent au fur à mesure qu'elles sont prononcées. Les paroles suivantes sont moins visibles mais on les devine. L'option musique tactile est activée et l'interface est connectée à mes appareils "Sophie Hearing Devices"

Avec la musique tactile, quand le son démarre tout doucement, la vibration est très faible et monte en puissance avec le son. C’est pareil avec les paroles, si la note est tenue vocalement, on la sent dans la vibration.

L’émotion de la voix est aussi retransmise dans les vibrations.

Ressentir l’arrivée et le départ de chaque instrument dans les morceaux de musique, sachant que le tempo varie pour chacun, j’arrive à décomposer toute la musique avec un peu d’attention.

Un exemple bien concret pour la vibration de la guitare quand on la gratte avec un médiator (ou plectre en français) cet objet triangulaire, on l’entend frotter les cordes de la guitare.

J’ai, en souvenir, mon cousin qui jouait de la guitare avec un regard tellement attentif sur les cordes de la guitare, sur son morceau pour me faire ressentir ces vibrations qu’il m’est arrivé de mettre ma main sur sa guitare.

Aujourd’hui, la vibration est identique sur mon téléphone à ce que vous pouvez entendre. C’est une vibration qui est un peu “électrique” parce qu’on sent qu’elle continue de vibrer même si elle perd en intensité accompagnée des vibrations des autres cordes de la guitare.

L’accessibilité numérique est universelle, elle profite aux personnes handicapées mais aussi à tout le monde.

Mon fils a découvert également cette fonctionnalité, il l’a trouvée bien. Son retour c’était : “c’est bien. Si tu penses à des beatsmakers — est un compositeur de morceaux instrumentaux pour rap, hip-hop ou RnB contemporain (source : wikipedia)— , ca donne le tempo de la percussion ou de la basse, et que ca va leur permettre de calculer plus facilement”.

En bonus, une petite interview sur France Inter est passée sur ce sujet : « J’ai écouté et pleuré » : grâce à des vibrations, Apple permet aux personnes sourdes de profiter de la musique”

La musique tactile d’Apple fait très bien le travail.

Merci de bien vouloir patienter …

Téléphone avec un fil qui relie le combiné au terminal. Les chiffres s'obtiennent en les tournant sur l'interface du téléphone. Téléphone du 20e siècle. Il n'a rien de digital.

ou l’art d’apprendre à parler au téléphone.

Merci de bien vouloir patienter qu’une secrétaire prenne votre appel.
Votre appel est susceptible d’être enregistré.
Merci de bien vouloir patienter qu’une secrétaire prenne votre appel.
Votre appel est susceptible d’être enregistré.

Oui, allô ?
Allô, je ne vous entends pas.
Allô, madame, c’est pour …
Allô, je ne vous entends pas.  
[Communication terminée]

Il est 8h du matin, aucun service de transcription écrite de la parole assistée d’un humain est disponible à cette heure-ci, pourtant il y a de nombreux services qui ouvrent à cette heure-ci. Je parlerai d’un cabinet de professionnels de santé, équipé d’un secrétariat volant. Ceux-là, ce sont les pires (ou pas). Il faut traiter les appels le plus rapidement possible. Je le sais d’avance.

Je n’ai pas eu le temps de lire la transcription écrite que ca avait déjà raccroché. Comment expliquer l’inaccessibilité que je subis dès le matin, dès le réveil ou presque. La sensation désagréable de prendre une douche froide.

Je sais qu’avec mes implants j’ai fait énormément de progrès, que je reconnais plein de mots, mais dans ces moments-là, j’aime bien me sécuriser et commencer ma journée correctement.

Je constate que chez les personnes entendantes, le silence n’a pas sa place.

Jamais.

S’il y a un blanc au téléphone, on croit que c’est la communication qui est parasitée, si c’est dans une conversation, ça peut être signe de malaise ou je ne sais quoi et si c’est dans une réunion, la parole est vite prise.

Il suffit d’attendre 3 ou 5 secondes, ça peut paraître une éternité mais non. C’est le temps qu’il nous faut parfois pour lire et réagir quand on dépend de la transcription d’un contenu tiers.

Tip Accessibilité : S’il vous plaît, si vous avez en face de vous une personne qui a un handicap de « communication », comptez jusqu’à 3 ou 5 dans votre tête et ensuite vous pouvez recommencer votre phrase pour ensuite passer à autre chose.

Qui a dit que le silence est d’or ?

PS : non, ce n’est pas toi qui es visé.

S’il te plaît, apprivoise-moi …

Schéma représentatif des électrodes actives qui sont dans la cochlée

Il y a 7 ans, j’étais à l’aube de ma nouvelle vie sonore.

J’ai été implantée des deux oreilles le 17 novembre 2016, suite à une baisse du reste d’audition qui me restait. Il ne faut pas oublier que je suis sourde de naissance.

Après l’opréation, j’ai été plongée dans le silence pendant un peu plus de quinze jours.

Quinze jours, qui m’ont paru une éternité,

Quinze jours à gamberger, c’est long,

Quinze jours à trouver la définition du silence,
parce que ton cerveau en fait, il entend des sons fantômes,

Quinze jours à te poser la question de savoir comment va être cette nouvelle vie sonore ?

Est-ce que ça va marcher comme je l’imagine ? Est-ce que je vais entendre quelque chose ? Est-ce que ça va être des sons métalliques ? Est-ce que je vais entendre les petits oiseaux ?

J’avais plein de questions et d’incertitudes dans ma tête, j’ai tout écrit pour pouvoir m’en rappeler un jour comme celui-ci.

Je vous raconte ça sur ce billet 🙂

Le temps vole, plus vite qu’on le pense. 

Voilà une semaine que je suis rentrée de mon voyage du Japon. 

Et aujourd’hui, j’ai un an de plus. 

Désolée, je ne raconterai pas encore mon voyage par ici, je le digère encore 💙

Je ne réalise pas que j’ai encore fait un truc un peu fou finalement, ma tête est encore un peu en mode : «  je l’ai vraiment fait ». 

Hein ? Qui ? Quoi ? 

Je viens de passer un mois à l’étranger, seule. Je me suis prouvée à moi même que c’était possible de réaliser des choses un peu folles, sans maîtriser la langue, avec ma surdité et en solo. 

Même si j’avais des amis qui m’attendaient avec impatience à l’arrivée, qui sont venus me chercher â l’aéroport, qui m’ont hébergée quelques temps chez eux. J’ai passé la plupart de mon séjour seule et les week-ends avec eux. 

Je dois dire, que j’ai a-do-ré. 

À tous les niveaux, que ce soit visuel, olfactif ou auditif. Je ne réalise pas, je ne sais pas par où commencer tellement il y a à partager.

Aujourd’hui, j’ai un an de plus.

D’habitude, je ne le dis pas, mais cette année j’ai envie de continuer à bouleverser les lignes qui étaient tracées pour moi. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas pris plaisir à me souhaiter Joyeux anniversaire à moi même. 

C’est une année qui vient de s’écouler et pas des moindres ! Quand je repense à l’aube de mes 40 ans, je sortais d’une période de santé difficile, je me faisais implanter pour pouvoir entendre à nouveau avec quelques années intenses de rééducation. 

Les années de ma quarantaine ont été finalement plus riches que je me le pensais et ce n’est pas fini ! J’ai envie de dire que ce n’est que le début. Le meilleur reste à venir !