Sophie Drouvroy - Vis ma vie de sourde

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Assister à une réunion

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 28 avril 2011

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Je vais commencer par planter le décor, je suis sourde oraliste avec une bonne lecture labiale.
Le français est ma langue maternelle, la langue des signes est une langue que je connais depuis l’adolescence, et que j’utilise ponctuellement.

Ces petits billets auront pour vocation de vous montrer la réalité des choses qui peuvent ne pas être faciles en tant que personne handicapée.

Tout n’est pas si accessible !

J’ai été, il y a peu conviée a une réunion de travail par une association, dans le but de faire avancer les choses au niveau de l’accessibilité. J’y suis allée avec beaucoup d’enthousiasme, mais …
J’ai découvert avec stupeur sur place, qu’il y avait plus de 20 interlocuteurs (entendants pour la plupart), et surtout aucune retranscription écrite des échanges oraux faits. Difficile de suivre.

Imaginez-vous à une réunion de travail de cette ampleur, mais on vous coupe la lumière (qui est absolument nécessaire à votre bien-être – salle très sombre par exemple), auriez-vous fait la réunion ?

Au retour, vous reprenez les transports en commun, mais ….
Il y a une annonce vocale, vous savez pas ce qu’il se passe, vous continuez votre chemin sans savoir si vous allez arriver a destination, si c’est juste une annonce vocale disant de faire attention aux pickpockets, ou juste que votre train s’arrête pas a votre station préférée.

C’est pas un poil chiant ?

Est-ce que cela vous plaît ? Je continue ?

Déjeuner en groupe

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 26 mai 2011

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Allez, un nouvel épisode !
Seront répertoriées ici les situations vécues auxquelles je peux être confrontée. Mais je ne vise personne de particulier, cela a pour but de montrer les problèmes quotidiens.

On me propose de venir déjeuner avec 3 personnes bien entendantes qui sont au courant de ma surdité (en temps de travail tout va bien), qu’il faut me regarder ou du bien articuler sans pour autant me regarder tout le temps, ben oui, on ne va pas monopoliser toute l’attention non plus 🙂

Le déjeuner commence, la conversation commence à s’enflammer au vu de l’actualité actuelle, c’est chauuuUUUd ! Vaine tentative à faire répéter l’un, je me ravise en me disant que je vais attendre un peu, histoire que la conversation se calme, mais … c’est pas le cas, alors je tente un « parlez pas tous en même temps » … qui lui passe quasiment inaperçu dans la conversation animée.

Je retente de faire répéter, de faire comprendre que je n’ai pas compris en glissant un regard interrogatif. On me répète ce qui a été dit. C’est super sympa. Sauf que ca n’a ni queue, ni tête. Une phrase sortie de son contexte parfois ca veut pas dire ce que ca doit dire. Hein toi, lecteur qui me lit, tu comprendras peut-être ?

Penser intérieurement que parler la bouche pleine, c’est pas franchement gratifiant pour la personne sourde qui voit toute votre nourriture malaxée entre les dents et qui essaie de suivre la conversation malgré le décor imposé.


Note pour plus tard :

– soit arrêter la conversation et rappeler les règles du jeu qui sont aussi valables pour les autres.

– soit prendre ses affaires une fois qu’on a fini de manger, de regarder la mouche voler, et leur souhaiter une excellente fin de déjeuner. C’est pas franchement la solution que je préfère, peut-être qu’elle est plus « choc« .

– soit déjeuner tout seul avec ses pensées et accessoirement son tricot s’il y a (c’est pas funny non plus hein.).

Et toi, lecteur entendant, si tu devais avoir une personne sourde à tes côtés, comment réagirais-tu si ton interlocuteur sourd te faisait l’une des 3 notes proposées ?

 

Sur ce, j’ai faim. Bon appétit !

S’informer dans les transports

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 juin 2011

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Prendre les transports pourrait être un geste quotidien, voire anodin pour toute personne habitant en île-de-france.

Un beau matin sous un temps lourd, un RER arrive à votre station, quasiment vide, vous vous dites : « chouette, je vais pas voyager comme une sardine« .

Jusque là tout va bien, me direz-vous.

Oui, mais… à une station de l’arrivée, par chance, tu as le droit à un message vocal de la part du conducteur RATP.
Et, crounch-crounch dans le micro.
Je lève la tête, cherchant à comprendre : un torrent de personnes qui se sont engouffrées dans le RER.

Je me dis qu’il y a encore une personne qui empêche la fermeture des portes, n’ayant toujours pas eu la ladite information.

On repart, dans le tunnel, et là rebelote : crounch-crounch dans le micro, j’en conclus que c’est un ralentissement de trafic.

Moralité de l’histoire : ne pas avoir d’informations comme tout le monde, c’est pénalisant. Essayez de prendre les transports avec un casque anti-bruit et on s’en reparle.

Note perso : monsieur le chauffeur de la rame RATP, si tu causes pour rien dire, bah tant qu’à faire, tu peux te taire… 🙂

S’intégrer dans une équipe

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 octobre 2011

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Un nouvel épisode, écrit à chaud pour que toi, lecteur entendant puisse comprendre mes émotions.

ça fait plusieurs fois que ça se produit, je ne vise personne en particulier.

Être au sein d’une équipe/groupe, c’est super car il y a des échanges, des réflexions, et surtout je ne suis plus seule. Que du positif.

Oui mais non, c’est à double tranchant.

Double tranchant pourquoi ? Parce que tu veux faire bonne impression d’une part, et d’autre part il faut ré-expliquer ton handicap.

C’est pas toujours chose aisée.

La surdité c’est plus compliqué que ça.

Suffit pas de parler plus fort (entre nous, ça me sert à rien),
Suffit pas de se rapprocher de moi et baisser la tête vers le bas (c’est pire parce que je dois « descendre » physiquement pour être à ton niveau),
Suffit pas de ne pas bouger le corps, mais dodeliner de la tête, ça aide pas non plus… (j’essaie de faire avec mais des fois avec la fatigue je laisse tomber),

Lecteur entendant, si tu n’articules pas, que tu me regardes pas, je peux pas comprendre ce que tu me dis.
Pardon si je pète un cable, mais j’ai beau faire des efforts, mais parfois c’est sur-humain ce que tu me demandes.

Ne pas comprendre une conversation « ping-pong » ça arrive souvent, oui parce que ça va très vite, et moi le temps que je comprenne…

C’est à retardement, c’est très chiant d’arriver après.
Mais surtout c’est nul d’avoir un train voire un wagon de retard dans la conversation : j’ai l’air con au final, et j’aime pas ça.

J’avais un rêve, Paris Web l’a fait

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 octobre 2011

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Pardon d’avance si j’ai oublié des personnes, je les remercie chaleureusement.

Le streaming de 2010

 

Cela faisait déjà 2 ans que ma moitié y allait sans moi, frustration de le voir partir le matin, et le voir rentrer le soir avec la banane aux lèvres, et me dire intérieurement : « et moi ? »
En 2010, j’ai appris bien trop tard qu’il y aurait de la vélotypie à Paris Web. Il n’était pas concevable pour ma part d’aller à Paris Web en payant le prix fort, d’autant plus que je n’avais pas les moyens à ce moment-là (parfois, il faut faire des sacrifices)

J’ai donc suivi l’édition 2010 via internet grâce au streaming et à la vélotypie retransmise en direct également. J’en garde un excellent souvenir (mon fauteuil aussi). Je travaillais à la maison à cette époque-là. J’ai finalement posé ma question sur le twitter de Paris Web, en demandant si la prochaine édition serait sous-titrée. Ma moitié a vu mon tweet passer sur l’écran, a demandé à prendre la parole et a posé ma question.

Une chose était certaine à ce moment-là : l’équipe de Paris Web a dit qu’elle allait essayer de tout faire pour renouveler cet exploit de vélotypie et voir comment avoir des interprètes LSF.

Début 2011, je me remets en question, à savoir si je devais changer de métier, changer de voie, puisque je n’arrivais plus à trouver du travail.
Était-ce la faute à mon handicap, la faute à ma motivation, ma confiance qui était au niveau zéro depuis quelques temps.

Les apéroweb

Lors d’un apéroweb (merci à V-Lentz sans qui cela n’existerait pas, cependant j’ai une réclamation : mais pourquoi le lundi et pas le vendredi ?!?), ma moitié met au défi les quelques personnes présentes de me proposer du boulot, de dire que c’est pas le handicap qui prime mais les compétences.

C’est chose faite.

J’ai rendez-vous pour un boulot, j’accepte avec appréhension, la peur au ventre de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur des attentes.
Durant quelques mois, je me remets à faire du css, du SPIP.
Merci à Cym de m’avoir fait confiance.
Merci aux spipeurs du chan #SPIP, j’ai appris plein de choses et j’y reviendrai 🙂

En Mai, @Sebcbien me confirme qu’il y aura de la vélotypie et des interprètes pour l’édition 2011.
Je trépigne de joie … mais aussi de peur, de rencontrer ces personnes que je ne connais qu’à travers un écran virtuel, avec qui j’ai échangé des mots peut-être parfois un peu « directs » pour certains, mais un réel échange s’est noué. Il m’est plus facile de communiquer par l’écrit que par l’oral quand je ne connais pas la personne.

Devenir Oratrice

 

Arrive l’atelier des orateurs « Maman j’ai peur je ne veux pas y aller » pour se préparer à être orateur, je me décide à la dernière minute à y aller. Je me dis que cela ne peut pas me faire de mal et me donner un aperçu de ce que ca pourrait être. J’y vais. Moment difficile, vaincre sa timidité, prendre sur soi, avoir confiance, il y a eu des grands moments de solitude, être contente mais ne pas arriver à parler, à aller vers les gens pour échanger … Finalement, ce fut enrichissant même si je suis restée discrète. Merci à @Nissone et @Cheekfille pour vos encouragements.

L’appel aux orateurs arrive, je me dis que oui après tout je peux tenter ma chance moi aussi, et que je verrai bien ce que cela donnera … Après tout, ma proposition pouvait très bien ne pas être retenue. Et auquel cas, j’étais sauvée si ce n’était pas retenu. Oui je sais, je suis un peu folle sur les bords.

Fin juin, la réponse tombe. Ma présentation a été retenue. La pression monte d’un cran. Je me prépare mentalement, je finis visiblement la première mes slides et mets la pression à tout le monde. Pardon Stéphane, c’était pas voulu !

En août, c’est les vacances, je m’arrange pour pouvoir faire une présentation d' »entrainement« .
Merci à vous d’avoir rendu cela possible, ça aide beaucoup.

Les 3 jours à Paris Web

 

Soirée Orateurs, la pression monte d’un cran, je comprends difficilement les personnes faute de calme, saluer entre autres les personnes qu’on a « croisées » par-ci, par-là, sur twitter, un peu partout … Ça fait bizarre… 🙂

Vient le jour J, la peur au ventre, de ne pas y arriver, d’être nulle, de faire un fiasco. L’ambiance dès l’arrivée est chaleureuse, on s’y sent comme chez soi.
L’équipe toujours là pour avoir le petit mot qui fait plaisir, qui rassure ou tout simplement le regard.
Je me suis dit que j’étais dans un rêve et je n’y croyais pas.
Une fois ma présentation terminée j’ai commencé à réaliser que c’était arrivé.
Que je n’étais pas dans un rêve mais que c’était bien réel.

J’assiste aux conférences, je savoure avec la vélotypie (la langue des signes moins pour ma part mais c’est un support qui peut aider parfois quand il y a vraiment besoin ou quand il y a pas de vélotypie ce qui était le cas dans le petit amphi). J’alternais entre l’interprète LSF et l’orateur quand il était bien audible. (oui, il y a certains orateurs qui articulent vraiment ! je ne citerai personne pour pas faire de jaloux)
Vient la soirée de l’apéro communautaire, ambiance détendue, c’était chouette. J’étais bien même si parfois j’arrivais plus à comprendre parce que la fatigue était là, et mon cerveau arrivait plus à fournir, trop d’infos à emmagasiner en si peu de temps. C’est pire que du lait concentré. si, si, overdose.

3 mojitos. Merci à @tetue pour le dernier mojito. Il m’a emmené au pays des bisounours.

Retour à la maison, les larmes de fatigue, de joie, coulent de réaliser que c’est vraiment arrivé et que putain (pardon maman pour la vulgarité), que oui moi aussi je sais faire quelque chose dans le web, et que je peux assurer (les personnes qui m’ont employées pourront me le confirmer enfin j’espère ! y’a que les personnes modestes qui sont de véritables experts. Merci Nico.).

2ème jour, pareil. Que du bonheur. Que du #sharethelove. Etre entourée de gens qui comprennent ce que tu fais, qui parlent « ta langue ».

Vient le 3ème jour (promis y’a pas 7 jours !), les ateliers c’est un peu plus dur, car plus de vélotypie, plus d’interprètes. Mais, mais… pour faire durer le plaisir d’avoir assisté à ces trucs, je choisis avec soin les personnes que je peux suivre.
Me montrer à chaque atelier en disant : « steupléé m’oublie pas, articule !!  »
Oui, même Denis Boudreau avec son accent québécois.
J’ai pris le risque, et j’ai savouré encore plus !

 

Cocotte Aujourd’hui, ça fait 3 jours que Paris Web est terminé, mais grâce à vous tous, ça dure encore un peu grâce aux sublimes photos que vous avez faites, grâce aux cocottes en papier (y’a un concours qui se prépare), et grâce à la gentillesse et générosité des gens que j’ai rencontrés, je crois que je vais continuer dans le web encore un peu … peut-être m’orienter davantage vers l’accessibilité si j’arrive pas à faire du code et du spip. Mais au moins faire quelque chose d’utile et productif.

J’ai peut-être encore des choses à dire, mais pour l’instant c’est ce que mon cœur m’a dicté. Et la larme à l’œil est pas loin…

Merci à vous.

#sharethelove
J’avais un rêve, vous l’avez réalisé.

Vous avez un message !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 novembre 2011

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Rien de plus agaçant d’avoir un téléphone sur son bureau, alors qu’on entend pas et que jamais, jamais on s’en servira ! Et que ce foutu téléphone il restera là quoi qu’on en dise.

Énervant, pourquoi me direz-vous ?

Parce que certains téléphones sont munis d’un répondeur … Ahem. Oui.

Ces téléphones ont des petits boutons, hein, il faut qu’ils servent à quelque chose. Des fois, ca se met à clignoter.

Et rien de plus énervant de le voir du matin au soir clignoter alors qu’on aura pris soin de le planquer derrière l’écran, mais que la femme de ménage le remet à sa place initiale (au secours !), qu’on aura essayé de comploter un assassinat de téléphone (en essayant de prévenir sur twitter) en le débranchant, oui mais comme c’est de la VOip, ben ton PC il lâche le réseau aussi.
Et là je m’aperçois que je suis dans le caca. (ce que je dis à mon fils pour rester polie – même si c’est pas poli de parler comme ça, il faut que ca sorte !! ).

Donc t’es o-bli-gée de le garder sur ton bureau. (si tu cliques sur la photo, tu auras droit à une jolie vidéo condensée de 10 secondes)

Groumph.

Fin mot de l’histoire, ma « ligne téléphonique » a été transférée chez ma supérieure hiérarchique. Personnellement, j’aurais préféré que la ligne n’existe pas carrément, histoire qu’on se dise bien que je suis la nana qui est sourde mais qui parle.
Oui mais j’entends pas au téléphone !!!

 

Procurer le silence à un entendant…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 novembre 2011

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Y’a des choses qui arrivent, qu’un proche soit hospitalisé par exemple. Auquel cas être confrontée à des choses qu’on aurait jamais, jamais imaginé mais qu’on le fait parce que c’est automatique (non pas comme les antibiotiques hein), on cherche le bien-être des gens qu’on aime.

Aller chercher des boules quiès, c’est une chose.
Les choisir c’en est une autre !
Ce qui me fait bien rigoler quand on est sourde comme moi 🙂

Voulant remplir ma mission à bien,  je me suis rendue dans une pharmacie et j’ai demandé des « boules quiès » et on me répond « Vous souhaitez lesquelles ? »

Réponse de ma part : « ah parce qu’il y en a plusieurs ? [avec étonnement je ne savais pas] » et réponse de la pharmacienne : « nous avons 2 types de boules quiès, les ….* et les silicones ». Je lui demande de répéter, je comprend toujours pas.

N’ayant pas compris la première option, je lui réponds que je n’ai jamais eu l’utilité de ces boules quiès à savoir que quand j’éteins mes appareils auditifs, je n’entends plus rien mais vraiment rien. zéro, nada, que dalle [pour votre information il me faudrait un 747 pour entendre quelque chose ].

A son tour, elle me regarde avec étonnement… je souris et lui explique que c’est pour un proche qui est hospitalisé, j’enchaine en lui demandant quel modèle elle préférait, elle en tant que personne entendante.

Réponse : elle me tend une boite de boules quiès en silicone bien colorées, qui ne serviront jamais (je suspecte un souci d’utilisation de la chose).
Je repars toute contente avec mon achat, et ma mission remplie.

Je comprends que les personnes entendantes recherchent parfois le silence (qui ne doit pas l’être totalement absolu j’imagine) mais le silence peut être parfois assourdissant, voire vertigineux …

Et toi lecteur entendant, qu’est ce que tu préfères ?

* cires

Rigoler avec les autres

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 novembre 2011

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– « Attends »
– « Non, c’est pas la peine que je te raconte »
– « C’est une blague à 3 francs »
– « Pas maintenant, plus tard »

Voilà le type de phrases que je subis régulièrement, c’est un peu démoralisant d’autant plus que j’essaie de m’intégrer, de vivre en même temps que les autres, sans pour autant rendre les choses pénibles quand je les fais répéter.

Je sais qu’il y a des moments où les gens parlent pour se « détendre« , changer les idées. Et moi au final, je me détends quand ? Presque jamais pour dire.

Mais, il y a des jours, où c’est comme ça, tu as pas le droit de savoir ce qui s’est dit, même si c’est la « blague à 3 francs« , ou si « c’est nul, ca en vaut pas la peine« .

Y’a des jours où tu te prends une remarque vexante parce que tu as dit : « pardon ? » dans le sens où tu as pas compris ce qu’a dit la personne, pas dans le sens « qu’est ce que tu racontes toi ? »

Tu sais, lecteur(trice) entendant(e), moi aussi j’ai le droit de participer à la conversation, moi aussi j’ai le droit à la blague à 3 francs, moi aussi j’ai le droit de comprendre. Non ? je savais que c’était pas un droit. Dommage.

Des fois, je vendrais bien ma peau de sourde juste pour être comme tout le monde, mais ça c’est pas possible. Je peux juste me taire, rentrer chez moi, pleurer un coup, me dire que « saperlipopette, je me laisserai pas faire et y retourner encore plus forte« .

Au final, je préfère encore rester comme je suis.
C’est aux gens de faire des efforts.
J’essaie de faire de mon mieux pour leur rendre la pareille.

Être à l’hôpital

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 novembre 2011

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La surdité et l’hôpital ça ne fait pas bon ménage.
Mais je pense que l’hôpital fait pas bon ménage tout court, hein ?

Accompagner un proche à l’hôpital, c’est jamais très marrant me direz-vous.
Mais en tant que personne sourde, c’est carrément PAS marrant du tout.

Déjà aux urgences, pour toute personne valide j’imagine qu’avoir des informations c’est pas chose aisée. A plusieurs reprises, j’ai demandé qu’on me regarde, qu’on articule. Soit. Ca a été à ce niveau avec les infirmières. Les docteurs n’en parlons pas… Au fait si une infirmière ou un docteur passe par ici, il serait bien qu’on ait un déroulé de comment ça va se passer hein, parce que vraiment là, c’est pas terrible terrible du tout.

Premier obstacle : pouvoir appeler au téléphone le staff des infirmières par soi-même à défaut de passer par une personne entendante (ici mon conjoint) ou un « centre relais téléphonique » c’est pas possible de passer par email ou SMS.
Tu penses bien que l’hôpital est pas équipé ! A moins de tomber sur une bonne âme …

Deuxième obstacle : Arriver à choper une infirmière et se faire comprendre sans souci. Pas toujours facile, du bruit, environnement intimidant.

Troisième obstacle : Votre proche change de chambre, embûche pour trouver le numéro de la chambre rien que par le simple fait de demander le numéro à l’accueil le jour suivant. J’ai trouvé après quelque péripéties entre 2 étages.

Quatrième obstacle : lorsque le personnel vient parler au proche qui est hospitalisé, vous êtes carrément invisible, alors qu’il y a besoin d’aide car quand on se retrouve hospitalisé, on n’a pas toujours tous ses esprits même si on est valide. Alors que si c’est moi qui suis hospitalisée, je le suis aussi. Y’a comme un problème…

C’est fou, non ?
Ah et puis 5 minutes en temps d’hôpital c’est 1h dans la vie réelle. Qu’on se le dise !

Sortir avec des entendants

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 16 décembre 2011

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Parfois, il arrive qu’on fête des anniversaires de personnes qu’on apprécie ! (coucou toi !)

Ces moments qui sont censés être chouette (ils l’ont été pour ma part), il arrive qu’il y ait de la musique (cékoiça ?), un truc d’entendant pour mettre de l’ambiance.

Vite sortir Shazam (une application permettant de te dire ce que c’est comme musique, quel auteur) pour être à la pointe et pas passer pour un looser de la musique même si je le suis profondément… (ok je l’ai pas utilisée ce soir mais j’y ai pensé très très fort !)

La musique n’a toujours été source de « bruit » même si j’aimerais en profiter davantage. Et de surcroit qu’on tamise les lumières pour rendre ce lieu bien plus charmant, cosy, tout ce que tu veux…  (c’est quoi ce tamisage de lumière, franchement ça aide ?!?), soit je commence à sentir la difficulté à arriver.
Pas de silence, pas de lumière…

Woooow, quelle ambiance !!! Mais quelle rigolade !
Rajoutez à ça, quelques bières, c’est fini. Y’a plus personne..

Mais, mais, pour finir, on aura droit à des jolies lumières vertes, ou rouges, qui sont censées être des « lasers » qui bougent en rythme avec la musique.

Alors au choix, tu donneras l’impression d’avoir la varicelle, un flingue sur la tempe, ou ressembler à Terminator en fonction de comment tu es placé par rapport à ces petits « lasers« .

profil de @tetue

Ces petites loupiotes vertes et rouges qui ne font que de t’enfoncer dans la difficulté de la compréhension des gens qui t’entourent. Cela dit, j’ai bien ri malgré tout, grâce à ces personnes justement.

Ça fait parfois du bien d’être comprise.

Et finir la soirée sur quelques tweets rigolos…

Je passe du coq à l’âne, mais c’est pour vous donner aussi cette impression que j’ai eue ce soir.

Dire que le film « The Artist » est un film muet. Précipitez vous pour aller le voir. « Donoma » aussi sans être muet en vaut la peine (j’en ai parlé ici aussi). Promis.

Trouver sa place à l’école

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 janvier 2012

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Il est arrivé à tout le monde de ne pas trouver sa place, de pas se sentir bien à tel moment ou à tel endroit. J’aimerais bien que ces situations-là se reproduisent moins dans le futur.

L’école.
J’ai eu à plusieurs reprises cette sensation de ne pas être à ma place durant mon parcours scolaire, mais la prise de conscience n’était pas aussi forte qu’aujourd’hui. Peut-être que c’est tant mieux. Je ne sais pas.

Ce n’est pas toujours évident puisque le français s’acquiert aussi par l’ouïe et la parole. (oui toi là derrière, ne crie pas, je sais qu’il y a aussi la lsf, le lpc…mais ce sont pas des moyens qui m’ont été donnés dans ma jeunesse) Je ne critique personne, c’est juste un constat de ce que j’ai vécu.

L’école primaire
Je m’étais bien débrouillée en première année de CP. Le corps enseignant a jugé bon de me mettre en intégration dès le ce1. (Certains diraient que c’est de l’intégration sauvage, oui, bon, ne criez pas au scandale, c’est fait.)

Il ne m’a pas été facile de me faire accepter, étant vite le centre d’attention du maître d’école…

Ces traitements de faveur ont fait que je passais très vite pour le “chouchou” du maître d’école.

Il avait tendance à me placer différemment dans la classe de manière à pouvoir intervenir rapidement si j’avais besoin de lui pour comprendre un énoncé d’exercice par exemple. Ou pendant les dictées, j’étais très souvent placée au premier rang (et là pas moyen de faire une bêtise … moi qui crevais d’envie d’être au dernier rang).

Les enfants ne sont pas tendres.
Mes petits camarades ne faisaient pas forcément l’effort de m’inclure dans leurs jeux malgré mon gros stock de billes – une trousse en jean pleine de billes ! – j’avais bien plus de difficultés à m’exprimer qu’aujourd’hui. Il arrivait parfois qu’ils viennent me voir en se moquant de mon élocution, c’était un peu dur à digérer quand je pensais aux nombreuses heures d’orthophonie que je faisais à l’époque (au minimum 2h par semaine).

Les maîtres et maîtresses d’école m’ont laissé un meilleur souvenir que mes petits camarades. Ceux avec qui j’avais le plus d’atomes crochus, avec le recul, c’était des enfants qui n’avaient pas forcément le profil parfait (bien enrobé, un peu maigrichon, pas français, j’en passe…)

J’ai tout de même un bon souvenir du primaire, et c’est avec joie que j’ai retrouvé il y a quelques années mes 2 copines avec qui je passais mon temps dans la cour de récré.

L’adolescence.
Le collège, période difficile.
Quand un parent valide a un enfant en situation de handicap, il développe un lien qui est à la limite de la surprotection. Ils ont besoin de combler ce “manque” que l’on peut avoir en soi, ici l’audition.

J’ai pas été une ado rebelle (Maman tu confirmes ?). Rassurer ma maman tant que je pouvais, que j’étais capable de me déplacer sans pour autant briser ce lien que j’avais avec elle.
Prendre le bus toute seule en 4ème a été une des premières choses que j’ai pu faire sans ma mère. J’avais une heure maximum pour rentrer à la maison, le portable n’existant pas à l’époque.

Pourquoi prendre le bus tu me diras ?
Simplement parce que je n’ai jamais été à l’école du « quartier« .
Pour être en intégration à l’école, je devais aller dans les établissements dans les villes alentours qui le permettaient. Ce n’était jamais l’école qui était juste à côté de la maison. Et c’était ma maman qui faisait le “chauffeur”.

Étant dans des écoles qui n’étaient pas à proximité de mon domicile, je ne pouvais pas y aller à pied. J’avais droit en compensation à un moyen de transport spécialisé.
Durant une courte période, j’avais une voiture (un véhicule sanitaire léger – VSL) qui venait me chercher le matin, qui me ramenait à la fin de la journée. C’était pour la plupart du temps, des voitures blanches avec une étoile bleue dessus. Certains de mes camarades sourds avaient des taxis, moi c’était celle-là.
Jusqu’au jour où une ambulance, oui, t’as bien lu, une AMBULANCE, est venue me chercher à la sortie du collège. Ce fut la dernière fois qu’on venait me chercher en “transport spécialisé” au collège.

En pleine adolescence. Ouch, ca fait mal quand tu y repenses. Ta fierté d’être autonome, elle en prend un coup. Je ne suis JAMAIS montée dans cette foutue ambulance. J’ai refusé. Je n’étais pas une pestiférée ! C’était une atteinte à ma personne. Je me considérais pas malade et je ne le suis toujours pas.

Je trouve que minipixel a une chance incroyable d’avoir son école à côté de la maison. Jalouse de mon fils ? Non, contente qu’il n’ait pas à subir ce que j’ai subi petite.
Un sentiment de réconfort.

Découverte d’un nouveau monde

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 11 janvier 2012

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Le lycée.
J’allais intégrer un lycée privé spécialisé dans l’enseignement des sourds et malentendants à Paris. Cette chance n’était pas offerte à tout le monde.
Pendant ma dernière année de collège, j’avais des camarades sourds en intégration avec moi qui me disaient : “tu vas aller au lycée avec des singes » « tu vas voir ils parlent pas, ils parlent avec les mains« , « tu vas avoir la grosse tête« .
Évidemment, quand t’es le premier de la classe, t’es pas forcément aimé, même si tu fais les conneries qu’il faut pour te faire apprécier.

Appréhension très grosse.

Première rencontre avec des sourds pratiquant la LSF, langue des signes française.
J’avais 15 ans.
Choc frontal avec un autre monde, bien différent de celui que j’avais pu imaginer.

Dans ce lycée, il n’y avait pas d’élèves entendants mais que des élèves sourds.
C’était un grand changement pour moi.

J’étais fière de prendre le RER de ma banlieue jusqu’à Paris tous les jours pour aller à l’école. C’était quelque chose ! C’était excitant d’être autonome, de faire comme les “adultes”.
Très loin de l’époque où on venait me chercher et me ramener en véhicule sanitaire léger (tu sais la voiture blanche et son étoile bleue, « trouver sa place à l’école« ).

Mais terrifiant d’un autre côté, je pleurais tous les soirs, en me disant que c’était pas possible, que c’était trop dur, que c’était un monde trop différent du mien, rien que par la manière de communiquer, la manière d’interpeller les gens qui n’entendent pas.

Heureusement qu’il y avait des professeurs et des surveillants qui étaient bienveillants.

J’ai passé plus de 3 mois à m’adapter à cette nouvelle école qui allait me donner ce précieux sésame : le baccalauréat.

Imaginez, quelqu’un marche devant vous, vous voulez l’interpeller, vous criez : “hep !”.
Là, c’était juste pas possible. Il me fallait rattraper mes camarades physiquement pour leur parler. Même d’un bout à l’autre de la classe. Pareil quand on allait à la gym qui était dans un stade situé à la porte de Saint-Ouen.

Les classes étaient pas bien spacieuses.
En seconde, nous étions une bonne quinzaine, les tables rectangulaires étaient accolées les unes contre les autres. 3 rangées de tables bien collées entre elles.
Juste un espace pour pouvoir soulever la table.
Mes camarades avaient trouvé un moyen ingénieux mais bruyant pour interpeller une personne à l’autre bout de la classe, ils faisaient taper la première table dans la seconde qui elle tapait dans la 3ème et ainsi de suite, ça faisait bouger TOUTES les tables sur du vieux parquet pas ciré, mais un boucan du diable … Impressionnant quand c’est la première fois.

C’est une anecdote parmi d’autres.

L’apprentissage d’une nouvelle langue
J’ai malgré tout gardé une tendresse vis à vis de celui – j’ai été à la table des témoins à son mariage, ça montre qu’on a bien gardé un bon contact – qui m’a appris le premier signe tout en se moquant gentiment de moi.
Je demandais comment dire “bonjour” en langue des signes. Et ce camarade me répond en rigolant et en me montrant le signe de “bête (crétin)”, en me disant que c’est comme ça.
J’ai dû passer 1 bonne journée à être contente à avoir appris un signe … qui n’était pas le bon.

Vu comme ça, c’est peut-être rigolo, mais à la fois cruel je trouve surtout quand on est plein de bonne  volonté pour s’intégrer.

Je n’avais jamais vu d’adultes sourds encore à ce jour.

Il existait une association, le GEDA (Groupement des Étudiants Déficients Auditifs) qui organisait un forum formation emploi pour permettre aux lycéens de rencontrer des sourds diplômés qui avaient un boulot. Ça nous permettait d’envisager notre propre futur professionnel.

Ce fut un véritable choc. Je n’avais pas idée de ce que je pouvais faire plus tard. Je crois que je ne m’étais jamais imaginé un adulte sourd. Je n’avais pas conscience de la difficulté qu’on pourrait avoir dans le monde professionnel puisque je n’y étais pas encore confrontée.

Malgré l’apprentissage de la langue des signes, je ne me suis pas sentie intégrée, ni reconnue par mes camarades de lycée. Peut-être que je me trompe, mais on m’a souvent répété que je ne faisais pas de la “langue des signes française” mais du “français signé”.

Quelle différence me diriez-vous ? La langue des signes française n’a pas la même syntaxe que le français. Je signais comme je parlais. J’écris comme je parle.
Grâce à ça, j’ai eu mon bac de français.

Ca m’a sauvée d’écrire comme je parle. Les livres ont amélioré mon français, mon orthographe.
C’est grâce à ma maman qui m’a encouragée à lire, encore et encore.
Qu’est-ce que j’ai pu lire comme livres de la bibliothèque rose et verte quand j’étais petite.
Sans rire, je pourrais dire que j’ai bien lu les ¾ de la bibliothèque rose et verte.

Les classes de secondes avaient entre une douzaine et une vingtaine d’élèves.
En terminale, nous étions beaucoup moins nombreux. Certains lâchaient en route, d’autres préféraient la voie scientifique à la voie économique et sociale à cause du français.

Pour finir, j’ai eu mon baccalauréat. Sans mention certes mais avec beaucoup de fierté.
Maman a eu le sentiment d’avoir réussi à m’emmener jusqu’au bac et c’était le cas.

Merci Maman.

Suivre une formation

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 janvier 2012

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Les Gobelins, l’école des métiers de l’image.
Nouveau choc, nouveau monde, nouveau combat.
Plus un sourd autour de moi. Le vide intersidéral, bon ok, le terme est un peu fort peut-être, mais il fallait que je me réhabitue.

Entrer à l’école des Gobelins a été une chance pour moi.
C’était la première session des Assistants Réalisateurs en Multimédia.
Il y avait une sélection sur dossier.
Sauf que … j’ai tout de même eu un entretien supplémentaire avec les responsables de cette formation pour pouvoir les convaincre que j’arriverais à suivre leurs cours, je devais m’adapter à l’école, l’école ne s’adapterait pas à moi.
J’ai commencé l’année avec une carte de photocopies que j’avais pu négocier à l’entretien au début de l’année.

Un univers nouveau, des gens que je pouvais admirer
Mes camarades étaient coopératifs pour certains. J’ai pu photocopier certains de leurs cours.
Les professeurs étaient un peu moins indulgents que quand j’étais au lycée. Je m’étais habituée à ce confort … bien mal m’en a pris.
Le professeur se déplaçait le long de la classe, mais aussi parfois en large.
Il n’est pas facile de faire de la lecture labiale sur quelqu’un qui se déplace tout le temps…

Parfois le professeur s’installait derrière un ordinateur, ce qui me cachait sa bouche. Je ne pouvais pas faire de lecture labiale en restant derrière lui, ou sur les côtés puisque toute la classe était rassemblée autour de lui. Le seul moyen que j’avais trouvé, était de faire le tour de la table, et je me plaçais face à lui juste derrière son écran : bonjour la discrétion !
Un truc de fou qu’on imagine difficilement en fait. Je me rappelle encore, c’était des cours de Director et de Lingo (ceux qui connaissent rigoleront) !

J’ai malgré tout été obligée de rappeler (gentiment, ça va de soi !) le professeur à l’ordre à plusieurs reprises durant l’année. Normalement c’est l’inverse, mais là c’était pas possible … pour juste arriver à suivre les cours.

Je garde un excellent souvenir de cette période là, surtout que j’avais proposé comme sujet en fin d’année un cd-rom permettant l’apprentissage de la langue de signes française du type méthode assimil. J’étais même allée voir une association de sourds très célèbre. Mon projet n’a jamais abouti, cela ne les intéressait pas.

J’ai rigolé quelques années plus tard quand j’ai vu le CD-rom finalisé de l’association en question. Ça m’a rappelé quelque chose … Je dis pas que j’aurais fait fortune, mais juste plaisir d’y participer par mon savoir-faire.
Ça aurait été trop drôle moi qui me faisais critiquer de “fausse sourde qui parle le français signé” (j’assume) de faire un cd-rom d’apprentissage de la langue des signes française. Les entendants n’imaginent pas la différence qui est très importante que font les sourds entre le français signé et la Langue des Signes Française (cf épisode 11).

Au moins, j’ai provoqué, je pense une réaction. Et c’est tant mieux.

Trouver du travail

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 25 janvier 2012

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Le monde professionnel.
Celui d’avant 2005.
Quoi 2005 ? Date de la loi du 11 février 2005 qui traite entre autre le quota d’embauche de personnes handicapées. Ben oui, sinon c’est pas marrant hein.

Je vais provoquer certains je pense avec ce qui a été écrit.

Arriver dans le monde du travail au moment de la bulle internet, c’était juste chouette. Tout le monde se foutait de savoir si j’entendais ou pas. Il y avait du boulot pour tout le monde. Je pouvais changer de boulot d’une semaine à l’autre. Une bulle ça dure jamais.

Ce qui devait arriver arriva.
Essuyer de nombreux refus parce que l’on est sourd, c’est possible, ça arrive à tout le monde même en n’étant pas sourd.
Entendu via une tierce personne lors d’une prise de rendez-vous, je m’arrangeais pour faire prendre mes rendez-vous par téléphone à ce moment-là. En général, cela se passait relativement bien. Mais parfois …
Ha non c’est pas possible si elle peut pas répondre au téléphone”. WTF ? dans le monde du web ? hum.
Nous ne prenons pas de personnes handicapées” si, si, si on avait eu un magnétophone à ce moment-là, celui-ci il était grillé à la Halde. Discrimination.

Et puis, une personne handicapée c’est pas forcément diplômée hein.
On a le CAP, voire le BEP à tout casser hein … ben non.
Quand tu commences à rechercher un poste qualifié, c’est juste désespérant.
J’ai arrêté de chercher les postes “spécialisés” ou ouvert aux personnes en situation de handicap.

Une fois j’étais prête à postuler pour un poste qui me plaisait bien malgré la distance. Oui, sauf que l’employeur quand il a eu mon CV, il s’est juste dit que c’était pas possible. Que j’étais trop qualifiée et qu’en conséquence je ne pourrais pas être payée à ma juste valeur parce que je suis handicapée.

Recevoir des annonces de l’ANPE qui vous envoie des offres d’emploi pour être “traducteur LSF à La Villette”, j’en rigole aujourd’hui, moi qui ne faisais pas de langue des signes française mais du français signé.
Être sourde et faire de la traduction LSF, c’est plutôt un challenge non ?
Mais sur le coup, j’étais pas très contente. Plutôt assez énervée. La conseillère ANPE, je l’ai un peu beaucoup engueulée.

Le monde du travail, c’est pas le pays des bisounours. J’croyais. Ben non.

Négocier un salaire, c’est chaud. Demander tant, et s’entendre dire que ben non, c’est pas possible parce qu’il y a des choses qu’on fera pas comme tout le monde dans ce poste, alors c’est en moins sur le salaire.
Ahem.
Quand je pense qu’un employeur pouvait toucher une prime à l’embauche d’une personne handicapée avec de surcroît une exonération des charges sur la base du SMIC. Ils ont des aides (je ne sais pas si c’est toujours d’actualité), mais … ça ne nous profite même pas.

Depuis, j’ai arrêté de me faire valoir en tant que personne handicapée, faire miroiter ces avantages, ça ne m’a strictement servi à rien pour ma part.
Juste à nous considérer moins bien que la normalité.

Quid de l’embauche en tant que personne handicapée, faut-il se signaler en tant que personne en situation de handicap sur un CV ?

Je ne sais pas. Je fais un pas en avant, un pas en arrière. J’hésite toujours.

Une fois, on m’a fait la remarque, que c’était comme si je cachais une information qui fait partie de moi. Sur le coup, j’ai réagi violemment. 😉
J’ai trouvé ça dommage. Le handicap est-il un critère d’identité ?
Est-ce qu’on signale sa religion, sa couleur de peau, son poids, c’est d’ordre privé, non ?

Je n’ai pas de preuves comme quoi ça ne m’aide pas, ou en quoi cela m’avantage.
Je sais juste que quand je cherche un travail, je vais galérer à me réintégrer, galérer à expliquer en quoi consiste la surdité si les personnes s’y intéressent, galérer à comprendre les gens, galérer à comprendre le fonctionnement de la société dans laquelle je suis intégrée.
Parfois ça va vite, parfois c’est long, trop long.

Et quand je trouve pas ma place au bout d’un certain temps dans ma limite de ce que je peux supporter, je m’en vais à la recherche d’un travail que je pourrais aimer, juste pour pouvoir y aller avec entrain le matin, peu importe le reste.

Communiquer

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 1 février 2012

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J’ai de la chance d’avoir quelques (trop) rares personnes autour de moi qui pensent à la surdité, à la manière dont le silence peut être perçu, qui s’interrogent et qui parfois font vraiment attention à vous. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

Je n’ai pas pour habitude de regarder des vidéos, ni de les partager, pour les simples raisons suivantes : elles sont souvent pas sous-titrées. Je vous rassure celle-ci l’est et bien sous-titrée pour les sourds et malentendants.
Les autres raisons sont le temps et l’accès à ces vidéos en journée cela est difficile. C’est pourquoi je vous en parle ici. Pour moi elle reflète beaucoup de choses que je ne peux pas expliquer où c’est compliqué.

Cette vidéo est bien tournée, jolie par l’image, tendre par les échanges, les visuels, la musique est jolie, elle donne bien le ton et le rythme.
Elle montre aussi quelques aspects de ma vie.

C’est un des sentiments que mon conjoint a pu ressentir lors de soirées ou de repas, être exclu dans l’autre sens c’est difficile aussi. Certains d’entre-vous l’auront peut-etre vécu à Paris Web (je vous rassure c’était fait exprès, pour vous montrer ce que ça peut faire… ).

Le sentiment est clairement exprimé dans cette vidéo et j’aime beaucoup. Le message est clair.

« Téléphoner » à mon conjoint dans les années 2000, ce n’était pas chose aisée comme aujourd’hui, nous n’avions pas l’illimité, nous n’avions pas les centres relais que les américains ont depuis quelques temps déjà, qui commencent à pointer leur nez en France mais ce n’est pas « spontané » pour l’utilisation.

C’est certes en train d’être mis en place en France mais ce n’est pas systématique. Ce sont souvent des services « spécialisés ».
Nous à l’époque, nous utilisions MSN, IRC, ICQ et évidemment les SMS qui étaient à un franc le message. Quelle douloureuse expérience qui nous a coûté cher ! 🙂

Une chose est certaine, c’est que le jour où nous aurons les centres-relais mis en place et à une somme modique (pas un truc qui coûte les yeux de la tête), ce sera un grand pas vers la communication mais aussi une autonomie totale.

J’ai trouvé ça, quelque part un peu utopique même si je sais que c’est possible dans les pays plus avancés que la France, de pouvoir parler directement à son amoureux même s’il y a une tierce personne, ce qui est important, c’est qu’elle est inconnue, et fait en sorte comme s’il n’y avait pas de barrière dans cet échange.

Signaler son handicap ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 8 février 2012

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Libre comme l’air.
Voilà que je suis libre de tout engagement depuis hier.
J’avais posé ma démission il y a 8 jours maintenant.
8 jours pour réaliser que j’étais à nouveau sur le marché de l’emploi.

Pleine d’enthousiasme, de motivation pour retrouver un travail dans lequel je pourrais m’épanouir, évoluer avec ma surdité, ce n’est pas chose impossible je pense.

En pleine figure.
Refaire façe à des choses qui vous reviennent en plein fouet dans la figure, même si ce n’est pas volontaire. C’est juste un peu dur.

Stipuler sur son CV qu’on est « sourde oraliste« , je me demande parfois si cela sert à quelque chose. Ou est-ce un frein pour ceux qui ne connaissent pas, ou qui ne veulent pas faire face aux aléas de cet handicap ?

Recevoir des messages du type : « Je suis joignable à ce numéro si vous souhaitez plus d’informations« , répondre gentiment qu’on entend pas mais qu’on est disponible par email pour ensuite se voir lire un email du type : « je suis désolé, j’ai lu votre cv trop vite. »

Ah oui mais non.
Dois-je le dire plus fort, l’écrire plus gros, ou tout simplement « cacher » cet handicap qui peut parfois faire peur quand on connaît pas ? Comment faire de sa surdité un atout quand on recherche du travail ? Pour ma part, c’est foutu, c’est écrit, référencé partout sur le web.

Expertise.
Lire des annonces parfois démesurées nous révèle que les recruteurs cherchent la perle rare, ce que je peux comprendre. Nous vivons dans un monde où on doit tout savoir faire, et en même temps être pointu dans notre travail.

Constater que le terme « expert » est présent dans beaucoup d’annonces.
Est-ce un terme juste pour faire joli, pour attirer les gens ?

Moi aussi je pourrais marquer « experte en …« , mais cela serait tricher avec la réalité. Je peux simplement dire que je suis honnête mais motivée.

A ce moment précis, je pense à une seule chose : Rudy Rigot qui nous avait fait une conférence à Paris Web.

Nous sommes tous experts en quelque chose finalement, peut-être pas dans le domaine dans lequel nous croyons l’être.

Et mes oreilles ?
Parfois, j’ai juste envie qu’on oublie ces oreilles-là qui ne marchent pas, j’ai juste envie qu’on me considère pour ce que je suis, pour mes compétences voire même envisager de me spécialiser un peu plus dans un domaine qui m’intéresse.

Entendre c’est du confort

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 mars 2012

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Voir cette publicité me fait rire tout doucement …

590 euros, c’est le prix qu’on pourrait débourser pour se payer des lunettes ou une couronne…
Mais ce n’est que le prix d’une réparation de mon appareil auditif, quand il commence à se faire vieux, que le micro commence à lâcher ou toute autre pièce permettant le fonctionnement ou la retransmission de ce son dont j’ai besoin pour entendre.

Juste pour me permettre d’entendre au quotidien, de ne pas me retrouver dans ce silence auquel je ne suis pas habituée et que pourtant j’aime quand le bruit devient excessif.

Mes appareils auditifs sont la vie, mes repères dans l’espace. Sans eux, je ne suis rien, je ne comprends plus rien, je fais répéter maintes fois. Je dépéris sans son, je suis, inconsciemment, animée par le bruit.

Quand je ne les ai plus, je ne suis pas moi. Je suis une autre moi. Et je n’aime pas.

Vu comme ça, on est à mille lieux d’imaginer que je puisse m’en passer, malgré le coût de ces appareils.

Jusqu’à mes vingt ans, j’ai toujours été appareillée correctement, puisque la prise en charge était faite par la sécurité sociale à 65% (60% depuis mai 2011 sur la base de la Sécurité Sociale : 199,71€) du prix des appareils auditifs et la mutuelle couvrait le reste la plupart du temps.
Au-delà de l’âge limite fixé par la Sécurité Sociale, visiblement tu n’as plus besoin de tes appareils auditifs, style « t’es majeur, t’es vacciné » …
Comme si on avait une date d’expiration. Pas très drôle en soi quand même.

Quand tu as plus de 20 ans, la prise en charge de la sécurité sociale est de 129,81 euros pour un appareil… soit 260 euros pour les deux.

Entendre c’est du confort.

Quelqu’un qui a une surdité comme la mienne qui est classée « profonde« , avoir des appareils qui soient puissants, qui puissent nous retransmettre le son assez fort, fort de manière à ce que vous entendiez une espèce de « larsen » si on a un peu d’air qui s’infiltre entre nos embouts et nos oreilles. Ces appareils-là sont considérés comme du « confort » par la sécurité sociale.

Je vous vois derrière votre écran avec vos gros yeux.
Si, si. Confort, tu as bien lu !

Les appareils auditifs, c’est comme les machines, ça se répare, ça s’use … et ça coûte cher !

Généralement, pour conserver une qualité correcte il est conseillé de les changer tous les 5 ans voire 7 ans.
Donc à chaque changement d’appareils, tu sors ton portefeuille, tu alignes tes économies pour pouvoir entendre correctement, du moins avoir un son de qualité.

Avant d’avoir des appareils numériques il y a 10 ans, j’avais des appareils « analogiques » car on me disait : « Mademoiselle, votre surdité est trop importante pour avoir des appareils numériques, ils ne seront pas assez forts en puissance pour vous restituer une audition « correcte » …« .
J’ai eu la chance de rencontrer une personne formidable, a redonné « naissance » à mes oreilles avec ces appareils numériques.
Et très souvent, j’y pense.

Mon appareillage il y a 5 ans, a couté aux alentours de 4000 euros.

Avec le remboursement dérisoire (de confort ?) de la Sécurité Sociale, et le complément de ma mutuelle, il me reste encore plus de la moitié à ma charge.
La tu choisis, soit c’est pour ta pomme, soit tu vas mendier auprès des services publics.

Je vous épargne les réparations, le changement d’embouts, qui elles aussi ne sont pas toujours bien prises en charge.

Qui a dit que c’était pas cher ? Ah oui, c’te fameuse publicité …

Aller vers l’inconnu

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 25 avril 2012

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Arriver à un rendez-vous, ne pas savoir à l’avance si on va comprendre la personne, ça pimente ma vie, ces temps-ci.

Arriver à un numéro de rue, se rendre compte qu’on est face à un digicode…

Quand je vois un digicode, je pense toujours à cet humoriste qui avait fait un sketch là-dessus. Je souris la plupart du temps, mais j’ai toujours cette pointe d’angoisse en moi.

Une pointe d’angoisse, parce que je ne sais pas ce qui m’attend après.
Que vais-je trouver ? Une porte ouverte ou fermée, un sas d’entrée ?

Et bien souvent, c’est un interphone où il n’y a aucune indication si la porte est ouverte, si l’interlocuteur a décroché, tu ne sais pas à quel moment parler puisque tu n’entends pas les sons émis par celui-ci.

Sensation désagréable qui est vite comblée par l’accueil que tu peux avoir une fois franchi cet obstacle.

L’interphone, c’est pas mon ami, c’est un inconnu pour moi, on m’a toujours dit de ne pas parler aux inconnus.

Elle a tout d’une grande

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 avril 2012

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On dirait un slogan pour une voiture, certes, mais non.

En période de vacances scolaires, j’ai eu le malheur de dire à mon fils qu’on allait aller à la Cité des Enfants (Cité des Sciences) !!
Ni une, ni deux, je regarde sur le site internet les horaires, comment y aller, toussa. Et à mon grand désespoir, j’ai découvert sur le site qu’il fallait réserver… hum.
Les choses se compliquent.  Ca aurait été trop beau que ca se déroule comme une lettre à la Poste.

Je clique sur « Tarifs et Billets« , je vois que les espaces de la Cité des Sciences sont en accès gratuit pour les personnes handicapées. Bien. J’essaie de voir comment je peux faire pour pouvoir y aller avec mon fils. La Cité à la carte. Je déroule, je vois « Cité des enfants 2-7 ans« . Bien. tout va bien jusque là. Ils avaient dit qu’il fallait « Réserver en ligne« .

Je tente de réserver tout en sachant que j’ai droit à un accès gratuit.
Tu me diras que c’est normal ou pas mais c’est comme ça.

Je vois une liste de dates, ah oui, mais pas pour aujourd’hui.
Dommage que ca puisse pas prendre en compte le jour J (oui je sais j’aurais du m’y prendre à l’avance mais avec un gosse qu’est ce que tu veux, et pis la météo ça joue aussi !).

Et là je me rends compte qu’ils disent « L’accès gratuit se fait sans réservation, après retrait d’une contremarque au guichet « assistance réservation internet » (niveau 0). »
Sur le coup, j’ai un doute. Faut réserver ou pas.
Est-ce que je prends le risque de faire une heure de transports avec mon fils, et au pire me voir refuser l’accès car je n’ai pas réservé, ce qu’ils disent partout sur le site internet… Pas simple.

Je tente en regardant pour le lendemain, et là je vois tarif plein, tarif réduit et pas de tarif gratuit sur justificatif. Dommage.

La précédente expérience avait pas été bonne car j’avais envoyé un email une semaine avant la ladite date et j’ai eu une réponse 3 semaines après la date décidée … J’ai pas voulu renouveler cette expérience aujourd’hui, mais j’étais ennuyée parce que j’avais promis à mon fils qu’on irait et aujourd’hui (je sais, je suis pas dans la m****).

Je farfouille sur le site internet, je tombe sur « Visiteurs sourds » et « Visiteurs malentendants« .

Visiteurs sourds, oui pourquoi pas sauf que j’ai pas vraiment besoin de la langue des signes pour l’accueil même si je connais cette langue.
Visiteurs malentendants, ben non, parce que j’utilise pas la boucle magnétique.

Voilà, j’ai encore les fesses entre deux chaises. Sentiment désagréable.

Je prends sur moi : oui je suis sourde, non je ne parle pas la langue des signes française au quotidien. Je me dis que je vais tenter la réservation par SMS, chose que je n’avais jamais encore expérimentée jusque là puisque j’ai une paire d’oreilles disponibles (mon mari).

Mais un peu de liberté, d’autonomie, de spontanéité, c’est chouette aussi.

Réponse dans les 15 minutes qui ont suivi mon envoi.
Impression agréable. Enfin.
Réservation faite par SMS. C’est chouette.

Je peux dire à mon fils qu’on va VRAIMENT aller à la Cité des Enfants, et qu’on va passer un moment de ouf tous les deux.

J’ai l’impression d’avoir grandi tout d’un coup. Je suis grande. C’est enivrant.

Liberté, Égalité, Fraternité

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 mai 2012

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Il me semble important d’en parler, de la citoyenneté.

Durant mon enfance, les hommes politiques, toussa, c’était un truc de grandes personnes.
A l’adolescence, t’es un peu rebelle, t’as d’autres idées en tête hein. C’était un peu chiant pour moi parce que c’était pas franchement facile de les suivre sans sous-titrage, il fallait lire les journaux, essayer de décrypter, de découvrir que tel journal était de tel bord politique, et ainsi de suite.

Une fois que j’eus la majorité, il ne me fût pas simple d’avoir un avis politique, déjà qu’en temps normal c’est pas évident, mais quand tu n’as pas forcément le vocabulaire, ou arriver à saisir les nuances du second degré, voire du troisième degré … je vous laisse imaginer la difficulté.

Les élections présidentielles « accessibles » cela ne date de que très peu de temps. Celles qui furent accessibles pour la première fois, c’était en 2007. Je n’avais pas 30 ans !

Les débats sous-titrés, tant bien que mal, étaient un exploit !
Je ne peux pas vous transmettre intégralement l’émotion que j’ai eue en 2007, une énorme satisfaction de résultats positifs grâce au travail collaboratif avec les associations de sourds et malentendants auxquels j’avais activement participé en 2005 lors du vote de l’article de loi n°2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Retransmission sur écran, place de la Bastille, du discours de François Hollande à Tulle
Discours de François Hollande à Tulle diffusé à Paris

Le débat retranscrit en langue des signes, un truc énorme. Du jamais vu pour ceux qui signent et qui peuvent avoir des difficultés avec le sous-titrage ! Un sentiment d’égalité.

Cette année, un nouveau quinquennat commence, même schéma, les débats sous-titrés, le débat entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, traduit également en langue des signes.

Mais ce qui me touche bien que je ne pratique pas la langue des signes au quotidien, c’est que le discours présidentiel de François Hollande qui a eu lieu place de la Bastille à Paris a été sous-titré et traduit, et ça, c’est juste énorme.

Des raisons personnelles ne m’ont pas permis d’être sur place, mais je suis heureuse de ce premier pas en terme d’accessibilité. Un sentiment de citoyenneté, un sentiment d’égalité.

J’ai juste envie de dire « Liberté, Égalité, Fraternité« .
Et il faut que ça continue.

 

I have a dream

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 16 mai 2012

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J’ai rêvé quand j’ai débarqué de l’avion à New York aux États-Unis, je comprenais les vidéos d’accueil parce qu’elles étaient sous-titrées ;

J’ai rêvé quand j’ai vu une plage braille sur l’identification du taxi ce que je n’ai jamais vu ici ;

J’ai rêvé quand j’ai vu tous ces trottoirs accessibles aux fauteuils roulants et aux aveugles ;

J’ai rêvé quand j’ai vu ces sous-titres d’une émission retransmise sur les écrans de Times Square, c’était énorme (émotionnellement et physiquement) ;

J’ai rêvé quand j’ai allumé la télévision et que le sous-titrage était fluide ;

J’ai rêvé quand j’ai vu toutes ces publicités sous-titrées à la télévision ;

J’ai rêvé quand j’ai vu les sous-titres à la télévision au restaurant au milieu de tous ces gens qui mangeaient sans être gênés ;

J’ai rêvé quand je disais « Sorry, i don’t understand, i’m deaf » de voir ce respect d’autrui sur leur visage ;

J’ai rêvé quand j’ai vu un clavier TTY dans une cabine téléphonique dans le métro ;

Au retour, sur le point d’atterrir, lorsqu’un membre de l’équipage a pris la parole pour annoncer notre arrivée à Paris, les écrans vidéos de l’avion ont affiché « Message d’annonce aux passagers« , et que je n’ai rien compris à ce message d’annonce mais que je peux facilement imaginer …

Non, je n’ai pas rêvé. C’est un rêve en France, et je l’ai vécu aux États-Unis.

I have a dream. I have a dream that one day it happen in France*.

 

PS : en attendant, j’espère déjà retourner rapidement aux États-Unis.

* : J’ai le rêve que cela se réalise un jour en France [Inspiré de Martin Luther King].

 

Mes conversations « Roland-Garros »

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 mai 2012

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On peut pratiquer du tennis sur terre battue, sur gazon, moquette et j’en passe…
Le sport, c’est bon pour la santé !
Mais comment ça, le tennis ç’est fatiguant ?!

Suivre des conversations c’est pareil. Faut être tout terrain. hein.
Ne va pas croire que je vais te parler de Roland Garros 2012, ca t’aurait plu d’avoir mon avis sur cet événement mais non. c’est pas pour cette fois-ci. Et il me semble que ça a commencé hier !

Se mettre à la place de l’arbitre, c’est peut-être rigolo tu me diras, surtout quand on est en haut de la chaise.
Tel un pacha sur le terrain de tennis.

Juste à ma place, là, ici, entre 2, 3, 4, 5 personnes voire plus. La plupart du temps, les conversations en groupe, c’est aussi sportif que du tennis.
Hein, quoi ? Je suis sportive oui, mais pas de la raquette ou de la petite balle jaune, non, pas du tout. Sportive ès conversations.

Suivre des conversations peut s’avérer un exploit aussi, tu regardes une personne, tu vois qu’elle a fini sa phrase, tu tournes la tête pour voir qui répond, et parfois à la limite répondre ça peut arriver aussi quand tu veux participer à la conversation, quand tu PEUX participer surtout.

Suivre une personne, encore une autre, et ainsi de suite, c’est presque pire que le tennis.
Pire ? pourquoi donc ? Parce que la plupart du temps, soit t’as raté (non pas ta vie), soit t’as pas compris le début de la phrase.
Bien souvent je suis sur la touche parce que quelqu’un a déjà pris la parole.

Dans mes rêves, il faudrait qu’on parle chacun son tour, qu’on évite de se couper la parole aussi vite histoire que j’arrive à suivre les différentes conversations.

Il faudrait aussi éviter les mains sur la bouche, ne pas prendre la posture du penseur de Rodin tout en continuant à parler.
« Évite de parler la bouche pleine » ce n’est pas la grand-mère qui parle, c’est moi qui regarde tes lèvres bouger et le fond de ta bouche pour te comprendre.

Mais bien souvent, je ne dis pas aux gens de ne pas parler la bouche pleine.
Faites l’expérience pour voir : ne regardez plus les yeux de votre interlocuteur mais la bouche.
Des fois, au détour d’une canine je découvre un chewing-gum qui passe d’une dent à l’autre…
C’est fou le nombre de choses qu’on peut trouver entre les dents !

Je suis polie, j’essaie de pas interrompre mon interlocuteur. J’apprécie que ça soit réciproque avec les personnes qui m’entourent pour la simple raison, cela me permet de pouvoir suivre plus facilement. Les conversations en français c’est déjà difficile, mais si vous changez de langue n’oubliez pas de me prévenir !

Souvent je suis dans le cas où je complète les phrases à ma façon, grâce à mon cerveau qui, telle une gymnaste qui a fait sa pirouette, moi je la fais dans mon cerveau (peut-être parfois inconsciemment).
Mais parfois compléter une phrase peut ressembler à l’auto-complétion de Google quand tu commences à taper un mot, des fois il te sort des choses un peu bizarres, voire même inattendues.

Moi, c’est pareil. Mais je ne suis pas Google.

Il arrive parfois que je décroche totalement, que mon regard se balade de groupe en groupe quand on est bien plus de 10 personnes, je laisse mes yeux naviguer comme un bateau en papier sur l’eau, je me laisse flotter.

Après ce court moment de répit que je me suis accordé, laps de temps où je n’aurai rien capté, où je me serai reposée, revenir à la charge est parfois compliqué, car réintégrer une conversation n’est pas toujours évident. J’ai toujours une bonne âme, la plupart du temps, à côté de moi qui me fait un rapide résumé ou qui me restitue la thématique de la conversation ce qui me permet de reprendre le fil.

Moi, dans mes conversations « Roland Garros« , je suis souvent spectatrice mais je joue rarement sur le court.

Un enfant, deux parents, des médecins…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 30 mai 2012

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Maman sourde qui parle, un papa qui entend, nous sommes évidemment les premiers à vouloir savoir si notre enfant entend ou pas.

Le personnel de la maternité ferme les yeux sur notre demande en nous disant « Nous n’avons pas le matériel » (J’étais perplexe puisque je connais des personnes qui ont accouché dans la même maternité, le test avait été effectué sur leur enfant), c’est juste terrible…

On rentre à la maison, persuadés qu’on a un bébé qui entend parfaitement, qui réagit aux paroles, qui sursaute, mais… C’est trompeur. On peut très bien se tromper. On a eu parfois nos moments de doute.

Il devait avoir 3 mois, nous sommes allés chez un ORL de ville spécialisé soi-disant dans la surdité, qui nous fait rentrer dans son cabinet (bruyant au passage) il nous demande de faire en sorte que notre bébé reste calme (en le faisant téter), quitte à l’endormir.
Tâche difficile pour un bébé qui est éveillé et attiré par tout ce qui bouge, tout ce qui est nouveau…

Mon mari donne le biberon à notre fils, l’ORL fait son test bizarrement, avec à peine les écouteurs enfoncés dans les oreilles… On se regarde dans les yeux tous les deux, un peu étonnés et à la fois un regard hagard.

Il termine son test, moi j’ai l’angoisse qui monte. Je n’aime pas l’ambiance qui est dans le cabinet. L’ORL en question, se retourne vers mon mari, ce soi-disant spécialiste de la surdité, qui devrait savoir comment se comporte une sourde, avec un air désolé.
Il dit à mon mari : « Faudra qu’on se revoie pour les Potentiels évoqués auditifs (PEA) »
Mon mari relève la tête en disant : « Pardon ? Il faut que vous regardiez aussi ma femme quand vous parlez« .
Il réitère sans oser me regarder.Moi, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Mon mari me dit à priori que notre fils entend pas.
L’ORL nous pousse vers la sortie du cabinet en disant : « Ma secrétaire va vous donner un rendez-vous« .
Le rendez-vous aura duré en tout 20 à 30 minutes.
Nous sortons, prenons rendez-vous et on part à pied. On se pose sur les Bords de Marne.

On est stoïques, on n’y croit pas.
Là on appelle une amie, on lui demande conseil. Elle nous réoriente vers l’hôpital Trousseau.
Ils ont été admirables, réactifs. Ils nous ont pas laissé attendre trop longtemps.Cette semaine-la m’a paru une éternité, moi qui pensais que mon bébé entendait, et voilà qu’un ORL nous dit le contraire. J’étais persuadée de ce que je pensais. Mais je dois dire que pendant une semaine, j’ai arrêté de chanter des chansons, j’étais dans le doute. C’est terrible ce sentiment de ne pas être fixée.

C’est vrai, après tout, je suis sourde, on sait ce que c’est, on connaît le problème, c’est pas l’inconnu pour nous. Mais je ne voulais que le meilleur pour mon enfant (Toute maman pense ça que ça soit un enfant entendant ou sourd), s’il pouvait entendre c’était vraiment tant mieux pour lui, sinon on aurait fait avec si j’ose dire.

En même temps, les époques ont changé.
Les choses se passent différemment aujourd’hui même si ce n’est pas encore tout à fait le cas. Pour résumer il y a une petite amélioration au quotidien comparé aux années 80.

Une semaine après, nous avons rendez-vous à 11h, on nous a demandé d’empêcher notre fils de dormir dans la matinée pour justement faire le test dans les meilleures conditions.

C’est cruel, très cruel d’empêcher un bébé de 3 mois de dormir.

Nous avions commandé un taxi. Je monte à l’arrière avec mon fils, le taxi fait 500 mètres, mon bébé qui n’a pas l’habitude de la voiture, s’endort, je lutte contre son sommeil sachant que nous sommes qu’à 30 minutes de trousseau. Ça m’a paru encore une fois une éternité. J’ai réussi ma mission à moitié, mon bébé ne s’est pas endormi ou plutôt a papillonné. (Le taxi crève un pneu à 500 mètres de l’hôpital, je vous passe les détails)

Nous arrivons au rendez-vous, une charmante ORL nous reçoit, elle nous explique le protocole des oto-émissions acoustiques provoquées (OEPA) elle nous demande d’endormir notre bébé, on prend le temps, tout se fait doucement, on donne le biberon à notre fils, on fait des tours et des tours…

Et à un moment donne, il s’endort. On l’appelle, elle nous fait rentrer dans une petite cabine, toujours dans sa poussette, elle l’installe correctement pour faire les tests. Cette fois-ci, la cabine est bien insonorisée, ambiance feutrée que je connais depuis ma tendre enfance.

Première oreille, elle sourit, signe que c’est positif. Deuxième oreille, elle dit à mon mari « mais votre enfant entend très bien »

Nous sommes sous le choc. Il nous faudra bien des bonnes minutes pour nous ressaisir. Elle m’explique le principe du test, des cils dans l’oreille, de comment elle peut le savoir.

On laisse notre bébé dormir dans la poussette, on revient dans son bureau et nous terminons le rendez-vous avec cette certitude que notre enfant entend. Je suis consciente de la chance que mon enfant entende.

Sophie Drouvroy, marraine de « A deux mains »

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 juin 2012

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Je suis la marraine digitale de l’association « A deux mains » qui est une association destinée à accompagner la construction de la communication chez l’enfant sourd et le bilinguisme des enfants entendants de parents sourds auprès de tout-petits de moins de 3 ans. A partir de demain pendant 10 mois, je vais les accompagner et vous relater cette aventure ici également.
Vous pourrez également suivre cette aventure sur Twitter sous le hashtag #EspoirsDuChangement

Pourquoi as-tu accepté de devenir la marraine de “A deux mains” ?
Étant moi-même maman sourde d’un petit garçon entendant, j’ai accepté de devenir la marraine de l’entreprise “A deux mains” car c’est selon moi une expérience positive pour l’épanouissement des enfants et parents entendants/sourds.
La parentalité n’étant déjà pas livrée avec un mode d’emploi, mais avec un handicap c’est encore moins simple. On se pose toujours plein de questions et c’est parfois déroutant, et si on peut faciliter les choses, c’est encore mieux.

Que t’inspire l’opération Jeunes Talents ?
Ayant déjà entendu parler de cette opération l’an dernier par un lauréat, l’opération Jeunes Talents de SFR est pour moi un tremplin formidable pour mes filleules, et ce projet mérite d’être développé, soutenu. Cette opération est un exemple de ce que peut apporter internet.
Que le virtuel peut permettre de rapprocher de gens, des projets, qu’il peut permettre de jolies rencontres positives.

Quelle histoire veux-tu raconter à ton lectorat au cours de ces 10 mois d’accompagnement ?
J’aimerais raconter à mon lectorat tout au long de ces 10 mois d’accompagnement, l’histoire d’une association qui se concrétisera grâce à leur engagement, qui sera un exemple pour tous à travers mon ressenti de parent sourd, de personne sourde qui milite pour une meilleure intégration tout simplement.

Source : Blog de SFR Jeunes Talents Entrepreneurs

D-Day : la rencontre avec Sabrina, ma filleule

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 juin 2012

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J’ai été contactée pour une opération de parrainage de l’association À deux mains dans le cadre de SFR Jeunes talents, pour pouvoir communiquer sur ce projet sur 10 mois en tant que marraine numérique.

Cette association a été montée par Sabrina Grollemund et Sandra Rauner. Elle a pour but d’accompagner la construction de la communication chez l’enfant sourd et le bilinguisme des enfants entendants de parents sourds auprès de tout-petits de moins de 3 ans, qui se présentera sous la forme d’ateliers pédagogiques itinérants dans toute l’Île-de-France, un accompagnement destiné aux enfants, aux parents et aux professionnels pour acquérir et pratiquer la LSF, un accompagnement privilégié des familles et la création d’un lieu d’accueil pour les tout-petits, qui accueillerait les enfants sourds ou les enfants entendants de parents sourds.

Jeudi 6 juin, une nouvelle journée commence après avoir déposé mon fils à l’école. Je me prépare pour aller à l’appart SFR à Paris.

Comme souvent, à mon habitude, je fais mes repérages avant sur le net pour pouvoir justement « communiquer » aisément, ou plutôt être à l’aise avec les gens que je vais rencontrer mais que je ne connais pas forcément.
Après avoir passé la matinée à surfer sur le blog de sfr étant le point de départ de tout,j’ai pu facilement reconnaître les  marraine/parrain blogueurs ainsi que la liste des lauréats, je pars à l’appart SFR avec une certaine excitation qui est aussi de la fierté.

Un chouette accueil nous y attend, malgré ma timidité, j’essaie de passer outre, de m’intégrer à ce groupe qui a l’apparence de « copines » alors que je ne connais personne ou quasiment. Le sentiment qui m’envahit est étrange… Mais positif.

Je sais que je vais rencontrer ma filleule, que c’est quelqu’un de très engagée dans ce qu’elle fait.
On nous installe tous ensemble avec Marjolaine Solaro, Sophie Gironi, Catherine Pelcé, Sandrine Camus, Fabien Abitbol, Jérôme Hoarau et Mathieu Carlier  dans une pièce attenante à celle où nos lauréats passent chacun leur tour devant leur jury, on nous demande plusieurs fois de faire moins de bruit. Signe que l’ambiance est détendue de notre côté malgré ma surdité, j’arrive à suivre quelques conversations. Je dois dire que j’ai rencontré des personnes formidables !

Vient le moment où je rencontre Sabrina, je suis sans voix. J’essaie d’engager la conversation, mais rien à faire. Et là, on me souffle dans l’oreille, qu’elle n’est pas encore passée devant le jury.  Je me fais toute petite et je repars la où j’étais.

Au moment où Sabrina est en train de passer devant le jury, je passe au maquillage pour l’interview. Intimidée par la maquilleuse et son matériel, elle fait preuve de professionnalisme, surtout quand je lui annonce que je ne me maquille jamais. Les rares fois ça devait être pour mon spectacle de fin d’année quand j’étais gosse, mon mariage et l’événement SFR… Même si Muriel me dit que je suis bien maquillée que ça ne se voit pas, j’ai du mal à la croire, mais c’est normal je n’ai pas l’habitude.

Vient la rencontre, timide l’une comme l’autre.
Je pense qu’on avait chacune nos appréhensions par rapport à la communication.
On fait l’interview, l’ambiance se détend d’un cran. On rigole.
Je commence à être un peu plus dans mon élément même si parfois je ne comprends pas toujours ce qui se dit, ni qui se passe autour de moi.

Nous partons faire les photos, la séance était très rigolote. Un chouette moment, même si à un moment donné je re-signale avec humour que j’entends pas que le photographe doit répéter sa consigne sans être derrière l’objectif.

Enfin, la soirée a lieu. Je découvre avec surprise une grande scène, un écran de projection géant, une petite télévision sur laquelle il y a la vélotypie de la soirée et une interprétation  en LSF qui est assurée par Aditus. Un exploit pour les interprètes et la vélotypiste, ça parlait à toute vitesse. Mais au moins, je comprenais comme tout le monde. Sur le même pied d’égalité.

 

Chaque lauréat doit re-défendre son projet devant le public de la soirée en 60 secondes.
Sabrina a brillamment défendu son projet et ce dans les temps. Sandra nous a rejoint pour la soirée, j’ai pu faire sa connaissance.
Pas de prix de lauréat pour À deux mains, mais un soutien de la part de SFR, et moi qui vais les suivre tout au long de ces 10 mois.

Une belle rencontre, qui je l’espère pourra être bénéfique à leur projet qui me tient à cœur, puisque moi aussi, maman sourde, je suis sensible à la communication entre enfant /parent d’autant plus que je suis un couple mixte : sourd / entendant.

Merci à Jane et Muriel pour cette belle rencontre.

Paris Web, une normalité exceptionnelle ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 26 juin 2012

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J’attendais avec impatience la publication du programme de l’édition 2012 de Paris Web, un rêve qui s’était réalisé l’an dernier puisque j’avais pu y accéder grâce à la vélotypie, et d’autres personnes ont pu y participer tout en suivant les interprètes LSF sponsorisés par la MACIF.

Un rêve qui s’était réalisé, que j’ai pu toucher de mes propres doigts en tant que personne sourde mais aussi en tant qu’oratrice.

Édition 2012, l’exploit est renouvelé.
Velotypie, interprètes lsf ont été mis en place. Je remercie les partenaires d’avoir pu rendre cela possible, rendre Paris Web accessible, la seule conférence à mes yeux accessible aux personnes sourdes et malentendantes, à ce jour.

Publication du programme de Paris web, j’en suis plus que ravie. Que des bonnes choses à découvrir.
Oui mais, Twitter s’est un peu (trop) enflammé à mon goût.
La critique était : « Oh mais c’est pas possible, il n’y a que 3 conférences sur le sujet de l’accessibilité sur la totalité« 

Qu’on se le dise, l’accessibilité, c’est comme de l’oxygène dans l’air que tu respires.
Moins il y en a, plus tu suffoques.
Tu ne la vois pas et pourtant tu en as besoin…

À nous de le rendre visible cet oxygène, il en faut pourtant pas beaucoup.
Il suffirait d’en tenir compte quand on crée un site internet, quand on code, quand on réfléchit au positionnement sur les moteurs de recherche, quand on tourne des vidéos, quand on fait de la radio.
Ne pas se poser la question de si on a le temps, si c’est cher. Ça devrait être systématique.

Ça devrait être enseigné dès le départ quand on apprend à programmer.
Comme quand on apprend à lire et à écrire, on apprend l’éducation civique.
L’accessibilité, c’est pareil : c’est du HTML citoyen !

Si je poussais le bouchon plus loin, je dirais que c’est un devoir.
Avec le recul, avec la loi du 11 février 2005, c’est devenu un devoir…

C’est facile de critiquer, les cordonniers sont les plus mal chaussés, tout le monde le sait.
Combien ont fait des conférences accessibles ?
Des conférences qui ont été traduites en langue des signes ou voire même velotypées,
Des conférences avec un support écrit afin de pouvoir le diffuser aux personnes qui ne peuvent pas suivre à l’oral ?

Un petit quid de bonnes pratiques des conférences accessibles à mettre en place pour l’édition 2013 ? Il n’est jamais trop tard pour commencer.
Et si on commençait par vous ?

Aujourd’hui, l’accessibilité n’est pas quelque chose qui est rentrée dans les mœurs.
Pas quelque chose de « normal ».

Je dirais simplement :

« C’est donner à la personne les moyens dont elle a besoin, compte tenu du handicap, pour qu’elle dispose de toutes les chances de s’épanouir, au même titre que tous les citoyens, dans une société accessible à tous sans discrimination. »

(Boris Cyrulnik, Jean-­Pierre Pourtois, École et résilience, 2007)

L’interview du D-Day avec Sabrina

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 2 juillet 2012

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Le 6 juin dernier, c’était le D-Day de ma rencontre avec Sabrina Grollemund.

J’ai été choisie pour être sa marraine numérique pour pouvoir communiquer sur son projet « A deux mains » dans le cadre de l’opération SFR Jeunes Talents Entrepreneurs.

Pour cette première rencontre, nous avons fait une petite interview rapide de moins de 3 minutes pour pouvoir vous présenter le projet rapidement.

Minitel, liberté si chère.

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 juillet 2012

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À l’heure où j’écris ce billet, le Minitel est en train de disparaître.

Cet objet qui a peuplé des millions de foyers français.
C’était pour certains, un annuaire numérique, pour d’autres, un objet permettant de voir de nouveaux horizons.

J’ai du mal aujourd’hui quand je vois qu’on assimile directement le Minitel à ces services roses.
Alors que c’était un outil formidable mais aussi cher.

J’ai eu le Minitel chez moi, je ne sais plus quel âge j’avais mais j’étais au collège, en pleine adolescence.

Ce Minitel était ma liberté de communication, je bravais parfois les interdits, le cœur battant.

Qui n’a pas essayé ces forums où tu parlais à des inconnus, si parfaits, que même moi je m’inventais un personnage féminin avec un prénom que je n’avais pas. Le cœur battant, j’ai testé une fois ces services, avec la peur au ventre de me faire choper.

Cet outil qui me permettait de parler avec d’autres personnes sans que je doive passer par mes parents.
C’était juste génial.

Mais, ce Minitel a eu plusieurs apparences, la première fois il était marron foncé, voire chocolat. C’est le Minitel que la plupart des gens ont eu. Moi j’ai eu une seconde version. Un Minitel qui était de couleur beige et qui ne se repliait pas, c’était le Minitel 1 dialogue. Il prenait une place folle dans le salon. Ma mère a accepté cet outil si moche, si inesthétique parce qu’il me donnait une petite part de liberté. J’en ai eu un troisième, qui était accompagné d’une boite noire avec un bouton rouge.

Je ne pouvais pas savoir quand le téléphone sonnait si c’était pour moi ou pas. Les premiers jours de présence du Minitel à la maison, j’étais toujours aux aguets. Comme pour tout ce qui pouvait être nouveau et améliorer mon autonomie au quotidien.

Quelle excitation quand le téléphone sonnait, qu’on allumait le Minitel, que j’attendais de voir les premières lettres apparaître sur mon écran en noir et blanc. Je m’amusais à reconnaître les personnes dès les premières lettres, grâce au style, grâce à la vitesse de frappe…. Tout un ensemble qui me permettait de savoir qui m’appelait.

Liberté si chère, la facture téléphonique explosait si je dépassais tant de temps. J’ai appris à taper vite quand on sait que la minute était excessivement chère. Que ma maman était souvent pas très loin pour me rappeler à l’ordre, même si parfois il y avait des excès.

Le 36 18, ce service qui était une révolution pour les sourds et malentendants. Ce service « minitel à minitel » ou son petit nom est « Miami« , exotique n’est-ce pas ?
La minute était très chère. Plus chère que celle du 36 15 qui était déjà de l’ordre approximatif de 9 euros de l’heure soit 60 francs pour l’époque.
Miami et 36 14*handitel ont été mes premiers réseaux dès que j’ai eu la possibilité de les utiliser.
Handitel était un forum d’handicapés en tout genre, on s’y retrouvait avec les copains du lycée et de l’association d’étudiants dans laquelle je participais.

Ce Minitel a aussi été le premier outil avec lequel j’ai pu communiquer avec mes tantes qui s’étaient équipées spécialement pour moi, pour que je puisse communiquer avec mes parents quand j’étais en vacances chez elles. Liberté quand tu nous tiens, quand on t’a goûtée, on te lâche difficilement.

C’est pas avec amertume que je vis la disparition du Minitel, puisque Internet a pris le relais.
Mais c’est une autre histoire là…

Juste un peu de nostalgie envers cet outil si formidable pour l’époque.

Entendre, regarder, comprendre

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 juillet 2012

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Voir des sièges de couleur alternées d’orange, de rouge, le train qui roule tantôt sous le soleil, tantôt sous la nuit du tunnel…

Se laisser bercer par le roulis du train.
Essayer d’entendre, de reconnaître les petits bruits autour de moi sans les regarder.

Un vombrissement, un son qui pourrait correspondre à un chat qui ronronne…

Entendre le bruit des roues sur les rails, les assimiler à d’autres bruits qui sortent de mon imaginaire.

Je suis dans mes pensées.

Les sons que j’entends ne sont pas imaginaires, mais la signification de ceux-là sont imaginaires… Comme Peter Pan qui a son pays imaginaire, j’ai aussi mon pays sonore.

Essayer de connecter deux mondes, celui de mon imaginaire sonore, et la réalité sonore.

Parfois, c’est incongru… Parfois, c’est vraiment ce que cela doit être.

La vision ne correspond pas toujours à ce que je peux parfois entendre.

Entendre ne veut pas dire comprendre.

Mais qu’est-ce que tu entends au juste ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 juillet 2012

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Il m’est déjà arrivé à plusieurs reprises, d’expliquer ce que j’entends.

Au square, au milieu d’enfants, l’un d’entre-eux vient me voir, c’est un ami de mon fils.

Il me jauge, me tourne autour, rigole avec moi, me provoque dans son jeu. Je réagis à son petit jeu, ça l’amuse.

Et tout d’un coup, il se plante devant moi et me dit : « C’est quoi ce truc que t’as dans l’oreille ?!? »

Je souris, le papa du petit garçon gêné ne sait pas quoi lui répondre, je le regarde avec un regard rieur qui avait l’air de dire « Je vais lui répondre »

Je ris, je le regarde, je pèse mes mots avant de parler.
C’est un petit garçon de 4/5 ans, mais je vais m’adresser à lui comme si je m’adressais à un adulte. Je vois pas pourquoi il ne faudrait pas leur dire les choses comme elles sont.

Je lui dis : « Vois-tu, j’ai les oreilles qui ne marchent pas, ces trucs que tu vois, ils me permettent d’entendre des sons »
Il me regarde, ne bouge pas.
Je continue dans mon explication qui doit être à son niveau de  compréhension sans pour autant passer pour un alien ou une personne bizarre.
J’enchaîne avec une comparaison qui me traverse l’esprit : « Quand tu as la jambe dans le plâtre, tu peux pas t’en servir, alors tu as des béquilles. Mes appareils à moi, ce sont mes ‘béquilles’ et surtout il faut que je te regarde pour te comprendre en plus de mes béquilles. »

Avec le recul, ma comparaison est pourrie :  on ne peut pas comparer des oreilles à des jambes.

Le petit garçon se contente de la réponse, il me fait un sourire jusqu’aux oreilles. Je vois qu’il a eu la réponse à sa question. Mon fils vient le chercher pour jouer et ils repartent ensemble.

Sauf que… Il y a le papa à qui ma réponse a paru pas complète. Il me regarde d’un air inquiet sur la réponse que j’ai donnée.
Il me dit : « Mais vous entendez pas avec vos appareils ? »

Je lui dis que non. Je lui explique que entendre n’est pas comprendre.

Regard d’incompréhension.

Je lui dis que malgré, mes appareils je dois regarder les gens pour comprendre ce qu’ils disent. Sinon j’ai pas la totalité des paroles.

Soulagé et ravi de cette précision, nous continuons à parler comme si cette parenthèse n’avait pas eu lieu, et nous enchaînons sur la langue des signes des bébés et j’ai gagné un interlocuteur un peu plus sensibilisé à la surdité.

Sous le soleil, exactement

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 25 juillet 2012

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Ciel bleu azur,
Pas un nuage,
Un papillon blanc qui virevolte,
Ces branches d’arbres qui ramènent la fraîcheur,
Tout est parfait.

Entrer dans la gare RER, être assaillie de bruit de haut-parleurs dont je ne comprends rien mais en distingue le bruit.

Le bruit des escalators qui est assourdissant, qui hoquète à chaque marche avalée dans l’engrenage mécanique.

S’asseoir, attendre l’arrivée du RER, au bout de la rangée de sièges sur lesquels je suis assise, un jeune homme avec un casque très concentré sur sa musique, tellement concentré qu’il reproduit le rythme de sa musique en tapant du pied au sol.

J’en perçois des claquements bien secs, des petits bruits secs, répétés comme ça, quand on n’a pas la musique avec, c’est juste prodigieusement agaçant…

Je le vois dans ma périphérie visuelle, un mouvement répété même si j’en perçois plus le son dans mes pensées. Je me sens agressée visuellement par ce mouvement répétitif.

Une jeune femme avec des talons passe, j’entends le claquement au loin, qui se rapproche … et qui s’éloigne…

Ouf, mon cerveau va se reposer, lui qui est à l’affût de toute sonorité.

Voilà le ronronnement du RER qui arrive…

Je lève la tête, et j’aperçois ce joli petit papillon blanc qui virevolte dans ce beau ciel bleu azur si pur….
Sous le soleil, exactement.

Mesdames, messieurs, les voyageurs votre attention svp !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 septembre 2012

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Avant le grand départ sur lequel je devais prendre un TGV et un TER avec des bagages et mon fils de 5 ans, j’ai pris soin de mettre à jour mon téléphone et des applications qui vont bien avec pour le voyage (que ce soit pour le trajet, ou pour passer le temps).

En tant que sourde, on ne sait jamais dans quelles situations on peut se retrouver car toutes les annonces à la SNCF et à la RATP sont toujours vocales. Pensez-y, les horaires théoriques sont toujours affichés mais les alertes, les imprévus, les dernières minutes se font toujours par haut-parleur.
On ne souhaite que d’arriver à destination entière mais ce n’est pas toujours le cas.

J’avais chargé une petite application « SNCF direct » m’indiquant les numéros de voie des départs et arrivées en gare.
Cette application prévient aussi quand il y a des problèmes sur la ligne qui sont généralement annoncés de manière vocale.

Cela m’a bien servi, avant même d’arriver en gare, je savais déjà sur quelle voie était le prochain train. Très pratique quand on a un enfant de 5 ans, des bagages et à peine 10 minutes pour faire le changement, je dois confesser que sur le trajet du retour la porte du TGV s’est fermée juste 2 minutes après que je sois montée dedans… .

Après un voyage en TER où nous aurons tout de même eu un arrêt de 40 minutes sans explications, aucune annonce écrite et vocale. Le blanc total pour les voyageurs.

J’ai pu prévenir mes proches qui m’attendaient à la gare de mon retard toute seule comme une grande. « SNCF Direct » est plutôt bien conçue puisqu’on peut savoir à quelle gare à peu près où est le train (ça c’est dans le cas théorique où il n’y a pas de soucis sur la voie)

Par contre, en dehors de la période estivale et de vacances, j’utilise d’autres applications qui me permettent d’utiliser les transports en toute tranquillité.

•  L’application « RATP » m’est bien utile pour savoir les horaires de passage des RER à ma gare, cela m’évite surtout de courir et de planifier mes déplacements. Il y a bien sûr, les plans, les itinéraires et pour finir, le trafic !

• L’application « SNCF Transilien » est l’équivalent de celle de la RATP sauf qu’elle est pour toute l’Île-de-France. Il y a des flashs vocaux, plus à destination de ceux qui entendent ! 🙂

• L’application du site internet de « voyages-sncf.com » qui permet de consulter les horaires et réservations en ligne à partir d’un iphone. Je ne l’ai pas vraiment utilisée dans sa totalité mais elle nous a bien servi pour un départ anticipé en catastrophe, une gare à plus de 15 km et avec un réseau 3G qui n’était pas terrible pour le coup.

Enfin pour finir, j’utilise beaucoup Twitter et ses hashtags suivants : #qml, #rerA entre autres. Généralement, j’ai souvent vite l’information par ce réseau.

Les applications citées ci-dessus marchent soit sur iphone, ipad. Il est évident que je n’ai pas été sponsorisée pour ce billet !
Et vous, vous utilisez lesquelles et sur quelle plate-forme de smartphone ?

Apprendre en immersion

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 septembre 2012

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Un heureux hasard a fait que mon mari a choisi de zapper entre la série « Castle » qui venait de se terminer en VOD sous-titrée pour regarder à ma demande « Maison à vendre« .
Je précise pour pas qu’il se tape la honte, mais que moi j’assume entièrement le choix des programmes.

A la maison, on aime bien faire le tour des chaînes rapidement comme ça pour voir les sous-titres.
Un vieux réflexe, depuis le début de Médias sous-titrés.
Chez nous, quand on zappe c’est souvent pour vérifier qu’il y a bien des sous-titres.

Nous sommes tombés sur le documentaire « Quand nous étions écoliers » sur France 3 — que vous pourrez revoir sur le pluzz en version sous-titrée pour les sourds et malentendants durant une semaine — .
Un grand moment d’émotion, car ils montraient des images des enfants à l’école, et vint une séquence un peu particulière sur le handicap (située à 1h15 sur la vidéo).

Je saisis ces mots sur le sous-titrage, je prête un peu plus d’attention malgré le sous-titrage qui saute à ce moment-là. Des phrases qui revenaient sans arrêt. Je me suis dit qu’il y avait un bug sur la TNT, grosse flemme de passer sur la télé par la freebox (télévision via ADSL).

Je continue à regarder, nous sommes intéressés par ce passage qui nous a interpellés, ayant moi même été en immersion dans un milieu scolaire « normal » sans aucune aide comme on pourrait avoir aujourd’hui je pense (de type ATSEM). Ils parlent de l’intégration du handicap à l’école, et qu’ils ont intégré des enfants handicapés progressivement.

Le premier enfant handicapé était une petite fille sourde nommée Maria, durant la séquence, on la voit faire une dictée avec sa maîtresse et toute la classe. Elle est particulièrement assise à côté de celle-ci qui l’aide et qui lui donne des indices pour décrypter les mots dans un milieu oral.

Je me suis retrouvée 25 ans en arrière, je me suis, durant un court instant retrouvée à la place de cette petite Maria, le style vestimentaire de l’époque, la manière de décrypter les mots, de demander à la maîtresse une confirmation de ce que j’avais pu entendre.

Les émotions étaient là. Intactes. Comme si c’était hier.
C’était vraiment comme ça mes dictées.
Et j’adorais ça.

Peut-être est-ce, ce qui m’a donné l’amour de l’orthographe et du français ?

Le sable et les vagues

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 septembre 2012

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A la mer, sur la plage je contemple l’horizon.
Je regarde mon fils jouer dans l’eau, sans aucun bruit puisque j’ai enlevé mes appareils par précaution.

Le sable fin de St. Jean-de-Monts est un ennemi pour mes appareils, combien de fois ils furent en panne à cause de ce maudit grain de sable.

Il est rare que le sable ne vole pas.

Je continue à regarder autour de moi, des enfants qui crient dans leurs jeux, des familles avec des enfants, la mer qui va et vient.

Je n’entends pourtant rien, puisque mes appareils sont restés à l’appartement. J’imagine le bruit des vagues, les paroles des gens qui m’entourent. Je pourrais rien qu’en les regardant, distinguer leurs conversations à cause de la promiscuité. Ce que je ne fais pas par respect d’autrui.

Mon fils qui va et vient dans l’eau, que je comprends de loin quand il me parle.
Mais quand nous sommes dans l’eau, il me parle comme si j’entendais.
Sur le moment, je ne saisis pas, étant occupée à jouer avec les vagues de l’Atlantique.
Son père lui dit de me taper sur l’épaule pour me parler, nous pouvons converser tranquillement, lui dans le bruit des vagues, et moi dans le silence.

14 août -St. Jean-de-Monts

La rentrée, c’est à deux mains !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 septembre 2012

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Après un bel été, je reviens vous donner quelques nouvelles de l’association A Deux Mains dont je suis la marraine digitale dans le cadre de l’opération SFR Jeunes Talents Entrepreneurs.
La rentrée, c’est maintenant, c’est A Deux Mains !

Comment allez-vous ?
Nous allons bien, merci, nous avons réussi à prendre quelques vacances histoire de nous reposer un peu et être prêtes pour attaquer la rentrée !

Où en êtes-vous dans l’avancement du projet ?
Nous en sommes toujours à la levée de fonds pour financer les ateliers-pilotes, nous sommes actuellement en discussion avec des fondations pour un possible financement ! On espère que ça va marcher !
Autrement nous avons rencontré et échangé avec Emmanuelle Laborit et son équipe à IVT à propos d’“A Deux Mains“. Des partenariats sont en cours de réflexion avec eux et ils soutiennent notre projet ! C’est une très bonne nouvelle pour nous d’être soutenues par une structure comme IVT qui est reconnue par la communauté sourde.

L’embauche a-elle été faite ?
L’embauche de Sabrina n’a pas encore eu lieu pour des raisons administratives, elle sera embauchée à partir du mois de novembre.

Avez-vous trouvé une salle pour justement recevoir les familles pour les premiers ateliers ?
Nous n’avons pas encore de salle pour nos ateliers, nous continuons nos recherches, nous avons encore quelques pistes possibles à exploiter. Toute piste supplémentaire est la bienvenue !

Quels sont vos besoins à l’heure actuelle ?
Nos besoins actuels sont essentiellement d’ordre financier pour le moment car malheureusement on a beau avoir de la volonté et de la motivation, sans argent on ne fait pas grand chose et on arrive à la phase où l’auto-financement ne suffit plus.

Comment peut-on vous aider ?
Nous cherchons à récupérer du matériel pédagogique (jeux et livres en bon état, pour enfants de 6 mois à 3 ans). Vous pouvez également nous aider en envoyant vos dons par chèque (nous vous délivrerons un reçu fiscal !)

À l’ordre d’A Deux Mains
La Ruche, 84 quai de Jemmapes
75010 Paris
(C’est la même adresse pour l’envoi de matériel pédagogique)

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Petit rappel sur les objectifs de l’association :

Cette association a été montée par Sabrina Grollemund et Sandra Rauner. Elle a pour but d’accompagner la construction de la communication chez l’enfant sourd et le bilinguisme des enfants entendants de parents sourds auprès de tout-petits de moins de 3 ans, qui se présentera sous la forme d’ateliers pédagogiques itinérants dans toute l’Île-de-France, un accompagnement destiné aux enfants, aux parents et aux professionnels pour acquérir et pratiquer la LSF, un accompagnement privilégié des familles et la création d’un lieu d’accueil pour les tout-petits, qui accueillerait les enfants sourds ou les enfants entendants de parents sourds.

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Je vous donne rendez-vous bientôt pour d’autres nouvelles !

La piscine

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 26 septembre 2012

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Quand je vais à la piscine, je ne prends que le strict nécessaire. Une serviette, une bouée, des lunettes.

J’arrive donc dans le silence à la piscine, je communique avec la caissière de la piscine comme une parfaite personne valide puisque j’ai  fait le choix de laisser mes appareils a la maison. ma surdité est un handicap qui n’est déjà pas très visible. Pour le coup ici, elle est invisible.

Mes appareils auditifs ne sont pas de la partie puisque ces derniers craignent l’eau. Je bichonne mes appareils comme si c’était des bijoux en or.
Ça ne vous viendrait pas à l’idée de laisser l’équivalent de 4 iPad dans le casier de la piscine ? Ben moi non plus !

Quand je suis dans la cabine, je suis un peu immergée dans mon silence. Plus de contact visuel.
Imaginons quelqu’un qui veuille me prévenir d’un incident grave ou me parler.
Je suis dans ma bulle.
Au courant de rien.
C’est un peu risqué pour ma sécurité et celle des autres quand on y repense.

 

Au bord du bassin, je ne distingue pas la puissance de ma voix.
Parfois je ne parle pas assez fort ne sachant pas quel est le niveau sonore de la piscine. Ce niveau sonore qui change à chaque piscine, qui dit nouvelle piscine dit nouvelle adaptation.

Comment je surveille mon fils par exemple ?
A peine 5 ans, il ne sait pas encore nager, et est très actif.
Mon seul moyen c’est de l’accompagner partout.
Jamais je ne le lâche des yeux, toujours aux aguets. J’ai presque le comportement d’une gosse de 5 ans.

Ne pas entendre les ploufs dans l’eau, ni quand on m’appelle. Je suis parfois interpellée et bizarrement les gens n’ont jamais relevé que je n’entendais pas même si je mettais du temps à répondre.

Quand je vois les maîtres-nageurs avec leur sifflet, je souris doucement quand je repense que je me pourrais me faire siffler pour mon comportement de gosse de 5 ans. Ils pourraient siffler longtemps. Peut-être qu’il faudrait que j’aille me signaler en tant que personne sourde ou alors porter un maillot de bain qui a une oreille barrée.

En fin de compte, j’aime bien ces lieux pour l’étendue d’eau, pour les personnes que j’accompagne mais pas pour le silence, pas pour la fatigue que cela peut engendrer malgré ma surdité.

 

Les feuilles et la fourmi

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 3 octobre 2012

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Assise à une table à côté de mon oncle, je contemple autour de moi sans aucun bruit. Une fourmi passe à toute vitesse sur la table, à la recherche d’une miette de pain.

Entendre juste les feuilles du papier journal, qui tournent avec le vent, c’est un bruit qui m’est presque agréable dans ces lieux si calmes.

Silence total pour moi, j’entends les voitures qui passent de temps à autre. Je m’arrête de respirer en espérant pouvoir percevoir un bruit qui m’est inconnu.
Je demande à mon oncle quel est ce bruit. Mais finalement nous entendons pas la même chose.

J’entends comme une feuille de papier froissée, lui un tracteur qui passe au loin dans les champs à peine perceptible.
Nos ouïes sont différentes.
J’arrive pas à entendre les feuilles qui bruissent, ce bruit est trop léger pour moi, mais il fascine mon fils.

Enfant de la ville, il découvre tous ces petits bruits.
Le bruit des feuilles qui bruissent, le bruit de la nuit.

Ces bruits que moi je ne peux pas distinguer.

Paroles et musiques

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 octobre 2012

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On peut en tant que personne sourde être sensibilisée à la musique, connaître un univers musical, évoluer dans ce monde.

Mes parents avaient des vinyles, des cassettes audios, je dois dire qu’à l’époque ces objets m’impressionnaient, ils étaient magiques pour moi. Ils arrivaient à restituer une sensation qui m’est inconnue.

Ces vinyls sur lesquels on pouvait enregistrer des croches, des clés, des arpèges sur un disque noir et la restitution du son par le biais d’un diamant, la technique m’échappait.


J’ai tout aussi été impressionnée par la petite bande marron filasse de la cassette audio qu’on pouvait tirer dessus délicatement et rembobiner avec un crayon papier.
Malgré ma surdité, c’était un vrai petit plaisir que j’avais à débobiner et rembobiner en cachette ces cassettes audio.

Je n’ai pas évolué dans ce monde musical.
Pendant que les autres enfants apprenaient à chanter, moi j’apprenais à parler.
Cela me paraît encore plus évident maintenant que j’ai un petit garçon.

Le plus difficile est quand mon petit garçon me chante ses comptines apprises à l’école. Le bonheur d’une maman qui entend la comptine que son enfant a apprise par cœur à l’école, alors que je ne peux même pas l’accompagner dans sa démarche musicale.

Peut être devrais je m’y remettre, pour justement profiter de ces petits bonheurs, minuscules, gratuits mais grandioses à entendre ?

Quelle frustration d’avoir ce cahier des chansons dont on ne connaît pas les mélodies…

C’est décidé, je demanderai désormais à la maîtresse les titres des chansons pour justement au moins connaître les paroles, pour pouvoir me réjouir comme toutes les mamans qui écoutent leur enfant déclamer leur comptine avec tant de sérieux, qu’on en rit, qu’on a la larme à l’oeil.

Les conférences sur le sujet de l’accessibilité ne le sont pas toujours elles-mêmes

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 octobre 2012

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Il m’est déjà arrivé qu’on m’invite à des événements qui peuvent être intéressants pour moi, mais malheureusement je suis souvent obligée de refuser d’y aller à ma plus grande frustration.

Je dois en permanence demander s’il y a une vélotypie de prévue, ne maîtrisant pas parfaitement la langue des signes, et pas du tout le langage parle complété.
Personne n’est parfait !

Souvent on me dit qu’on va se renseigner, j’ai souvent un maigre espoir, qui est tellement maigre que je me dis intérieurement : « Pourquoi tu demandes, ça ne va pas l’être, ils auront pas prévu le truc« .

Il est rare que mon intuition soit fausse.

Proposer à une personne sourde qui parle, de venir à un événement, c’est avant tout penser à demander si c’est possible pour moi d’y accéder si on me connaît.

Bien souvent, ma surdité est oubliée, et souvent la personne se confond en excuses… de ne pas y avoir pensé. Je n’en veux pas à mes interlocuteurs, je les remercie de penser à moi, mais à la longue j’aimerais bien qu’on se rappelle que oui, je parle, que non, j’entends pas.
Me proposer d’aller à des événements sans savoir si la chose va m’être accessible, c’est un peu comme si tu allais à un concert au Stade de France et qu’il n’y avait plus de sono
(comme le Concert de Johnny Hallyday en 1998).

C’est un peu rude non comme retour à la réalité, non ?

Ce vendredi, je fais un ligthning-talk de 4 minutes à Paris Web qui sera retransmis sur le streaming à priori, sur des solutions faciles et gratuites à mettre en place pour des mini-événements.

Comme quoi, impossible n’est pas français.

J’avais un rêve, Paris Web l’a refait !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 20 octobre 2012

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Les retrouvailles

Premier jour, gonflée à bloc par cet événement exceptionnel à mes yeux, aussi le seul qui soit accessible techniquement par la vélotypie et les interprètes en LSF.

Revenir sur un rêve qui a été exaucé l’an dernier, revenir sur ces lieux qui sont prometteurs d’échanges, riches en information, une formation accélérée, de mode « bisounours« . Quel bonheur.
C’est comme la fête de famille, où tu retrouves certains membres avec impatience que tu n’as pas vus de l’année.

Première journée
Première conférence dans le grand amphithéatre, celle de Daniel Glazman, un sujet qu’on découvre avec beaucoup de régal quoique un peu technique pour la vélotypiste mais qui réussit à merveille.

Deuxième conférence, sur les websockets, je me dis que là ça va être bien plus ardu pour les interprètes et la vélotypie. Mon instinct ne me trompe pas. Je laisse passer 10 minutes, la vélotypie est distancée, voire même perdue … par l’affluence de nouveaux termes, ces termes incompris sont remplacés par des étoiles… C’est comme si on parlait et qu’on disait « étoile » a chaque mot qui nous est inconnu.

J’ai vite capitulé, j’en ai profité pour remonter au rez-de-chaussée et profiter de la connexion 3G pour répondre à quelques mails, échanger avec les rares personnes aux alentours. Rire un peu, faire de la pub pour les tatouages qui tiennent mieux que ceux de malabar. Si, si.

Seul regret ce jeudi matin, qu’il y ait pas de vélotypie dans les petites salles, ne serait-ce qu’un pauvre bénévole et un petit ordinateur portable.
Je suis allée dans la salle Concorde pour la partie de l’audiodescription d’Armony Altinier, que j’avais eu l’occasion de croiser à la Cantine la semaine d’avant.
Surtout touchée par la délicate attention, arrivée un peu en retard, je ne manque pas de me faire remarquer, mais elle me tend une feuille de route pour pouvoir suivre son sujet.
Un sujet interprété avec brio en langue des signes sur l’audiodescription, un moment de régal.

Ce jeudi, la vélotypie n’est pas parfaite à mon goût, c’est difficile, moi qui combats pour la qualité du sous-titrage à la télévision.

Mais en somme toute, me retrouver avec des gens que je connais, que j’apprécie, c’est quelque chose qui n’a pas de prix, ne serait ce que celui de l’entrée que certains trouvent cher, moi je le dis haut et fort, Paris Web vaut son pesant d’or !

Durant la conférence de Mike Monteiro qui est en anglais mais traduite en français, la vélotypie est décalée, tellement décalée que nous constatons avec Stefhan que nous sommes quelques sourds à applaudir mais pour quelque chose que l’on ne sait pas encore… Nous applaudissons bêtement sans savoir pourquoi. Et juste après, nous apprenons que Mike nous fait l’annonce de la sortie française du Evening édition ce soir à 17h.

C’est parfois un peu frustrant de ne pas être à égalité avec tout le public…

Frustration supplémentaire, le wifi ne marchant pas sur l’iPad pour une obscure raison, je ne peux pas intéragir avec les personnes qui sont aussi sur Twitter à travers le hashtag de #parisweb

J’avoue que j’ai été obligée de déconnecter ces jours-ci, et je vous cache pas que j’ai savouré encore plus le contact humain.

Opération questions réponses avec Mike, j’aurai apprécié de pouvoir avoir les questions et les réponses, rigoler et applaudir en même temps que tout le monde…  Ça arrivera un jour.

Vient la séquence photo mémorable de Mathieu Drouet qui m’avait un peu intriguée avec son petit entonnoir orange sur Twitter la veille. Je ressors avec des paillettes partout. Vraiment partout. J’en dirai pas plus, attendons les photos.

L’apéro communautaire

Soirée avec un apéro communautaire, une autre occasion de voir des personnes autour d’un verre, de pouvoir échanger sur des sujets qui sont toujours en liaison avec ce que nous faisons au quotidien.
Le Comptoir Général est un superbe lieu pour ceux qui ne connaissent pas.
Une ambiance assez spéciale on va dire. Deux salles, une plus bruyante que l’autre.
Je me dis que je vais rester dans celle qui a moins de lumières tamisées, moins cosy c’est certain.

En allant chercher mon verre pour la soirée, je croise un groupe avec qui j’aurais voulu parler, je leur dis que je ne vais pas m’attarder et retourner dans l’autre salle. Je pris chercher mon verre. Je repasse devant cette table qui est soudainement vide, je réalise qu’ils se sont tous levés et tous allés de l’autre côté. Merci à vous, Ben, Olivier, Stéphane, Nicolas et d’autres que je ne retrouve pas le prénom.
Une attention qui me touche au plus profond de moi-même, qui me remue les tripes.
Mon esprit me dit : « Attention tu es dans un rêve, tellement que ce n’est pas tous les jours… »

Au moment du tirage de la tombola, j’ai le numéro 66, heureusement que ce n’est pas le 666 !
Cela dit, je gagne tout de même un livre que j’ai acheté dans la semaine, je rigole avec Élie de ce hasard des choses.

Mon cher et tendre qui n’est pas d’une corpulence d’une asperge, gagne un tee-shirt, et qui sans conviction ne pense pas pouvoir porter ce lot sur lui, car généralement, c’est bien souvent trop petit.
Petite victoire, pas très visible mais ô combien si importante pour lui : il rentre dedans !
Je savoure cette soirée….  Je rentre chez moi, fatiguée mais heureuse.

Jour 2
Deuxième jour, réveil un peu difficile, le sommeil se faisant ressentir cruellement, 4h de sommeil c’est un peu difficile pour moi qui dois fournir un effort intense à suivre, à faire attention, à toujours être aux aguets, profiter de chaque instant.
Je me dis que je vais aller voir Denise Jacobs, sa conférence de l’an dernier m’avait beaucoup plu. Aucun regret, une conférence limpide, moi qui suis sourde, j’ai savouré de pouvoir lire sur ses lèvres ce qu’elle disait, en m’aidant de temps à autre de la vélotypie. Je ne suis pas bilingue mais je comprends l’anglais. Et là, une voix claire, rythmée. J’ai savouré !

Ensuite, j’enchaîne avec la conférence de Sébastien Desbenoit sur les icônes. J’ai beaucoup appris, je ne verrai plus les icônes de la même façon même si j’avais trouvé la meringue ! Suivre l’orateur lui-même sans la vélotypie, sans les interprètes, c’est agréable aussi. Un vrai plaisir pour moi de comprendre quelqu’un qui est si clair dans son audition. Merci Sébastien !

Retour à la réalité avec The Real Me, sujet intéressant. Une conférence traduite en français puisque l’auteur parlait en anglais. Là c’est plus dur, je suis la vélotypie.
Je ne retiens qu’une seule chose « Be honest« .

Je termine la matinée avec la mini-conférence de Tanguy Lohéac, courte mais si riche en émotions, en informations. Montrer au public son handicap est quelque chose d’exceptionnel.
Montrer sa journée en accéléré tout en étant aveugle, c’est quelque chose qui remet les gens a leur place.
Qui recadre bien les choses, y compris pour moi qui ne savais pas vraiment comment cela pouvait être puisque je suis sourde, un handicap bien différent mais qui reste impressionnant pour celui qui ne le connait pas. Bravo Tanguy !

Mon lightning talk
Début de l’après-midi, le stress commence à monter sérieusement, puisque j’ai fait la folie de soumettre le sujet que je devrai expliquer en 4 minutes et que j’avais soumis à l’appel aux orateurs au début de l’année pour une conférence d’ 1h. Je sais, je suis un peu folle et j’assume. J’en profite pour me faire une micro-sieste de 20 minutes en toute discrétion, qui me sera bien précieuse pour la suite.

Conférence de Sébastien Desbenoit et Francis Chouquet, je la suis de loin, stressée.
Je ne retiendrai qu’une chose :  » le tricot, c’est tendance ! »

Les lightnings talks commencent. Le stress est à son comble.
Stéphane, toujours bienveillant, me fait boire un coup d’eau. Cela m’aide.
Le premier passe, le second passe, je suis en quatrième position.

Vient le moment de monter sur l’estrade, je ne sens plus mes jambes, mes mains tremblent, mon cœur tape si fort que je m’essaie de me convaincre que le public ne le voit pas, mais que je ne suis pas convaincue de moi-même.

Daniel me tend le micro, la télécommande, je me retrouve encombrée de tout cela avec en plus mes notes, et …
Je me dis « Ma poule, t’as 4 minutes, t’as pas le choix, tu peux pas reculer, y’a 300 personnes qui ont leurs deux billes noires sur toi, qui attendent que tu parles, vas y fonce ! »
Évidemment je me dis ça en 30 secondes dans mon cerveau.
C’est rude comme émotion. J’ai respire, commence à parler, et c’est parti tout seul, j’ai débité mon texte.
Je n’ai vu que le premier rang, le fond de la salle.
À peine fini, le public applaudit, je me dis « Zut, j’ai pas fini, mes chamallows ! »
Daniel réussit à arrêter l’élan des applaudissements, je tremble encore plus, je prends mon sac de surprises, et demande à ma #bff — Best Friend Forever — (qui était aussi ma complice sur ce coup) de m’aider. Nous lançons ces chamallows avec bonheur, beaucoup de joie.

Et là, j’avoue, j’avais un wagon de larmes aux yeux, c’était une émotion intouchable. Je redescends, soulagée mais encore sous le coup de la réaction du public.

Je suis avec attention les autres lightningS talks, et soutiens également Stéphane qui à ce moment n’en menait pas large lui-non plus…

Et nous terminons les lightnings talks avec une jolie chanson de Xavier, qui a eu droit à un rappel malgré les 4 minutes écoulées ! Un véritable succès. Xavier, tu devrais sortir un disque !

Robin et Daniel annoncent les gagnants des lightning talks, puisque nous avons été jugés par le biais d’un applaudimètre. J’apprends que je suis première, à ma plus grande stupéfaction.
A ce moment-la, je ne veux être qu’une petite souris au fond de son trou, ils me font monter sur scène, je retiens mes larmes.
Mais elles coulent malgré elles. Tu ne l’as peut-être pas vu mais si, si.
C’est juste incroyable. (Entre nous, faut pas faire pleurer les filles !)

Encore maintenant, je ne trouve pas mes mots pour dire ce que j’ai ressenti, peut-être un feu d’artifice au fond de mon cœur. C’est juste incroyable. Je me dis que je rêve, que c’est pas possible que cet exploit se soit renouvelé. Vous m’avez tellement remué les tripes.

L’apéro de fin et soirée
Nous nous retrouvons autour d’un verre, je me retrouve accueillie sous des applaudissements, je ne sais pas si c’est parce que Xavier allait nous refaire sa prose ou… Échanges animés, sympathiques toujours avec autant de bienveillance.

Soirée dans Paris, à manger japonais. Un moment de bonheur.

Marcher dans Paris, la nuit tombée, avec cette Opéra qui brille de mille feux, le regard dans le vide, le cerveau vide, comme si un vampire m’avait sucé tout mon sang.
Les larmes de joie, pas très loin.
Plus de jambes, plus d’énergie pour rentrer en transports, je hèle un taxi, je m’engouffre dedans, nous roulons vers ma banlieue-sur-marne, la pluie fouette les carreaux de la voiture.
Paris est belle surtout par les quais.
Ces deux jours ont été superbes, j’ai qu’une envie c’est d’aller à Berlin, Montréal, Toyko.
Voir comment l’accessibilité est ailleurs que chez moi.

Conclusion
Paris web, c’est du web avec du bisounours, de l’info fraîche, de récits des contrées lointaines et des chamallows.
Et surtout c’est un dépassement de soi pour chacun.
Que tu sois staffeur, orateur, petit intervenant de 4 minutes, c’est un challenge dont tu te rappelleras très longtemps.

Merci Paris Web. You do it again, i did it again. YAY !
Rendez-vous le 10, 11 et 12 octobre 2013 !

Ps : je ne parlerai pas des ateliers, mon récit est suffisamment long et émouvant que ça coule de source. 😉 — Vous m’avez tellement remué les tripes, que j’ai un peu de mal ce matin —

Internet, c’est pas de la radio !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 31 octobre 2012

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/internet-cest-pas-de-la-radio/

« Des logements pour sourds et malentendants« , je vois cette information passer sur twitter accompagnée des hashtags suivants #fail #a11y.
Je me dis « Tiens c’est drôle, faut que j’aille voir quand même ce que c’est ce #fail« .

Les hashtags #fail ca veut dire que c’est négatif, que le résultat n’est pas bon.
#a11y est le hashtag diminutif de l’accessibilité en 2011. Corrigez moi si je me trompe.

Je clique sur ce joli lien qui ne m’indique absolument pas d’où ça vient.

Je tombe sur le site de France Inter, un site internet que je ne fréquente pas du tout puisque la radio m’est inaccessible. Tout ce qui est vocal sans voir la personne, je ne peux pas comprendre.
Interface que je connais pas. Je visualise le titre « Zoom de la rédaction » accompagné d’un visuel de micro posé avec un fil.

Je me dis : « Whaou, c’est bien ils font des logements pour les sourds et malentendants » et je commence à chercher le texte comme je fais d’habitude… tout en ayant déjà oublié que France Inter est un site de radio.

#fail comme on dit.

Mes yeux descendent sur l’écran, et tombent sur un bouton : « (ré)écouter cette émission disponible jusqu’au 25/07/2015 07h15« .

Bien.

J’ai jusqu’à cette date pour arriver à l’entendre.

Oui sauf que moi, j’entendrai jamais une émission radio comme un aveugle ne verra jamais une page imprimée sur du papier.

Maintenant, faire passer de l’info sur ce projet de logements pour les sourds et malentendants alors que les principaux concernés n’écoutent pas France inter, c’est un peu fort de café ! Ou bien, ça va être encore les papas, les mamans, les papis, les mamies des sourds et malentendants qui vont les alerter, qui vont rechercher l’information… Bonjour l’autonomie !

Alors, France Inter, chère radio qui veut si bien faire en parlant de tels sujets, fais ton boulot correctement en mettant déjà un transcript de 4 malheureuses minutes et 8 secondes de ce que vous avez dit durant cette émission radio, tu en feras des heureux.

Je pense que c’est la limite de l’exercice d’un média allant sur un autre média : Internet, c’est pas de la radio !

Plus d’informations pour les sourds concernés et dans le nord, j’ai demandé à mon ami Google : c’est une résidence de 22 logements sociaux inaugurée à Ronchin dans le Nord.
Source :
http://tempsreel.nouvelobs.com/immobilier/logement-social/20121015.OBS5715/des-logements-sociaux-pour-malentendants-dans-le-nord.html
http://informations.handicap.fr/art-sourd-logement-handicap-20-5297.php
http://www.cis.gouv.fr/spip.php?article4714

Entre pro avec A deux mains

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 8 novembre 2012

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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En juin dernier, c’était le D-Day de la rencontre avec Sabrina, ma filleule dans le cadre de l’opération SFR Jeunes Talents Entrepreneurs.

Une journée pleine d’émotions pour elle, pour moi.
Grand moment pour elle de présenter un projet, celui qui lui tenait à cœur et qui est lancé aujourd’hui.
Grande émotion pour moi, j’avais été choisie pour être sa marraine numérique pour pouvoir communiquer sur son projet « A deux mains« .

Je vous ai donné quelques nouvelles de rentrée le mois dernier, reposées, à la recherche de levées de fonds, de partenariats.

La semaine dernière, je reçois dans ma boîte aux lettres une enveloppe kraft plus épaisse que ce que j’ai d’habitude…
Surprise ! j’ai reçu le numéro de novembre 2012 d’Entre Pro, il y a un dossier consacré au programme SFR Jeunes Talents Entrepreneurs.

Ce numéro dans lequel nous sommes citées Sabrina et moi avec « A deux mains » et « Vis ma vie de sourde« . Quelle promotion !

« Un nouvel accueil pour les enfants sourds, et entendants nés de parents sourds, de moins de 3 ans« .

La parentalité c’est déjà quelque chose de nouveau, mais quand il y a un handicap, celui de la surdité qui vient se rajouter à cela, c’est un peu plus compliqué.

Il me semble important que ce projet se mette en place, car beaucoup de parents ne sont pas correctement soutenus, informés et rassurés sur leur choix vis à vis de leur enfant. Trouver d’autres parents qui ont fait le même choix que soi, c’est déjà pas toujours évident.

Le projet de Sabrina et de Sandra est justement là pour combler cette lacune qui manque aujourd’hui.

Interview de Sabrina, photo de promotion à deux.

Petit rappel sur les objectifs de l’association :

Cette association a été montée par Sabrina Grollemund et Sandra Rauner. Elle a pour but d’accompagner la construction de la communication chez l’enfant sourd et le bilinguisme des enfants entendants de parents sourds auprès de tout-petits de moins de 3 ans, qui se présentera sous la forme d’ateliers pédagogiques itinérants dans toute l’Île-de-France, un accompagnement destiné aux enfants, aux parents et aux professionnels pour acquérir et pratiquer la LSF, un accompagnement privilégié des familles et la création d’un lieu d’accueil pour les tout-petits, qui accueillerait les enfants sourds ou les enfants entendants de parents sourds.

 

Note : le visuel n’est pas accessible aux aveugles. Écrivez-moi, je vous enverrai la transcription de l’article.

Semaine pour l’emploi des personnes handicapées

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 13 novembre 2012

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/semaine-pour-lemploi-des-personnes-handicapees/

Après avoir vu de nombreux tweets faisant la promotion d’Handichat, site internet programmé pour l’occasion : « Semaine pour l’emploi des personnes handicapées« .

Je me dis que je vais tout de même regarder par curiosité. Je me connecte sur le site.

Je constate qu’il y a un interprète en langue des signes. Bonne chose. Si j’avais une seule critique à émettre à ce sujet c’est qu’il est pas suffisamment éclairé à mon goût.

En ce qui concerne le sous-titrage, on lance le site, on voit une vidéo, un interprète, on laisse la souris sur la vidéo dans l’espoir de voir un petit bouton « sous-titrage » et là … pas de bouton de sous-titrage.
Dommage.

Je cherche à contacter le webmaster du site internet.
Je ne trouve pas de rubrique « contact« .
Je ne suis pas diplômée « experte en accessibilité » mais j’aurais juré que c’était une bonne pratique de mettre un contact.

Je cherche un compte twitter, je ne trouve que parce que j’ai réfléchi et fait la liaison.
Les personnes qui ont réalisé le site, ont signé dans le pied de page.
J’ai cherché le compte, j’ai trouvé.
Je fais un tweet aux concernés. Pas de réponse à ce jour à ma question qui est « comment peut on voir le « sous-titrage ?  » de l’émission Handichat en direct ?

Je regarde sur la page facebook de l’Agefiph, je pose ma question. Pas de réponse à ce jour.

Je m’entête à vouloir trouver la version sous-titrée … et je me dis que je vais me connecter au chat directement et poser ma question. Je cherche à y participer. Je clique sur le bouton « + d’infos » et là, une fenêtre d’identification par pseudo. Je dois entrer mon pseudo pour pouvoir poser une question. Je rajoute mon pseudo en espérant trouver plus d’informations, et je trouve  la transcription textuelle « live » du chat en cours, décalée et pas forcément complète.

Je regarde, j’essaie de comprendre, et en effet, oui tu peux poser des questions directement dans la partie chat et y lire la transcription en même temps. Bien, bien.

Arrive un moment où il y a un changement d’interlocuteur, et là, pof !
Plus de transcription, par contre, l’interprète lui continue de traduire.

Moi, qui utilise peu la langue des signes, je n’arrive plus à suivre.
Sachez qu’il y a plusieurs types de sourds. Ce n’est pas parce qu’il y de la langue des signes que vous vous adressez à la totalité des sourds. Il existe des sourds oralistes, des devenus-sourds, des sourds qui utilisent la LPC, etc.

Ah, et pis, si t’as pas eu le temps de te connecter ce matin sur Handichat, parce que t’étais au boulot.
Tu veux le revoir à midi durant la pause déjeuner, ce qui est pas une mauvaise idée, entre nous.

Là où le bât blesse, c’est qu’on a la possibilité de revoir le chat avec la traduction en langue des signes.
Pour schématiser en terme de public en situation de handicap, quand on parle de sous-titrage, on s’adresse à des personnes sourdes, quand on parle de transcription, on s’adresse à des personnes aveugles.

Je décide de regarder le premier programme de la matinée, en me disant que j’y apprendrai quelque chose, je me rends compte que la vidéo est disponible avec la traduction en langue des signes, et c’est tout.
Ca m’interpelle.
Je me dis que c’est bizarre qu’il n’y ait pas de transcription.

Je décide d’aller voir sur l’édition de l’année précédente, pour voir comment les vidéos de rattrapage se passent, surtout qu’il y a fortes chances qu’ils reproduisent le même système que l’an dernier.

Constat sur l’édition de l’année précédente : il y a bien les vidéos avec traduction en langue des signes ainsi qu’un pdf accessible qui lui a été bien retravaillé… et pas de sous-titrage.

Sur l’édition de l’an dernier, on peut constater qu’il y a un pdf accessible aux personnes aveugles. Mais pas d’effort de sous-titrage sur la partie vidéo du chat.
Alors qu’on sait que c’est possible techniquement.
Par exemple, le site internet de Paris Web a fait durant ses conférences une diffusion sous-titrée en live cette année, ainsi que l’an dernier. La technique a été utilisée et approuvée.

Sur la page « Accessibilité » du site internet, ils disent bien qu’il y a des reportages sous-titrés.
Certes, mais le sous-titrage a été incrusté dans la vidéo.
Quand on agrandit la vidéo, c’est pas lisible, c’est voire même très désagréable, surtout quand on connait les techniques de sous-titres sur le web.

Regarder une vidéo avec un pdf à côté, je veux bien faire l’effort, mais c’est comme si tu devais écouter la télévision sans son avec le texte imprimé sur une feuille. C’est un poil pas pratique, quand même.

Ce que j’aurais bien aimé, c’est un chat avec un interprète en langue des signes, le sous-titrage en direct sur la vidéo elle-même.
La diffusion de la transcription pouvant se faire peu après, voire quasiment tout de suite une fois le chat terminé.
Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir un « sous-titrage » synchronisé, avec tous ces partenaires qui se sont investis dans cette opération… Pourquoi négliger cette étape ?

Si on communique sur le fait qu’on fait de la transcription et de la traduction en langue des signes et PAS de sous-titrage en direct, il ne faut pas avoir peur de le dire que la vidéo n’est pas accessible en version sous-titrée.
Quand on parle de web-tv 100% accessible, envisager tous les publics en situation de handicap.

On ne le dira jamais assez : « Communiquez sur l’accessibilité de vos contenus ! « 

Perception du son

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 novembre 2012

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Combien de fois on m’a demandé « mais tu entends les voyelles, les consonnes, la lette o, la lettre … ?  »

Une personne entendante qui apprécie la musique, si elle n’est pas une virtuose de la musique ou une personne qui n’a pas l’oreille musicale si je lui demande :  » Qu’est ce que c’est comme note de musique dans cette mélodie ?  »
Elle ne sera pas forcément capable de me restituer les notes une par une.

L’interprétation du son de ces mots peut être différente selon les personnes, je vais percevoir plus facilement les voix graves d’hommes que celles des femmes.
Tout simplement parce que ma courbe d’audition est dans les graves.
Si j’arrive à récupérer certaines fréquences dans les aigus, cela va simplement affiner le son, le rendre plus « net« .

Ma photo de perception sonore est floue, comme quand on renforce la netteté d’un visuel dans Photoshop. Les fréquences aiguës pour moi, c’est ça.

Jusqu’à aujourd’hui, je peux entendre le bruit du coucou, un oiseau. Mais je ne peux pas entendre les mésanges par exemple.
Les canaris, j’arrive à les entendre uniquement quand je suis dans une animalerie et parce qu’il y en a beaucoup.
J’imagine le supplice de mes proches si on avait autant d’oiseaux à la maison.

N’importe qui est capable d’entendre et d’apprécier de la musique mais peu de personnes sont capables de déchiffrer les notes qui la compose.

A deux mains en novembre

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 28 novembre 2012

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J’attendais quelques bonnes nouvelles à vous donner malgré le mois de novembre qui est passé à toute vitesse !
Tout le monde s’affaire comme des abeilles dans une ruche …

L’embauche de Sabrina a été possible ce mois-ci. Elle est donc la 1ère salariée d’A Deux Mains depuis la mi-novembre après 2 ans d’investissement bénévole. Une étape très importante dans la construction du projet.

Côté partenariats, IVT est partenaire d’A Deux Mains depuis le mois de septembre, Emmanuelle Laborit soutient le projet de Sabrina et de Sandra. Une reconnaissance de plus en leur professionnalisme !

L’association A Deux Mains est également entrée dans la fédération « La Voix de l’Enfant » dont le but est l’écoute et la défense de tout enfant en détresse quel qu’il soit, où qu’il soit ! (Fédération de 80 associations, qui fait du lobbying auprès des politiques)

L’équipe d’A Deux Mains espère pouvoir vous proposer quelque chose d’ici début 2013 pour commencer l’année en beauté.

Par contre, elles sont toujours à la recherche d’un local susceptible de les accueillir, si vous connaissez un lieu, dites le nous !
Novembre est le mois des mises en relation … Les réseaux sociaux, ça aide !

Essuyer les plâtres

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 décembre 2012

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Intégrer une école qui n’a jamais accueilli de sourds auparavant, passer un entretien supplémentaire pour montrer qu’on est capable de communiquer, se battre pour avoir une carte de photocopies pour les maigres supports de cours que je pourrai avoir durant l’année scolaire.

Avoir très envie de participer à des conférences et que, parfois c’est pas toujours possible.
Parce que cela n’a pas été prévu dans l’organisation, parce qu’il n’y a pas les moyens financiers, ou tout simplement on oublie le fait que j’entende pas.

Se voir proposer d’assister à des conférences, c’est très généreux, flatteur pour moi. Je me rends compte que je suis à égalité, presque.

Et refuser d’y aller tout simplement parce que ce n’est pas si facile que ça quand je n’ai pas d’aide pour comprendre…

Se voir reprocher d’être représentante de parent d’élève : « Comment comptez nous représenter alors que vous êtes sourde ? « .
Être confrontée violemment à la bêtise humaine parce que la personne n’avait jamais rencontré une sourde dans une réunion d’information de parents d’élèves.
Être une maman comme les autres mais sourde qui puisse s’investir dans la vie scolaire de son enfant.

Tout simplement parce que les gens, parfois ne voient pas plus loin que leur nombril, parce qu’ils n’ont jamais été face à face avec une personne comme moi, qui n’entend pas mais qui parle, presque trop bien parfois pour qu’on puisse accepter ma surdité tellement celle-ci se fait oublier.

Être confrontée à des annonces sonores dans mon train, parce qu’il y a eu un accident grave voyageur, je ne comprends pas ce qu’il dit.

J’essuie certes les plâtres, c’est parfois fatiguant, ça fait mal aussi au cœur, à l’âme.

Mais grâce à cela, j’ai pu participer à Paris Web, une des premières conférences accessibles en vélotypie, participer au D-Day de Sabrina ma filleule parce que le dispositif avait été pensé.

J’ai pu aussi former quelques personnes de la crèche de mon fils au baby sign language, un vrai moment de bonheur.

Je pense que j’essuie les plâtres pour les générations futures comme celle de mon fils qui entend, qui sera sensibilisé ainsi que ses petits camarades.

A la génération future comme celle de deux petites filles sourdes que je connais.

Meilleurs vœux 2013

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 janvier 2013

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Ca faisait longtemps que je n’étais pas passée par là, mais j’ai des choses à vous raconter pour 2013 ! Restez en ligne !

Je n’ai pas pour habitude de faire des vœux, je vais essayer des fois que ça marcherait, ne sait-on jamais ?

Pour deux mille treize, j’aimerais…

… Ne plus avoir à râler sur la qualité du sous-titrage à la télévision notamment le décalage entre le sous-titre et la parole,
… Avoir accès à toutes les vidéos de rattrapage quelque soit la plate-forme que j’utilise (ordinateur, smartphone, tablette),
… Suivre grâce à la vélotypie au moins 2 événements francophones concernant mon métier,
… Découvrir de nouveaux horizons à l’étranger,
… Avoir une autonomie pour prendre rendez-vous toute seule comme une grande,
… Et bien d’autres choses.

Je vous souhaite une bonne et heureuse année deux mille treize.

Cauchemars connectés

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 9 janvier 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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J’ai écrit cet article pour participer aux 24 jours de web et soutenir l’association L’Abri.
Si cet article vous a plu, alors participez à votre tour et faites un don !

Je m’appelle Sophie, je suis sourde profonde de naissance. Je lis sur les lèvres et je parle.

7 h 30 du matin, j’attends une livraison d’un grand site internet. Mes sens sont à l’affût, je surveille ce qui peut atterrir dans ma boîte mail ou faire sonner mon interphone, mon portable, mon téléphone fixe, sait-on jamais.

8 h 30, je rentre vite de l’école où j’ai déposé mon fils, en espérant que le livreur n’est pas encore passé.

Je regarde mon téléphone portable, il y a bien eu un appel en absence. Pas de chance, c’est un numéro masqué. Je ne peux donc pas recontacter mon interlocuteur.

Grâce au suivi des colis du site internet, je peux tracer le colis en temps réel à quelques heures près. Je me reconnecte sur mon compte, je vois que le livreur est passé, mais il n’y a qu’un pauvre numéro de téléphone. Pas très pratique pour moi qui ne peux pas téléphoner. Dépitée, je passe par mon conjoint qui reprendra rendez-vous pour moi.

J’ai perdu du temps avec cette livraison, je pars en rendez-vous. Je checke, comme à mon habitude, avec l’application RATP, pour être certaine que je ne vais pas rater mon RER. Tout va bien, j’arrive sur le quai, et… Pas de RER. Première annonce vocale, je ne dis rien. Deuxième annonce vocale, ça commence à m’agacer, je ne sais pas ce qu’il se passe. Personne sur le quai, je checke mon compte Twitter pour vérifier ce qu’il se passe.
Car l’application RATP, c’est pratique, mais pas toujours au point en termes d’infos de dernière minute. Je lance twitter, #qml et #rerA et j’obtiens les infos que je voulais. Rassurée, je prends mon mal en patience.

Arrivée à Paris, je connais pas le lieu exact du rendez-vous, mon contact n’a pas été très précis. Je regarde le plan sur mon téléphone. Heureusement que j’ai de l’internet sur ce mobile ! Ce téléphone est mon allié dans ces moments ! J’arrive à l’adresse indiquée grâce à mes plans et ma connexion internet, pour me retrouver nez à nez avec… un interphone.

Un outil insignifiant que je déteste… Qui me met toujours dans l’embarras.

Je vois un ascenseur parisien, celui qui est tout riquiqui, où tu peux monter toute seule, et pas une personne de plus. Je monte, et là, l’ascenseur, au lieu de monter péniblement, s’arrête entre deux étages. J’essaie de redescendre au rez-de-chaussée, de monter à l’étage suivant. Rien à faire. J’appuie sur le bouton d’alarme, ce bouton qui a bien la transcription en braille, mais rien d’autre que le téléphone pour être en contact avec la société de dépannage.

J’attends, histoire de voir si ça se débloque, s’il y a le moindre son qui sort de ce foutu haut-parleur.

15 minutes ont passé. Toujours enfermée dans cet ascenseur mono-place, j’essaie de prévenir mon contact par mail. Pas de chance, le réseau ne passe pas très bien. Dans ces moments-là, j’essaie de ne pas m’énerver et de trouver des solutions alternatives. Je re-tente ma chance sur le bouton de dépannage, tant pis si ça les agace parce que personne ne parle dedans ou que ça ne correspond pas a ce qu’ils peuvent attendre. En attendant, j’essaie de faire partir mon message à destination de mon contact.

Je peux enfin envisager une issue de secours en voyant mon contact arriver suite à mon message de dernière minute. Je lui envoie le numéro de téléphone de la cabine, et il se débrouille pour me faire sortir de là.

Après toutes ces émotions, le rendez-vous a bien eu lieu avec du retard.

Une fois mon rendez-vous terminé, j’apprécie de pouvoir me poser dans un starbucks pour justement profiter de la connexion wifi qui est gratuite. C’est un bon plan pas cher pour être connecté à Paris.

Un déjeuner avec des amis est prévu, je décide de réserver une table. Je passe par le site de la fourchette, et je choisis un restaurant où je peux passer ma réservation en autonomie totale comme une grande.

Je me fais tirer mon sac à main, il ne me reste plus que mon téléphone en poche.

Je pars faire une déclaration de vol dans un commissariat parisien, en essayant de communiquer du mieux que je peux, car ils sont pas toujours sensibilisés au handicap, les prévenir que je n’entends pas, qu’il faut me regarder en face pour me parler, articuler un minimum pour que le dialogue soit à peu près correct.

Je vais pour rentrer chez moi en RER… Le trafic est interrompu !

Décidément, je décide de prendre un taxi, j’essaie de réserver sur mon téléphone à travers une application prévue pour. Tous les taxis sont pris d’assaut.

Il ne me reste plus qu’à commander un Uber, un service de voiture privée avec chauffeur. Certes plus cher qu’un taxi, mais efficace. Je réserve, ils me confirment ma réservation par SMS. Chose que j’apprécie beaucoup, je reçois un SMS lorsqu’il arrive pour que je puisse l’identifier rapidement. Je monte dans la voiture, pendant le trajet je finis d’envoyer deux trois informations, arrivée à destination, je valide la course par le biais du mobile du chauffeur. Pas besoin de sortir ma carte bleue, je peux rentrer chez moi me coucher !

Tout cela mis bout à bout, c’est incroyable, mais tous ces événements me sont déjà arrivés.

L’Internet, c’était une chance pour moi quand j’avais un ordinateur pour pouvoir communiquer et travailler.

Le smartphone est un objet magique, même si je n’utilise pas la fonction téléphone.

L’Internet sur mobile, c’est vraiment une révolution dans l’autonomie !

Que cela soit pour des sourds ou des aveugles (voir l’excellent blog de Tanguy Lohéac), ce petit objet que vous considérez souvent comme un gadget de geek, moi c’est mon meilleur ami.

2012, regard dans le rétro

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 16 janvier 2013

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L’année avait mal commencé.
Malgré les efforts pour surmonter les aléas de mon handicap, je n’ai pas pu rester au précédent poste préférant sauver ma motivation professionnelle.
Ça paraît bizarre, mais j’y reviendrai quand je serai prête à en parler.

Se remettre à la recherche d’un emploi, n’est pas chose aisée pour tout le monde. après de longues années où j’ai travaillé seule.
Encore moins quand on dit qu’on est sourde et qu’on parle. Les gens ont encore du mal à réaliser que ça puisse être possible.

Les idées reçues sont parfois pas toujours vraies.

« Sourd-muet » est un mot qui est encore dans le dictionnaire, seulement vouloir résumer la population sourde à ce terme, c’est pas cohérent. Si seulement, ça pouvait être rectifié dans le dictionnaire, ils ont bien rajouté Twitter, pourquoi pas modifier certains mots ?
Un sourd peut parler, coder ou signer. les possibilités sont grandes.
Ensuite, la surdité est un handicap qui est à priori invisible. Comprendre par là, si je marche seule dans la rue, ça ne se voit pas.
On a tendance à vouloir définir les choses par le visuel : un sourd qui pratique la langue des signes n’est pas invisible puisque la LSF est quelque chose de très visuel.

Après plusieurs mois d’entretiens effectués à la chaîne certaines semaines, parfois des entretiens décrochés à la dernière minute, tout cela sans téléphoner relève de l’exploit.

J’ai pourtant reçu de nombreuses demandes où je devais tantôt rappeler vocalement mon correspondant, tantôt être disponible de suite avec un portfolio et sur Paris.

Malgré ces 7 mois de recherches intensives, j’en suis arrivée à douter de mes compétences professionnelles, de ma capacité à communiquer avec les autres, de mon utilité à vouloir faire bouger les choses, de moi tout simplement.

J’ai bien heureusement été entourée durant ces 7 mois, je remercie ces personnes ici qui se reconnaîtront, aussi bien pour le soutien moral que professionnel.

J’ai finalement trouvé un poste où je m’épanouis vraiment, où je ne suis pas réduite à une fonction précise dans une société quelconque. Mais à un poste qui a mille et une facettes qu’on peut difficilement imaginer.

Un poste qui m’amène à d’autres réflexions intéressantes auxquelles je n’aurais pas pensé. Quelle richesse pour la première moitié de 2013 !

Blanc comme neige

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 janvier 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Quand j’étais enfant, j’ai ce souvenir : ma maman qui m’avait réveillée quand la neige s’était mise à tomber.

Courir dans le salon, monter sur ce bureau noir et imposant qui était face à la fenêtre, coller mon nez au carreau froid. Le regard émerveillé face au paysage enneigé.

Je n’avais pas mes appareils.
J’imaginais le bruit des flocons si gros, qu’on aurait dit du coton… La neige qui tombe fait-elle du bruit ?
Je ne sais pas.


25 ans plus tard, c’est mon fils qui a le nez vissé au carreau, quand je lui dis qu’il neige depuis un moment.
Il me regarde avec un sourire malicieux en disant « YES ! » en joignant le geste à la parole.

Sortir dehors, emmitouflés dans nos manteaux, bonnets et gants.
Je n’entends pas la neige qui tombe, juste un vent discret qui souffle.
Ce vent qui fait tournoyer les flocons blancs, doux comme du coton.

Mes appareils auditifs sont à l’abri de la neige dans mon bonnet, cette neige que j’aime tant est une ennemie pour mes appareils. Ils craignent pas le froid, mais la neige fondue, c’est pas super, super on va dire.

Nous marchons, je dis à mon petit garçon : « Tu entends ce bruit ?« . Il relève la tête et me répond : « Oui« .
« Criss, criss » La neige qui craque est un bruit sec, grave que j’aime.

La neige qui est synonyme de blanc, de pureté, de silence.
Pour moi, c’est un moment surréaliste, car quand il y a de la neige, en général, les bruits parasites disparaissent. C’est pourquoi j’entends mes pas faire crisser la neige. J’aime ça. Je n’ai pas d’efforts à faire pour l’entendre.

Faire une bataille de boules de neige reste une de nos activités favorites en famille. Petit détail que mon fils a relevé ces derniers jours, qu’il fallait que je garde mon bonnet sur la tête pour qu’il puisse m’atteindre avec ses boules de neige sans risquer la panne de mes appareils.
J’ai trouvé cette attention vraiment mignonne. « Ben oui, maman sinon tes appareils pourraient tomber en panne ! Ça serait embêtant après. »

Quel gamin s’en soucierait avec l’ivresse que la neige peut provoquer puisqu’elle est rare sur la région parisienne ?

Petit plaisir que je me suis accordé dimanche, aller faire une grande balade à pied toute seule chargée de mon appareil photo. Capturer ces instants silencieux, blancs dans l’œil de mon appareil. Marcher le long de la Marne, n’entendre aucun bruit, même pas les flocons qui tombent. Regarder les flocons tomber, tournoyer, le courant de la Marne qui file comme ces flocons …

Sur la route nationale enneigée aux trottoirs blancs, la route noircie par les voitures qui roulent malgré tout au ralenti.
Marcher vite pour se réchauffer, entendre par moment le « criss, criss » de mes pas sur le trottoir où la neige n’a pas été suffisamment damée par les passants.

Voir au loin sur le même trottoir une personne, suivre ses pas et se rendre compte que tout à coup elle s’est éloignée de la route tout en se plaquant sur le long d’un portail.
Se poser des questions.
Ne pas entendre les voitures qui roulent, continuer à marcher et être attentive au craquement de la neige.
Tout d’un coup, être arrosée par de la purée de neige noircie dans le dos de mon manteau.

Le chasse-neige est passé par là pour dégager la route nationale enneigée, une nationale où les voitures roulent un peu vite en ces temps enneigés. Neige noircie par les pots d’échappement des véhicules.
Râler parce que je suis toute mouillée, et qu’en plus je n’ai pas entendu ce véhicule. Râler tout simplement.
Rire ensuite de ce qui vient d’arriver.
Se dire que parfois, entendre, ça a du bon. Mais que heureusement que c’était de dos !

Non, je ne sais toujours pas si la neige fait du bruit quand elle tombe, quand elle vivote comme du coton qu’on aurait jeté en l’air…

Un jour peut-être. Qui sait ?

Starting-blocks pour A deux mains

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 30 janvier 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/starting-blocks-pour-a-deux-mains/

L’année commence très fort pour mes filleules Sabrina et Sandra, j’ai plusieurs nouvelles à vous annoncer …

La première nouvelle qui n’est pas des moindres, le site internet a été lancé !
Vous pourrez désormais les suivre directement par le biais de leur propre site, les contacter et même pouvoir partager plus amplement sur les réseaux l’information.

C’est encore tout frais, la peinture est encore fraîche ! 🙂

Mom'artreLa seconde nouvelle, elles étaient à la recherche d’un lieu pouvant les accueillir. C’est chose faite !
Un superbe lieu bien situé à proximité des transports, plutôt « central » pour les gens venant de la banlieue, qui a en plus un joli nom je trouve « Mom’artre » vous trouvez-pas ?

La troisième nouvelle, les ateliers commencent la semaine du 18 février, il y aura également une réunion d’information, le 11 février, il y aura également la présence d’une personne assurant la traduction LSF / Français.

Et enfin, la dernière nouvelle, cela fait un joli mois de janvier tout cela ! Elles recrutent un professionnel sourd de l’enfance ou de la petite enfance, pour nos futurs ateliers enfants et parents/enfants (de 6 mois à 3 ans). Pour plus d’informations, voir sur leur site.

A deux mains, c’est parti !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 février 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/a-deux-mains-cest-parti/

L’association A deux mains organise une réunion d’information.
Cette réunion a pour but de les présenter ainsi que leur activité.

Venez les rencontrer mardi 12 février à 18h30 !

Inscrivez vous par mail : contact@a-deux-mains.org

Lieu : Association Mom’frenay,
Place Henri Frenay, 12ème (metro Gare de lyon)

A deux mains, c’est parti ! (rectification)

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 11 février 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/a-deux-mains-cest-parti-rectification/

Attention changement de date  !!!

La réunion d’information sur les ateliers pour enfants sourds, et entendants de parents sourds, de 6 mois à 3 ans mis en place par A Deux Mains
prévue Mardi 12 Février à 18h30 est reportée au

Samedi 23 Mars à 10h30

Lieu : Locaux de l’association Mom’Frenay,
place Henri Frenay, 12ème.
M : Gare de Lyon

Pour assister à la réunion merci de vous inscrire en envoyant un mail à contact@a-deux-mains.org

Les familles qui le souhaitent pourront s’inscrire aux ateliers à la fin de la réunion,

Toutes les informations sur le site internet

J’avais un vœu, Bartolone l’a fait

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 13 février 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Début décembre, j’ai reçu un courrier venant de la présidence de l’Assemblée nationale. Impressionnée par cette enveloppe si spéciale.

Être invitée aux vœux de son entreprise est quelque chose de « normal » pour un employé, ne pas comprendre les discours est quelque chose de difficile pour une sourde.

Ces moments-la sont censés être sympathiques, mais quand on est sourde, c’est un peu plus contraignant, se retrouver entourée de personnes qu’on ne connaît pas, se retrouver dans un lieu plein de brouhaha.

Devoir écouter des discours cela m’est déjà arrivé, ce n’est pas mon premier discours de vœux que j’écoute.
Il m’est déjà arrivé de ne rien comprendre, d’attendre, de sourire et de faire comme si tout était normal, comme si je comprenais tout, c’est une sensation franchement désagréable.

Cette année, dans le cadre de mon travail et motivée pour faire bouger les choses en terme d’accessibilité, j’ai émis une requête un peu atypique.
Je me suis dit, que pourquoi, moi je ne pourrais pas comprendre comme tout le monde. J’ai demandé si c’était accessible aux sourds et malentendants, connaissant la réponse à 99%, tout en demandant si au pire, je pourrais avoir le discours écrit.

Réponse qui est : non, pas de vélotypie, non, pas d’interprètes en LSF (bien que je ne maîtrise pas tout à fait parfaitement cette langue) MAIS qu’il y avait possibilité d’avoir le discours à mon arrivée. Je dois dire que j’ai été plutôt agréablement surprise par cette réponse positive.

Jour J, j’arrive avec ma collègue, je demande la personne chargée de me transmettre le discours, j’attends un peu, elle me donne une version imprimée du discours. Peut-être avez-vous fait quelques improvisations, quelques bons mots mais quel bonheur de pouvoir suivre ce que vous avez dit, ma collègue m’indiquant de moment à autre, où nous en étions dans le discours.

Merci monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone,  d’avoir bien voulu donner votre discours imprimé, malheureusement encore peu de personnes acceptent de le faire.

Quel bonheur d’être à égalité avec tout le monde, c’était d’autant plus important car ce lieu chargé en histoires, c’était vraiment « Liberté, Égalité, Fraternité« .

Paroles et musique

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 mars 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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La musique peut être un univers qui peut nous être accessible, mais à notre manière.

Dans les années 85, il y avait des clips vidéos comme le top 50 que j’aimais beaucoup uniquement parce qu’il y avait un classement, cela me permettait de me donner un indice de « popularité » sans avoir à demander autour de moi.

Avoir le son et l’image en même temps c’était un vrai régal.
Ces clips vidéos n’étaient pas sous-titrés en 85, ils ne l’ont été qu’à partir de 2005 pour certaines chaînes de télévision.

Pour faire comme les copines à l’école, je me suis mise à aimer Kylie Minogue.
Pourquoi elle ? Je ne sais pas.
En réfléchissant parce qu’elle était jolie, jeune et australienne.

Les contrées lointaines me faisaient rêver. J’ai même été jusqu’à avoir une chaîne hifi et quelques cd.
J’avais un poster dans ma chambre. Juste pour faire comme toutes ces adolescentes, moi qui vivais dans un univers dépourvu de musique, ça a été un surprise pour mes proches je pense…

Après avoir aimé la musique pour faire comme tout le monde, le temps était venu que j’aime une musique pour une raison précise.

J’aime certaines musiques parce que j’avais aimé le film. Je repense au Grand Bleu en particulier, ce film qui avait des séquences poétiques visuelles, cette histoire,  je voulais connaître cette poésie sonore.

Je l’ai percue à ma manière, en mettant le son plus fort à certains moments, la main sur la baffle pour percevoir les vibrations de cette musique.

Avoir le visuel et le son en même temps, cela m’aide beaucoup.

Je regrette qu’à la télévision, qu’on aie le titre et l’auteur de la musique seulement. Durant ces séquences, avoir juste un sous-titre de trois points de couleur magenta c’est un peu frustrant de ne pas avoir les paroles…

A deux mains : le premier atelier !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 3 avril 2013

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La réunion d’information a eu lieu le 23 mars 2013. Faute d’un imprévu je n’ai pu y assister. Cela dit, l’association A Deux Mains commence ses ateliers enfants et parents/enfants commencent samedi 6 avril de 10h30 à 11h30.

Il reste quelques places !
Ils auront lieu tous les samedi en alternant ateliers enfants et ateliers parents/enfants.
Prix 20€/mois (soit 60€ pour 3 mois)

Inscription obligatoire !

Pour les inscriptions ou des informations envoyez un mail à contact@a-deux-mains.org

J’ai pas la banane tous les jours…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 9 avril 2013

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Parfois, il m’arrive de ne pas avoir la banane.
Moi, j’ose le dire et je l’écris pour m’expliquer…

Des fois, j’ai juste pas envie de faire des efforts, parce que j’ai pas forcément la forme ou je suis fatiguée moralement.

Je ne suis simplement pas une machine, j’ai moi aussi des moments de faiblesse.

Difficile d’accepter de ne pas être toujours être au top.
Difficile de le faire comprendre aussi.

J’ai annoncé lundi soir sur twitter que je n’irai pas à l’apéroweb, réunion que j’essaie de fréquenter quand j’en ai la possibilité ou l’envie.

Cette fois-ci, je n’ai pas réussi à me décider à y aller, trop d’efforts à faire pour suivre, pour comprendre ce qui se dit,  trop de concentration pour un moment qui devrait être agréable ou intéressant.

C’est valable aussi pour des événements où je pourrais y retrouver des personnes qui ont le même centre d’intérêt.

Il faut savoir reculer pour mieux sauter.

 

J’ai repris quelques gifs animés avec l’aimable autorisation de l’auteur du blog Deafmania. J’y vais quand j’ai besoin de rigoler un peu.

 

Ma tête quand j'essaie de comprendre

Il arrive souvent que j’aie ce regard quand j’essaie de suivre une conversation qui est pas toujours aisée quand il y a du bruit environnant, des personnes qui articulent pas forcément beaucoup.

 

 

Quand j'ai rien compris ...

Quand je comprends pas, généralement je l’exprime avec une expression comme celle de M. Spock, oui, j’assume mon côté star trek  (c’est obligé avec un mari aussi fan !) qu’on ne connaissait pas.

Je m’exprime avec mon visage avant de le dire que je n’ai pas compris. Généralement, je le dis assez vite.

 

 

quand une personne entendante me fait répéter pour la 3eme fois …Quand je rencontre des personnes qui ne me connaissent pas, ou qui savent pas forcément que je n’entends pas, ce qui est rare. Il est déjà arrivé que je doive répéter plusieurs fois, mais heureusement pour moi, c’est plutôt rare. Quand ça arrive, c’est du costaud !
Parfois, c’est des malentendus, qui sont pas mal non plus ! 🙂

 

Et enfin, pour terminer, quand j’ai fait ma journée, un rencard avec plusieurs personnes, quand je rentre chez moi, je sais que ma journée n’est pas tout à fait terminée puisque j’ai aussi la casquette de « maman » entre autres …
Quand je me couche, je suis comme ça :

Ça fait comment chez vous quand vous vous couchez le soir ? 🙂

 

 

L’accessibilité, on s’en fout de plus en plus ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 24 avril 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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L’accessibilité on s’en fout de plus en plus ? forum.alsacreations.com/topic-9-66981-… (très interessant point de vue d’un concerné) #a11y

— Raphaël Goetter (@goetter) 23 avril 2013

 

Je ne peux pas rester insensible à ce tweet. On ne peut pas s’en foutre, c’est pas possible !

La loi du 11 février 2005 a été votée et doit être mise en application d’ici 2015, web ou pas web.

Il est vrai que le web est devenu plus « lourd« , les pages se sont pas allégées au fil du temps, mais ça c’est un peu la faute au « haut débit« , se dire que « Okay, c’est bon, on a plus de bande passante du coup, on y va« . Fatale erreur qui va se payer cher puisque de nouveaux supports multimédia sont apparus tels que les smartphones, tablettes entre autres. C’est une erreur certes. Libre à chacun de tenir compte de cette variable.

En tant que personne sourde, je me rends compte qu’il y a encore pas mal de choses qui ne nous sont pas accessibles sur le web, surtout depuis l’apparition de nouveaux médias tels que les podcasts, ou les vidéos.

Des podcasts retranscrits, j’en ai pas vu encore, j’avoue que je n’ai pas encore cherché étant plus concentrées sur l’axe vidéo. Les vidéos online sont le nouveau média à la mode sur le web, de plus en plus je vois des blogs qui ont des vidéos qui donnent tel ou tel avis. Les gens seraient-ils devenus paresseux ? Je ne sais pas, c’est une nouvelle mode à laquelle je n’ai pas accès.

Néanmoins, je me rends compte qu’il y a encore beaucoup d’apriori sur l’accessibilité web. Non, ça ne coûte pas cher si tu l’inclus dès le début de ton projet, non c’est pas compliqué si tu fais attention et que tu prends en considération les techniques qui peuvent aller dans ton sens, non c’est pas inutile, ça sert à tout le monde !

Étant sensible aux personnes qui m’entourent, j’essaie de faire en sorte que mes contenus soient accessibles également aux personnes aveugles.
Quand je produis un PDF, j’essaie de faire en sorte que ça soit conforme.
Je me rends compte que cela me sert aussi car je me sers de ce travail pour naviguer dans un pdf, ou faire une recherche de mots.

Tout le monde à un moment dans sa vie est en situation de handicap, le dire comme ça pourrait presque être provocateur mais c’est la vérité. Un exemple très simple. Attraper quelque chose sur une étagère qui est en hauteur et devoir prendre un tabouret pour monter c’est une mise en situation de handicap.
Ne pas pouvoir lire de loin des horaires de train dans une gare, c’est handicapant.

Le web il est ouvert à tous, il doit être accessible à tous.
Moi-même étant sourde de naissance, j’essaie de tenir compte des choses à faire, je suis en mode « course de fond », chaque jour j’apprends quelque chose qu’il faut bien faire pour que cela soit accessible, personne n’est parfait.
Chaque jour, j’essaie de constater ce qui ne va pas pour ensuite faire quelque chose de positif. Il m’arrive parfois de baisser les bras, mais jamais très longtemps.

La réalité est qu’aujourd’hui, on en parle de plus en plus, il y a quelques experts accessibilité. Mais pas assez. Les professionnels sont de plus en plus sensibilisés mais ne savent pas forcément comment convaincre, comment améliorer leur production, comment être plus performants.

Par ailleurs, il faudrait également que le monde de la formation soit aussi sensibilisé à l’accessibilité web. Est-ce que les programmes de formation pour pouvoir être un professionnel du web sont réactualisés ? Combien d’entre-eux sont « accessibles » ?

Moi, demain, si je veux, en tant que professionnelle du web, m’améliorer, faire une formation pour relever mon niveau de compétences, je ne peux pas forcément accéder à la même chose que tous. Puisqu’il y aura des contenus qui vont m’échapper…

L’accessibilité web, non on ne s’en fout pas.

Adapte-toi ou meurs. (source : Deafmania)

Au revoir Papi Jean

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 mai 2013

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/au-revoir-papi-jean/

Mon grand-père nous a quittés la semaine dernière.
C’est mon mari qui a appris la nouvelle par téléphone pour ensuite m’apprendre le décès de mon Papi jean. C’est moins violent qu’un mail ou un SMS.

Quand on est loin de ses proches, et que ces derniers ne sont pas forcément « connectés » comme moi, ce n’est pas toujours facile à gérer.
J’ai la chance d’avoir une famille très soudée.
Devoir communiquer par SMS ou mail dans ces moments-là, on va vite à l’essentiel, pas trop le temps de faire de la place à l’émotion.

Au moment où j’ai réservé mes billets sur le net, j’ai pu les transférer directement dans mon téléphone sur une application qui s’appelle Passbook, une application qui te permet d’enregistrer tes billets de train dans ton téléphone. Mon papi qui a travaillé à la SNCF, ça l’aurait épaté de savoir que je pouvais dématérialiser mes billets.

Personne m’accompagnait pour ce voyage, j’ai dû laisser mes deux gars à Paris.
Je n’ai pas eu à m’inquiéter de savoir si j’avais bien les billets, les chercher dans mon sac, mes pensées étaient déjà auprès de ma famille.

Durant le voyage, le contrôleur a flashé le QRcode de mon billet sur mon téléphone.
J’étais épatée et rassurée à la fois d’avoir mes billets.
Les applications mobiles sont faites de façon à ce que tu puisses récupérer le QRcode de tes billets, mais aussi de t’indiquer sur quel quai tu es censée arriver ou partir.
Pouvoir donner la voie d’arrivée de mon TGV à Nantes, ça m’a permis de me faire récupérer aisément par ma petite cousine.
Lui laisser le temps d’aller sur le quai au bon emplacement.
Quel plaisir de voir un visage familier à l’arrivée dans ces moments difficiles.

Durant les obsèques, j’ai pu suivre à peu près les cérémonies car ma famille avait pensé à moi, en me donnant une copie imprimée ou manuscrite malgré tout ce qu’il y avait à penser. J’étais bien entourée pour avoir la possibilité de demander à quel moment on en est dans les textes, malgré la peine.

Il va de soi que ces lieux de culte ou funéraires ne sont pas forcément accessibles. Il faudrait y songer malgré tout (accès, traduction, retranscription, etc…)

Ne pas pouvoir suivre intégralement les échanges m’a permis de voir cette jolie lumière que l’on pouvait voir de temps à autre,
Ne pas percevoir vraiment les tonalités tristes de la musique,
Ne pas subir les intonations des voix des personnels funéraires, même si la formulation était pas toujours aisée pour nous,
Ne pas entendre, parfois, peut aussi atténuer la douleur que l’on a.

Je me suis posé cette question, si je devais avoir à gérer des obsèques, comment est-ce que ça se passerait ?

Comment est-ce que je pourrais faire ?

Est-ce que il y a la notion d’accessibilité dans ces moments difficiles ?
Est-ce qu’il y a des choses déjà mises en place ou pas ?
Est-ce que vous avez déjà connu ces problèmes d’accessibilité au moment où vous avez le plus de mal avec les tracas du quotidien ? Au moment où vous voudriez vous concentrer sur l’essentiel ?
Les pompes funèbres ont beau afficher un numéro de téléphone sur leur vitrine, mais quand on ne peut pas téléphoner, que l’on soit sourd / malentendant, comment on fait ?

J’y reviendrai en temps voulu car aujourd’hui Papi Jean est parti.

Mes rêves sont devenus réalité à Paris web

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 octobre 2013

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Un petit flashback.

L’édition de 2011 a été mon baptême en tant qu’oratrice dans une conférence qui est accessible aussi bien par la vélotypie que par la langue des signes pour les personnes sourdes.

L’édition de 2012, j’y suis retournée et j’y ai fait un lightning talk de 4 minutes. Un exercice ardu mais qui est superbe. Ca avait été un moment très fort pour moi, mais je crois aussi pour ceux qui l’ont vu. Magique.

Cette troisième édition de Paris web vient de se terminer. C’est un rêve que j’avais en 2011 qui s’est réalisé, qui s’est reproduit en 2012.

Au fil de ces années, une audience de personnes sourdes et malentendantes s’est constituée. J’ai pu amener une amie sourde qui fait de la programmation à Paris Web et c’est avec émotion que nous avons pu partager ça ensemble.

Cette fois-ci, je n’ai pas eu à me pincer pour savoir si c’était une réalité. Il y avait de la vélotypie dans le grand amphi, des interprètes en LSF dans toutes les salles.

J’ai commencé Paris web par « La folle journée, ou les fourberies d’un projet » de Julien Dubedout, Florian Boudot et Christophe Andrieu. Une conférence qui a révélé la réalité de beaucoup d’entre-nous sans à peine exagérer, c’était le cas pour ma part. Une vraie mise en bouche pour cette nouvelle édition de Paris Web. Bravo aux stagiaires ! 😉

Passer ensuite sur « Les bonnes pratiques API » d’Eric Daspet et la conférence de Cyril Balit « Je code donc je teste« , ça calme bien surtout quand on ne maîtrise pas cette technologie. Je ne suis pas développeur à ce niveau de technique. Pas toujours facile de suivre malgré la vélotypie qui ne maîtrise pas le vocabulaire. Mais ce n’est pas nouveau, les précédentes éditions ont eu des moments similaires.
Les mots qu’ils ne connaissent pas sont remplacés par des étoiles… C’est comme si on parlait et qu’on disait « étoile » a chaque mot qui nous est inconnu.

Profiter de la pause pour aller saluer les amis, prendre de leurs nouvelles, comme dans une réunion de famille. Distribuer des chamallows un peu à droite, à gauche, on se rappelle du lightning talk de l’an dernier. Ça me fait plaisir.
Avoir du mal à comprendre dans ce nouveau lieu si beau, si majestueux, mais qui est terrible au niveau sonore, le brouhaha qui s’élève dans la nef, heureuse d’être là parmi ces personnes qui font le web. Fierté.
Enchaîner sur la conférence de Matthias Dugué, « Soyez responsables : construisez votre API » avec une approche différente et pédagogique. Se sentir moins bête, juste un peu plus cultivée.
Un orateur très accessible et surtout le comprendre sans difficulté sans vélotypie, sans langue des signes.

Aller écouter Johan expliquer qu’on peut « Accessibiliser avec subtilité ». Un vrai régal pour les yeux et les oreilles si j’ose dire. Bien que ce ne soit traduit qu’en langue des signes, pas de vélotypie dans le Salon d’honneur. Je suis la conférence en regardant l’orateur, plus précisément sa bouche et son expression corporelle. Une démonstration claire, explicite, qui est égale à l’orateur lui-même.

Déjeuner, retrouver des têtes qu’on a pas vues depuis 1 an, plaisanter, rire.
Que de bonnes choses en si peu de temps. Ça fait du bien là où ça passe. Ça fait du bien de retrouver des personnes qui font le web comme soi, et qui nous comprennent surtout. On se sent moins seuls. On se sent tiré par le haut.

J’ai enchainé sur la conférence de Mariusz Ciesla « Learning to love: Crash course in emotional UX design« , conférence colorée, efficace, instructive. Qui m’a rappelé la conférence d’Aaron Walter de l’an dernier.

J’aurais bien voulu suivre « S.A.R.A.H, maison intelligente pour connecter l’internet des objets« , c’est un sujet qui nous intéresse car concernés depuis peu. Ma moitié y a été. Je me suis dit qu’il me raconterait après. Je rencontrerai plus tard JP Encausse lors d’une pause et au fond de moi, je regretterai de ne pas y avoir été. Je me rattraperai plus tard.

Tout pareil pour la conférence de JP Cabaroc, « Goûts et mauvais goût : de la subjectivité en design« , ne connaissant pas l’orateur, je n’ai pas pris le risque… d’y aller, car sans vélotypie et ne maitrisant pas bien la langue des signes c’est un peu plus fatiguant pour moi. On m’a confirmé que c’était une conférence visuelle. Petit regret également.

L’an prochain, j’embauche un stagiaire et je lui fournis mon ordinateur pour qu’il me fasse de la vélotypie pour les petites salles qui ne sont pas équipées pour des raisons logistiques que je comprendrai parfaitement. Je me sens parfois tellement loin de ces personnes qui font le web qu’ici je me sens à égalité.  C’est tellement énorme de pouvoir être là. Parmi vous.

« Un petit pas pour l’em, un grand pas pour le Web » de Nicolas Hoizey, moment instructif limpide pour moi, riches en informations. Qui répondait à des interrogations que j’avais en terme d’intégration web.

« Web Apps et sites web, le jeu des différences » de Jérémie Patonnier, intéressante encore une fois. Jérémie nous épate à chaque fois quelque soit le sujet.

« La rencontre entre hacktivisme et sociétés civiles, un enjeu pour les libertés numériques » d’Amaëlle Guiton, intéressante bien que difficile à suivre sans vélotypie, car elle parlait vite. J’ai regretté qu’elle n’ait pas expliqué plus.

La première journée a été intense, riche.
Retrouver un staff en forme, avec la banane aux lèvres. Toujours prêts à rendre service, toujours là pour toi. Je me suis crue au pays des bisounours.
Des personnes accessibles, avec qui tu peux parler de tout de rien, de tricot, de confitures, de yaourt, de vélo, du beau temps et de la pluie.

L’apéro communautaire, très sympatique bien que dans le noir et dans la musique un peu trop forte à notre goût. Nous avons pu tout de même faire baisser la musique avec Stéphane Deschamps — Notabene —. Il en aura fallu de la patience – demander plus de 3 fois – ! 🙂

La fatigue s’accumule, rentrer dans ma banlieue en transports, marcher le visage face au vent frais de la nuit, se remémorer la journée si intense. S’endormir cette année sans flash-back, d’un sommeil de plomb, paisible.

Se réveiller, les yeux bouffis de fatigue. Repartir les jambes lourdes, le dos fourbu, pour une seconde journée, qui promet elle aussi.

Commencer la journée par du RWD pour mon plus grand plaisir (un retard d’orateur, ca arrive, eux aussi sont humains ! ) « Adaptive Images for Responsive Web Design » par Christopher Schmitt. J’ai encore appris des choses.

Paris Web, c’est comme un tube de sucre concentré de formations. Riche en calories, pardon, en informations, ou plutôt formateur. Ça devrait être prescrit par la sécurité sociale !

« L’intégration, ce monde du « ça dépend »  » de Nicolas Hoffmann, « Boucles de rétroactions, ou comment personnaliser vos applications » de Florian le Goff, des conférences intéressantes, instructives.

Enchaîner sur la pause, et cette fois-ci s’offrir le luxe de sortir du Palais Brogniart pour s’offrir un vrai café, bien tassé. Le fatigue se faisant sentir, la faim aussi… parce que le petit déjeuner à 6h30, c’est un peu rude. Merci mon canard pour l’adresse. 🙂

« Livre électronique et standards du web » de Daniel Glazman, une conférence qui sort de l’ordinaire puisque l’édition du livre électronique est récente dans le web.

« Keep calm and carry on » de Lou Schwartz, qui nous a expliqué l’origine du stress entre autres. « Les méthodes d’influence dans le web » par l’exemple par Yannick Bonnieux avec du Star Wars. C’était très intéressant. Il me tarde de revoir les vidéos.
Avec l’émotion, la fatigue, la mémoire a un peu de mal à se rappeler.

Pause déjeuner bien plus sympathique cette fois-ci, puisqu’on finit avec des jolis macarons qui brillent et qui te laissent du brillant sur les doigts. Miam.

Je suis allée voir si je pouvais suivre la conférence d’Olivier Thereaux et de Karl Dubost « Esthétique et pratique du Web qui rouille« , mais la salle était pleine. Impossible d’entrer.
Pareil pour celle de Raphaël Goetter « HTML/CSS : bousculez vos habitudes ! » Ce sont des sujets qui m’intéressent et qui sont d’actualité.
J’espère que je pourrai voir les vidéos … en version sous-titrée. (Avis aux bonnes âmes motivées pour faire du sous-titrage)

« Designing with Sensors : Creating Adaptive Experiences » d’Avi Itzkovitch. Une conférence qui est à la fois riche et qui pourrait rendre plein de services quand on réfléchit bien à l’accessibilité que cela pourrait apporter.
Parfois surmonter ses peurs peut être positif !

« Mobile et acessibilité, une partie à Troie » de Goulven Champenois un moment très chouette où on parle d’accessibilité. Le bébé Sud Web, on espère qu’il fera comme son papa ou sa maman qu’il sera lui aussi accessible un jour aux sourds !

Enfin, les lightnings talks arrivent. J’ai le stress. Je n’ai pas participé cette année, mais mon corps, mon esprit s’en sont rappelé. C’est le moment le plus intense de Paris Web. Présenter des sujets en moins de 4 minutes, arriver à faire rire les gens, ce sont des exploits formateurs ! Très formateurs. J’ai stressé pour les 10 orateurs qui ont remporté l’épreuve haut la main. La vélotypie a eu un peu de mal à suivre. Normal, du concentré en 4 minutes sans préparation pour eux, c’est chaud patate. Bravo ! 🙂

Terminer cette deuxième journée avec un apéro informel, un repas avec une bonne partie du staff. Se sentir « normale » même si j’étais un peu (beaucoup) larguée parfois et que je n’ai rien dit, c’est parce que je vous respecte aussi. La fatigue, l’émotion n’aide pas non plus après ces deux jours intenses.

Néanmoins je note qu’il faudrait un atelier pour les orateurs : « Comment présenter une conférence sans avoir le débit d’une mitraillette et surtout articuler » et une autre sur la langue des signes. Promis, l’an prochain je fais quelque chose !
Cela serait bénéfique pour tout le monde, y compris les interprètes en LSF qui ont fait un boulot superbe durant ces 2 jours et les vélotypistes.

Je me suis réveillée ce matin, les larmes aux yeux avec la fatigue, regarder les tweets passer sur les ateliers, avoir une petite amertume de ne pas m’être inscrite aux ateliers qui ont l’air passionnants. Ne pas revoir certaines personnes à qui je n’ai pas pu parler ces 2 derniers jours.
Je n’avais pas envie cette année d’embêter le staff de ParisWeb, fatigués après 2 jours intenses au Palais Brogniart. Le staff qui donne tellement.

Merci ParisWeb,
Merci pour ces deux jours merveilleux et formateurs,
Merci pour l’intensité des émotions qu’on peut ressentir,
Merci pour avoir veillé à ce que la vélotypie soit en place bien que ça aie coûté quelques SMS,
Merci pour votre sourire, on est vaccinés pour l’année.
Merci tout simplement. C’est un rêve qui est devenu une réalité. Merci.

Aujourd’hui, je vais aller retrouver mon minipixel avec ma chupa chups (qui trépigne de découvrir vos goodies) chez sa grand-mère en pensant à vous.

#sharethelove

Câlin larsen

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 9 janvier 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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L’effet larsen des appareils auditifs, vous ne l’avez sûrement jamais entendu ou très peu.
Les porteurs d’appareils auditifs sont régulièrement confrontés à ce petit souci qui peut être très vite gênant. Pas bien grave en soi. Juste gênant.

Cet effet se produit lorsque l’émetteur amplifié (exemple : haut-parleur) et le récepteur (exemple : microphone) d’un système audio sont placés à proximité l’un de l’autre. Le son émis par l’émetteur est capté par le récepteur qui le retransmet amplifié à l’émetteur. Cette boucle produit un signal auto ondulatoire qui augmente progressivement en intensité jusqu’à atteindre les limites du matériel utilisé, avec le risque de l’endommager ou même de le détruire. — Source wikipedia

Cet effet larsen est dû au fait que mes appareils sont réglés relativement fort (voire au maximum pour exploiter tout le potentiel de cet appareil) pour mon audition et que mon embout n’est plus suffisamment étanche (surtout après autant de temps).

Matin et soir, je suis confrontée à un nouveau petit jeu avec mon fils.
Qui provoquera un effet larsen ? Lui ou moi ?
C’est soit au coucher lors de la petite histoire du soir soit au moment de partir à l’école, il met sa tête contre la mienne, m’agrippe le cou et me serre jusqu’à ce que je ne puisse plus respirer et bouger accessoirement.

Sa petite tête contre la mienne.

Je ne bouge plus.

Et là, un effet larsen.

Pas très agréable pour moi, mais pour lui non plus étant trop près, il perçoit le son qui passe dans les tubes de mes embouts. Au début, il reculait ou je bougeais la tête de façon à ce que ça s’arrête.
Progressivement, je me suis adaptée de manière à ne plus provoquer ce son larsen si désagréable pour lui et moi.

Et ce matin, il m’a demandé comment éteindre mon appareil.
C’est ce que je faisais aussi parfois quand je voyais que le câlin durait un peu plus longtemps qu’à l’accoutumée.
Je lui ai montré, ça l’a fait rigoler. Il m’a éteint mon appareil avant de me faire un gros câlin avant de partir à l’école.

Ca me fait fondre comme un chamallow.

Au fait, bonne année 2014 !

Renaissance auditive

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 janvier 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Les appareils auditifs que je porte ne sont pas éternels, pas comme les diamants.

Après quelques années d’usage intensif journalier, après quelques réparations car la prothèse auditive est poussée au maximum de ses capacités pour me permettre d’avoir une récupération confortable avec ma capacité à l’utiliser, devient moins performant, moins efficace avec le temps. Il s’use comme toutes les machines !

Dernièrement, j’ai été essayer de nouveaux appareils, avec une pointe de stress, d’angoisse, d’émotion, ce sont de grands moments dans ma vie.
Un changement d’appareils c’est toujours bouleversant car ça a été pour moi, une avancée positive dans mon audition jusqu’à présent.

En 2004, quand je suis passée des appareils « analogiques » aux appareils « numériques » le changement a été énorme.
J’entendais des bruits que je n’avais jamais entendus. J’ai eu un gain de 10 décibels sur ma courbe d’audition avec les appareils.

Les murmures de personnes dans une église, un moment inoubliable.
J’avais les appareils depuis 15 minutes, je suis allée dans la rue pour justement m’imprégner de ce qui m’entoure.
Le hasard a fait qu’il y avait une église à côté. Je suis entrée sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit sachant que je ne maîtrisais pas encore mes mouvements par rapport à mes appareils. Tout est amplifié, quand c’est nouveau, on est un peu plus maladroit. J’entre. Je fais 3 pas, et là j’entends du bruit. Je cherche sa provenance. Mon conjoint qui m’avait accompagnée, me disait que non, c’est silencieux. Je lui redis que non, y’a du bruit, je lui décris le bruit.

Et là, son visage s’illumine.

Il me dit que ce sont les gens qui murmurent leur prières. Je le regarde avec des yeux ronds.
Etonnée d’entendre ces murmures que je n’avais jamais entendus.  Les sons étaient plus clairs, plus nets. Ma voix était différente.

10 ans plus tard, j’ai parcouru du chemin, j’ai appris à entendre des sons, ré-appris à entendre aussi, appris à supporter certains bruits désagréables.
Ces nouveaux appareils que j’attends depuis quelques années déjà.
Sachant qu’une durée de vie moyenne est de 5 à 7 ans.  Aussi légers que les appareils que j’ai actuellement, je les ai enfilés comme une pantoufle de vair, avec beaucoup de délicatesse.

Les allumer.
Attendre d’entendre du bruit.
Attendre un son.
Entendre quelque chose.
Essayer de l’identifier.
Essayer de le comparer à ce que j’entends avec mes appareils actuels.
Être soufflée par ce son si net, si clair.
Entendre de nouveaux petits bruits.
Pleurer d’émotion.

Refaire un bilan de l’oreille droite, de l’oreille gauche, en stéréo.
Constater qu’il y a encore une fois un énorme gain de décibels, autant voire même plus qu’en 2004.

Je suis ressortie dans la rue hier m’imprégner de ces nouveaux sons. Ces automobiles si bruyantes, ces scooters qui accélèrent, les gens qui parlent à 3 mètres de moi, des claquements de talons moins agressifs que dans mon souvenir, le frottement de mes vêtements, ces bruits nouveaux.
Plus légers cette fois ci les nouveaux appareils, c’est le pavillon de mes oreilles marqué par les années d’utilisation qui va apprécier.

J’aime. J’aime tellement que je n’ai qu’une hâte, c’est de pouvoir les avoir.

Ces moments-là sont fatiguants, car ils nous demandent une attention accrue. Surtout, ils nous donnent mal à la tête.
Notre cerveau n’est pas habitué au changement.
C’est comme quand tu as une nouvelle paire de lunettes, t’as mal à la tête au bout d’une heure à la première utilisation. Les appareils auditifs c’est pareil.

 

Appareils de 2004 et les nouveaux
Non, ce n’est pas 1 euro, mais c’est pour donner une idée de taille.

Le changement c’est génial, la technologie elle avance, mais la prise en charge des appareils, elle n’a pas évolué. J’en ai parlé dans ce billet.

Quand est-ce que les pouvoirs publics vont vraiment faire quelque chose sur la prise en charge des prothèses auditives dont la part de financement de la sécurité sociale s’élève à 119,63 euros alors qu’ils coûtent aussi cher qu’une petite voiture d’occasion qu’on peut trouver sur le bon coin ? Ce n’est quand même pas un appareillage de confort, mais un appareillage qui nous permet de nous intégrer ?

En attendant, je refais le parcours du combattant pour remplir à nouveau des dossiers pour pouvoir me faire financer ces nouvelles prothèses auditives si prometteuses, si géniales, qui pourront me permettre d’entendre de nouveaux bruits tout simplement.

Allô maman, ici bébé

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 février 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Quand j’étais jeune, je partais lors des vacances scolaires dans ma famille, soit chez ma tante et mon oncle, soit chez mes grands-parents la plupart du temps. J’adorais partir chez eux même si chaque départ était difficile. C’était une bouffée d’air pour moi et ma mère : s’occuper d’une fille sourde chaque jour est bien plus fatiguant que ce que l’on imagine. Et pour moi aussi, voir d’autres personnes, sortir de chez moi… Le retour n’était que meilleur.

Pendant mes vacances, le lien avec mes parents était coupé puisqu’à cette époque le minitel, internet n’existaient pas. Je n’avais pas de possibilité de pouvoir téléphoner à mes parents. Il me restait que les cartes postales. Je dois dire que l’affectif sur le papier n’est pas le même que sur le minitel ou par internet.

J’avais souvent des nouvelles par le biais de mes proches. Ils me répétaient ce que disait ma maman au téléphone et inversement, cela pouvait provoquer parfois des crises de larmes parce qu’elle me manquait, mais ce n’était que l’affaire de 5 minutes, comme beaucoup d’enfants qui ressentent le manque de leur parents quand ils partent loin de leur domicile.

Quand le minitel est apparu, les conversations en ligne directe avec ma maman étaient comme ceux qu’on peut avoir en colo, on les attend impatiemment, un vrai plaisir, même si ce n’était que 5 minutes. Le minitel était tellement cher qu’on se prévenait avant par téléphone pour pouvoir être là au moment T. Je ne pouvais pas être en vadrouille. Il fallait que je sois à un endroit précis, tout le monde n’avait pas le minitel.

Ce furent des moments tellement intenses dans ma vie d’enfant.

Devenue maman à mon tour, mon fils est parti lui aussi en vacances chez ses grands-parents.
Ces dernières années, je n’ai pas eu de contact avec lui pendant ses vacances puisqu’il était soit pas équipé, soit pas connecté.
Parfois c’était difficile pour moi, de ne pas avoir de nouvelles directes par les personnes qui le gardaient ou d’avoir des nouvelles de lui par le biais de son père. Ce genre de situation me renvoie à mon enfance, à dépendre de quelqu’un pour communiquer avec mon propre fils, se sentir petite fille alors qu’on est maman, c’est dur.

Frustration qui m’a renvoyée à mon enfance.
Frustration qui n’est plus aujourd’hui.

J’ai équipé mon fils d’une tablette, mon bébé qui apprend à lire et à écrire depuis sa rentrée au CP.
Ce sont les premières vacances où il écrit vraiment ce qu’il pense, ce qu’il veut dire, quand il est angoissé il peut m’appeler directement sans devoir passer par quelqu’un.

Pouvoir bercer mon fils pour l’endormir à distance, c’est quelque chose que j’ai vécu récemment.

Et c’est indescriptible en tant que maman sourde de pouvoir l’avoir à tout moment. Il est autonome, il m’appelle quand il veut, il m’écrit à sa manière qui me touche énormément, avec ses fautes d’enfants.

Je suis une maman comme tout le monde.

Objets connectés, domotique : nouvel univers à découvrir

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 11 mars 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Dans mon appartement, j’étais en sécurité. J’avais tout un équipement spécifique et coûteux qui me permettait de savoir ce qui se passait autour de moi. Quand ça sonnait à la porte, j’avais le signal lumineux qui m’indiquait que cela sonnait à la porte, quand minipixel pleurait, cela me transmettait le signal « bébé appelle », quand le téléphone sonnait, pareil.

Uniquement 4 scénarios : porte, téléphone, bébé et alarme incendie.

La différence est que j’avais aussi un réveil qui centralisait toutes ces infos pour que je puisse les avoir quand j’étais dans mon sommeil. Quand je dors, je n’ai pas mes appareils et donc je suis insensible aux signaux sonores qui m’entourent.

Quand j’ai déménagé dans une maison, le hasard des choses a fait que mon réveil est aussi tombé en panne à la même période.
La première chose que j’ai faite est de me renseigner sur la réparation, mais le produit n’étant pas français et pas réparable par n’importe qui. Il fallait le renvoyer au fabricant qui effectue les réparations, d’autant plus que je ne connaitrais pas le coût de la réparation avant qu’il arrive sur place.
Donc perte de temps, d’argent.
Le réveil neuf était vendu dans les 300 euros, ce qui est hors de prix pour moi, sans avoir la possibilité de choisir le réveil. Un modèle et c’est tout.
Frustrant quand même.

En regardant un peu ce qui se fait autour de moi, j’ai commencé à m’intéresser aux objets connectés. Ils peuvent être innovants pour les geeks mais en même temps en détournant l’action principale ça me donnait ce que je recherchais : la sécurité, l’autonomie, la tranquillité et l’accessibilité.

C’est certes un confort, mais … pas négligeable puisqu’il ne profitera pas qu’à moi 🙂

J’ai commencé par regarder ce que j’avais sur moi pour améliorer mon quotidien. J’ai depuis quelques temps un Fitbit qui sert principalement de podomètre. J’ai regardé les différentes utilisations possible de cet objet, et finalement j’ai pu l’utiliser comme réveil.
Je me suis rendue compte qu’il avait la possibilité d’avoir des alarmes silencieuses, c’est à dire, que ça vibre. 3 points positifs : ça me réveille, je suis autonome, ca ne réveille pas mon mari et mon fils et il est 3 fois moins cher que mon réveil.

Je suis en ce moment, en train de me renseigner sur ces petits objets sans que ca me coûte un bras, pour améliorer mon quotidien, le rendre plus sécurisant. Mais je dois dire que les objets connectés et la domotique ont plutôt été pensés pour des personnes qui n’ont pas forcément de besoins spécifiques et donc les scénarios domotiques ne sont pas forcément pensés pareils.

Les 25 ans du web

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 mars 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Quand je lis que le world wide web a 25 ans, je réalise que cela fait 19 ans que je connais le world wide web. Il est arrivé 6 ans après chez moi.

J’ai un flash-back de moi adolescente en 1995, élève en classe de première, derrière un powerMac 6500 dans ma chambre, en train de me connecter à Internet, avec ce petit modem RTC qui fait son petit bruit magique de connexion… me voir en train de lancer Netscape, et IRC, ces nouveaux outils qui étaient du domaine de l’inconnu pour moi.

Je ne savais pas à ce moment-là que ces outils allaient révolutionner ma vie.

On m’aurait dit à cette époque : tu pourras parler avec le monde entier via le www, trouver des informations, lire le journal, téléphoner en visio-conférence, je ne l’aurai pas cru.


Si j’ai pu me connecter en 1995, c’est grâce à mon père qui à cette époque, qui avait tout ce qui était dernier cri en outils technologiques. C’est grâce à lui que j’ai connu Internet.
C’est grâce à lui que j’ai utilisé IRC, et que j’ai parlé avec des sourds américains, que j’ai rencontrés par la suite.

Ce petit trip que j’avais de pouvoir être connectée avec ces millions de personnes à travers mon petit modem. J’étais la seule de ma classe à être connectée et à pouvoir accéder au Web, les moyens de se connecter au Internet n’étaient pas aussi démocratisés qu’aujourd’hui.

Je n’arrêtais pas de dire à mes copains, tu vas voir c’est « super », c’est « génial », je passais quand même, je crois, pour une personne qui était un peu décalée…

Quand je regarde dans mon rétroviseur, je vois toute cette évolution du web, une évolution positive qui a permis à ce qu’on puisse avoir accès à l’information, à la communication.
Un formidable outil qui m’a permis d’évoluer, de compenser mon handicap et qui va vers des solutions d’autonomie de plus en plus importantes.
Je pense qu’il y a encore des choses que je n’imagine pas et qui arriveront dans le futur.

Le web m’a permis de rencontrer l’homme de ma vie,
Le web m’a permis d’avoir des amis d’horizons différents qui comptent pour moi,
Le web m’a permis d’avoir une autonomie pas tout à fait totale aujourd’hui mais il me rend un énorme service,
Le web m’a permis d’avoir accès à l’information,
Le web va me permettre de rendre accessible l’usage des objets.

« L’accès à l’information et à la communication est un droit universel »  — Tim Berners-Lee

Merci, Tim, tout simplement.

Apprendre, partager, la vidéo un media qui peut m’être accessible …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 avril 2014

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Bien souvent je vois des liens passer sur ma timeline Twitter, bien souvent ce sont des vidéos … et bien souvent je ne clique pas car je sais pertinemment qu’elles ne seront pas sous-titrées.

Je vais prendre en exemple quelques vidéos que j’aurais bien aimé voir, la signature de la charte pour favoriser l’insertion et la professionnalisation des personnes handicapées dans l’audiovisuel. Il y a certes le texte des interventions et l’interprète en langue des signes. Mais c’est comme si vous allez voir un film et qu’il n’y a pas de son, vous avez qu’à relire le livre dont le film est tiré, c’est pas la même chose.

Capture d'écran du site CSA.fr

ou encore celle de l’Accessibilité : mise en place de l’Ad’AP, mode d’emploi

 

Capture d'écran du site gouvernement.fr

 

J’anticipe la déception en ne cliquant pas dessus tout en prenant le risque de ne pas avoir l’information, en prenant le risque de passer à côté de quelque chose.

Ce matin, j’ai vu un lien passer. J’ai osé cliquer dessus. Et, agréable surprise, la vidéo en question était sous-titrée !

 

Capture d'écran du billet The expert sur le blog Gasteroprod

Cette fois-ci je peux partager une vidéo avec les gens que je lis. Concernant la vidéo, je suis bien d’accord que dans notre métier, nous sommes souvent confrontés à ce type de situation, un peu délirante.

Renaissance auditive #2

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 20 mai 2014

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Les appareils sont arrivés.
Impatience. Stress. Excitation.
Se retenir d’exploser de joie.
Les voir, les mettre. Ré-entendre à nouveau après quelques secondes dans le silence.

Impression bizarre. Impression que tout est net. Plus clair.
Les sons sont plus perceptibles comme si on mettait une nouvelle paire de lunettes bien réglée à la vue qu’on a sur le moment.
Mon cerveau est à l’affût de tous ces nouveaux sons que j’entends mais que je ne peux pas encore identifier.

Interroger, essayer de retranscrire le son que je perçois sans savoir ce que c’est. Exercice que je n’avais pas fait depuis 7 ans.

Impression d’avoir les oreilles qui chauffent avec les nouveaux embouts neufs, ceux que j’avais étaient un peu vieux. Non mes oreilles ne chauffaient pas du moins de ce qui en était palpable : les pavillons de mes oreilles étaient froids.

Regarder autour de moi, entendre tous ces petit bruits que je ne percevais pas. Le bruissement du plastique, quelle sensation nouvelle ! J’adore !
Je comprends que ça puisse être pénible d’entendre ça en permanence, ce que je ne pouvais pas imaginer avant.

Aller dans la rue pour faire un test grandeur, étrange impression.
Beaucoup de bruits. La ville ronronne.
Les bus, les motos passent, je les reconnais mais ce n’est pas le même son que je connaissais. Il a changé. Il est plus net. J’entends 2 hommes parler au loin comme s’ils étaient à côté de moi alors qu’il sont à 10 mètres environ. Nouvelle impression que je n’avais pas avant.

Au bout de 2h de découvertes, je suis soûlée de tous ces nouveaux bruits mais je ne suis pas rassasiée.

Je rentre chez moi. J’attends le bus. Le monde sonore est différent de ce que j’avais avant de partir avec les anciens appareils.

Par intermittence, j’entends le RER passer au dessus ma tête ce que je ne pouvais pas entendre avant.
Par moments, il n’y a plus de bruit, j’ai l’impression d’être dans un silence, voire un sifflement assourdissant mais je pense que c’est le bruit du vent.

Une dame vient de se mettre a côté de moi, et vient faire claquer son talon. Entendre le bruit du sac de courses tomber par terre …
Impression d’être un super héros de Marvel, à entendre tous ces bruits que je n’entendais pas.

Vite, rentrer chez moi.

 

Je reviendrai vous donner d’autres impressions notamment concernant les embouts, les appareils, ces nouveaux sons au fil du temps que j’apprivoiserai mes nouveaux appareils.

Renaissance auditive #3

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 26 mai 2014

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L’adaptation aux nouveaux appareils n’a pas été évidente cette semaine. Impression d’avoir un cerveau en vrac à force de décoder tous ces nouveaux sons que je ne connaissais pas.

Les nouveautés, je les ai listées pour me rendre compte :

Entendre les adolescents passer dans la rue, les entendre parler à travers le carreau.
Ce coucou, haut perché dans mon jardin, je l’entendais mais pas aussi distinctement. Là, j’ai l’impression qu’il est juste à côté de mon oreille.

Je suis allée mardi matin au think thank de media4d pour l’accessibilité des médias. Je me suis rendue compte que je pouvais entendre les gens souffler dans le micro. J’ai été d’ailleurs surprise d’entendre l’interlocuteur et de le voir faire. Avoir le son avec l’image est percutant.
Le son est bien plus net, je comprends mieux les gens.

Mais attention, entendre ne veut pas dire comprendre.

J’ai testé lors d’un déjeuner dans un restaurant, le second programme qui me permet d’activer le micro avant et de mettre en second plan les bruits et brouhaha environnants. La différence est plutôt impressionnante. J’entends vraiment la personne qui est face à moi et le brouhaha est vraiment moins gênant.

Je ronfle quand je suis vraiment épuisée et ça, ça m’a réveillée. Il arrive que le sommeil arrive plus vite que le temps que j’enlève mes appareils et je me suis entendue ronfler / respirer. C’est assez surprenant en fait.
S’entendre respirer quand il n’y a pas un bruit dans la pièce, c’est impressionnant.
Je me demande si c’est pas fatiguant à force pour tout le monde ou si c’est un bruit qu’on assimile à son quotidien par la suite ? J’ai beaucoup de sons comme ça dont je me rends compte qu’on vit malgré nous dans un environnement sonore assez présent.

Je m’aperçois que j’entends s’il y a des gens derrière moi qui parlent dans la rue, c’est plutôt rassurant moi qui n’arrivais pas à savoir si j’étais réellement seule ou pas.

Entendre le frottement de mes cheveux quand je fais une queue de Cheval, wow.

Les touches de ce clavier qui font du bruit ou le tapotement des doigts sur la tablette, ce sont des bruits nouveaux pour moi, je me dis que c’est malgré tout un monde sonore bien plus présent qu’on le croit.

Je commence à comprendre le besoin de certaines personnes à vouloir mettre de la musique en fond sonore pour justement cacher ces bruits désagréables comme le ronronnement du frigo ou du lave-vaisselle …

Globalement je suis pas déçue. Juste un peu de mal à m’habituer, ou plutôt beaucoup d’informations nouvelles à emmagasiner.

Après une semaine d’adaptation, quelques moments de silence sont les
bienvenus de temps en temps. C’est reposant.

Il y a 7 ans, j’avais eu un gain de 10 décibels en changeant d’appareils. Cette fois, j’en gagne 20 de plus, ce qui est un progrès auquel je ne m’attendais pas et j’ai encore du mal à le réaliser.

Accessiday, y’a pas mieux pour tester de nouveaux appareils !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 30 mai 2014

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Je n’avais pas connaissance de cet événement jusqu’à ce que je sois contactée par Willy Leloutre en février pour justement rendre cet évènement accessible.

Février passe, je suis sans emploi début mars.
Je me décide à proposer une conférence à l’équipe d’Accessiday.
Une conférence sur l’accessibilité des objets connectés.
Ça tombe bien, je viens juste de tomber dedans, j’ai installé de la domotique chez moi pour avoir une maison « accessible ».

1er avril : j’apprends que ma proposition a été retenue.
Non, ce n’est pas un poisson d’avril. Joie et stress !

Le temps passe, les slides de ma conférence ne sont toujours pas prêts. Peur de ne pas y arriver, peur de … toujours ce même stress avant de passer sur scène, ou à la casserole si j’ose dire.

Mi-mai, j’apprends que la 1ère édition d’Accessiday ne sera pas accessible en vélotypie à mon plus grand regret. L’équipe d’Accessiday en est consciente mais je suis contente d’y aller, contente parce que ma proposition a été retenue. On se dit qu’on trouvera tous un moyen pour que je puisse suivre. Une véritable mobilisation, ça, ça m’a vraiment touchée. Que des personnes se mobilisent pour que je puisse arriver à suivre sans trop de mal.

J-3 arrive. Le stress est à son comble. Je suis insupportable. Comme une gosse qui sait pas ce qu’elle veut. Mon mari me rassure, les gens qui me connaissent me rassurent. Je vais vers l’inconnu. Un sujet que je maitrise depuis peu de temps contrairement au sous-titrage.

Jour J. Ma valise est prête. Je pars de chez moi en bus avec mon petit joujou bluetooth qui me permet d’écouter de la musique dans le bus sur mes appareils, mon ordinateur, ma clé usb contenant ma conférence, tout mon matériel.

Le nœud au ventre est de plus en plus présent. 15 jours après avoir eu mes nouveaux appareils, j’ai encore un peu de mal à maîtriser ma voix. Elle est différente, plus nette, plus aigüe. Je me convaincs que je vais y arriver, avec ces nouveaux bruits que je ne connais pas encore.

On prend le train avec mon fan number one, mon mari. Je finalise ma conférence pendant le trajet. Merci la 4G sur l’iPad. Durant le trajet, je découvre encore de nouveaux objets connectés que j’hésite à intégrer à ma conférence. Je les garde au chaud pour plus tard.

J’entends mieux les bruits de la ferraille, une espèce de « cataclop, cataclop » comme si on était à cheval. Oui, je sais, j’ai beaucoup d’imagination… Un bruit qui berce malgré le roulis du train.

Arrivés à Caen, sous un ciel gris, mais le soleil est dans mon cœur.
Je suis contente de retrouver des personnes que je connais.
De faire la connaissance de Sylvain et de Willy, l’équipe qui assure !

Une soirée orateur avait été prévue, pour justement faire connaissance, et y aller plus sereinement le jour J. J’ai été ravie de faire connaissance avec ceux que je ne connaissais pas voire même mettre un visage sur un pseudo avec qui j’avais échangé auparavant 🙂

Le jour J.
Une introduction à Accessiday par Willy et Sylvain, que je comprends facilement car je suis au premier rang et surtout j’ai eu le temps d’apprendre à les connaître la veille.

Une mise en bouche délicieuse par Delphine, une conférence qui était vraiment très claire et qui était présentée de façon ludique. Je suis convaincue que l’accessibilité c’est pas pour les handicapés, mais pour les personnes en situation de handicap voire pour tout le monde.

Photo prise par @spartdev
Photo prise par @spartdev

Mon tour arrive. Le stress est au maximum, les gens peuvent s’en rendre compte. J’ai un peu galéré à caser mon copain LA-PIN sur le pupitre mais qui me semblait un allié parfait pour ce moment. Je teste les micros du pupitre, je vois que ma voix n’est pas au point. J’ai quelques retours bienveillants de la salle. Je m’ajuste la voix, et je me lance.

Je vois que j’ai capté l’attention de la salle, même si le stress était vraiment présent pendant les 5 premières minutes, les 20 minutes suivantes ne m’ont pas paru très longues. J’ai pensé à bien articuler et à parler fort.

Je pense que le rituel du soir que j’ai avec Minipixel mon fils, lui lire une histoire à voix haute tous les soirs, maintenant parfois en tandem avec lui, ça m’a beaucoup aidée. Pouvoir arriver à moduler les sons pour faire passer certains messages.

Une fois la conférence terminée, le stress retombe.

Mes appareils tombent en panne ! Plus de piles, j’espérais qu’elles durent la journée.
Je m’en étais rendue compte la veille en arrivant à l’hôtel, mon appareil m’a signalé que la pile allait s’arrêter mais je n’ai pas su identifier correctement les « bip, bip, bip ». C’est sur ce moment que je me rends compte, que je n’avais pas pris de piles… Shame on me !

Je peine à suivre la conférence de Sébastien, qui m’avait prévenue auparavant qu’il y aurait des échanges avec la salle, une conférence qui était intéressante.

Je me rends compte que mes nouveaux appareils consomment beaucoup plus de piles. Ils sont véritablement gourmands. Une semaine et 3 jours contrairement aux anciens qui duraient facilement 3 semaines. Je suis un peu déçue de ce côté des appareils mais je me dis que pour engendrer une telle puissance, avec du bluetooth c’est pas étonnant non plus.

Je trouve un ange gardien, qui me sauve en m’emmenant à la pharmacie pendant la pause déjeuner. Merci Matthias. ♥

Appareils à nouveau en marche, je repars suivre les conférences. Celles de Nicolas, et de Johan qui m’apprennent toujours quelque chose à chaque fois que je les vois.

N’ayant pas de vélotypie pour m’aider à comprendre, je m’autorise une micro-sieste pour justement finir la journée correctement.  Et je termine la journée de conf sur celle de Matthias et Stéphane, en ne comprenant qu’un seul message : js peut être accessible.

Photo prise par @kbizienNous avons clôturé cette journée dans la bonne humeur en petit comité. Merci Accessiday, je me suis sentie incluse malgré le manque de vélotypie.
J’ai passé une excellente journée, une soirée mémorable, repartir de Caen le cœur joyeux, le moral regonflé à bloc. Je croise juste les doigts pour que la seconde édition soit accessible en vélotypie.

#ShareTheCalva si je puis dire …

Victor Hugo, le Baccalauréat

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 20 juin 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Ces derniers temps, je vois des tweets sur le Baccalauréat, Victor Hugo, les grèves dans les transports en commun sur ma timeline.
Tout cela a réveillé des souvenirs.

L’année où j’ai passé mon bac, j’ai eu Emile Zola en français. Mes sujets portaient sur Germinal d’Émile Zola et le respect d’autrui de Victor Hugo, (j’ai un doute sur l’exactitude du second sujet).

Le matin quand je suis partie de chez moi pour aller passer mon bac de français, j’ai pris les transports en commun. J’étais partie avec plus d’une heure d’avance pour ne pas rater les épreuves. J’étais scolarisée dans un lycée spécialisé dans l’enseignement pour les sourds et malentendants à Paris.

Je ne me voyais pas suivre les cours dans un lycée général dans un cursus de 3 ans, le rythme étant plus dense, plus oralisé. J’ai effectué mes années lycée en 4 ans. Les années de première et terminale étaient étalées sur 3 ans. Cela m’a permis d’assimiler plus facilement ce qu’il y avait à apprendre.

Les effectifs par classe étaient plutôt réduits. En seconde, nous étions une bonne vingtaine et quand je suis passée en série ES nous étions plus que 6 ou 7, le reste de la classe étant passé en scientifique. Les professeurs étaient beaucoup plus attentifs à nous, plus attentifs à ce que nous avions compris, ils prenaient vraiment le temps de nous expliquer et parfois ça nous menait à des ambiances de délire. Évidemment en étant 6 par classe c’est plus difficile pour faire le pitre entre autres même si j’étais forte en la matière, je crois.

Le professeur parlait, mais beaucoup de support écrit au tableau, recopier des lignes et des lignes … J’en étais arrivée à trouver des stratégies avec mes camarades. On alternait l’écriture des pages et on complétait après.

Lors des épreuves du Baccalauréat, j’ai passé l’épreuve dans un autre lycée du secteur.
J’ai eu beaucoup d’émotions à rentrer dans un grand lycée car le mien de lycée était tout petit, voire même un peu trop quand j’y repense, mon lycée avait une ambiance qui était un peu particulière dû au fait qu’il devait y avoir une centaine d’élèves de la 6ème à la Terminale.

Quand j’ai passé mon bac, j’ai eu droit à un aménagement de l’examen. Mes épreuves étaient rallongées d’un tiers du temps de l’épreuve. Ce temps supplémentaire me permettait de mieux comprendre les textes de l’épreuve et j’avais la possibilité de faire appel à un professeur qui nous accompagnait et qui, occasionnellement, nous reformulait les phrases.

A lire ça, on pourrait dire « quel luxe » sauf que … j’enchaînais les épreuves comme tout le monde. Pas de possibilité de décaler les débuts d’épreuves, le retard n’était pas toléré contrairement à aujourd’hui.

Les lycéens avaient plus d’une heure de pause entre chaque épreuve. Moi, je devais m’organiser et surtout prévoir mon déjeuner car avec le tiers-temps j’avais beaucoup moins de temps que les autres pour décompresser. Je ne saurais plus dire mais je crois que le maximum était de 20 minutes. Difficile d’enchaîner les épreuves sans avoir eu le temps de vider la tête, de manger, et de repartir passer des examens.

Après avoir remporté l’épreuve du français écrit et oral haut la main, je partais avec des points d’avance pour le reste des épreuves. J’étais confiante.

Les résultats du bac, je ne les ai même pas cherchés sur le minitel, je suis allée à Paris accompagnée de ma maman en voiture. J’étais tellement stressée que mes jambes ne me portaient plus. Ma plus grande déception a été de devoir repasser certaines épreuves au rattrapage, j’étais très loin … de la moyenne.

Plus d’une centaine de points à rattraper.
Branle-bas de combat de la part de mes professeurs, de mon orthophoniste. Certains avaient organisé des révisions au lycée, d’autres chez eux.

J’ai, grâce au soutien de ma mère, mes professeurs et mon orthophoniste, finalement eu mon baccalauréat.

Le baccalauréat était pour moi un diplôme essentiel pour pouvoir passer dans les études supérieures, comme le dit Victor Hugo  — « La liberté commence où l’ignorance finit.  », extrait d’Océan prose

Le temps des vacances

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 août 2014

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Après 15 jours en Normandie où je n’ai eu qu’un seul jour de pluie alors qu’il pleuvait sur toute la France, j’ai eu de la chance !
Je suis repartie à nouveau avec mon fils en vacances en Vendée.

Arrivés avec beaucoup d’avance à notre gare de départ, instinctivement quand son papa n’est pas là, il me dit tout ce qui se dit oralement.
Dans le bus, dans le RER, dans le TGV. Inlassablement, je lui dis que tout va bien. Je gère, qu’il y a pas de problème.

Il me répond que si, il y a un problème de RER mais que c’est pas dans notre sens. Je le suspecte de penser à son papa (parti en même temps que nous au travail) qui a pris le RER vers Paris puisque nous sommes partis vers Marne-la-vallée. Je ne dis rien. Je lui souris, je le rassure.

Pendant notre heure d’attente, nous avons flâné au kiosque, je lui ai acheté un casque audio puisque le sien était cassé. C’était l’occasion pour l’étrenner en plus entre les dessins animés, les jeux sur la tablette.
Un long voyage nous attend, il faut bien s’occuper.

L’heure arrive, nous montons dans notre TGV, on s’installe.
Mon fils s’empresse d’essayer son casque sur sa tablette.
Moi, impuissante face à son casque car je ne sais pas si le son est fort, si les gens autour entendent.

Je vois une grand-mère se retourner, je suspecte le son être trop fort, je dis rien. Je vois personne bouger par rapport au casque. Machinalement, je dis à mon fils de baisser un peu le son sans préciser pourquoi.

Et bizarrement de temps à autre, lui-même retire le casque et le met un peu plus loin de ses oreilles pour voir si on entend quelque chose puisque c’est quelque chose que je ne peux pas verifier ou contrôler.
Un petit manège qui dure un peu plus de 20 minutes.

Je trouve ça mignon et responsable de sa part car à 7 ans, on a certainement autre chose à penser qu’à devoir être autonome au niveau sonore.

Le camping en Vendée

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 20 août 2014

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La Vendée est un département qui est lié à mon enfance, j’y ai passé toutes mes vacances d’été. Un terrain familial où nous nous retrouvions toute la famille. Un terrain qui a de nombreux souvenirs heureux.

Je savais en arrivant qu’il manquerait quelqu’un, Papi.
L’aller fut particulièrement bizarre puisque la dernière fois que j’ai pris le TGV c’était pour lui dire au revoir. Mais j’ai été heureuse de revoir ma grand-mère, les tantes, les oncles, les cousins, les cousines et de faire la connaissance d’un petit cousin que je ne connaissais pas encore.

Il y a deux ans nous avions passé un excellent séjour avec minipixel et son papa. Le souvenir que mon fils en avait gardé c’était la pêche à la ligne dans le marais et les batailles d’eau froide traditionnelles.
Sur ce terrain, nous n’avons pas l’électricité courante. Juste un point d’eau où il y a des WC, douche et lavabo. C’est tout. La cuisson c’est au gaz, le frigo c’est avec des pains de glace. Du vrai camping. C’est pas de la gnognote.

Cette année, pas de pêche à la ligne car les cousins qui pêchaient n’y étaient pas… Ce sera pour une autre fois. La bataille d’eau froide pareil. Il n’a pas fait chaud cet été pour qu’on puisse courir autour de la maisonnette familiale et se lancer des seaux d’eau. Minipixel aura quand même vu cette fois-ci une anguille.

Regarder les étoiles qui brillaient de mille feux avec minipixel avant d’aller dormir, c’est une chose inédite qu’on peut difficilement faire en région parisienne. Parler avec lui avec une petite lampe torche dans le noir, dans le silence du marais sous le bruissement des feuilles bercées par le vent.

C’est une expérience que je suis contente de partager avec mon fils, il voit que c’est pas aussi simple, que c’est pas tout confort.

C’est ici aussi que je me rends compte que les moyens technologiques sont différents, être coupée du monde c’est chouette, mais c’est aussi pesant de dépendre de quelqu’un pour pouvoir téléphoner, par exemple vu que la 3G ne passait pas très bien voire pas du tout sur mon abonnement, (monsieur l’opérateur je suis pas contente du tout hein !)

C’est aussi ici qu’on se rend compte à quel point la lumière est importante. La nuit tombe, les conversations deviennent plus difficiles aussi pour moi quand on est dehors à parler tranquillement. Moins de lumière, moins de facilité à comprendre puisque je lis sur les lèvres. Le son à lui seul ne me suffit pas. J’ai besoin du visuel.

C’est ici aussi que je peux observer la brume du matin dans les marais dans les couleurs douces de l’aube dans le silence.

C’est ici aussi que je me rends compte que je suis coupée de mon conjoint, pas moyen de l’avoir en vidéo, les SMS passaient très difficilement. Ça me renvoie ma surdité en pleine face puisque que je peux plus téléphoner.
C’est ici aussi que je me rends compte qu’internet a une place importante dans ma vie. Il est mon ouverture sur le monde, ma possibilité d’être autonome. Plus d’Internet, plus d’autonomie.

Heureusement que nous avions encore les lampes à gaz, qui éclairent largement une tablée où nous pouvions encore prolonger la soirée malgré la fraîcheur des marais. Tous bien couverts, parler jusqu’à pas d’heure. C’est aussi ça les vacances.

Je repars toujours avec le cœur serré car je ne sais jamais si j’y reviendrai l’année suivante ne serait-ce que quelques jours comme je viens de le faire cette année. Ne jamais dire jamais.

Paris Web : you can do it, you did it !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 octobre 2014

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Ma semaine a débuté par une signature de contrat d’embauche et a été suivie de la 4ème édition de Paris Web, je ne pouvais pas demander mieux. J’étais vraiment sereine.

J’ai commencé Paris Web avec le dîner des orateurs puisque mon cher et tendre avait été sélectionné. J’ai dîné avec des personnes vraiment adorables dont mes voisins de table n’étaient que Corinne Schillinger la présidente de Paris Web, David Rousset, Julien Wajsberg et Robin Berjon. Passer la soirée à parler de paris web, handicap, des sujets qui me tiennent à cœur. Un vrai régal de vous connaître. J’ai bien l’intention de vous revoir dans l’année !

Les retrouvailles avec les personnes que je connaissais étaient toujours aussi fortes surtout après ces derniers mois. Reposée, regonflée à bloc pour cette 4ème édition qui était déjà palpitante sur le papier.

Le web virtuel qui devient réel. C’est quelque chose qui finalement est fréquent dans ma vie ces derniers temps. Mettre des visages sur des têtes connues sur internet.

J’ai beaucoup axé les conférences qui étaient dans la salle Moebius tout simplement grâce à la vélotypie. Je remercie encore Globalis pour avoir permis l’accessibilité en vélotypie, d’avoir exaucé mon rêve : assister à des conférences de gens qui font le web avec passion.

Une chose qui mérite d’être soulignée puisque Paris Web est l’unique conférence accessible en vélotypie et langue des signes également.

J’ai tout de même choisi d’aller dans l’auditorium pour suivre la conférence d’Élie Sloïm et Nicolas Hoffmann intitulée « la qualité web : l’heure de passer à la caisse ». J’étais en forme, la première conférence de la journée. Je pouvais le faire.
Je n’ai pas tout compris, j’ai saisi quelques idées mais difficile de comprendre deux personnes qui présentent en tandem sans vélotypie.
Connaissant les deux personnages. J’ai bien ri.

Paris web est riche dans sa diversité des conférences. J’ai pu voir des conférences qui m’ont encore appris des choses, renforcer ce que je connaissais déjà, en réviser quelques unes. Juste parfait comme il faut.

« Les masques CSS : vers de nouveaux usages dans le webdesign » de Vincent de oliveira était très intéressante, ludique et vraiment pédagogue.

« Le web fait pousser mes tomates » d’Olivier de Villardi n’a fait que de renforcer ma passion pour les carrés potagers, j’avais raison de me lancer dedans. C’est une vraie bouffée d’oxygène pour moi.

« Web components, the right way » avec Bruce Lawson et Karl Groves je connaissais pas. La curiosité m’a poussée. Instructif. J’ai appris des choses 🙂 Thank you Bruce and Karl. A very good time with you.

«  Intitulé de postes : bas les masques » de Goulven Champenois. Dans l’audiorium sans vélotypie. Conférence intéressante et que j’ai pu suivre sans velotypie. Goulven, tu vois challenge réussi, j’ai tout compris et c’était tellement vrai ce que tu disais.

« Responsive Web Typography » de Marko Dugonjíc. La typographie dans le responsive web design, toujours un sujet ludique et utile.

« Responsive Web Design : Clever Tips and Techniques » de Vitaly Friedman. Une nouvelle manière d’aborder cette technique. Des astuces, des bonnes pratiques pour aborder de manière sereine.

« Things I wish I knew when I started in Digital Accessibility » par Billy Gregory. Une conférence qui remotive et qui peut inciter les gens à s’investir davantage dans l’accessibilité.

La vélotypie a eu du mal par moments, j’ai été frustrée de voir que les conférences commençaient parfois sans qu’on ait la vélotypie. Se rattraper sur les interprètes en LSF pour moi a été difficile. Je sais que les challenges techniques ne sont pas toujours faciles. Le staff en régie était très réactif. Nous avions des codes : quand ça marchait mal, j’avais pour consigne d’envoyer un SMS ou de taper 🙂 Un tandem efficace. Merci Benoît, Piwan.

Après cette première journée intense, je suis allée dormir une petite demi-heure pour justement pouvoir continuer à profiter de l’apéro communautaire. J’ai pu parler avec les personnes que je n’avais pas pu voir dans la journée et surtout pouvoir tester mes nouveaux appareils auditifs dans un environnement bruyant. Heureusement que ce programme que j’avais en plus de la fréquence de « tous les jours » m’a permis de pouvoir converser sereinement et sans vraiment trop faire répéter, car mes appareils auditifs ciblaient la voix de la personne, effaçaient la musique et le bouhaha environnant. Je dois dire que c’est quand même la grande nouveauté par rapport à l’an dernier.

J’entends mieux, je comprends mieux les gens. Après 6 mois d’utilisation, je commence à en voir le bénéfice. C’est vraiment appréciable. Je me suis sentie intégrée, la différence ne se faisait pas sentir. C’est quelque chose que je ne peux pas exprimer.

J’ai appris de très bonnes nouvelles ce soir-là. Paris Web avait encore exaucé un de mes rêves. C’était juste énorme. Je n’ai toujours pas les mots pour l’exprimer. Seul le staff comprendra je pense. J’en ai pas pleuré, mais j’en pleure aujourd’hui. Vous êtes des champions.

Deuxième jour, j’ai enchainé sur la salle Moebius en particulier ce jour-là puisque la fatigue était plus présente. C’est fatiguant de devoir suivre, d’essayer de comprendre, décrypter, c’est un événement tellement important que je ne veux pas en rater une miette mais je suis obligée malgré moi de devoir laisser passer quelques infos.

« Code de qualité : ce qu’il faut savoir » de Julien Wajsberg et Anthony Ricaud. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais mon cerveau il a dit non. Il s’est déconnecté.

« 100% de revue de code » d’Agnès Haasser. Une conférence intéressante. Promis, je vais me mettre au pull request. Ca a l’air rudement efficace.

« Exploring Paypal’s Boostrap Accessibility Plugin » de Dennis Lembree. Utilisatrice de Bootstrap, je ne savais pas qu’il y avait ce plugin en plus. J’ai appris des choses. Il ne me reste plus qu’à les appliquer.

« Le burnout et comment on l’évite » de Stéphane Deschamps, une conférence vraiment humaine sur un sujet dont on ne parle pas assez et qui me tient à cœur aussi sur un autre sujet similaire. Une conférence abordée avec humour et brio.

«  Petits secrets entre amis : les acteurs du web doivent-ils prêter serment ? » de Jean-Philippe Simonnet. Je ne vais pas être très partiale puisque c’est mon conjoint. Il a assuré comme d’habitude avec son bagou même si le stress était très présent.

« Mes projets web se passent toujours bien ! » de Jérémie Patonnier. Que dire, c’est quelqu’un qui m’impressionne par sa « coolitude » sur scène. Toujours intéressant !

J’essaie de suivre Vanessa Ilmany « Comment tirer le meilleur parti de ses erreurs » mais mon cerveau bloque et je me retrouve dans ma bulle. Je commence à me concentrer sur ce que je vais dire dans mes 4 minutes qui vont être intenses. Pardon Vanessa, les slides étaient alléchants mais mes oreilles elles ont dit niet.

40 minutes avant les lightnings talks, tout devient flou. J’arrive plus à suivre, plus à communiquer. J’entends les voix, les bruits autour de moi, je ne les comprends pas.  Le stress est de plus en plus présent.

10 minutes avant, Audrey du staff me demande si les mains tremblent. Bizarrement, je ne tremble pas. C’est pas comme en 2012. C’est différent. Je me remémore la phrase de Robin « tu es en compétition avec toi-même » et c’est tout à fait ça. Je veux faire mieux qu’en 2012. Je me concentre. Les LT commencent. Voir Robin torse nu faire des claquettes et Daniel avec ses lunettes blanches, je ris, je me détends un tout petit peu mais sans plus.

Mon tour arrive. Le black-out total. Je ne me rappelle pas ce qu’il s’est passé. Je crois que j’étais en mode automatique. J’ai pas eu le temps de flipper, d’hésiter. Je me suis dit : « Ma poule 240 secondes c’est parti. Fonce. N’attends pas, ne réfléchis pas. ». Mon cerveau est revenu à la réalité quand j’ai parlé de mon fils. J’ai senti l’étranglement dans ma voix. Il me manquait. Je me suis ressaisie en 2 secondes. J’ai fini mon LT avec la larme à l’œil.

Lightning talk 2014
(vous pouvez me voir à la 14eme minute – http://new.livestream.com/accounts/1764940/ParisWeb-moebius/videos/65195658)

Heureuse d’avoir pu être audible, heureuse de voir que ma voix avait été claire, de voir que l’ambiance de la salle était dans un silence religieux. C’est une ambiance que j’ai rarement vue.

Terminer Paris Web sur un apéro / repas improvisé avec encore une fois les personnes que je n’avais pas, moi-même osé aborder, oui, ça m’arrive aussi. J’ai passé une excellente soirée. C’est comme une bande de vieux copains qui se retrouvent comme s’ils s’étaient quittés la veille. Cette impression se confirme de plus en plus chaque année. Je suis fière de vous connaître.

Je suis heureuse de connaitre le staff de Paris Web qui a encore exaucé un de mes rêves. Diffuser des vidéos « sous-titrées » à l’arrachée tout de suite après un événement. Personne ne pourra me dire que ce n’était pas possible. Je remercie Veodem de l’avoir fait et je vous encourage de continuer à le faire. C’est vous qui faites avancer les choses. Je me sens incluse dans cette société des gens qui font le web avec passion.

Me réveiller après 2 jours intenses, je ne fais qu’une seule chose : c’est de pleurer car j’ai passé 2 jours merveilleux, c’est comme si c’était Noël pour moi.

Pour les 10 ans de Paris Web, mon rêve est de voir la deuxième salle accessible en vélotypie, rencontrer Tim Berners-Lee sans qui tout cela n’aurait pas été possible et lui dire merci.

Merci au staff de Paris Web qui s’est encore donné à fond cette année.
Merci à Corinne qui n’a pas lâché l’affaire. You can do it. You did it !

#sharethelove

Temps suspendu…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 31 décembre 2014

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Aujourd’hui, 31 décembre 2014. L’année qui vient de s’écouler a été bien remplie.

Aujourd’hui, je travaille.

Je suis partie comme à mon habitude vers 7h30 de chez moi, la rue était vide. Juste des voitures, pas de piétons. J’ai pu vraiment distinguer le bruit de chaque voiture, l’accélération de ces voitures qu’on entend quand la rue est vide.

Comme si le temps s’était arrêté. 31 décembre, une date où les gens ne sortent pas de si bon matin, préférant rester au chaud pour la plupart…

J’aperçois le bus au loin dans la nuit, juste cette lumière sur le numéro du bus.
Je lui fais signe. Il s’arrête. Je salue le chauffeur comme chaque matin, je vais pour m’asseoir, il y a juste quelques personnes alors qu’à l’accoutumée le bus est plein.

Je m’assois, J’ouvre la fermeture éclair de mon sac à dos, j’entends la fermeture éclair alors qu’habituellement je ne l’entends pas avec tous ces gens … Ça me fait une sensation bizarre. Comme si j’étais dans une bulle. Entendre le zip de ma fermeture éclair de sac à dos, c’est inhabituel pour moi. Un bruit que j’aime bien, qui me semble doux. C’est bête, je sais.

Arrivée au RER, nuit noire toujours, je descends, je vais pour prendre mon RER.
Je passe mon navigo sur la borne, j’essaie d’entendre le « bip » mais non, c’est trop faible. Je peux pas l’entendre. Il n’est pas dans mes fréquences sonores, par contre j’entends le roulis de l’escalator, le bruit de chaque marche qui s’enclenche sur le mécanisme, ça me fait bizarre de l’entendre aussi bien ce matin. Un bruit qui est régulier, peut être désagréable pour certains, je ne sais pas.

Le RER arrive, pas de changements particuliers sauf qu’il y a personne sur le quai qui habituellement est plein d’habitude.
Dans le train, pouvoir entendre le bruit des pages de ma BD que je tourne avidement pour connaître la fin de l’histoire, c’est rare aussi, dans un environnement aussi bruyant. On aurait dit que le temps s’était arrêté.

Arrivée à destination, j’entends à nouveau les roulis des escalators, un bruit que j’aime bien, qui me rassure, un bruit « grave » et régulier.

En sortant, je me retrouve au niveau des vitrines des grands magasins, j’avoue que depuis 2 mois, je n’avais pas vraiment prêté attention aux bruits quand je sortais des transports en commun. Le grand magasin orné de ses lumières rouges, un tapis de lumières qui clignotent, ses vitrines éclairées.

Vitrines que j’ai aperçues chaque matin tranquillement quand la rue était vide, en prendre plein les yeux, visuellement voir ces marionnettes bouger, je me suis amusée parfois à les filmer.  Je n’avais pas percuté jusqu’à présent qu’il y avait de la musique avant qu’on me dise sur Instagram : « Oh on dirait la musique de « A little small world » !« .

Une vidéo publiée par Sophie Drouvroy (@cyberbaloo) le

Ce matin 31 décembre 2014, les feux étaient rouges.

Je suis passée comme d’habitude devant les vitrines de noël, remplies de marionnettes. Avec le sourire aux lèvres de voir ces jolies petites marionnettes que je n’aperçois pas le soir tellement il y a de monde, d’enfants avec le nez collé à la vitrine et des parents qui guettent leur enfants. Ce matin, j’ai fait comme les enfants, je n’ai pas collé mon nez à la vitrine, mais je me suis approchée de ces vitrines et j’ai entendu la musique de chaque vitrine. Chose que je n’avais jamais entendue jusqu’à présent. Un vrai petit plaisir … dans ce bruit parisien.

Les feux étaient rouges. Les voitures étaient arrêtées. Le temps était suspendu.

Voir les petites marionnettes et la musique qui rythmait leur pas, j’ai souri et j’ai continué mon chemin de vitrine en vitrine, en savourant la musique de ces vitrines…  je n’ai pas réussi à distinguer les notes ou les mélodies, mais c’était un son qui était doux, agréable. Un signe de l’enfance, un signe de noël.

L’accessibilité des conférences évolue !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 9 février 2015

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En 2010, c’était Paris Web qui rendait ses conférences accessibles en vélotypie. J’ai pu y assister en 2011 en tant qu’orateur mais aussi spectatrice avec beaucoup d’émotion. Ca me semble loin et en même temps comme si c’était hier.

Les MSTechDays vont avoir lieu du 11 février au 13 février. J’étias interessée par le programme mais il n’y avait pas d’accessibilité de prévue. J’ai régulièrement demandé à David Rousset s’il avait des nouvelles sur twitter.

Ce soir je repense à la dernière édition 2014 de Paris Web, j’avais mangé à côté de David Rousset qui travaille chez Microsoft mais avec qui j’avais un point commun : l’accessibilité d’une manière générale. Nous nous étions promis de nous revoir avant l’édition 2015 de Paris Web. C’est une promesse qui va se réaliser.

David a eu le bonheur de nous annoncer l’accessibilité des MSTechDays sur son blog. C’est une nouvelle qui me touche beaucoup car en dehors de Paris Web, je n’avais pas de choix.

Pour pouvoir suivre une conférence, j’ai besoin de la vélotypie. Je ne peux pas lire sur les lèvres de la personne qui parle devant son micro, même si cette personne est à deux mètres de moi. Elle est souvent en hauteur, elle bouge, elle fait des gestes, et il est impossible de prédire à l’avance ce qu’elle va dire. La vélotypie est donc pour moi un des seuls moyens de comprendre et apprendre dans une conférence.

Beaucoup de conférences auxquelles je voudrais aller ne sont pas accessibles. Elles sont parfois accessibles mais uniquement en Langue des Signes Française (sans vélotypie) alors que je ne maitrise pas celle-ci (en particulier quand il y a des sujets trop techniques).

L’accessibilité en vélotypie sert à tout le monde, surtout quand elle est reprise par la suite sur les vidéos des orateurs des événements passés.

Je serai heureuse d’être au premier rang et de profiter de cette journée pour voir quelques conférences qui pourront m’apprendre des choses que je ne connais pas, et en approfondir d’autres. Certes l’accessibilité des MSTechDays n’est pas totale, mais il faut un début à tout ! Vivement mardi !

Salut Claude !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 juin 2015

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Jeudi était était une journée particulière. Je me suis levée ce matin-là sachant que je te verrai pour la dernière fois.

Quelques kilomètres avant l’arrivée, le nœud au ventre se faisait de plus en plus présent… Le stress, l’angoisse de revoir tous les membres de ma famille que j’aime, ne pas me laisser envahir par ma tristesse à leur vue.

Je suis arrivée là où tu reposais entouré des personnes que tu aimais. Ma tante et mes cousins étaient à tes côtés, très courageux. La pièce sentait le lys très fort. Tu avais l’air paisible malgré les traces des traitements médicaux que tu avais reçus ces derniers mois. Tu étais beau dans cette jolie chemise bleue à carreaux vichy et ce pull bleu.
C’était toi. Tonton Claude. Même si tu avais changé depuis l’été dernier.

C’était une belle journée ensoleillée, un soleil de plomb, l’église de Saint-Jean-de-Monts sonnant le glas à ton arrivée avec tout ce monde venu pour un dernier au revoir sur le parvis.
Retrouver des visages familiers durant ces moments, partager la douleur de ton départ trop tôt, trop injuste mais libérateur. J’ai recommencé à craquer quand on t’a suivi dans l’église, rester forte malgré tout.

La cérémonie était très belle, j’ai été un peu submergée de petits papiers lors de l’entrée dans l’église. Les personnes qui avaient rédigé un petit texte, n’avaient pas oublié de m’en transmettre une copie que mes cousins m’ont remises au fur et à mesure ainsi que ma tante. J’ai été touchée par ces gestes de sympathie durant ces moments difficiles. Je me suis sentie vraiment avec eux, à partager la même chose au même moment, sans décalage. Aux dernières obsèques familiales, j’étais à côté de toi, tonton Claude, ça avait été difficile pour toi mais aussi pour moi …

Je me suis un peu perdue dans mes feuilles, j’en avais un peu partout, dans la poche de mon manteau, dans mon sac. Entre les mouchoirs humides et ces feuilles, il fallait que je fasse tout de même attention à ne pas faire trop de bruit. Pas évident dans une église surtout durant les moments de silence,  il y a généralement une bonne acoustique…

Avant même d’entrer dans cette église, je ne savais pas qu’il y avait la possibilité d’un accès en fauteuil roulant. Durant la cérémonie, j’étais assise face à la place réservée aux fauteuils roulants.
J’ai souri intérieurement, tu m’aurais dit que j’avais choisi la meilleure place. C’est plutôt une chose rare de trouver une empreinte de fauteuil roulant au sol dans une église. Ce sont des lieux auxquels on ne pense pas forcément à rendre accessibles et ce n’est pas toujours évident à faire pour des raisons de bâti. Je me disais que c’était fou d’être à cette place pour ton départ pour toujours.

J’étais à côté de toi, Tonton Claude. La meilleure place.

La place était effectivement réservée aux fauteuils roulants, face aux deux pupitres sur la scène, à côté du cercueil. La première rangée de bancs était décalée par rapport à la seconde. L’un des deux pupitres était caché par un cierge. C’était un peu compliqué pour suivre, mais j’ai suivi comme j’ai pu … avec de temps à autre, mes pensées qui étaient un peu plus loin pour me permettre de me concentrer sur le nécessaire, mes yeux regardaient les lieux,  PetitM. qui se promenait insouciant, ce petit garçon était le rayon de soleil de la journée accompagné de sa petite cousine.

Le fait de m’être retrouvée à cette place dans cette église de province, dans cette ville que je connais depuis ma tendre enfance, n’a fait que de renforcer mon attachement à l’accessibilité.

Tu es ressorti sous les applaudissements, ça m’a marquée. Ca m’a montré combien tu étais apprécié. C’est important aussi dans ces moments-là de le savoir pour la famille.

La cérémonie du crématorium était aussi belle que celle du matin, bien plus dans l’intimité, toujours avec des textes qui m’avaient été transmis avant la lecture. Toujours incluse, à partager ce moment avec ma famille. L’arrière plan du décor était digne d’un écran windows, c’était des nuages bleus en décor. C’était reposant, pas angoissant.

Le pot de l’amitié s’est déroulé dans la bonne humeur, comme tu l’aurais voulu. C’était vraiment à ton image. Chacun se déplaçant à loisir, boire un petit coup, échanger des souvenirs, les conneries que tu avais pu faire, qu’on avait pu faire avec toi, les dernières nouvelles.

Cette journée de jeudi était vraiment nécessaire pour te dire au revoir, me préparer à te laisser pour toujours. On sait que tu ne seras jamais bien loin.

T’accompagner ce vendredi matin dans ta dernière demeure a été difficile.
Généralement je trouve les cimetières sinistres, quand j’ai vu ce cimetière où tu allais reposer pour toujours sous le ciel bleu, les pins, le sable.
C’est vraiment une ambiance que tu aimais beaucoup et que nous aimons tous beaucoup pour avoir été souvent à Saint-Jean-de-Monts.
Le maitre de cérémonie est venu, il avait une veste beige.
S’autoriser un peu de couleurs claires, cela a rendu l’ambiance moins lourde. Il a parlé, récité un poème qui parlait d’un voilier qui arrivait, qui partait, qui disparaissait de l’horizon et surtout il a été attentif à tes petits-enfants qui étaient présents. Ca m’a touchée en plein cœur.

Après un dernier au revoir, une rose blanche qui sentait bon que j’ai jetée qui t’a accompagné pour toujours, PetitM. qui jouait avec le sable. J’étais triste de te laisser là, mais sereine. Tu n’as pas souffert, tu es parti comme tu le voulais. Les temps à venir vont être difficiles pour tout le monde, tu vas laisser un grand vide, on va devoir faire face à cette absence. On va y arriver.

Je suis ressortie de ce lieu calme en marchant avec PetitM. en lui tenant la main, en le suivant à la queue leu leu sur les bordures en ciment pour finir par une petite course qu’il a gagnée avec fierté mais qui m’a donné le sourire devant ce petit garçon qui te ressemble aussi quelque part …

Salut Claude !

L’automne est vraiment arrivé

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 24 septembre 2015

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Quand la saison précédente, l’été est arrivé, je me suis dit que ça allait être long.

Les transports fonctionnaient au ralenti, minipixel allait être en vacances. Contrairement aux précédents étés où j’avais pu jongler pour pouvoir passer du temps avec lui, cette année je travaillais.

J’ai décidé de reprendre mon vélo quand j’ai vu que les horaires de transports n’allaient pas être très pratiques, notamment en ce qui concerne le bus. C’était inconcevable pour moi d’attendre 20 minutes le bus le soir.

En reprenant mon vélo, j’ai redécouvert des plaisirs que j’avais oublié. Découvrir la fraîcheur du petit matin, tester les différents trajets pour aller à la gare. J’ai trouvé le trajet qui me va très bien.

Un tronçon de départementale pas trop chargé à l’heure où je le prends et une nationale à traverser. Entre les deux, j’ai les bords de Marne.

Un vrai bol d’air. De verdure, d’eau.

Cet été il n’y avait personne le matin. Le soir, un peu plus de monde mais pas plus que ça, souvent ce sont des coureurs, des parents avec des landaus ou encore des personnes retraitées qui reviennent de la guinguette.

Je me disais qu’avec la rentrée, qu’il y aurait plus de monde. Guère plus.

J’ai parfois des compagnons de route, les canards, les cygnes qui essaient de m’accompagner. Pas plus tard qu’hier, j’ai entendu du bruit. Je ne savais pas ce que c’était. J’ai tourné la tête, c’était un cygne qui essayait de prendre son envol. Je n’avais jamais entendu ça. Je ne savais pas que c’était aussi bruyant et rythmé à la fois. Il a toutefois réussi à s’envoler un peu pour s’écraser un peu plus loin. J’ai aussi entendu son plouf tonitruant. Ça a été un plaisir de voir et entendre ça avant d’arriver à la gare.

Le « silence » au bord de la Marne je l’apprécie. Parfois un train de marchandise, un RER qui part ou qui arrive. J’aime bien redécouvrir ces bruits. Qui sont bien rythmés loin de ceux qu’on peut avoir à Paris.

Ce matin, je n’ai pas entendu le bruissement des feuilles tant qu’il devait être léger, mais j’ai vu le soleil se lever sur le port. Et voir la brume, le reflet, le silence de cette beauté visuelle ainsi que la fraîcheur, les yeux qui pleurent au contact du froid m’ont rappelé que l’automne était vraiment arrivé.

Paris Web 2015 : « maintenant je crois qu’il y a des licornes … »

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 octobre 2015

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Une nouvelle édition exceptionnelle vient de se terminer. Une édition où je n’ai pas de mots pour qualifier ce que je ressens malgré la fatigue.

Cette année, c’est différent.
10è édition de l’association Paris-Web,
5è édition accessible en vélotypie et langue des signes (LSF)
Cinq années que je savoure ce rendez-vous, et pas que simplement, mais au centuple
Parce que rappelons-le, Paris Web est la conférence des travailleurs du web qui est accessible à tous.

J’attendais tellement cette édition cette année, quand j’ai pris ma place, je n’ai pas réfléchi au prix.
J’ai foncé quand les places étaient en vente.
Parce que c’était la 10è édition, je ne voulais pas louper ça.

Rendez-vous annuel

Préparer le sac de mon fiston avec empressement, quel parent n’a pas connu ça ?
Nous sommes deux à travailler dans le Web à la maison, minipixel comprend que c’est important pour nous, il a intégré ce rendez-vous annuel en octobre.
J’ai déposé mon fils chez ma mère mercredi soir, pour pouvoir me préparer pour cette 10è édition et me rapprocher du lieu des conférences pour en profiter au maximum.

J’ai été déposer mes affaires chez mes beaux-parents qui habitent à côté de Montrouge.
Merci belle-maman, merci beau-papa. Quel gain de temps !
Avoir moins de trajet m’a permis de gagner du temps de sommeil. Ca m’a permis de mieux suivre ces conférences qui parfois, à cause de mon choix, n’étaient pas forcément accessibles par le biais de la vélotypie mais que par le biais de la LSF (langue des signes).

Jeudi, prise de conscience, apprendre, accessibilité

Arrivée au Beffroi de Montrouge jeudi matin, l’air frais vivifiant, sortir du métro, voir un ciel bleu magnifique et le beffroi paré de sa brique rouge. Quel bonheur.

J’ai commencé par la conférence d’Adrienne Charmet « Internet et libertés : pour un engagement des acteurs du numérique« , une conférence qui est d’actualité d’autant plus qu’il y a la loi numérique en ce moment. Une prise de conscience.

J’avoue, j’ai été frustrée parce que la vélotypie a eu du mal à démarrer. Avec le staff de Paris-Web, on a l’habitude de gérer ça ensemble, j’ai toujours les contacts que j’utilise chaque année pour signaler les petits soucis.
Quel tandem d’enfer !
Merci Globalis pour la vélotypie Paris-Web, merci Ekino pour la traduction en langue des signes. Vous avez rendu accessible l’événement.

C’est en train de devenir quelque chose de « normal« , de rentrer dans les mœurs. Je l’espère. A tel point que maintenant quand il n’y a pas de vélotypie ou d’interprète, on peut parfois s’en étonner.

Je n’ai pas forcément tweeté des choses car je ne peux pas à la fois « écouter » et « tweeter » c’est un peu compliqué 🙂

J’ai appris des choses avec la conférence de Matthias « La crypto pour les devs : un état des lieux des outils aujourd’hui et des techniques de demain », non je serai pas une spécialiste mais ça m’a ouvert les yeux sur les techniques, j’espère pouvoir les appliquer dans les mois à venir.

La conférence de Sylvain « Hey tu peux reprendre ce projet ?« , une conférence réussie avec brio, parler d’un sujet qui est sensible mine de rien, car on a tous plus ou moins été confrontés à ce problème. Un défi relevé avec succès, avant l’heure du déjeuner (LaCarpe m’a beaucoup plu en fait).
Oxymore et moi au photomaton

« Confessions d’un serial-killer » de Virginie Caplet, qui a présenté avec brio ses slides, d’un naturel comme si elle avait toujours fait ça, mais surtout avec un pantalon de serial-killer 😉

J’en ai profité pour faire des photos au photomaton aussi, avec mon amoureux, ma copine Emma, des moments intenses.

« Creating a culture of code Quality » de David West, qui m’a vraiment convaincu sur les bonnes pratiques et les différents outils à utiliser. Un petit storify de ce que j’ai pu en retenir.

« Le défi d’une personne aveugle : conseiller sur l’accessibilité dans un web toujours plus visuel » de Sylvie Duchateau. Je sais maintenant qu’elle peut entendre mes smileys 🙂  et ça c’est énorme pour moi. Paris-Web a permis la rencontre que j’ai faite avec Sylvie, Isba et Fernando.

J’ai pu tout de même en profiter et échanger durant l’apéro communautaire avec des personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps.

Vendredi, « after life », design de soi, langue des signes et licornes

La journée de vendredi a commencé très fort avec la conférence « Death and UX: Digital Afterlife and Digital Legacy » de Agnieszka M. Walorska sur la mort numérique.
Rude pour commencer une belle journée ensoleillée, on n’aborde pas assez ce sujet qui risque de devenir plus important dans les années à venir.
Un peu trop orienté réseaux sociaux mais un bon début pour en parler par la suite.

Nicolas Hoffmann a présenté avec brio le CSP, je crois que je vais y avoir droit au bureau et je pense que c’est une bonne chose à mettre en place. Encore une chose à rajouter aux bonnes pratiques.

L’informelle sur l’avenir de Paris Web a été riche d’informations, mais aussi en émotions. Parler du futur de Paris-Web alors que vous avez été mon futur il y a 4 ans.
Jamais j’aurai pensé pouvoir assister à des conférences de professionnels, de surcroît avec autant d’humanité, solidarité et bienveillance.
Concevoir le futur sans vous, c’est juste pas possible. Désolée d’avoir témoigné avec la voix étranglée, mais je veux que ça continue. C’est trop rare pour qu’on s’arrête en route.

La conférence sur l’histoire de la démarche accessibilité du site du Pasdecalais.fr, un retour d’expérience très fort. Une personne passionnée et convaincue par ce qu’elle fait. Merci Bertrand !
Je me posais la question si je pouvais le faire, je suis maintenant convaincue que je pouvais moi aussi apporter ma petite contribution au web.

Marie Guillaumet nous a présenté ses slides « design de soi : valoriser son identité et son expertise sur le web« , une des meilleures conférences que j’aie vu. Tout le monde devrait faire comme Marie, elle a mis ses slides en ligne avant sa conférence et dévoilé le lien à temps : Une conférence accessible par le web avant même la présentation, un très bel exemple d’accessibilité et qui me va droit au cœur *cœur avec les mains*.
J’ai cru que Marie s’adressait à moi, vu que ça me parlait tellement. Ces questions que je me pose depuis si longtemps… Merci Marie tout simplement.

Et le final, un putain (pardon, j’ai pas de mots) de feu d’artifice, de licornes, une tempête d’émotions s’est déclenchée dans mon cœur car je ne savais pas que Sandrine Schwartz, interprète et amie allait intervenir sur la scène présenter son métier et la langue des signes au public de Paris-Web. Un moment très fort pour moi, les larmes aux yeux, qui m’a rappelé le moment où nous avions lancé des chamallows il y a deux ans. Je suis fière de voir Sandrine passer du statut d’interprète LSF à celui d’oratrice.
D’intéresser un public de geek, les faire rire, les faire pleurer et leur donner une belle leçon aussi bien sur des sujets techniques qu’humains.

Je suis heureuse de voir que les interprètes (coucou les filles !) kiffent aussi cet évènement bien que ce soit difficile et fatiguant à traduire, que ce soit devenu un rite d’initiation. Je suis consciente que c’est difficile comme évènement avec le nombre d’orateurs différents qui interviennent et parfois pas dans notre langue, consciente qu’il y a parfois naissance de mots signés par la suite car on enrichit le vocabulaire aussi de la langue des signes au fur et à mesure.
Heureuse d’avoir quelque part contribué à cette accessibilité.

Conclusion : encore, encore, encore.

Encore une fois, merci Paris-Web. Je suis regonflée à bloc. Octobre est décidément le meilleur mois de l’année. Le meilleur anti-dépresseur, surtout avec les jolies licornes qu’on a.

Calin avec une licorne (Corinne Schillinger) et Emmanuelle Aboaf

 

PS : « Maintenant, je crois qu’il y a des licornes… » — Extrait de « La Tempête » de William Shakespeare

Tu me fais tourner la tête, …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 novembre 2015

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Mon manège à moi c’est toi
Je suis toujours à la fête,
[…]
Pour m’étourdir autant que toi …

Monter sur un manège, un tourniquet donne la tête qui tourne ou un effet  déstabilisant, pour voir notre champ de vision qui tourne à toute vitesse où on essaie de stabiliser et qui se calme au bout de quelques minutes… On a la nausée au début tellement c’est violent. Qui n’a pas connu ça enfant ?

C’est aussi ce qu’on peut ressentir quand on a des vertiges.


Quand j’essaie de me déplacer, j’ai le sol qui se dérobe, je vois mon champ de vision bouger tout le temps quand je marche. Rien n’est stable.
À force de faire le point avec mes yeux pour ne pas tomber, trébucher, je ne sens plus mes pieds.
Cette sensation de tournis permanent m’oblige aussi à vérifier à deux reprises avant de traverser.

Par moment, l’ouïe ne suit plus. Elle est en mode *blanc* comme la neige. Ma concentration me fait aussi défaut car le cerveau n’arrive plus à traiter l’information tant il est concentré sur ce tournis qui donne la nausée.

Je pourrais m’asseoir dans mon canapé et fermer les yeux pour que ça s’arrête comme quand on dort et on se réveille pour s’extirper d’un cauchemar.
Mais non. Ça ne s’arrête pas comme ça, pas juste en fermant les yeux.
Les vertiges, c’est pas comme les cauchemars où on se réveille et c’est terminé.
C’est tout le temps.

J’essaie de faire en sorte que tout ne tourne plus autour de moi pendant 5 minutes et je n’y arrive pas. Ca me prend la tête, ça me file des migraines.
Je suis épuisée comme si j’avais couru un marathon.
J’essaie de me mettre à l’ordinateur parfois pour avoir un semblant de vie pendant un court moment, je le paie aussi cher que si j’avais effectué une traversée en bateau sur une mer déchainée.

Ces vertiges durent depuis trop longtemps, au début, j’avais mis ça sur le compte de la fatigue, mais le temps passant depuis mes vacances à l’étranger me prouvent que non, ce n’est pas la fatigue.
C’est autre chose. Ils durent depuis trop longtemps. Mon corps commence à les assimiler comme si c’était normal.
Je ne veux pas que ce soit quelque chose d’intégré à ma vie, avoir le tournis tout le temps.
J’espère au fond de moi, qu’on trouvera quelque chose pour les faire partir de moi. C’est un sentiment terrible de ne pas pouvoir contrôler ce qui nous arrive.

La surdité est un terrain propice aux vertiges, l’oreille interne étant mystérieuse, on ne trouve pas toujours pourquoi.

Impuissante car je ne peux rien faire. Moi qui suis toujours par monts et vaux, c’est difficile.

Tu me fais tourner la tête
Mon manège à moi, c’est toi
Je suis toujours à la fête
Quand tu me tiens dans tes bras
Je ferais le tour du monde
Ça ne tournerait pas plus que ça

 

On ne s’était pas dit rendez-vous dans 30 ans, et pourtant …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 3 janvier 2016

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♫ On s’était dit rendez-vous dans 10 ans
Même jour, même heure, mêmes pommes
On verra quand on aura 30 ans
Sur les marches de la place des grands hommes ♫
Patrick Bruel

Au hasard d’une publication Facebook, une de mes meilleures amies d’enfance me propose de venir la voir chez ses parents au matin de ce 2 janvier avec une autre meilleure amie. Nous étions un trio voire un quatuor de copines.

J’ai accepté son invitation. L’émotion et l’angoisse de les retrouver est montée au fur et à mesure que l’heure approchait. Je me demandais ce que j’allais dire, est-ce que nous serions des inconnues en face à face ou bien nous allions tomber dans les bras de l’une et de l’autre.

Je me prépare pour y aller en transports, le bus me dépose à proximité de chez elle. J’ai l’estomac un peu noué par ces retrouvailles de copines de primaire que j’ai perdues de vue en CM2, soit quasiment 30 ans.
Ma scolarité était un peu spécifique puisque je n’allais pas à l’école du quartier mais toujours un peu plus loin de mon domicile. J’étais en intégration dans des classes d’entendants, cette école primaire avait ce système tout en ayant une classe d’enfants sourds et une équipe d’orthophonistes intégrés à l’école.

Les retrouvailles

Arrivée devant le portail, je sonne. J’attends en me disant que quelqu’un va sortir m’ouvrir, et … non, la porte s’ouvre, c’est ma meilleure amie de la primaire qui sort et qui me tend les bras.
Comment rester stoïque ? C’est ma Virginie avec qui j’ai passé des heures à l’école, avec qui j’étais tout le temps. Je m’approche de Virginie, je me mets à craquer d’émotion. Trop heureuse de la retrouver. Je réalise que je n’avais jamais imaginé la revoir.
Quelques minutes passent, elle recule et me dit que Ingrid est arrivée.

Nous entrons dans la maison. Je retrouve Ingrid les yeux déjà embués, je tombe dans les bras de ma deuxième copine d’enfance Ingrid.
Celle avec qui j’ai passé tout autant de temps que Virginie, avec en prime le mercredi en centre de loisirs quand c’était possible, car ma maman travaillait à la maison.

On commence à parler, 30 ans c’est du temps passé. C’est l’eau qui a coulé sous les ponts. Chacune a fait sa vie de son côté et on raconte nos différents parcours jusqu’à aujourd’hui sans pour autant rentrer dans le détail. Je me rends compte que mes souvenirs ne sont pas les mêmes qu’Ingrid et Virginie. Je m’aperçois que j’ai effacé de ma mémoire des choses qui n’étaient pas de bons souvenirs.

Anecdotes

Dans les dernières années de la primaire, je portais apparemment un appareil différent, l’instituteur avait lui un micro relié à mes appareils. Mes amies m’ont dit qu’il se masquait la bouche avec une feuille pour faire la dictée.
C’est un moment difficile d’enfant que j’ai effacé de ma mémoire et je me dis aujourd’hui, c’est cruel d’avoir fait ça de me forcer à essayer de comprendre sans même lire sur les lèvres. C’était probablement une méthode de l’époque qui je l’espère, n’est plus pratiquée de nos jours…
Être sourde, c’est une chose, ne pas avoir assez de récupération auditive pour pouvoir entendre ce que disent les gens sans les regarder à 8 ans, c’est une chose difficile à vivre. Aujourd’hui, je ne supporterai pas quelqu’un qui masque sa bouche volontairement. Je communique oralement mais j’ai besoin de voir les gens, de voir leurs lèvres bouger, leur visage s’illuminer pour pouvoir entrer en communication avec eux.

Mes parents avaient aussi marqué leur esprit, ma maman par sa présence quotidienne, mon papa qui avait aidé à l’installation des premiers ordinateurs à l’école primaire … L’arrivée de ces ordinateurs, c’est quelque chose dont je ne me rappelle pas et qui est pourtant partie intégrante de ma vie aujourd’hui.

J’ai enfin pu recoller certains morceaux de mon enfance ce matin. J’avais la mémoire des lieux, des personnes, des événements passés mais pas les noms ni les villes.
Elles ont évoqué une classe verte dans la Creuse, j’ai eu l’agréable sensation de pouvoir dire, oui moi aussi j’y étais à cette classe verte, j’avais même des photos à la maison ! Ces photos dont personne n’avait jamais su me dire où c’était, ni qui c’était. Mes parents ne s’en rappelaient pas. J’avais ce sentiment d’avoir été la seule à me rappeler de choses qui m’avaient marquée.

Virginie et Ingrid parlaient en articulant comme quand j’étais en primaire. Je me suis retrouvée projetée dans le passé. Comme si les 30 années qui venaient de passer n’avaient pas compté. je n’ai pas rencontré de difficulté à suivre leurs conversations.
J’avais jamais imaginé que je pourrais les revoir un jour. Étant petite, je ne pouvais pas me projeter dans le futur : je ne connaissais aucun adulte sourd oraliste, alors comment imaginer devenir une adulte à son tour.

Après tout ce temps, je me rends compte que j’ai poursuivi ma scolarité dans un établissement différent de mes meilleures amies. À 10 ans, j’ai été séparée de mes meilleures copines puisqu’elles n’allaient pas dans le même collège que moi qui allais dans un collège qui accueillait des sourds en intégration.

La communication téléphonique

La possibilité de rester en contact avec elles était impossible. Les moyens de l’époque ne me le permettaient pas. Le téléphone, le minitel n’étaient pas si développés quand j’avais 8 ans. Et de toute façon, on n’aurait jamais permis à des petites filles de 8 ans de communiquer par le biais d’un outil si « moderne », et si peu répandu.
Pas de téléphone mobile pour envoyer des sms, … C’est là où je me rends compte que la technologie a tellement évolué. C’est grâce à Internet que je les ai retrouvées, c’est grâce à ce réseau si puissant que j’ai pu retrouver des personnes à qui j’étais énormément attachée.
Ce matin j’ai rendu les 3 billes à ma meilleure copine qui m’avait aidée à en remplir toute une valise à la récré. C’était de sacrées retrouvailles. Je n’attendrai pas 10 ans pour les revoir. C’était bon de me retrouver avec elles comme si c’était hier.

 

Je vous souhaite par la même occasion, une belle et heureuse année 2016 !

Can you read my lips ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 février 2016

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Rachel Kolb, ancienne étudiante sourde, a réalisé une vidéo pour permettre aux spectateurs de se mettre à sa place et de découvrir que « lire sur les lèvres » ce n’est pas si simple que ça.

Quand j’ai regardé la vidéo, j’ai eu le sentiment d’être à la place de Rachel Kolb.

Lire sur les lèvres, c’est mon quotidien mais aussi pour avoir une connexion avec les gens qui m’entourent.

Puisque je n’entends pas, la lecture sur les lèvres est mon outil de communication.

J’avais parlé de la perception du son mais jamais de la lecture sur les lèvres. J’ai toujours dit que je devais regarder les gens pour les comprendre mais sans vraiment expliquer pourquoi, ni comment.

Les conversations « ping-pong » j’en ai parlé ici c’est parfois facile à faire quand on est 2 / 3 et quand on est bien placés. Mais si c’est au delà, les paroles fusent dans tous les sens, les gens finissent la phrase du voisin, et parfois pas forcément dans le même sujet, on passe souvent du coq à l’âne …  et on se retrouve éjecté de la conversation.

Difficile de revenir au sujet suivant sans être excédé ou froisser les personnes qui nous entourent. Il faut apprendre à lâcher prise pour justement arriver à gérer cette frustration quotidienne dans une société où nous sommes en sur-communication.

Lire sur les lèvres s’avère être un exercice difficile pour un peu que la personne n’articule pas, qu’elle ait une gestuelle en plus de ses paroles qui parfois va être sur sa bouche, qu’elle aie un grand sourire tout en continuant de parler, qu’elle dodeline de la tête tout en parlant ou encore tout simplement qui marmonne.

Une chose que j’ai remarquée, quand on lit sur les lèvres de quelqu’un on a tendance à fixer la personne, mettant celle-ci mal à l’aise qui souvent aura un regard fuyant.

Regarder les gens droit dans les yeux leur donne l’impression de les mettre à nu, alors qu’on voudrait juste communiquer.

Qu’importe de quoi parlent les lèvres, lorsqu’on écoute les cœurs se répondre.” — Citation d’Alfred de Musset ; La confession d’un enfant du siècle (1836)

Perdre pied

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 février 2016

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Je suis arrivée à un stade de ma vie, où je n’ai plus envie de me prendre la tête à essayer de comprendre ce qui se passe autour de moi.
Essayer de choper les mots qui sortent de la bouche des personnes, les reconstituer dans mon cerveau, analyser la phrase pour ensuite réagir.
Je suis fatiguée de cet exercice.
J’aimerais que ce soit fluide, ne plus penser, que les choses viennent toutes seules.

Moi qui étais tout le temps à l’affût pour ne pas être en décalage avec les autres, j’ai presque envie de me renfermer dans ma coquille.

De ne plus penser.

Je suis fatiguée d’essayer de comprendre les personnes qui m’entourent, d’essayer de les décrypter pour savoir si ça va bien ou mal.  Après tout, ça pourrait m’être égal mais l’intérêt est de pouvoir échanger, de rire, pas d’être renfermée dans sa bulle.

On vit dans un monde auditif et pas visuel.

Fatiguée d’avoir un temps de retard dans les conversations.
Fatiguée d’anticiper le vocabulaire de chacun, pour justement ne pas avoir ce temps de retard à cause de l’analyse que je vais faire dans mon cerveau pour reconstituer cette phrase qui vient d’être dite.
Fatiguée de faire preuve de souplesse pour être au top.

Apprendre à lâcher-prise. Apprendre à gérer cette frustration à laquelle je suis trop habituée, frustration de ne pas comprendre ce qui se passe autour de moi.

Je pourrais me laisser aller, mais ce n’est pas la vie que j’ai choisie, pas d’être en recul, isolée.

Il faudrait que l’effort vienne de l’autre côté aussi, que les situations soient moins compliquées, plus simples.
Je suis bien consciente que les gens qui m’entourent n’ont pas forcément conscience de l’effort qui est fait tous les jours, qu’ils n’ont pas conscience que c’est bien plus subtil que cela, que la surdité est un handicap sournois qui peut t’isoler très vite.

Je ne citerai pas Desproges, mais ma moitié me dit que « C’est pas pour me vanter, mais à mon avis, février ne passera pas l’hiver ».

Prioritaire ou pas ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 mars 2016

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J’ai une carte qui me permet de demander un accès prioritaire aux places assises dans les transports.

Je ne l’avais jamais utilisée jusqu’à ce que j’aie des vertiges. Je suis toutefois gênée de l’utiliser car je juge que mon état de santé ne nécessite pas toujours l’utilisation de cette carte.

Je suis consciente que d’autres personnes en situation de handicap en ont davantage besoin que moi.

Il m’arrive de la sortir dans le RER, pour justement éviter toute possibilité que mes vertiges puissent s’incruster dans ma vie, ils sont sournois ceux-là. Ils préviennent pas quand ils viennent. Je peux juste essayer de limiter la casse.

Ce matin est un des matins, où les gens sont en mode « j’ai rien entendu, j’ai rien vu ».

Écouteurs vissés sur les oreilles, carte de couleur vive secouée avec la formule de politesse qui va bien avec.

Les gens ne réagissent pas malgré tout cela. Parfois je me demande si je parle assez fort, mais souvent j’ai beau parler plus fort que la plupart du temps, que nenni. Bien concentrés sur leur téléphone. À noter que la demande se fait exclusivement sur les places marquées d’un petit cœur.
Il arrive aussi que les gens réagissent autour des places réservées, étant solidaires avec moi. Oui, ça arrive. Et heureusement !

Il m’est toutefois arrivé qu’on me réponde « allez demander au monsieur à côté » alors que j’étais sur les places spécifiques. J’étais tellement estomaquée par ma réponse qu’on m’avait faite que j’en suis restée pantoise.

Il m’est arrive de ne pas être aimable, et bizarrement je trouve que ça marche mieux, mais ça me gêne de renvoyer cette image de personne handicapée pas aimable. C’est bête je trouve.

Il m’arrive de ne pas demander, parce que les personnes (femmes enceintes, femmes avec enfants en bas âge ou personnes âgées) qui y sont en ont besoin elles aussi.

Il m’arrive de faire des voyages comme tout le monde, sans rien demander à personne, heureusement.

Chaque matin est différent.
Chaque jour, je découvre des choses que je pourrais partager, mais c’est bien souvent des incivilités…

Déjeuner avec soi-même 

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 mars 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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L’heure du déjeuner est censée être un moment de détente pour tout le monde.

Ces derniers temps, c’est devenu un moment pénible pour moi. J’ai de plus de plus de mal à suivre les conversations. Bien souvent, j’acquiesce de façon à rassurer la personne et je n’ai pas forcément compris.

Je ne le dis pas forcément à chaque fois. Ce serait trop pénible. Pour elle, pour lui, pour eux, pour moi.

Je me joins la plupart du temps à un groupe de collègues charmants, drôles et dynamiques. Jusqu’à présent, ça ne m’avait pas dérangée de les suivre, d’interpeller par moments quand je ne comprenais pas certaines conversations en expliquant à chaque fois pourquoi je ne comprenais pas.

Une chose est certaine, c’est qu’on ne parle pas la bouche pleine, c’est important de le dire !

C’est plus agréable pour la personne sourde de voir ses lèvres sans marchandises autour, et pour celui qui entend d’avoir un son plus audible.
J’ai toujours pris soin d’avoir une personne de confiance avec moi afin de pouvoir lui demander de me répéter certaines choses. Je fais attention à ce que ce soit pas toujours la même personne tous les jours pour que cela ne devienne pas pénible.

Le souci est que les cantines, les restaurants sont des lieux qui sont bruyants, je devrais prendre la mesure du bruit dans chacun de ces lieux. Et voir quel est le niveau sonore, je pense que plus d’une personne serait étonnée de voir un tel niveau sonore chiffré en décibels.
J’essaie de me réserver un petit moment après manger quand j’ai encore un peu de temps avant de retourner au bureau, d’aller marcher, prendre l’air, couper avec ce flot de paroles pour justement revenir ressourcée. Celui qui veut m’accompagner est le bienvenu mais c’est à lui de s’adapter à mon moment personnel.
Quand je refuse de déjeuner avec un groupe, cela surprend.

« Ah bon, tu veux pas venir avec nous ? »
« Tu n’aimes pas le resto -remplir avec le type de nourriture- »
« Tu boudes ? »

Non, je boude pas,
Non, j’ai pas toujours envie de faire l’effort de comprendre,
Non, j’aime tout type de nourriture,
Non, je ne veux pas être rabat-joie avec mes remarques et mes rappels à l’ordre.
Non, je voudrais juste profiter de ce moment comme tout le monde.

Oui, il m’arrive d’aller manger avec des personnes qui ont la même problématique que moi, et ça devient un moment plus convivial. Manger avec quelqu’un qui fonctionne comme moi, avec un peu de français signé pour soulager la compréhension. C’est un moment si j’ose dire, salutaire.
Oui, il m’arrive aussi de manger toute seule. Et il ne faut pas être choqué par la volonté de vouloir être seul. On vit dans une société où tout est connecté.

De profiter de ce moment pour me reposer, penser à autre chose qu’à ces moments qui peuvent être parfois pesants, où tu te retrouves au milieu d’un groupe et ne rien comprendre aux conversations parce que trop de bruit, pas assez de lumière, parce que les gens n’articulent pas assez, parce qu’ils ne regardent pas forcément dans ton sens, ou simplement la tablée est trop nombreuse…

L’heure du déjeuner doit être un moment de détente pour tout le monde.

Boule à facettes… 

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 mai 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/boule-a-facettes/

Les vertiges font partie de la catégorie des choses qui peuvent être handicapantes et qui ne se voient pas. On peut toutefois, mettre des stratégies en œuvre pour que cela ne soit pas le cas.

Il y a plusieurs types de vertiges, il y a les vertiges paroxystiques bénins, les vertiges de la maladie de ménière, et il y a les vertiges dûs à des cellules de l’équilibre qui meurent prématurément. Attention, je n’écris pas ça pour me plaindre, c’est un constat. Ce sont des choses qui arrivent.

Dans l’oreille interne, nous avons des cristaux dans les rochers (oui ! On a des rochers). Quand ces cristaux se déplacent et ne sont pas au bon endroit, les vertiges sont provoqués. 

Le diagnostic

L’oreille interne a des cellules de l’audition et de l’équilibre, ce que je ne savais pas jusqu’à il y a peu. Il aura quand même fallu plusieurs mois, plusieurs traitements, plusieurs spécialistes (toutes catégories confondues en passant par les médecines parallèles aussi, oui aussi !) pour déceler la source du problème.

Une partie de mes cellules de l’équilibre sont mortes prématurément. On pourrait penser qu’il y a possibilité qu’elles se régénèrent mais non. Avec cette perte d’un côté, cela a provoqué un déséquilibre comme si je sortais d’un manège de la foire du Trône. Quand j’ai une crise, c’est cadeau !

Depuis que le diagnostic a été posé, il est déjà plus facile d’envisager le quotidien de manière différente et positive.

Les vertiges ne se voyant pas forcément quand on est pas en pleine crise, ce n’est pas toujours évident d’expliquer aux gens. Quand une crise apparaît, je suis incapable de faire quoi ce soit, j’ai mal au cœur, je sais que je ne vais pas arriver à stabiliser ma vision avant un petit laps de temps qui peut durer 5 à 10 minutes voire plus.

La rééducation

L’équilibre est énormément compensé visuellement. Je fais de la rééducation vestibulaire comme les personnes âgées qui sont tombées et qui réapprennent à gérer leur équilibre ou comme les bébés qui commencent à marcher. Je tombe et je me relève.

Ma rééducation vestibulaire consiste à plusieurs exercices, j’en cite quelques-uns : suivre ce petit koala assise sur une chaise qui tourne et faire en sorte que le fond visuel qui bouge ne me gêne pas, les pieds sur une plate-forme instable, soit les yeux fermés et rester en équilibre, soit arriver à regarder les points de la boule à facette qui bouge et rester en équilibre. Vous pensez bien que non, j’ai pas la conso offerte comme en boîte de nuit ! 🙂

Ces exercices permettent d’apprendre à compenser ce déficit, mine de rien, c’est fatiguant. C’est comme si vous aviez essayé de marcher sur un fil de fer suspendu dans le vide sans tomber pendant 45 minutes.

La convalescence

Pendant ma convalescence, mon kinésithérapeute m’a conseillé de sortir en plus des 3 séances imposées par semaine, de bouger la tête lentement et marcher et de regarder ce qu’il y avait autour de moi. J’essaie de programmer ces sorties de manière à ce que ce soit pas trop épuisant. Car chaque sortie occasionne un temps de repos de 1h à 2h pour pouvoir récupérer des efforts.

Je redécouvre Paris. Je vous en reparle bientôt. Chaque jour est de mieux en mieux avec parfois des rechutes où je n’ai plus d’énergie pour bouger.

Je remercie les personnes qui m’entourent au quotidien, qui m’encouragent que ce soit par réseau social ou par sms, c’est important aussi pour moi de le dire, c’est aussi une source d’énergie. Je suis plutôt impatiente de revenir à une vie normale. Un peu trop impatiente. Mais je sais que je vais y arriver.

La patience est vertu…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 29 juin 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/la-patience-est-vertu/

La patience est vertu mais aussi frustration ! Sentiment que j’ai aujourd’hui, je dois être patiente par rapport à l’évolution de mon état de santé. Mes vertiges ne sont pas réapparus depuis 3 semaines, c’est un bon point par contre ayant perdu l’équilibre d’un côté, une grande fatigue est présente.

Je continue à faire des séances de kiné vestibulaire, ça s’améliore à chaque séance ! C’est une bonne chose. Il y a encore quelques photos de #salledattente en vue sur instagram à venir… 😉

Néanmoins les cervicales n’aiment pas ces séances car il faut compenser, gérer les muscles et l’équilibre. Par moments quand je tourne la tête, j’ai droit à une petite décharge électrique dans le haut du dos ou dans le haut des épaules pour me rappeler à l’ordre. Je dirai que c’est juste un mauvais moment à passer, que tout va rentrer dans l’ordre, c’est obligé ! #positiveattitude

La fatigue est dûe au fait que je passe beaucoup de temps à compenser ce déséquilibre mais aussi cette baisse d’audition et elle est trop présente à mon goût. Mon appareillage n’est pas encore réglé pour compenser la perte que j’ai eue, du moins pas encore car les rendez-vous sont très longs (quasiment 2 mois pour avoir un rendez-vous).

C’est comme si vous étiez enrhumé et que vous aviez une oreille de bouchée mais pas l’autre. J’en suis à devenir beaucoup un peu dingue car je n’entends plus les voix d’un côté. C’est déstabilisant je trouve, je ne me sens pas prête à perdre l’ouïe complètement. Je suis obligée de penser en plus de cette compensation permanente à me mettre du bon côté de mon interlocuteur.

Quand c’est mon fils, c’est un peu compliqué, car il ne comprend pas forcément cette perte d’audition bien qu’il soit habitué à ce que je le lui répète.

J’ai toutefois réussi à faire quelques déplacements sans soucis, je suis intervenue au Forum Européen de l’Accessibilité 2016 organisé par Braillenet ainsi que quelques sorties. Je reviendrai dessus dans un autre billet. Pour vous, ce n’est peut être pas grand chose, mais ce sont des petites victoires personnelles. Rares sont les journées sans avoir à s’écrouler de fatigue.

Dès que je me sens d’attaque, j’ai le naturel qui revient au galop (qui a dit qu’on changeait ?), je me remets à faire des choses que je faisais avant mes crises de vertiges. Et là, je me rends compte que je le paie très cher le lendemain, au point d’avoir une fatigue immense de ne plus être capable de bouger.

Ce week-end, j’ai jardiné pour mon plus grand plaisir avec le soleil qui se prier, avant-hier a été un jour de grande fatigue, un jour « sans ». Le prix à payer.

À petits pas, j’avance.

Tomber pour mieux se relever. #mantra

J’ai tellement de choses à écrire, à dire, à partager, que je ne sais pas par où commencer. Mes photos et mon carnet de notes papier sont ma mémoire ces temps-ci pour pouvoir mieux me concentrer et aller à l’essentiel.

J’ai fait ma rentrée aussi  …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 septembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/jai-fait-ma-rentree-aussi/

Après avoir été arrêtée plus de 6 mois à cause de mes vertiges et autres conséquences, j’ai repris le chemin du bureau à mi-temps depuis le 30 août.

Ce matin, je me suis réveillée avec cette sensation de vide, de fatigue extrême bien que j’aie dormi plus de 8h la nuit et des grandes siestes ce week-end. C’est une impression difficile à expliquer.

Je me suis dit que j’allais tenter un trajet comme avant, avant cette période de vertiges. Je suis montée dans le bus qui n’était pourtant pas si plein. Point de place assise, je me cale dans un coin où j’ai de la stabilité. Sans trop de mal je fais mon trajet.

Arrivée au rer, un flot de personnes devant moi marche. Je prends sur moi. Je me dis que ça va aller. Je monte sur le quai déjà bien noir de monde. J’arrive à me faufiler près d’une porte avant l’arrivée du rer. Je respire. Il arrive. Il est vide comparé au monde qu’il y a à quai.

Je monte, je demande à avoir une place réservée car je sais que je ne tiendrai pas le trajet.

Le train démarre.

Je suis à une fenêtre.

L’horizon se profile avec un soleil qui rase la cime des immeubles et des arbres. Le train s’éloigne de ma gare. La brume apparaît au loin devant le ciel bleu azur si pur.
Je me rends compte que j’ai bien fait. Ma fatigue n’est pas imaginaire.

Le train s’est engouffré dans un tunnel abandonnant tout ce bleu azur, cette brume à un paysage tout noir.

J’ai fermé les yeux lasse de cette période pénible. Une larme s’est échappée.

Remettre en question sa surdité

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 septembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/remettre-en-question-sa-surdite/

Après tous ces mois à essayer de compenser ma perte d’équilibre, je me rends compte en mars dernier que mon audition est un peu bizarre, différente. Les sons que je perçois d’habitude ne sont pas les mêmes.

Grosse angoisse au fond de moi. Je ne veux pas que ça change. Ne pas sortir de ma zone de confort que je suis en train de recréer en prenant compte mes crises de vertiges et ma perte d’équilibre.

Dans le doute, je demande à faire vérifier mes appareils par mon audioprothésiste, première chose qu’elle fait : les envoyer en réparation avant expiration des 2 ans de garantie des appareils.
Une semaine de réparation pour chaque appareil envoyé l’un après l’autre pour éviter que j’entende plus rien pendant une semaine.
Cette période est difficile pour moi, entendre que d’un seul côté, surtout en période de crises de vertiges. Je prends mon mal en patience. Tout va rentrer dans l’ordre.

Une fois les appareils remis à neuf, les sons sont toujours différents.
Cette différence se renforce avec le temps qui passe. Peut être que mon audition a baissé ? Je ne sais pas, c’est différent. Pas d’impression de stéréo.

Je reprends un nouveau rendez-vous avec l’orl pour faire un bilan sur le traitement, ça évolue dans le bon sens pour les vertiges. Je lui demande un nouvel audiogramme.
Ce dernier n’ayant pas les précédents audiogrammes n’a pas de moyen de comparaison. Je regarde la courbe, je la trouve différente par rapport à d’habitude. Je lui fais la remarque. Il me dit que si mon audition a changé et que cela continue à descendre, il faudrait envisager l’implant cochléaire. J’encaisse l’information sans rien dire.

Au fond de moi, je me dis que ça va aller, je minimise la situation.

Je dîne avec deux amies dans un restaurant plutôt bruyant et je me rends compte que je n’y arrive pas alors qu’habituellement je m’en sors pas trop mal. Cette fois-ci, c’est pas pareil.

Je retourne voir mon audioprothésiste car je vois bien que je n’entends plus les voix d’un côté et la communication est bien plus difficile que d’habitude. Quand mon mari m’appelle dans la maison, je ne l’entends plus, j’ai du mal à accepter ce changement, je me persuade que c’est juste un problème de réglage. Je lui explique ce qui m’amène, nous refaisons un audiogramme.

Elle me confirme que oui il y a une perte importante et que mes appareils auditifs sont eux aussi limités en puissance. Elle règle tout de même mon appareil de façon à ce que je puisse récupérer un peu en augmentant la puissance de ce dernier.

Qu’est ce qu’un implant cochléaire ?
C’est une sorte de super appareil puissant. Cela nécessite une intervention chirurgicale qui consiste à insérer des électrodes dans la cochlée de manière à simuler le nerf auditif. Ces électrodes seront reliées à un implant aimanté qui sera fixé à proximité de l’oreille sur le crâne.
La prothèse simulera les électrodes par le biais de l’aimant. Les sons seront restitués par signaux électriques au cerveau. C’est mon explication, elle est peut-être pas tout à fait correcte.

C’est peut être anodin pour vous mais pour moi, c’est toute une vie consacrée à entendre avec des appareils qui s’effondre. Je craque. Je suis en larmes. Je ne peux pas concevoir ma vie dans le silence bien que je puisse l’apprécier de temps à autre.

C’est vrai, il n’est pas question de mort ici, mais faire le deuil de cette audition, que j’ai exploitée au maximum autant que je le pouvais, est plutôt difficile. J’ai bien vu les résultats positifs de l’implant cochléaire sur les autres personnes sourdes, mais  jusqu’à présent je considérais que je n’étais pas concernée et que même si je devais me poser la question, c’était non.

Finalement, on trouve toujours quand les nouvelles technologies sont bien sûr les autres mais on ne pense jamais à se remettre en question, ou à se l’appliquer à soi.

Aujourd’hui, le temps a passé. Je dois me poser la question de ce que je fais.
Est-ce que je passe ce cap que j’avais toujours refusé jusqu’à présent puisque j’avais une bonne récupération avec les appareils, je n’en ressentais pas le besoin.

Il arrivera fatalement le jour où mon appareil ne pourra plus me restituer les sons du côté droit car mon audition baisse. Je ne veux pas perdre la mémoire des sons que j’ai connu, je ne veux pas que ça change. Je veux que tout reste comme avant, mais hélas non.

Je commençais à relever la tête après tout ce temps passé à soigner les vertiges et ma perte d’équilibre. J’ai parfois l’impression de retomber au fond d’un trou sans fin, je sais que je rebondirai comme toujours.

Il est temps d’entamer une réflexion par rapport à l’implant cochléaire. Les questions se bousculent dans ma tête, et si, et si…

Un nouveau cap à passer

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 octobre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Il y a presque un mois, je remettais la gestion de ma surdité en question. J’ai passé ce cap en me posant pas mal de questions sur l’amélioration de l’ouïe, d’une meilleure compréhension et qualité de vie sans prendre trop de risques. J’ai encore des questions, mais je compte bien mûrir davantage ma réflexion.

Ce que je sais au fond de moi, c’est que je suis en souffrance parce que je me rends bien compte que je ne m’habitue pas à ce manque de repères auditifs. Communiquer m’est fatiguant et pénible depuis que j’ai perdu l’audition de l’oreille droite.

Je comprends moins de la moitié des conversations, ce serait plutôt un tiers maintenant malgré le fait que mon cerveau soit plutôt bon dans ce qu’il fait. Non, je ne me lance pas de fleurs, quand on est sourd, le cerveau est un outil formidable quand on a appris à bien s’en servir. Notre cerveau fait l’auto-complétion des conversations à trous. D’ailleurs, j’adorais les dictées à trous quand j’étais petite, un vrai jeu pour moi !


Aujourd’hui, les conversations à trous, je n’y arrive plus. Je les redoute même, car je sais que ça va me demander beaucoup trop d’énergie.

J’ai lu beaucoup de témoignages sur internet, rencontré des personnes qui m’ont fait part de leur expérience d’implantation cochléaire qu’elle soit unilatérale ou bilatérale. Je les en remercie vivement ici, elles se reconnaîtront. Sans vous, je n’aurais pas pas passé ce cap malgré la peur qui peut me terrifier au fond de moi, avec mes et si…?

Je fais bonne figure, mais je crois que je n’en mène pas large. La peur de l’acte. La peur du résultat. La peur de rester définitivement dans le silence. Je me fais violence, surtout après tous ces mois traversés.

Je suis consciente que l’implant cochléaire peut faire peur par le port du processeur, de l’aimant posé sur la surface du crâne, les électrodes posées dans la cochlée, etc… La liste est longue, j’y reviendrai.

Il y a 30 ans, avoir peur de l’implant cochléaire, c’était compréhensible, aujourd’hui, ils ont fait énormément de progrès. Les techniques opératoires, l’hospitalisation et le suivi sont mieux maîtrisés. J’ose espérer.

Avoir l’esprit positif est toujours plus avantageux. Reculer pour mieux sauter.

J’ai sauté le pas avant Paris Web.

J’ai rencontré une chirurgienne sympa, humaine et sérieuse qui m’a confortée dans ma décision. La date d’implantation est pour fin novembre. Oui, c’est rapide, mais je suis du genre à prendre ma décision et la tenir.

Le compte à rebours a commencé il y a maintenant un mois.

Je n’ai plus de vertiges, je m’autorise à revivre normalement même si je suis encore à mi-temps professionnellement. Cela me permet de pouvoir récupérer et d’être plus efficace au bureau mais aussi au quotidien, je l’espère !

Parfois, je me dis que je ne devrais pas écrire tout ce que je ressens mais je me rends compte qu’à travers les témoignages que j’ai lus sur internet m’ont permis de faire évoluer ma réflexion et d’appréhender cette peur qui est inévitable malgré tout.

Quand je vois le résultat chez les personnes qui ont passé ce cap, je les envie malgré tout le travail qu’il peut y avoir derrière. De voir ce qu’elles ont pu récupérer au niveau du confort de l’audition. Je les envie.

Quand on passe le cap de l’implant cochléaire, il faut savoir que la cochlée est définitivement détruite. Il n’est plus possible d’utiliser un appareil auditif, car c’est grâce aux électrodes qui sont introduites dans la cochlée et simulées par un processeur qui ressemble à un appareil auditif. C’est un aller sans retour pour le son.

L’audition avec une prothèse auditive comme celle que j’ai aujourd’hui, n’est pas la même avec un implant cochléaire. Il faut comprendre qu’on supprime tous nos repères auditifs pour en créer des nouveaux.

L’avantage que j’ai, c’est que j’ai passé ma vie à stimuler mon audition avec les appareils. Mon cerveau est habitué à traiter de l’information sonore. Il y aura juste un temps d’adaptation qui peut être aussi bien rapide que lent. J’ai bon espoir.

Sur ce, je retourne à ma réflexion… tout en essayant des choses comme la calligraphie, la couture, le tricot pour essayer de rester calme et zen.

Je m’appelle Delphine,
je suis entendante…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 octobre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Une fois n’est pas coutume sur Vis ma vie de sourde, je vais vous proposer le point de vue d’une entendante. Delphine est une amie que j’ai rencontrée à Paris Web (la conférence la plus accessible !) et elle m’a envoyé ce témoignage. Son écriture m’a émue, il fallait que je le partage — Sophie

 

Je m’appelle Delphine. Je suis entendante. J’ai rencontré Sophie il y a quelques années et j’ai eu accès, grâce à elle, à un monde que je ne connaissais pas du tout : celui des sourds.

La côtoyer, tout comme lire son blog, est une grande chance pour moi car je réalise des choses auxquelles je n’aurais pas pensé seule. Je vois ce que je n’aurais pas vu autrement : en plus des situations de handicap évidentes, toutes les « petites » frustrations, tous les « petits » tracas.

Je n’ai donc aucun problème de surdité, aucun handicap, pas de gros problème de santé. Pourtant, ces derniers jours, j’ai beaucoup pensé à Sophie et à ces « petits » tracas et j’ai voulu, via ce billet, apporter un témoignage bien pauvret et bien peu comparable à ce que vit Sophie mais qui fait un parallèle.

Depuis quatre jours, j’ai perdu ma voix (une laryngite, rien de bien grave). Du coup, depuis quatre jours, je chuchote pour parler, voire ne parle pas du tout et écris ce que j’ai dire à mon homme via Skype (de toute façon, je suis une grosse geek flanquée d’une grosse paresseuse, ça me convient plutôt bien !)

Mais ce que je n’avais pas imaginé, c’est que cette situation a légèrement compliqué ma communication.
Déjà, je suis restée en télétravail tout ce temps parce que, d’expérience, aller bosser sans voix est pénible pour tout le monde. Pas de souci, j’ai pu communiquer avec mes collègues par e-mail et messagerie, comme habitude.

Sauf qu’il y a certains messages que je préfère faire passer en direct.
Cette fois-ci, ces messages ont été soit attendus, soit un peu plus laborieux par écrit. Je pense même avoir fâché une de mes collègues et j’attends de pouvoir parler de vive-voix avec elle pour mieux me faire comprendre.
Je suis donc momentanément privée d’un moyen de communication, direct, fluide et très relationnel.

Ce midi, j’avais un rendez-vous qu’une amie a mis des semaines à organiser avec un ancien prof de lycée. Je me faisais une grande joie de ces retrouvailles… mais j’appréhendais beaucoup de ne pas pouvoir participer comme je voulais, poser les questions que je voulais, etc. En discutant avec un ami, je lui ai dis « Ahh, si on apprenait tous la LSF ça m’aurait été bien utile ». Une fois encore, les dispositifs mis en place pour l’accessibilité peuvent être, et sont bien souvent, utiles à tous.

À la maison, mon ami fait attention à moi : il se rapproche quand je veux parler et sait très bien que je ne peux que chuchoter.
Malgré ses efforts, j’ai réalisé qu’il fallait qu’il me fasse face pour que je puisse lui parler. Continuer une conversation, comme j’ai l’habitude de le faire, alors qu’il est occupé à faire la cuisine ou en train de repartir n’est plus possible. C’est là que j’ai pensé à Sophie.

Et puis, j’y ai repensé hier soir. Troisième jour sans voix. Et bien, je ne me rendais pas compte, mais tous ces petits moments où j’ai dû courir après quelqu’un pour finir ma phrase, faire signe à la personne pour qu’elle me regarde pour que je puisse parler, répéter ce que je venais de dire avec grand effort alors que je suis fatiguée par ma journée… et bien tous ces petits éléments, ces petites contrariétés de rien du tout, ont été pesantes, usantes, et j’ai finis par être un peu irritable ce soir là.

Mais moi, ça sera fini dans quelques jours.

Voilà. Je suis bien consciente que je fais un parallèle sur bien peu de choses, mais c’est surtout le soir où j’ai été facilement colérique qui m’a fait réaliser à quel point cela doit être frustrant de devoir faire des efforts pour communiquer, devoir répéter alors qu’on est dans un contexte déjà usant, se priver de quelques phrases, quelques commentaires parce qu’on se dit que ça ne vaut pas l’effort à faire ; se priver, parfois, de moyen de communication qu’on trouve pourtant le plus adapté…

Encore une fois, sans connaître Sophie ni son blog, je n’aurais pas su que cette petite expérience était un pas de plus pour comprendre — non pas ce que vivent Sophie et les sourds au quotidien — mais comprendre un tout petit peu plus, pour avoir expérimenté moi-même un tout petit — tout petit — peu une partie.

Aller simple pour le son : l’étape orthophonique

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 octobre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Il y a deux mois, je remettais en question la gestion de ma surdité, il y a un mois je prenais la décision de me faire poser un implant cochléaire.

Certains d’entre-vous ont vu des photos passer sur les réseaux sociaux, je viens donner des nouvelles ici. J’ai passé 2 journées remplies de rendez-vous à l’hôpital pour compléter mon dossier pour mon implantation.

Ma réflexion a été riche mais c’est devenu une évidence pour moi : j’ai choisi de faire une double implantation. C’est certes atypique. J’y reviendrai à l’occasion. N’hésitez pas à me poser des questions dans les commentaires ou par le biais du formulaire de contact, j’y répondrai.

Une orthophoniste a évalué ma gêne au quotidien mais aussi ma capacité à comprendre.

À mon arrivée, j’ai rempli un questionnaire avec des interrogations sur la vie quotidienne qui m’ont fait tiquer un peu, j’ai cru un instant que je m’étais trompée de personne pour mon rendez-vous, ça ressemblait beaucoup plus à un test psychologique qu’à un test orthophonique. Ce questionnaire mettait l’accent sur la peine qu’on pouvait avoir avec une surdité, mais ce n’est pas le cas quand on est sourde de naissance.

J’ai également eu un test de mots cachés qui correspond à un listing de mots, de phrases et des mots courts à 2 syllabes. C’est un test que l’orthophoniste lit la liste de mots avec une feuille devant la bouche.
Sachant que je n’entends pas et que je me sers beaucoup de la lecture labiale. Ces tests n’ont pas ma préférence, car on se rend très vite compte qu’on entend pas et les efforts sont doubles !

On se sent mis en échec, je suis consciente que ce n’est pas l’objectif premier de l’équipe d’implantation de mettre les gens en échec avec ce type d’exercices. C’est vraiment pour évaluer la compréhension et refaire le test une fois qu’on a été implanté, tout ceci dans le but de voir la progression de compréhension.

On a refait le test sans les appareils mais avec la lecture labiale à l’appui.

Ça n’a pas été évident car parler sans voix change toute la forme de nos lèvres. La lecture labiale est différente car on ne prononce pas de la même manière puisqu’on fait l’effort de parler sans son et surtout spontanément on articule plus ou moins selon les personnes.

Je le lui ai fait remarquer en lui disant, elle en a bien tenu compte puisqu’après elle a parlé normalement sachant que moi j’avais enlevé mes appareils. 😉 Ma courbe d’audition a permis à l’orthophoniste de parler normalement car je n’entends pas la voix quand je n’ai pas mes appareils. J’arrivais à communiquer avec que la lecture labiale.

C’est fou comme on voit ces différences, l’œil et le cerveau sont des organes qu’on peut rééduquer bien plus qu’on le pense.

Et enfin, terminer ces tests avec les appareils et la lecture labiale, je me suis retrouvée dans mon élément, c’était bien plus confortable !

Je sais que dans les mois à venir ma lecture labiale va être davantage sollicitée car j’aurai une période où je n’aurai pas d’audition, à minima 3 semaines. Le temps de la cicatrisation, mais aussi le temps de maîtriser cette nouvelle audition qui sera bien différente de celle que j’ai, sans compter les fréquences que je n’aurai jamais entendu avec mes appareils auditifs qui ne sont en fait que des amplificateurs de son.

Ça va être une nouvelle étape dans ma vie sonore.

Réapprendre à entendre,
réapprendre à identifier chaque son,
réapprendre à gérer ce monde sonore qui doit être bruyant.

C’est paradoxal, une personne qui entend bien souvent rêve de silence, je crois. Quant à moi, je rêve de sons, je sais que je pourrai me réfugier dans ma bulle quand le besoin se fera ressentir suite aux efforts qui seront fournis.

#newSophie

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 2 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/newsophie/

Depuis que j’ai annoncé que j’entamais les démarches pour une implantation cochléaire et bilatérale (des deux oreilles), je cherchais un hashtag car j’en parle sur les réseaux sociaux.

À court d’idées ces derniers temps, mon cerveau est un peu monopolisé par ma décision. Alors j’ai posé la question sur mon compte twitter et quelques amis m’ont proposé des hashtags tous intéressants mais j’en voulais un court, simple et efficace : j’ai eu un coup de cœur pour #newSophie. Merci à toi de m’avoir suggéré un hashtag, ce n’était pas une mince affaire 🙂

Ce hashtag #newSophie me servira quand j’en parlerai comme ça, je pourrai m’y retrouver dans mes archives mais il permettra aussi à ceux qui me suivent de comprendre de quoi je parle. J’ai décidé d’en parler car mon expérience pourra servir à d’autres personnes qui pourraient faire cette même démarche. Il y a trop peu de personnes sourdes de naissance qui se sont exprimées à l’heure actuelle sur ce sujet d’implantation bilatérale en une fois. J’ai cette impression même si au fond de moi je sais qu’il y en a qui sont passés par là mais qui ne se sont pas exprimés publiquement.

Ce soir, j’ai utilisé mon imprimante qui peut découper du vinyl pour mettre un peu de gaieté sur mon dossier médical avec un autocollant comme mon hashtag #newSophie. Ca me permettra de le retrouver plus facilement dans mes papiers aussi. Joindre l’utile à l’agréable.

Ces derniers temps, il m’est difficile de t’expliquer ce que je vis, ce que je ressens dans mes émotions. Ce que j’écris n’est pas publiable en l’état. J’écris beaucoup pour me rappeler plus tard, pour pouvoir expliquer le moment venu et réaliser surtout. Il ne me manque plus que la formulation, les idées sont là, elles ont été couchées mais tel que c’est en ce moment c’est un peu le bordel du factuel :).

Je suis à J-15 de mon hospitalisation. Plus la date approche, plus j’ai le sentiment d’avoir fait le bon choix même si c’est un peu confus dans mon esprit à vouloir faire plein de choses avant cette date. Je sais qu’il ne me reste plus grand chose à préparer, le quotidien de l’après, les choses à faire avant. Le stress n’est pas loin. J’essaie de rester zen, faire des choses qui me permettent d’avoir une soupape.

C’est difficile de ne pas stresser parce que je ne sais pas comment ça va se passer après. C’est un peu l’inconnu pour moi.

J’ai planifié pas mal de rendez-vous personnels pour éviter de gamberger. Je fais le plein d’énergie positive pour pouvoir encaisser la période qui suivra mon opération parce que je serai dans le silence complet pendant 2 à 3 semaines.

J’ai choisi d’aller vers du mieux au lieu de rester comme j’étais et c’est une bonne chose.

Aller simple pour le son :
l’étape psychologique

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/aller-simple-pour-le-son-letape-psychologique/

Après avoir vu l’orthophoniste, je suis retournée à l’hôpital le lendemain pour d’autres rendez-vous complémentaires (je ne raconterai pas les examens complémentaires pour tester les vertiges puisque je les ai effectués il y a 6 mois déjà).

J’ai eu un rendez-vous avec la psychologue. Ce rendez-vous sert à échanger avec elle et si j’avais des questions, je pouvais les lui poser, ce que je n’ai pas hésité à faire. J’en avais fait de même avec l’orthophoniste la veille en ce qui concernait la prise en charge de la rééducation après l’opération. Elle m’avait bien confirmé qu’il fallait prendre rendez-vous dés à présent pour pouvoir programmer les séances de rééducation orthophonique.

J’ai aussi raconté mon vécu quotidien personnel et professionnel ainsi que ma scolarité pour qu’elle puisse me cerner par rapport à ma demande. 

Initialement, il était prévu d’implanter que mon oreille droite sur laquelle j’avais perdu une grande partie de mon audition mais dans ma réflexion, je suis arrivée au fait que je préférais faire les deux oreilles en même temps.

La psychologue est là aussi pour mesurer ma motivation et mes attentes afin qu’elles soient réalistes par rapport à mon audiogramme également.

Elle vérifie aussi que j’ai bien conscience du travail que ça va demander : énormément de patience et du changement de vie par rapport au monde sonore.
Elle m’a dit que j’allais entendre des bruits que je n’avais jamais entendu, et qu’il allait falloir que je passe mon temps à les identifier à nouveau et également les mémoriser.

Cet entretien m’a servi à réaliser que je passais le cap, il m’a servi aussi à réaliser que je m’étais préparée aussi bien au niveau des informations que psychologiquement.

Il est difficile de se lancer dans une telle démarche sans s’emballer et de rester réaliste sur les résultats.

Soyons réalistes : je ne serai jamais entendante.
Je suis sourde et je le resterai toute ma vie.

Questions autour de l’implant cochléaire

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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J’ai eu cette idée de rassembler les questions récurrentes de manière vulgarisée, car sur internet il y a tellement d’informations qu’il n’est pas simple de comprendre et parfois elles sont erronées.
Ce sont des interrogations que j’ai eues et que j’ai résolues soit en demandant à l’équipe médicale, soit en demandant à des personnes implantées. Je les ai écrites afin de vous permettre de comprendre en quoi cela consistait.

Qu’est-ce qu’un implant cochléaire ?

Il est composé de deux parties, dont une interne et l’autre externe.
Il y a 4 marques d’implants cochléaires, j’ai pris la vidéo de l’exemple qui me paraissait la plus simple à comprendre et en français.
Je pourrai faire une playlist youtube si cela intéresse d’autres personnes (dites-le dans les commentaires).

Transcription vidéo du fonctionnement de l’implant cochléaire (format RTF, 2ko)

Pourquoi une opération ?

Une opération est nécessaire pour pouvoir mettre en place la partie interne de l’implant cochléaire qui se situe d’une part sous le cuir chevelu au dessus de l’oreille, et d’autre part pour insérer des électrodes dans la cochlée qui simuleront le nerf auditif.
La partie externe qu’on appellera le « processeur » est un mini-ordinateur équipé d’une batterie qui va analyser les sons et les restituer sous forme électrique aux électrodes qui servent de relais au nerf auditif.

Combien de temps dure une opération d’implant cochléaire ?

C’est une généralité.
Pour l’implantation d’une oreille, il faut compter entre 2 et 3h d’opération et elle se fait désormais en ambulatoire à la Pitié-Salpêtrière.
Pour une double implantation, il faut compter 5h d’opération et c’est en séjour traditionnel à l’hôpital qui dure 3 jours dans le meilleur des cas.

Mais où est la cicatrice ?

La cicatrice est entre le pli de l’oreille et le début du cuir chevelu derrière l’oreille. On ne la voit pas après cicatrisation.

Mais tu vas entendre tout de suite ?

Non, parce que le son ne sera pas le même.
Les appareils auditifs sont des amplificateurs de son.
Les implants cochléaires sont des mini-ordinateurs équipés de processeur qui vont traiter le signal sonore perçu et le transformer en signal électrique pour ensuite les envoyer aux électrodes qui se chargeront de les transmettre au nerf auditif.
Le cerveau est capable de s’adapter à ces changements sonores mais cela varie selon de nombreux paramètres (surdité ancienne ou récente, cerveau plus ou moins cognitif, âge de la personne, etc…).
Pour accompagner ce changement au niveau du cerveau, l’orthophoniste est là pour permettre de réapprendre à décrypter ces nouveaux sons.

L’implant, c’est magique ?

Non, ce n’est pas magique.
Prenons l’exemple d’une personne qui bénéficie d’une prothèse articulée de la main : elle va d’abord apprendre à bouger la main, pour ensuite apprendre à saisir des objets et enfin les soulever, ce n’est jamais spontané avec une prothèse au début.
C’est tout un parcours de rééducation pour réapprendre différemment.
Avec l’implant cochléaire, le procédé est presque le même qu’avec une prothèse articulée.
L’implant cochléaire devient efficace à partir du moment où on prend conscience qu’il y a un travail à faire pour apprendre à s’en servir, réapprendre à entendre. Il faut que le cerveau puisse réapprendre à analyser le signal sonore qui a changé de forme. Ça peut prendre 3 mois, comme 6 mois voire un an ou plus.

Si tu changes d’avis après l’opération, tu peux remettre tes appareils auditifs ?

Non, c’est irréversible à l’heure actuelle. C’est soit l’implant cochléaire, soit le silence total.
Attention, on implante les personnes qui ont une surdité profonde ou total soit un taux d’audition de perte moyenne de 90-120 dB (source : CISIC), c’est à dire où les appareils auditifs ne font plus leur travail de restitution du son, où il n’y a plus aucun bénéfice.
Les électrodes de l’implant cochléaire remplacent la fonction des cellules cillées de la cochlée. (Oui, nous sommes poilus jusqu’au bout de la cochlée 🙂 ) ces « poils » dans la cochlée sont les cellules cillées (des cils) qui permettent de transmettre le son au nerf auditif.
Il y a une étude scientifique sur la regénération des cellules cillées depuis quelques années déjà, mais je n’en sais pas plus.

Mais pourquoi tu vas être dans le silence ?

Il y a un délai de cicatrisation.
Il n’est pas possible de poser une prothèse sur un endroit qui est en train de cicatriser pour deux raisons : l’hygiène de la cicatrisation et enfin la sensibilité de cette zone à supporter quelque chose à cet endroit.
Pour une bi-implantation, l’équipe chirurgicale essaie de réduire le délai de silence entre 15 jours et 3 semaines.

Mais à quoi servent tous ces examens ?

Les examens comme l’IRM et le scanner servent à voir l’état de la cochlée mais aussi l’emplacement des nerfs pour pouvoir trouver le meilleur chemin (trajectoire entre le nerf facial et gustatif) pour passer les électrodes.
Les examens de vertiges servent à vérifier l’état de l’équilibre et prévenir d’éventuels vertiges suite à l’opération.
Le bilan orthophonique, je l’ai expliqué dans mon billet ainsi que le bilan psychologique.

Le son passe-t-il toujours par ton oreille ?

Non, c’est le processeur qui va interpréter le son pour le transmettre de manière électro-magnétique à l’implant cochléaire qui est situé sous la peau qui lui va envoyer le signal au nerf auditif par le biais des électrodes placées dans la cochlée.

Est-ce que tu vas entendre mieux ?

Je ne sais pas encore à l’heure actuelle. Je ne le saurai que dans quelques mois.

N’hésitez pas si vous avez d’autres questions ! 🙂

La peur

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 15 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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La peur est un sentiment humain, mais elle peut aussi te paralyser voire même prendre le dessus sur ce que tu ressens.

Je n’ai pas peur de l’opération elle-même,
Je n’ai pas peur de l’implant cochléaire, j’ai confiance,
Je n’ai pas peur des suites post-opératoires comme la douleur, je sais que c’est bien géré aujourd’hui.
J’ai totalement confiance en l’équipe chirurgicale, ils sont totalement à l’écoute.

Par contre, j’aurai peut-être peur quand je serai à l’hôpital car je serai sur place, ca deviendra réalité. J’appréhende aussi le départ au bloc, je sais que c’est un moment qui est fort émotionnellement. C’est un moment qui te fait prendre conscience que c’est le début d’une nouvelle aventure.

J’ai peur de l’inconnu qui m’attend après. Je sais que c’est comme sauter dans le vide et ignorer si le filet en bas tiendra le choc. L’image n’est pas la bonne car je ne mets pas en danger ma vie. Mais il y a une grande partie de cette métaphore.

Personne ne m’a garanti quoi ce soit avec les implants.
J’ai pris un ticket aller pour le son, mais jusqu’à quel niveau sonore je pourrai récupérer, je ne le sais pas encore.

Pas de place pour l’espoir.

Difficile de ne pas espérer alors que j’essaie d’informer et rassurer les personnes qui m’entourent.
Ce n’est pas une grosse opération en soi. elle peut se faire en ambulatoire quand c’est qu’une seule oreille. Dans mon cas, je rentre la veille de l’opération et je ressors le lendemain car les effets de l’anesthésie sont importants malgré les 5 heures d’opération avec en plus 2h en salle de réveil.

J’essaie aussi de prévenir qu’il y aura :
– une période de silence total puisque je serai opérée des deux oreilles,
– une période difficile car le son étant différent de celui que j’ai connu, il faudra que je réapprenne à entendre,
– un temps où je ne serai pas opérationnelle tout de suite, je vais un peu ramer pour comprendre et faire pas mal répéter,
– moins de rencards à plusieurs pendant cette période pour pas être frustrée dans ma compréhension.

Je n’ai pas peur. Cette étape est plus facile à passer une fois qu’on a vaincu la peur.

La semaine dernière, c’était mon anniversaire et j’ai vraiment savouré cette semaine-là pour emmagasiner toutes les ondes positives.
Et surtout, je sais que je suis soutenue par mon mari (qui en entend parler tous les jours, oui, faut pas se leurrer il encaisse beaucoup lui-aussi <3) et mon fils, mes parents, mes proches, mes collègues et plein de personnes formidables,  ça m’est précieux !

La veille du début de ma nouvelle vie sonore

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 16 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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À la veille de mon opération, je suis plutôt sereine. Mon sommeil a été agité avec une insomnie en milieu de nuit en début de semaine. La nuit dernière, j’ai dormi comme un bébé. Je me suis impressionnée toute seule.

Je réalise que c’est demain jeudi 17 novembre que je me coupe de ce monde sonore que je connais avec mes appareils auditifs depuis ma naissance. Ça me fait drôle, quand j’y pense j’ai limite la boule dans la gorge, les larmes aux yeux.

Ma journée d’hier a consisté à enregistrer tous les sons possibles dans ma mémoire pour éviter ce silence et pouvoir réapprendre à reconnaître ces bruits, le bruit du métro qui roule dans les tunnels, l’annonce automatique des noms des stations, le couinement de l’ouverture des portes, le bruit du vent dans les couloirs à nation (les parisiens comprendront), le bruit du papier des gâteaux pim’s quand je mets ma main dedans.

J’avais remis mon appareil de l’oreille droite et changé les piles des deux appareils auditifs au cas où, pour ces derniers jours en tant que personne sourde appareillée. Je me rends compte que j’entends rien. Il me sert à rien. Que les bruits sont faibles voire étouffés.

J’ai déjeuné avec des collègues que j’apprécie beaucoup, simplement parler de tout et de rien. Juste ce qu’il me fallait pour cette sortie d’hier, même si j’étais fatiguée par ma gastro de dimanche.

J’ai fait le plein de bonnes ondes pour les semaines difficiles à venir. J’en ai déjà beaucoup autour de moi, et ça me touche énormément.

Je me rends compte que j’ai déjà hâte d’être à l’après. Étrange coïncidence, je n’ai pas peur, je sens que je suis prête à passer à autre chose. Apprendre à modérer ma patience même si j’en ai, je sais que ça va pas être facile de ne pas aller plus vite que la musique…

Aujourd’hui, veille de l’opération

Je me suis réveillée sereinement, je me suis offert le luxe de me faire un thé pour accompagner les délicieux cookies de Catherine et Ludo.

Il y a eu un petit couac ce matin, l’opération ayant été avancée dans les dates à cause de la bi-implantation, un rendez-vous qui avait déjà eu lieu et qui n’a pas été déprogrammé. L’hôpital a un système qui vous rappelle les rendez-vous avec un joli numéro de téléphone pour appeler en cas de désistement.

Seulement, mon cher et tendre mari n’a jamais réussi à les avoir entre 8h30 et 9h30 pour être certain qu’il n’y avait pas de rendez-vous comme ça avait été convenu verbalement.

Je suis partie donc en catastrophe à l’hôpital ce matin pour éviter tout problème mais aussi pour pas que l’opération soit repoussée. Arrivée sur place, j’apprends qu’effectivement que j’ai rendez-vous.

Rassurée à moitié, j’attends. Je vois la chirurgienne, elle vient me voir et me confirme que non nous avons pas rendez vous. Qu’il y a eu erreur dans la programmation des rendez-vous, elle s’excuse et me dit à demain. L’opération est donc bien maintenue.

Sur le coup, j’ai été un peu déconfite d’avoir fait l’aller-retour. J’en ai profité pour demander au secrétariat leur numéro direct pour éviter ce genre de désagrément la prochaine fois.

Une fois ma déception passée, je suis repartie à pied pour ensuite reprendre mes transports habituels. J’avais besoin de marcher. Je suis rentrée à la maison.

Je n’y suis pas restée finalement longtemps puisque 2h après je repartais avec mon sac que j’avais préparé la veille (j’avais un pressentiment) et pour de bon cette fois-ci.

Arrivée à l’hôpital, dossier d’hospitalisation rempli, chambre attribuée. Infirmière très sympathique qui vient pour vérifier 2/3 choses genre tension, et qui me confirme que oui je passe bien demain matin à 11h.

L’attente

On en a quand même profité pour aller manger un petit encas tous les deux pour pas embêter ma voisine de chambre.

Peu de temps avant le repas qui est à 18h30, on m’explique le protocole de la douche à la bétadine. Autant vous dire que je préfère mon gel douche !

Le repas arrive, brandade de morue et épinards qui font peine à voir, salade frisée (pas ma préférée mais je la mange) yaourt à peine sucré, je mange tout. Y compris les clémentines.

Là, je suis toute seule avec mes affaires, mon amoureux est rentré. Ca me fait drôle. Je suis calme mais un peu angoissée, je vais faire un peu de pliage d’origami, écrire un peu et lire et ça sera l’heure de dormir. L’attente, ça va pas durer très longtemps.

La matinée de demain matin va vite passer je pense.

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La suite des nouvelles

Je reviendrai vous mettre un petit mot demain soir ou vendredi matin pour donner des nouvelles. Ou monsieur en donnera par le biais de ma page Facebook.

Le jour J de ma nouvelle vie sonore

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Après un petit comprimé magique pris hier soir, j’ai dormi comme un bébé…

Sauf que réveillée à 5h par ma voisine et la lumière des toilettes qui est face à mon lit sinon c’est pas marrant.

Demandez une chambre simple avant l’hospitalisation, redemandez-la à votre arrivée.
Moi je ne l’ai toujours pas. Ca me dérange pas mais j’aurais voulu être seule pour pouvoir bouger tranquille. Ma voisine est un peu sauvage, elle a tiré le rideau, bref, j’ai vue sur les toilettes et le couloir de temps en temps.
Peut être quand je serai remontée du bloc ce soir… j’y crois moyen.

Visite de l’équipe de nuit pour la tension, pleine lumière blanche au plafond. Ça pique pour un réveil.

Rebelote, visite de l’équipe du matin pour la tension, petite lumière individuelle. Au moins, cette infirmière a compris que c’était rude. 😂

Jamais deux sans trois, un jeune homme tout gentil se présente pour changer les pichets d’eau et demande pour qui est le pichet, je lui fais signe que c’est pour ma voisine.
Il me regarde et il me dit ha oui, vous c’est bloc opératoire. Je hausse les épaules et je lui dis que je peux pas manger et que je dois être à jeun, il me dit vous avez droit à un verre d’eau.
Merde, moi qui voulais un coca pour tenir !

Et jamais trois sans quatre, une jeune femme se présente pour les plateaux petit déjeuner, j’ai l’odeur du café à l’eau qui me vient jusqu’aux narines. Je la regarde et lui dis que malheureusement ça sera pas pour moi mais pour ma voisine, elle rit très fort. Je lui demande si j’aurai quelque chose ce soir en sortant du bloc, elle me rassure avec son sourire éclatant.

L’infirmière vient me voir et me demande si tout va bien, je dis que oui. Je dois aller prendre une deuxième douche à la betadine ce matin, ce savon si glamour qui ne mousse pas si t’as pas la peau mouillée. Ca mousse vachement à la deuxième douche, c’est bizarre.
Odeur bizarre, sentiment bizarre qui me rapproche de plus en plus du bloc opératoire.

Je suis désormais à H-2. Je suis toujours aussi calme et sereine, je crois que ça m’est jamais arrivé. Je m’impressionne moi-même.

Je pense à mon fils qui est chez ses grands-parents qui le chouchoutent comme ils savent si bien le faire, je pense à mon mari qui a du avoir un sommeil agité cette nuit avec un lit vide, et qui dort à priori encore… je pense à mes parents qui doivent stresser chacun de leur côté sans me le montrer.

J’ai la larme à l’œil parce que je commence vraiment à réaliser que j’y suis presque. Les larmes coulent pas de tristesse, ni de joie. Mais de cette attente qui prend fin.

Plus que deux heures et je pars au pays des rêves artificiels pour la journée.

Quelques nouvelles

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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L’opération prévue à 11h initialement a eu 3h de retard.
Je ne suis remontée qu’à 22H dans ma chambre après avoir passé un moment en salle de réveil. Tout s’est bien passé.

Je suis rentrée chez moi ce midi.

Ce soir, je n’ai pas mal. J’ai juste mal aux cicatrices, un peu à la tête mais ce n’est rien comparé aux migraines que j’ai pu avoir dans le passé. Quelques vertiges mais c’est normal, le côté vestibulaire est touché durant l’implantation.

Merci à tous pour vos messages si chaleureux, j’y répondrai personnellement petit à petit durant ma convalescence.

J’ai tout retranscrit dans un petit carnet, c’est du factuel pour le moment. Je ne peux pas vous livrer mes écrits tels quels, c’est bien trop personnel.

Un petit repos s’impose et je reviendrai vous raconter ça.
Le silence, le vrai, c’est quelque chose que je ne connaissais pas.

 

Désormais dans ma bulle de silence…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/desormais-dans-ma-bulle-de-silence/

Dans mon précédent billet, je disais que je partais au pays des rêves artificiels dans moins de deux heures…

Départ au bloc

Je m’étais endormie en attendant le brancardier, j’ai angoissé à mon réveil en sursaut car l’heure était passée, qu’ils m’avaient oubliée car ma chambre était en bout de couloir. Mais non, il y a eu un décalage des opérations, un retard en appelant un autre et ainsi de suite. Je suis donc partie avec 3h de retard au bloc. Mon téléphone mobile étant bloqué dans le coffre-fort du placard, je n’ai donc pu prévenir personne de ce retard.

Le brancardier qui vient me chercher me demande de ranger mes dernières affaires dans le placard, d’enfiler ma charlotte et mes chaussons de bloc pour ensuite monter sur le brancard. Il me recouvre d’un drap telle une momie. Je ne suis pas stressée, juste un peu inquiète de la suite des choses. Je remonte le couloir en sens inverse, je vois les lumières du plafond défiler. L’air qui se rafraichît au fur et à mesure que nous descendons vers le bloc.

Dans le hall des blocs opératoires, je suis transférée sur un autre brancard de bloc, qui lui est encore plus étroit mais confortable pour le dos. À peine plus large que mes fesses, qu’un nouveau brancardier m’attache les hanches avec une ceinture de sécurité large de 15 cm pour pas que je tombe pendant le déplacement du brancard et l’opération.

Je regarde autour de moi, je vois un ballet de blouses bleues, vertes et blanches. C’est calme, pas d’effervescence, les gens qui me croisent me disent bonjour, je leur réponds.

À chaque personne qui s’adresse à moi, je leur rappelle que je n’entends pas, que je lis sur les lèvres. La communication des personnes sourdes à l’hôpital reste encore à améliorer, c’est pas simple car les gens ne peuvent pas deviner si vous comprenez bien ou pas, si vous lisez sur les lèvres. J’y reviendrai.

Le bloc opératoire

L’équipe d’anesthésistes a été super avec moi, ils avaient tous des masques, ils les ont tous baissés au moment de me parler, car quand je suis rentrée dans le bloc j’ai prévenu que je lisais sur les lèvres. J’étais sereine, mais le stress commençait à monter (pas trop tôt tu me diras ! 5h  après la prise du petit cachet calmant).

J’ai retrouvé l’anesthésiste que j’avais vue en consultation, ca m’a rassurée de voir un visage que je reconnaissais. Ses gestes étaient rassurants, maternels. Ils tombaient bien après tout ce stress entre autre à cause du retard.

J’ai craqué sur le moment où il a fallu respirer dans ce masque à oxygène, c’est là où j’ai réalisé que je faisais le grand pas, le saut vers l’inconnu. L’anesthésiste qui me tenait le masque a été vraiment rassurant à me regarder avec un regard souriant et à me faire des signes de pouce levé malgré mes larmes qui coulaient doucement. C’est rassurant de partir au pays des rêves artificiels avec un tel visage apaisant.

La salle de réveil

Le réveil s’est fait avec un visage que je ne connaissais pas mais qui m’était doux à voir, l’infirmière a été bienveillante. Toujours à faire attention à ce que je puisse lire sur les lèvres même si je n’arrivais pas à parler correctement à cause de l’anesthésie. J’étais comme un ours qu’on réveillait ! Elle m’a surveillée pendant 2h30, en me demandant régulièrement si j’ai mal, si j’ai pas de nausées, si j’ai pas de vertiges, j’ai eu droit à de la morphine au réveil. J’avais la tête comprimée dans un bandeau assez serré (au moins 5cm d’épaisseur de bande de crêpe autour de chaque oreille).

J’avais le look de Thomas Pesquet sans son casque d’astronaute si ça peut vous donner une idée de l’épaisseur 🙂 (d’accord j’ai pas décollé avec lui mais c’est tout comme ! )
L’infirmière m’a remis une dose de morphine avant que je remonte pour que je puisse supporter le passage de l’équipe de nuit. Il était 22h.

La nuit

La nuit allait être longue.
À mon arrivée dans ma chambre, j’ai demandé à l’aide-soignante si mon mari était prévenu, elle me répond qu’il y a un monsieur dans le couloir. Je lui dis que s’il est pas chauve et qu’il a pas un manteau rouge, c’est pas le mien ! Elle regarde et me fait un signe de grimace qui me signifie que non pas du tout !
Je lui ai quand même demandé avant qu’elle reparte faire sa tournée de me donner mes compotes de pommes qui sont au fond de mon sac et mes gâteaux pour les mettre sur ma table de nuit ainsi qu’un livre et mon cahier, parce que j’étais bloquée dans mon lit.

Un peu déçue de ne pas voir mon conjoint à mon réveil, je me dis que ce sera pour demain. Je me concentre sur la douceur de ma peluche Licorne pour adoucir cette  déception et essayer de me rendormir sous les effets de l’anesthésie puisqu’il fait nuit.

Un peu coincée entre la sonde urinaire (passage obligé quand tu vas au bloc un long moment, au moins t’as pas ça à gérer en plus de la douleur), les bas de contentions avec un brassard qui compresse et décompresse pour activer la circulation du sang des jambes à un rythme régulier et l’oxygène pour que je puisse respirer sereinement. Au début j’ai trouvé ça pénible, mais au final ça m’a bercée, la tête endolorie comme un œuf de pâques à chercher la bonne position pour dormir au moins sommeiller.

À aucun moment, je n’ai eu des nausées, des acouphènes, j’ai quelques vertiges mais rien de bien méchant comparé à ce que j’ai eu pendant mes crises de vertiges.

Au petit matin

Le lendemain matin, on m’enlève les bas de compression (même système que pour prendre la tension mais sur toute la longueur des jambes pour favoriser le flux sanguin dans les jambes) et le bandeau de compression à la tête pour que je puisse prendre mon petit déjeuner,
Je m’assois. J’ai cette sensation bizarre d’être dans une bulle de « vide ».
Je tourne la tête pour regarder la fenêtre sur ma gauche, voir le temps qu’il fait dehors,  je me rends compte que j’ai mal aux muscles du cou, et étrangement à aucun moment ma tête me fera mal. Peut-être la cicatrice mais guère plus.
Pendant mon petit déjeuner je m’aperçois que j’ai du mal à ouvrir la mâchoire. Je me dis que ça va passer, mon corps est endolori par cette aventure.

Premier voyage en fauteuil

Je dois passer un scanner pour vérifier que les implants sont bien mis.
Le brancardier vient me chercher pour le scanner, premier voyage assise dans le silence.

Quand j’étais appareillée, j’entendais le bruit du scanner faiblement sans mes appareils, cette fois-ci la sensation était différente. Un silence total. Je n’ai compris que le scanner avait été fait parce que le brancard avait bougé. Je n’ai pas entendu le bruit du scanner cette fois-ci.

Quelle sensation bizarre. Impression que personne ne peut pénétrer dans ma bulle de silence. Mes yeux sont à l’affût de tout ce qui se passe autour de moi.

Mes yeux sont mes oreilles désormais.

La sortie

Une fois cet examen effectué, j’apprends que je pourrai sortir à 11h une fois que mes papiers de sortie seront prêts et le scanner vérifié. L’infirmière me fait mon pansement et me préviens que  je peux m’habiller et rassembler mes affaires.
Mon mari a été prévenu (alors que c’est lui qui a appelé au bon moment – la communication, on y reviendra, promis !).
Je fais mon sac au ralenti, je m’habille au ralenti, je fais tout au ralenti pour pas prendre de risques mais de toute façon mon corps veut pas aller vite. Je me rallonge et je m’assoupis en attendant mon mari. C’est son parfum qui me réveillera finalement à son arrivée…

Nous sommes sortis de l’hôpital tous les deux, moi qui marchant à deux à l’heure mais heureuse de sentir cet air frais de dehors. Je mets mon bonnet arc-en-ciel que j’avais tricoté l’an dernier et qui fait pile la taille de ma tête sans pour autant perturber mon bandage. Je sors incognito de l’hôpital. Seule ma démarche me trahit quand je monte dans le taxi.
Je découvre alors un monde animé sans bruit.

Quel silence assourdissant.

Je suis toujours sereine, contente d’avoir sauté le pas, je n’ai pas mal.
C’est le plus important je crois.

PS : il manque certainement des précisions permettant de comprendre ce qui s’est passé ou des passages sont inversés mais en voici les grandes lignes. 

PPS : prochaine étape : l’activation des électrodes prévue pour le 5 décembre 2016, soit 18 jours après mon implantation.

Les premiers jours dans le silence

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Je réalise ce soir que cela fait déjà 4 jours que je suis bi-implantée. Je n’ai pas vu le temps passer. Mon quotidien est basé sur une grande partie du sommeil.

Les 2 jours qui ont suivi mon retour à la maison, j’étais bien, je n’avais pas mal spécialement à la tête. Depuis hier, je ressens le contre-coup de l’anesthésie, de l’opération, le stress qui retombe. Grosse, grosse fatigue physique alors que le mental est toujours là, prêt à partir. C’est un vrai contraste.

Suite à 2-3 petits soucis posts-opératoires, je dirais que joindre un hôpital par téléphone c’est sacrément compliqué quand même malgré la multitude de numéros de téléphones qu’on peut avoir, malgré le fait de rappeler à mon conjoint de demander où il est tombé (dans quel service, récupérer le dernier numéro sur lequel il est) pour pouvoir arriver à joindre quelqu’un. Il faut quand même être bien solide nerveusement. Ce matin, j’ai cru que j’allais y aller une fois pour toute pour avoir la réponse à ma question. Heureusement que nous avons eu un message par la suite, grâce à son insistance. Note pour plus tard : il faut vraiment qu’on trouve un moyen de communication efficace et immédiat pour les personnes venant d’être implantées.
Je serai fixée à la visite post-opératoire, rien de grave.

Les premiers jours ont été difficiles par rapport au silence. Je suis dans un silence total, voire assourdissant. Je ne peux pas m’imaginer dans le silence alors que j’y suis bel et bien. Plus silencieux, je crois que je n’avais jamais connu ou du moins me l’étais jamais imposé de force (enlever mes appareils par exemple aussi longtemps).

Quand je me réveille le matin, c’est le moment le plus difficile. D’une part, je n’ai pas forcément bien dormi car j’ai du mal à trouver la bonne position, c’est un peu plus compliqué quand on a une cicatrice de chaque côté de la tête. Reste que le dos du crâne pour dormir … (et dormir sur la face du visage, n’y pensons même pas !) alors que je suis habituée à dormir sur un côté. J’ai toutefois réussi à m’endormir sur un côté grâce à un oreiller bien moelleux mais toute la nuit c’est pas jouable, pas encore. C’est trop sensible.
D’autre part, j’ai ce réflexe de vouloir mettre mes appareils pour vouloir entendre. Ça c’est le plus dur. Perdre ce réflexe, je sais que c’est que pour un court moment puisque je l’aurai à nouveau à partir du 5 décembre, date à laquelle où je pourrai entendre quelques sons (activation des électrodes de mes implants cochléaires).

Ca m’est arrivé aussi quand je suis en train de parler avec mon mari ou avec mon fils, de dire « attends, je vais les chercher » (en parlant des appareils) et de me rendre compte que ben non c’est pas la peine. Ca sert à rien. Je commence à m’y faire.

Par contre, quand je bouge ou que je fais quelque chose, poser un couvert sur la table ou encore taper sur mon clavier, j’ai parfois l’impression d’entendre, mais c’est mon cerveau qui me restitue ma mémoire sonore. Ça c’est une sensation bizarre aussi.

J’ai eu plusieurs frayeurs dûes au silence. Mon téléphone, je l’entendais vibrer avant. Maintenant, je suis obligée de le mettre sur moi ou jamais très loin pour savoir si j’ai un message pour ne pas avoir les yeux rivés dessus. Et combien de fois je me suis fait peur toute seule à avoir le cœur battant à cause d’une petite vibration toute bête. Ou encore une porte qui s’ouvre, ne pas l’entendre s’ouvrir. Je suis obligée de prendre des précautions pour pas faire des syncopes à chaque fois 🙂

Bilan à 4 jours post-opératoires : la tête un peu endolorie, maux de tête (genre une gueule de bois mais promis y’a pas d’alcool ! 🙂 ), mal aux tympans comme si ça décompressait mal (note pour plus tard : éviter de se moucher quand on est fraichement implantée, ça fait un mal de chien). La goût dans la bouche est bien présent mais une sensation d’avoir du plastique dans la bouche, je ne sais pas si c’est dû à l’implantation ou à l’anesthésie. Et la mâchoire, personne m’avait dit que j’aurais mal à la mâchoire, pourquoi ? je ne sais pas. Je le saurai 🙂
Mais une chose est certaine, les cicatrices ne me font pas mal.

Le fait de continuer à communiquer avec vous par le biais d’un sms, d’un réseau social, d’un mail, ça me fait du bien et occupe une partie de mes journées. Ca contribue aussi au mental pour la suite !

La visite post-opératoire

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 novembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Aujourd’hui était le grand jour où on enlevait les strips qui avaient été posés lors de l’opération et recouverts d’une compresse changée quotidiennement. Déjà 7 jours que j’ai été bi-implantée !

Le trajet

Je me suis préparée tranquillement ce matin un peu au ralenti à cause de la mauvaise nuit que j’ai eue à cause de la douleur qui est aléatoire selon les moments. Partis en avance sur l’horaire, car je ne savais pas comment j’allais gérer ce premier long trajet dans le silence et en dehors de la maison.

À chaque fois que nous prenions un transport (bus, rer, métro), il y avait des places assises. Je me suis économisée pour être en forme à l’arrivée et pas avoir à gérer les tournis éventuels. Sensation très bizarre par rapport à d’habitude : ne pas entendre le moteur du bus, le ronronnement du RER, le roulis de l’escalator, … Mon conjoint guettait mes réactions.

Quel bonheur quand j’ai senti la vibration du RER arrivant à quai sans le regarder. Mon mari m’a regardée et m’a souri en me disant « moi aussi, je l’ai senti !! »
Marcher dans les couloirs venteux à Nation et ne pas entendre le vent, sentir le vent rentrer dans mes conduits auditifs jusqu’alors fermés par des embouts. Quelles sensations nouvelles ! Parler sans avoir la possibilité de mesurer le niveau sonore que je dois donner à ma voix car je ne sais pas quel est le bruit ambiant au moment où je parle. C’est une expérience qui est spéciale puisque tu peux dire des trucs où tout le monde entend ce que tu dis sans que tu t’en rendes compte, autant faire attention à ce qu’on dit.

La visite

Arrivée à l’hôpital, je prends contact avec la secrétaire pour lui dire que je suis là pour le rendez-vous. On discute un peu, comme avant l’opération. La lecture labiale est bien utile à ce moment.

Un mélange d’excitation et de stress, car suite à mes soucis post-opératoires je ne savais pas trop ce qui m’attendait à la visite par rapport aux cicatrices. Une seule me faisait mal.

Mon tour arrive. Nous suivons la chirurgienne dans une pièce équipée pour les soins. Je suis invitée à m’asseoir sur le fauteuil ORL, un peu soûle de tout ce mouvement silencieux  pendant ce trajet. Après un échange rapide sur les vertiges, les douleurs, la convalescence, je lui dis que finalement aujourd’hui est la première journée depuis ma sortie où je me sens à peu près bien. Les strips sont retirés délicatement mais la douleur est présente à cause de la sensibilité. 🙂

Première fois que quelqu’un d’autre que moi touche ces cicatrices et mon crâne de manière aussi directe, je me rends compte que j’ai plus peur de la douleur que du contact. Une fois les cicatrices nettoyées de la colle des strips, je me rends compte que c’est encore bien sensible et douloureux. C’est moins gonflé. Je commence à pouvoir distinguer la forme de l’implant cochléaire juste en effleurant mon cuir chevelu.

Finalement, je m’en sortirai avec une cicatrice qui s’est remise parfaitement, l’autre ayant une inflammation, un traitement antibiotique un peu costaud (le canapé va me voir un peu encore cette semaine) et nettoyage à la bétadine tous les jours…
Ça devrait rentrer rapidement dans l’ordre. Pas de possibilité de me laver la tête intégralement mais que d’un côté, je devrais pouvoir arriver à trouver un moyen pour avoir les cheveux propres.

La décision de me faire couper les cheveux aussi courts aura été finalement rentabilisée plus que je le pensais en terme de confort. Il y a eu qu’un tout petit rasage du côté des oreilles mais qui ne se voit pas finalement. J’en suis contente.

Je lui demande si c’est normal d’avoir cette impression que mon cerveau essaie de me redonner les sons correspondant à certaines choses, elle me répond qu’il arrive que le cerveau fasse ce travail de restitution. Je l’interroge sur la sensibilité des pavillons des oreilles, je ressens bien le lobe mais pas le haut de l’oreille. Ca devrait également rentrer dans l’ordre. Dans combien de temps, ça on ne sait pas. Tout est variable d’une personne à une autre.

Je lui dis que le goût du plastique dans la bouche est désagréable. Elle s’étonne et me demande si ce n’est pas un goût métallique. La plupart des personnes implantées m’avaient parlé de ce goût métallique. Mais pour moi c’est du plastique, tout ce que je mange au delà de la deuxième bouchée, a une sensation de nourriture « filmée ».
Autant dire que l’appétit, il retombe vite !
Pourquoi ce goût spécial dans la bouche ? Durant la pose de l’implant cochléaire, ils doivent passer près du nerf gustatif… voilà pourquoi. Ce n’est que temporaire.

Je m’étais posée la question concernant les douleurs à la mâchoire, j’ai désormais ma réponse ! Ce n’est pas dû principalement à l’intubation pendant une longue durée mais aussi à la partie interne de l’implant cochléaire est glissée entre les 2 muscles de la mâchoire (je n’ai pas les noms exacts), d’où les douleurs quand on ouvre la bouche. 🙂

Le retour

Je repars avec mon mari. Sereins, nous avons été déjeuner, histoire de se poser un peu, loin du stress de l’opération. Nous discutons, je lui fais remarquer que rien n’a changé entre nous, que c’est comme d’habitude sauf que je suis dans un silence total. À un moment, j’ai parlé un peu trop fort et tout le monde m’a entendue mais ça je pouvais pas le prévoir.

Retour en métro, arrivés au terminus de Nation,  je suis surprise par la vibration de l’annonce sonore. Il me regarde et me dit « Terminus, le métro a juste annoncé Terminus ». On se rend compte que le son est tellement fort qu’il est réverbéré dans les parois du métro.

Paris sans le son, c’est comme Paris sans voiture. C’est bizarre, c’est inhabituel, ne pas entendre les voitures qui roulent, ne pas entendre le métro aérien qui avance, … c’est inhabituel.

C’est une bonne journée finalement, j’ai le cou complètement endolori ce soir, je ne l’avais pas autant utilisé depuis ma sortie d’hôpital. Je suis à J-13 jours de l’activation de mes implants, avant de repartir à la découverte d’un nouveau monde sonore.

Le meilleur moment

Le meilleur moment de la journée a été quand mon fils est venu me faire un câlin, à 9 ans, les câlins sont chers, très chers !
Il me regarde d’un air un peu spécial et me demande s’il peut toucher ma cicatrice alors qu’en rentrant il n’y avait pas donné trop d’intérêt.
Je lui dis que c’est encore sensible, je prends sa main pour survoler mon cuir chevelu et ma cicatrice en expliquant qu’il faut pas appuyer. Ça fait comme une bosse comme si je m’étais cognée et que j’avais un bleu.

Ce fut la deuxième personne de la journée à toucher mon crâne, et la sensation n’a pas été la même. Il a situé la partie arrondie de l’implant lui-même. Parce que c’était mon fils et il a réalisé ce qui s’est passé. C’était important pour moi, car on ne parle jamais des enfants des adultes sourds implantés, c’est encore trop peu fréquent.

« Ah oui, maman, je vois ce que tu veux dire maintenant quand tu parles de tes implants ».

 

 

 

 

Un silence cicatrisant : chroniques de mon canapé

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 novembre 2016

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Quelques jours ont passé depuis la visite post-opératoire. J’ai eu quelques nuits difficiles dûes à la douleur.

La cicatrice de gauche étant quasiment cicatrisée, elle ne me fait plus mal. Elle me gêne de temps en temps.
La cicatrice de droite est encore inflammée. Je la nettoie tous les jours matin et soir à la bétadine avec un traitement anti-inflammatoire pour éviter toute infection sous l’œil vigilant de mon conjoint (qui est douillet et sensible) qui vérifie que c’est propre avant que je colle le pansement.
Je pensais pouvoir gérer ce nettoyage sans souci, je dois avouer que c’est un moment qui est fort émotionnellement de voir ma cicatrice plus ou moins refermée par le biais d’un miroir qui me reflète l’image dans le miroir principal. Je serre les dents tellement fort durant cette période de soins qu’après chaque nettoyage, j’ai les nerfs qui me lâchent.

Je me dis à chaque soin que je n’aurais pas dû refuser la proposition d’une infirmière pour faire les soins post-opératoires, car j’ai parfois des doutes sur la qualité de la cicatrisation. Fort heureusement que j’ai deux infirmières dans mes contacts, je les remercie d’être là.

La douleur est occasionnée par la pose de la partie interne de l’implant cochléaire ou plus exactement le porte-électrodes sous les muscles de la mâchoire entre-autres. Quand je pense aux douleurs que j’ai eues, je me demande comment c’est réellement fixé. Je n’ai pas osé chercher sur internet de peur de tomber sur de mauvaises informations ou des vidéos que je ne voudrais pas voir. Je demanderai au chirurgien.
La partie ronde est en matière souple avec au centre, un aimant. La partie carrée est le « porte-électrodes ». Le fil avec une forme d’escargot au bout est la partie qui est intégrée dans la cochlée, les fameuses électrodes qui vont restituer le son au nerf auditif. L’autre fil est un fil conducteur, si on peut dire ça de manière vulgarisée, c’est une « prise de terre » pour les bricoleurs. Ce porte-électrodes fait l’épaisseur de 3,9 mm pour la partie la plus épaisse.

C'est une partie ronde équipée d'un aimant sur lequel est greffé un porte-électrodes. De ce dernier sort 2 câbles, un avec les électrodes qui va dans la cochlée, et l'autre qui sert de fil conducteur.

Ces derniers jours, j’ai aussi eu la sensation d’avoir deux kilos derrière mon crâne, alors que ce n’est que quelques grammes (je n’ai pas trouvé cette information exacte). Parfois j’avais l’impression qu’on m’avait mis le feu dans la tête mais ce n’est qu’une sensation. Peut-être est-ce l’effet que mon corps commence à accepter ce corps étranger ? Je n’ai toujours pas réussi à dormir sur le côté du crâne que ce soit le gauche ou le droit. Les nuits sur le dos sont pas toujours évidentes à gérer surtout que je suis habituée à dormir sur le côté.

Ca s’améliore de jour en jour que ce soit les muscles du cou, les tympans qui sont douloureux, les muscles de la mâchoire ou les vertiges.

J’essaie de garder un rythme dans la journée pour ne pas être complètement décalée en alternant les activités entre les siestes : séries, tricot, artfold, lectures et conversations sur le web mais la fatigue est bien grande. Les journées passent plutôt vite avec toutes ces siestes.

Les principales sorties sont pour aller chercher mon fils à l’école, ou bien aller me chercher un plat chez Picard pour déjeuner le midi. Je me rends compte que le temps n’est plus aussi long, je me rapproche de l’échéance où je vais retrouver ce monde sonore qu’il faudra que j’apprivoise à nouveau.

Côté silence, j’arrive à gérer mais je cherche encore l’explication pour vous décrire ce que je ressens mais je crois que ca va être difficile car c’est impossible d’être totalement dans le silence. non ?

À J+11, j’ai encore la bouche sous « plastique » et tout le temps soif, mais je sens que ça a changé ces deux derniers jours, les bords de ma langue ont moins le goût du plastique.

La grande nouveauté, c’est de pouvoir mettre le doigt dans l’oreille. Je n’avais jamais pensé à le faire avant car j’avais les embouts des appareils. Mes oreilles ont toujours connu mes embouts. Toujours dans un environnement chaud et renfermé. Depuis l’opération, elles sont à l’air ambiant. Elles sèchent et pèlent.
Le conduit auditif est sec, c’est une sensation bizarre pour moi. 🙂

Un silence cicatrisant : quelques rebondissements

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 1 décembre 2016

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J’ai continué les soins à la maison sous l’oeil bienveillant de mon mari. 

Depuis que je suis dans le silence, je n’ai vu personne à part ma mère et des amis proches. Dimanche, une amie proche est venue me rendre visite, on a même rigolé. Rire m’a ramenée à la réalité. Ca a tiré sur mes cicatrices. Mais j’avoue que voir du monde m’a fait du bien. Le monde virtuel c’est bien, mais le monde réel c’est encore mieux… 

Lundi matin, dans le doute j’ai préféré envoyer un mail à la chirurgienne et au centre d’implantation en leur donnant des nouvelles de ma cicatrisation. J’avais toujours des écoulements sur une oreille. On m’avait dit si ça continue faut pas laisser traîner. 

Les mails sont terriblement efficaces, j’ai eu des réponses pendant ma sieste en début d’après-midi, me demandant de venir pour vérifier les cicatrices. Je suis un peu partie en catastrophe parce que je m’étais endormie et je ne voulais pas rater les médecins. 

Je leur ai répondu par mail que je serais sur place dans l’heure. J’ai été prise en charge très rapidement à mon arrivée à l’hôpital de La Pitié-Salpétrière.

La cicatrisation est un peu compliquée finalement chez moi. Les cicatrices ont fait une réaction allergique et une des deux est enflammée superficiellement. Après quelques prélèvements, nettoyages et ponctions, je repars rassurée avec un nouveau traitement complémentaire. 

J’ai revu la chirurgienne pour la deuxième visite post-opératoire mercredi dernier. Mon mari m’avait accompagnée au cas où j’aurais besoin d’aide pour comprendre. On nous confirme que oui, il y a bien une infection superficielle causée par une bactérie présente dans le conduit auditif, ce sont des choses qui arrivent. Elle a été détectée et identifiée grâce au prélèvement effectué.

Pour ne pas faire comme tout le monde, mon corps a décidé de faire une réaction allergique en prime. Je ne sais pas trop de quelle origine, mais on a une petite idée. Il faut juste que je me la fasse confirmer. 

Pour enrayer l’infection bactérienne identifiée et la réaction allergique et surtout ne pas mettre en péril ma bi-implantation car c’est que superficiel pour le moment, elle me dit qu’il est préférable que je sois hospitalisée pour qu’on puisse surveiller tout ça comme le lait sur le feu.

On encaisse la nouvelle sous le choc de la surprise, mais à la fois rassurés que ce soit aussi radical comme prise en charge.

Ce qui m’arrive, c’est très rare.  Elle-même est surprise de ce qui m’arrive. 

On me dit que je peux rentrer chez moi préparer mon sac et revenir à l’heure donnée pour mon hospitalisation de quelques jours en début d’après-midi. 

Je lui demande à l’occasion comment est fixé le porte-électrodes sur le crâne, car je n’avais pas voulu savoir avant ma bi-implantation, ni chercher sur internet. 

Pour pouvoir les loger sur mon crâne, ils ont creusé une petite cavité (de chaque côté) et coincé le porte-électrodes sous les muscles de la mâchoire. Autrefois, ils les fixaient avec du fil, plus maintenant. Je suis surprise qu’à moitié et comprends d’où viennent les douleurs de ces dernières nuits où j’avais eu si mal à la tête. 

Par la même occasion, je lui demande si mes cicatrices sont collées, elle me confirme que non, elles sont recousues avec du fil. Je dois dire qu’elle est aussi forte que moi en couture invisible car on ne voit rien ! Peut-être juste le trait de l’incision, mais à peine. 

Ce qui me rassure, c’est qu’il y a une réelle prise en charge, je suis vraiment suivie et c’est le plus important. Malgré cette hospitalisation nécessaire car l’antibiotique en question n’est disponible que par voie perfusée, je prends mon mal en patience. 

En ressortant de l’hôpital, j’ai accusé le coup, craqué nerveusement parce que cela fait déjà 15 jours que j’ai été bi-implantée et je ne pensais pas que ça durerait aussi longtemps. On m’avait dit qu’il fallait beaucoup de patience, là ça commençait à faire beaucoup sachant que j’avais eu une cure d’antibiotiques à la maison la semaine dernière. Je me suis reprise en pensant à mon fils et à ce que j’allais lui dire et mettre dans mon sac pour l’hospitalisation. 

J’espère que ces rebondissements ne retarderont pas mon retour au monde sonore qui est prévu pour lundi prochain, mais je m’attends à tout. 

J’ai tout de même eu le loisir d’aller chercher mon fils à l’école mercredi midi, lui expliquer avec des mots simples ce qui était en train de m’arriver. Nous avons déjeuné ensemble au Quick, il était content, pas inquiet. Je l’ai laissé avec ma maman qui le garde.

Et avant que je reparte à l’hôpital, il m’a ressorti son explication que j’aime encore plus : « si tu as un problème, ils vont pas te chercher tu es sur place. Ça va plus vite. »

C’est ça mon petit gars. Plus vite maman est soignée, plus vite maman reviendra.

Chroniques de mon lit d’hôpital

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 décembre 2016

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Voilà maintenant 5 jours que je suis hospitalisée à cause d’une infection bactérienne identifiée et une réaction allergique aux stéri-strips (les petits pansements autocollants). Il semblerait que ma peau ne les supporte pas, je vous rassure c’est rare ce genre de réaction !
Il fallait que je ne fasse pas comme tout le monde !

L’antibiothérapie

L’infirmière qui m’a posé ma perfusion pour l’antibiothérapie par voie perfusée a été sympa. Je lui ai dit que je tricotais et que j’écrivais pas mal, elle a pris ma demande en compte.
Étant gauchère, ma perfusion est posée à droite de telle manière que je peux faire à peu près ce que je veux. Je suis pas tout à fait libre de mes mouvements mais je m’en accommode très bien selon mon mari 🙂

La mise en route de l’antibiothérapie a été moins rapide que je le pensais, elle a été mise en route que mercredi soir. Ils l’ont accélérée depuis samedi, il manquait quelques doses…
Cela dit, je peux dire que je suis prise en charge !
J’ai une perfusion toutes les 8h avec en plus un traitement par voie orale toutes les 12h.

Y’a de quoi faire, les cellules dans mon corps vont bien s’amuser…

Quand je vous écris ça, j’ai le visuel du générique de « Il était une fois la vie », avec tous ces bonhommes qui transportent les cellules dans le dos (ça y est, t’as le générique dans la tête ?). C’est le binz dans mon corps, j’ai le droit aux effets secondaires dûs aux traitements.

D’autres effets secondaires tels que la soif, la langue brulée, déglutition difficile et mal de gorge provoqué par les reflux gastriques, j’essaie de prendre mon mal en patience.
Je mange moins. J’ai trouvé la nuit dernière une position pas trop mal, je dors quasiment assise. L’important est que le traitement fasse effet.

Libérée, délivrée

Mais surtout, le plus important dans l’histoire : les cicatrices ont enfin cicatrisé ! Ça commence à me gratter, c’est bon signe. J’y touche pas. J’ai tellement attendu ce moment !
Le médecin de ce matin m’a autorisée à retirer le filet qui tenait mes pansements, je ne le supportais plus en fait, car il me tenait chaud aux oreilles et me ramenait en permanence à la réalité.

Je vais avoir droit à mon premier shampooing intégral que je n’ai pas eu depuis le 17 novembre, en lavant que des parties de mon crâne au gant pour ne pas prendre de risques pour la cicatrisation. Je suis tellement contente de l’avoir ce foutu shampooing que la bétadine n’a plus d’importance. On pourra dit que j’ai testé le no-poo en quelque sorte.

Une copine m’a dit : « S’il y a un truc qu’on apprend bien à l’hôpital, c’est qu’il n’y a pas de petite victoire. Toute bonne nouvelle est une victoire et on apprend aussi à apprécier les choses simples. »

Je me dois aussi de remercier mon coiffeur Jordan de chez Didact, qui a su cerner mes attentes avant mon opération, qui a su me couper les cheveux de façon à ce que ça soit cool à gérer par la suite. Il a tellement bien cerné ma demande que mes cheveux n’ont pas été un problème. Même les cheveux sales et ébouriffés, j’ai pas l’air d’une cinglée.

C’est un conseil que je donnerai à toute personne qui souhaite se faire implanter.

Le temps infini à l’hôpital

Les journées à l’hôpital se ressemblent terriblement, mais surtout elles sont interminables. Quand tu pénètres dans la sphère du milieu hospitalier, la mesure du temps change !
5 minutes d’hôpital correspondent à 1h dans la vraie vie, j’exagère à peine.
On dirait « Entre deux rives » avec Sandra Bulldock et Keanu Reeves pour ceux qui l’ont vu. Ou encore la série où il y a un espace temps qui n’est pas le même pour plusieurs personnages comme dans … Fringe !

Cœur de maman

Même si j’avais mon petit garçon en vidéo tous les jours, le contact commencait à manquer cruellement au bout de 5 jours.
Ce matin, j’ai vu mon petit garçon que je n’avais pas vu depuis le début de mon hospitalisation. Ca m’a fait du bien, mon coeur de maman est rassuré. Je vais rester encore un peu hospitalisée quelques jours.

J-1, l’activation des électrodes

Depuis hier, j’ai un sentiment d’angoisse qui m’envahit car malgré l’hospitalisation, l’activation est maintenue pour demain matin. J’en ai pas beaucoup parlé car j’avais peur que mon séjour à l’hopital retarde ce moment si important pour moi.

La peur de ne pas arriver à encaisser l’onde de choc du retour au monde sonore, la peur que ce soit totalement différent au niveau sonore, j’ai peur tout simplement. La peur c’est quelque chose d’humain. Il faut simplement pas se laisser envahir par la peur, il faut se raccrocher à ce qui est réaliste.

18 jours que je suis plongée dans le silence total,
18 jours que je ne m’entends pas parler,
18 jours que je n’entends pas mes proches,
18 jours que mon cerveau est comme anesthésié.

Définir le silence est compliqué car nous avons chacun un silence différent, le silence est interprété de manière différente par nos cerveaux.

Le silence total est fatiguant car tous les sens sont exacerbés par l’absence d’ouïe. Toujours à l’affût du moindre signe qui pourrait attirer mon attention.

Mon corps est fatigué, mon esprit aussi, mais je lutte comme je peux.
Malgré mes moments de faiblesse, je sais que je vais y arriver.

Retour au monde sonore : l’activation

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 décembre 2016

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Ma date d’activation a été maintenue à ce lundi 5 décembre. J’en avais pas trop parlé de peur que cette date soit modifiée suite à mon hospitalisation. On parle d’activation car les implants cochléaires posés durant l’opération sont inactifs et sont appairés avec les processeurs.

Après une bonne nuit de sommeil qui est salvateur pour mon état d’esprit de ce matin. J’étais sereine. Dès mon réveil, je me suis préparée avant la valse des passages : infirmiers, aide-soignants, médecins.  Prête à partir à 9h30, j’ai même eu le loisir de tricoter un peu. J’ai réalisé que j’étais confiante, j’arrivais à me concentrer sur mon tricot.

Mon mari est arrivé à ce moment, nous avons pu discuter tous les deux de tout et de rien. Je me suis rendue compte qu’il était plus stressé que moi ! Je peux le comprendre, je lui ai tellement rebattu les oreilles avec mes implants cochléaires qu’il a été comme une éponge qui absorbait tout sans rien rendre.

Le transfert : changement de bâtiment

À l’arrivée du brancardier, ce dernier cherche mon dossier (Ah la faute aux deux noms, le nom de jeune fille et d’épouse, quel bintz !). Je me rends compte que l’émotion monte, les mains commencent à trembler, je sens que mes jambes flageolent. Je suis couverte comme un esquimau pour éviter d’attraper froid pendant le passage d’un bâtiment à l’autre à pied avec ma petite perfusion que j’ai avec moi H24.

Arrivés au rendez-vous, l’émotion monte encore d’un cran. J’ai soif comme si j’avais traversé un désert, je trouve un pichet d’eau, je me jette dessus. Toujours confiante mais je ne sais toujours pas ce que je vais entendre.

La régleuse nous fait entrer dans son bureau. Je vois qu’elle a tout préparé, mes processeurs avec mes antennes sont sur la table, reliés à son ordinateur, deux mallettes énormes à côté de son bureau. Ils sont prêts à être utilisés. J’essaie de plaisanter pour détendre l’atmosphère, mais c’est de plus en plus difficile émotionnellement.

L’oreille droite

Je me mets à l’aise malgré ma perfusion, on met en place le processeur de droite. Je suis troublée, je perds mes moyens. Elle me rassure que ce n’est pas allumé. Nous procèderons d’abord à l’allumage des électrodes et ensuite au calibrage des processeurs.

Dans un premier temps, elle vérifie que les électrodes marchent toutes. Oui, les 22 électrodes de la droite marchent parfaitement. Son ordinateur a récupéré le signal. Je la regarde, elle me rassure avec un grand sourire en me disant « ça marche ! » et que c’est normal que je n’entende rien.

La régleuse me montre une feuille avec différents états tels que « bruit très faible, faible, confortable, trop fort ». Je dois lui dire quand je perçois le premier signal sonore.

On commence, ma concentration augmente de plus en plus. Je ne sais pas à quoi m’attendre, je cherche un son que je dois identifier, je la regarde dans les yeux. Elle comprend que je suis perdue, elle me montre le rythme du signal sonore en mimant le son tel un métronome.

Mon mari me caresse le bras en signe de soutien, me le serre de temps à autre quand il voit que je vais flancher.

Je me concentre davantage et j’entends enfin le premier signal très faiblement. Elle le note, et commence à augmenter l’intensité de ce dernier jusqu’à ce que ce soit confortable. On recherche dans un premier temps le niveau sonore que l’on doit pouvoir tolérer sans avoir mal.

On doit répéter cette procédure 22 fois de suite, pour l’oreille droite. Je trouve cet exercice long, arrivée à mi-parcours du calibrage de l’oreille droite, je lui demande où on en est, elle me dit qu’on a fait la moitié. Je prends sur moi. Concentration au maximum, se concentrer sans regarder l’écran, essayer de retrouver ce repère si rythmé et lui dire inlassablement…

L’oreille gauche

Elle éteint mon processeur droit, m’installe le processeur gauche. On recommence à faire le calibrage comme pour l’oreille droite. C’est la même procédure de vérification, toutes les électrodes à gauche marchent elles aussi. La régleuse sourit. Je suis rassurée. Nous repartons pour un calibrage de 22 électrodes.

Le calibrage des électrodes se font du plus grave au plus aigu, le plus grave étant vers le début de la forme en escargot de la cochlée, les aigus à l’autre extrémité de l’escargot qui est la cochlée. Une électrode correspond à une fréquence sonore qui va du plus grave au plus aigu.

Je me rends compte que ma patience diminue, je commence à flancher. Je suis fatiguée d’être attentive surtout avec les petites nuits que j’ai faites dernièrement à l’hôpital.

Je me tiens la tête pour pas craquer.  Après un verre d’eau, une petite pause, j’essaie de me détendre, on continue à calibrer les électrodes une par une.  Toujours battre le fer quand il est chaud !

Décollage vers le monde sonore imminent

Toutes les électrodes sont activées et calibrées. Je n’ai toujours pas entendu. Le retour au monde sonore est pour bientôt. La régleuse allume par le biais de son ordinateur les processeurs que j’ai aux oreilles et qui sont reliés par un fil.

La première impression est déroutante. Je ne reconnais rien. Je supporte pas le son qui est trop fort. On baisse le niveau au maximum, malgré mes indications d’avoir un son « confortable » lors du calibrage.

En même temps, après avoir passé 19 jours dans le silence, ça fait beaucoup d’informations sonores à emmagasiner d’un seul coup.

Ce sont des nouveaux bruits que je ne reconnais pas. Ma voix n’est pas celle que je connaissais. Les voix de mon mari et de la régleuse sont pareilles. Les bruits environnants ressemblent aux voix. Tout est au même plan sonore.

Je suis déroutée. Je ne m’attendais pas à une telle onde de choc même si je m’étais bien préparée psychologiquement, qu’on m’avait dit que c’était différent, mais à aucun moment je n’ai imaginé que je ne reconnaîtrais pas ma voix.

Les nerfs lâchent. C’est tellement différent de ce que j’ai en mémoire. Je me rends compte du chemin que j’ai parcouru jusqu’à aujourd’hui avec mes appareils auditifs, et qu’il va falloir tout recommencer.
Aucune similitude avec les sons d’avant.

Je suis telle Christophe Colomb prête à coloniser ce nouveau territoire vierge qu’il va falloir cartographier. Redessiner la carte du monde sonore.

La régleuse tape dans ses mains, je reconnais le bruit qu’elle fait. J’arrive à associer ce que j’entends au mouvement que je vois. Elle fait cliquer ses clés, je n’y arrive pas, c’est bien trop aigu. Mon cerveau ne connaît pas les aigus, il ne les a jamais connus. On refait le test en tapant sous la table sans que je voie si ça tape ou pas. J’arrive à reconnaître le bruit. Mais je ne suis pas capable de dire si c’est fort ou pas. Tout est au même niveau sonore.

On fait le test de la liste des mots cachés, c’est une liste qu’elle lit en se cachant la bouche. Je ris jaune. Je n’ai jamais aimé ce test… Elle lit une première fois les mots en me les montrant du doigt. Je me concentre. Elle en redit quelques uns sans me les montrer que je reconnaîtrai vaguement.

On essaie avec 4 mots à avec des syllabes différentes (j’ai oublié le premier mot, radis, pyjama, hipopotamme). Je reconnais les mots grâce au nombre de syllabes mais pas à la mélodie sonore du mot. Le chemin va être long, mais je pense que ça va être super après.

Le retour à la chambre

On finalise les papiers et nous repartons vers la chambre. Le rendez-vous aura duré 2h30, je suis épuisée, vidée de toute mon énergie mais je garde mes processeurs jusqu’au soir.

En attendant le brancardier, je me rends compte que j’arrive à entendre les personnes qui marchent avec des chaussures de ville dans le couloir, je les entends arriver de dos. Ce qui n’était pas le cas avant.

Le monde sonore que j’avais avec mes appareils auditifs a disparu au profit de ce nouveau monde sonore à apprivoiser.

 

– Je cherche des amis. Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?
– C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens… »
– Créer des liens ?
– […] Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. […] Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé…
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
– S’il te plaît… apprivoise-moi ! dit-il.

Le Petit Prince de Saint-Exupéry

Chroniques de mon lit d’hôpital : les derniers jours

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 décembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/chroniques-de-mon-lit-dhopital-les-derniers-jours/

J’ai pu poursuivre ma découverte du monde sonore à l’hôpital car j’étais encore hospitalisée. Découverte d’un monde très bruyant. On m’avait toujours dit : « l’hôpital, tu peux pas te reposer il y a trop de bruits », « l’hôpital, tu as toujours quelqu’un qui vient dans ta chambre », etc…

Mardi – Première journée post-activation

La journée n’a pas été très concluante car j’ai passé une très mauvaise nuit. Une toux provoquée par les reflux gastriques dûs aux médicaments. J’étais très fatiguée comme si j’avais fait la fête toute la nuit quoique tousser toute la nuit, ça revient un peu à la même chose.
Quand j’ai mis les processeurs, c’était désagréable. J’ai eu du mal à supporter les bruits que j’entendais même si j’étais au premier programme, volume 1. Je n’ai pas insisté, je trouvais ça inhumain de me l’imposer. Je me suis dit que je ferai mieux le lendemain. De toute façon, on m’avait dit il faut de la patience, beaucoup de patience.

Le soir, les infirmières ont mis de la vaseline sur mes croûtes afin qu’elles puissent se décoller sans soucis et faciliter la suite de la cicatrisation. Quand la crème a été posée, mes oreilles se sont apaisées tout de suite. C’était confortable, ça ne tirait plus. C’est vraiment agréable comme sensation même si la matière est grasse.
Je le note pour les prochaines croûtes de bobo de mon fils. On y pense jamais !

Mercredi

J’ai eu droit de me laver la tête mais avec de la bétadine. Pas du shampooing. On évite les prises de risques avec mes cicatrices. Ça m’arrangeait, ce que je voulais c’était avoir les cheveux propres toute seule comme une grande !
J’aurais pu les laver avec mon shampooing habituel mais il aurait fallu que je mette 2 bols sur les oreilles pour les protéger…
Je dois dire que j’ai deux mains, deux oreilles. Le calcul était vite fait. Je me voyais mal demander à une tierce personne de me les tenir pendant que je me lavais les cheveux.
Ce que j’en retiens, c’est que j’aurais eu le look de Jacques Villeret dans « la soupe aux choux » !

Bertrand Blier dans la Soupe aux chouxÀ 2 jours de mon activation, j’arrive à différencier les gens qui marchent dans le couloir soit avec des talons, soit des sabots ou chaussures de ville. Je les reconnais au rythme de la marche. J’arrive aussi à entendre la mélodie des voix des gens qui passent dans le couloir. C’est la même voix pour tout le monde, femmes et hommes confondus.
Mais faire la différence entre les gens qui marchent et les gens qui parlent derrière une porte, c’est énorme pour moi.

C’est nouveau. Je ne l’entendais pas avant.

Dans la journée, je me suis attablée pour écrire, je me rends compte que j’entends le frottement de ma main qui bouge sur mon cahier quand j’écris. J’entends aussi le crayon qui crisse sur la feuille. Sensation bizarre.

Les personnes qui entendent ont un système de filtrage des bruits « parasites ». C’est ce qui leur permet de ne pas devenir dingue. 🙂

La psychologue est passée me voir, j’ai eu un temps d’arrêt quand j’ai vu son visage. J’étais dans ma bulle que j’ai réussi à la re-situer au bout d’un laps de temps. Ça a dû se voir à ma tête. Mais la voir m’a fait plaisir, même si je ne l’avais vue qu’une heure et demie avant mon opération. Je lui ai dit que j’étais déroutée parce que je ne m’y étais pas préparée à ne pas reconnaître ma voix. Elle m’a dit d’une voix rassurante, que j’allais retrouver les sons que j’avais dans ma mémoire, ça serait long certes. Mais le cerveau est un outil puissant, bien plus puissant qu’on le croit.

J’ai eu l’idée de lui demander si une personne entendante devenue sourde et implantée par la suite entendait comme une personne sourde de naissance (comme moi) implantée à l’âge adulte, la réponse est la suivante : la personne retrouve le son qu’elle avait avant même si la restitution est électronique par le biais du processeur et de l’implant interne. C’est le cerveau qui fait la synthèse entre le son qu’on a mémorisé et celui qu’on perçoit avec les implants. Chacun est différent.

Contrairement à une personne devenue sourde, je ne redécouvre pas un monde sonore. Ce ne sera pas une renaissance comme on pourrait le lire dans certains témoignages. Je vais découvrir un nouveau monde sonore qui va se rajouter à ce que je connais depuis ma tendre enfance.

Je me suis gratté le cuir chevelu, ça m’a fait tout drôle d’entendre ce bruit. Je me rends compte que tout mouvement fait du bruit. J’ai hâte de rentrer à la maison pour découvrir tous ces bruits à mon rythme et dormir, dormir.

Ma perfusion

Pour bien finir mon hospitalisation, ma perfusion s’est bouchée ! Il est nécessaire de m’en reposer une nouvelle pour pouvoir finir la cure d’antibiothérapie avant ma sortie de jeudi. Les infirmières se sont mises à deux pour retrouver une nouvelle veine. C’était bien ma veine !
Un garrot sur chaque bras, une infirmière de chaque côté, j’essaie de détendre l’ambiance… Elles arrêtaient pas de me dire qu’elles étaient désolées. Moi j’étais désolée d’avoir des veines compliquées à piquer.

L’infirmière en 2è année a fait preuve de tendresse, j’ai apprécié ce moment qui était un peu difficile pour moi. Elle a bien vu que j’avais mal et malgré ça, j’essayais de plaisanter. Elle a pris ma main gauche pour me la tenir et la caresser pendant que sa collègue essayait vainement de piquer une veine sur la main droite au niveau du poignet.
Je vous le dis, le poignet, mauvais plan !
Surtout qu’elle avait piqué et rien ne sortait et moi, je lance une vanne pourrie, comme à mon habitude : « peut être que je suis un vampire », bon ma vanne aura eu le mérite de détendre les détendre les deux infirmières puisque la prochaine piqûre sera la bonne !

Jeudi : la sortie

Pendant la visite des médecins, je demande au professeur à quelle heure je sors. Il me répond sur un ton joyeux : « 10h37, pas 36, pas 38, 10h37 ! ». Je souris tellement que j’ai senti mes oreilles bouger. La sensibilité des pavillons commence à revenir. C’est bon signe.

L’infirmier stagiaire m’enlève ma perfusion qui aura tout de même servi pour passer les 2 doses manquantes d’antibiotiques dans la nuit. Je le regarde et je lui dis « libérée, délivrée ! ». On sourit tous les deux.
Je lui dis que c’est fou comment on peut se sentir enchainé avec une simple perfusion.

Une fois mes affaires rassemblées, je range mes processeurs dans leur pochette. J’ai peur de tout ce bruit qui m’attend dehors. J’explique au chauffeur que je n’entends pas et que si je ne réponds pas c’est pas parce que je boude, c’est juste que je n’ai pas entendu. Il me fait signe de la tête qu’il a compris.
Je vois les paysages défiler dans la pollution. En silence, celui que je me suis accordé pour le retour.

Je suis fatiguée mais heureuse de rentrer à la maison, de quitter cette chambre si protectrice où tu ne peux pas ouvrir les fenêtres en grand, où tu peux être interrompue à tout moment.

La maison, mon refuge

En arrivant à la maison, je m’allonge sur le canapé et je m’endors d’un sommeil lourd sous le regard bienveillant de mon mari. Je me réveille, je mets mes processeurs et je me rends compte que ma maison est calme comme un monastère…

Je suis à l’affût du moindre bruit. Nous sommes deux. Mon mari est tout autant à l’affut que moi, il est avec moi à 100% dans la conquête du nouveau monde sonore.

Le premier bruit que je reconnaîtrai chez moi, sera le tic tic de l’horloge, mais aussi l’eau qui coule dans le radiateur.
Des bruits que je n’avais jamais entendus.

Je sens que je suis extrêmement fatiguée, que le travail va être long, qu’il va falloir que je sois patiente, que je réapprenne à entendre, que je réapprenne à reconnaître tous les bruits. Qu’il va falloir que je mette en place les rendez-vous orthophoniques pour que je puisse me faire aider pour ma rééducation auditive.

Partie de billard : déjà un mois

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 décembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Lors de mon écriture quotidienne sur mon cahier où je relate mes nouvelles expériences, mes journées et mes pensées… Je me suis rendue compte que cela faisait déjà un mois et un jour que j’ai été bi-implantée.

17 novembre – 17 décembre. Déjà un mois.
Ce jour où je suis passée sur le billard, il restera gravé dans ma mémoire, c’est certain. Ce moment, je l’ai écrit. Il ne manque rien. Peut-être un détail ou deux. Sacrée partie de billard quand même. 🙂

J’ai cette sensation qu’il s’est passé une éternité entre ces deux dates. Ce n’est pas qu’une sensation, il y a eu réellement plein de choses positives et quelques points négatifs.

Cette fin d’année n’a pas la même saveur que les années précédentes.
Ces temps-ci, je suis comme une tortue qui se recroqueville sous sa carapace quand le monde lui est étranger ou qu’il est trop sonore.

J’ai eu mon premier réglage, que je vous raconterai à un autre moment plus approprié. J’ai déjà effectué deux séances où on épuise le cerveau d’orthophonie. Le rythme est pris ou presque.

Dernièrement, je suis allée à la pharmacie, je lui ai dit que j’avais été bi-implantée, je lui explique que j’ai deux implants cochléaires. Je soulève mon bonnet pour lui montrer mon filet et les compresses qui protègent mes cicatrices ainsi que mes processeurs posés par dessus.
La pharmacienne, ébahie, me regarde et me dit : « alors, ça marche ? »

Je prends sur moi pour lui expliquer calmement que j’entends des bruits mais que je ne peux pas les comprendre ou les reconnaître. La compréhension de la parole n’est pas au point. Elle me répond : « Mais pourtant vous communiquez comme si rien n’était ! ».
Encore une fois, la lecture labiale me sauve, elle me donne un semblant d’inclusion car je m’exprime et réponds sans difficultés. Les échanges avec les gens sont fluides à tel point qu’ils oublient que je suis sourde de naissance fraîchement bi-implantée.

Les processeurs sont là pour me faciliter la vie mais à J+14 de mon activation. Je peux dire que j’entends quelque chose quand on me parle. J’entends le nombre de syllabes mais je ne les comprends pas. Le chemin vers la compréhension reste encore très long. L’orthophoniste est là pour ça et elle est très positive.
Le nouveau credo pour l’année 2017 va être « patience ».

Passez d’excellentes fêtes de fin d’année, pour ma part je vais rester dans mon cocoon. On se retrouve bientôt. 😉

Chroniques d’un monde sonore : semaine 1

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 décembre 2016

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Je me suis réveillée tardivement après avoir dormi comme un loir, ce qui était impossible quand j’étais hospitalisée. Dans le calme, je prépare mon petit déjeuner. Je me rends compte que le couteau qui étale le beurre sur la tartine grillée fait du bruit, la cuillère qui touille le café.
Mes pas dans la maison, tout fait du bruit.

Ces premières journées, j’ai entendu beaucoup de sons.
Tout est identique dans ce nouveau monde sonore quelle que soit la source sonore. La voix de mon mari est la même que celle de ma mère ou encore celle de mon fils.

Vendredi

Je décide de me reposer et d’y aller progressivement. Je m’installe dans mon canapé, j’entends le frottement de mes vêtements.
Je prends sur moi, c’est bizarre à entendre.
Une fois bien emmitouflée dans ma couverture, je me rends compte que la télécommande fait elle aussi des bips. Je n’ai pas besoin d’être à l’affût, mais seulement rechercher la source du bruit.

Telle que Sherlock Holmes.

Après avoir un peu trop trainé dans le canapé, je décide de me mettre à l’ordinateur, tout en me souvenant que la veille j’avais entendu le clic-clic de la souris de mon mari et de la roulette avant ou arrière quand j’étais dans le canapé et lui à 4 mètres de moi … J’en reviens toujours pas. Installée comme d’habitude, je me rends compte que mes bras qui frottent mon bureau et les touches du clavier même si je tape doucement…
Tout mouvement est un son.

Face à mon écran, je continue à écrire sur mon cahier dont j’entends le frottement du roller sur le papier. Mes pensées m’emmènent loin d’ici et je me mets à taper sur le cahier avec mon stylo.
Ce claquement répétitif me ramène à la réalité.
Je comprends pourquoi maintenant c’est agaçant ce petit bruit dans les réunions 🙂

Le lendemain, c’est le Noël de mon entreprise. J’appréhende un peu ce moment. Ça va être bruyant… Je sais que je dois m’attendre à une cacophonie de sons incompréhensibles puisque mon cerveau n’est pas habitué et que cela ne fait que 5 jours que j’entends à nouveau.

Samedi

Nous discutions tous les trois en marchant. Un couple nous double à pied. J’entends un sifflement. Je fais le lien entre le monsieur qui vient de passer et le sifflement. Je suis ébahie.
Mon fils, avec son petit talent bien caché, me reproduit le sifflement identique du monsieur. Je ris de cette découverte.

La lecture labiale m’a bien sauvée, car si je ne comprends pas ce que j’entends. J’arrive à comprendre grâce au mouvement des lèvres des personnes qui me parlent en face.

Cette sortie était bien bruyante, une fête foraine d’intérieur. Un moment très sympa pour les enfants, moins pour les adultes. Non loin du stand de tir, j’ai pu entendre le bruit sec du plomb venant de l’air comprimé libéré quand on appuie sur la gâchette.
Par moment, j’étais en compagnie d’une petite fille de deux ans, je m’amusais à lui faire des « prout » de la bouche, je m’amusais moi-même en fait. Ce bruit me faisait sourire, c’est un bruit bien sonore. Le même que celui que j’entendais avec mes appareils auditifs. J’étais rassurée de retrouver un petit repère.

Durant cette sortie, j’ai croisé quelques collègues qui m’ont dit : « alors, ça y est ? Tu entends ? ». Difficile de répondre à cette question en 2 phrases…
J’y reviendrai car pour être honnête, je crois que cette question est récurrente pour les personnes qui ont un implant cochléaire ou deux.

Dimanche

La journée d’hier a été fatiguante. Ce sera finalement une journée au calme, quoique… j’ai entendu mon fils descendre de l’escalier tel un éléphant alors qu’il est comme une gazelle.

Je me rends compte que j’entends plein de sons qui sont identiques quelle que soit la source. Je n’arrive toujours pas à percevoir les voix, ni les voitures dans ce nouveau monde sonore.

À midi, j’ai tapoté sur la table en bois de l’index à l’auriculaire en passant par le majeur et l’annulaire. Je pensais que chaque tapotement était le même son. Mais chaque doigt qui tape sur la table a sa propre tonalité !

Lundi

Je m’entends respirer et souffler, ça me donne la nausée. Je me demande comment font les gens qui entendent pour supporter cette explosion de sons, après réflexion, je n’ai pas ce filtre que les gens entendants ont pour se concentrer sur l’essentiel.

Mon mari a du mal à enlever ce filtre pour pouvoir m’aider dans la découverte du monde sonore tellement les bruits sont fins. Lui, il les a surtout assimilés et ne les entend plus.

 

Quelle découverte ! Ce qui est ennuyeux pour le moment : je n’arrive pas à mesurer l’intensité des sons, ni à les différencier car je n’ai plus aucun repère sonore.

Ça viendra avec les réglages qui sont programmés dans le temps à savoir à J+8, J+15 et J+1 mois (il y a eu un décalage avec mon hospitalisation, mais ce n’est pas bien grave) Les séances d’orthophonie qui sont prévues vont aussi m’aider.

Les billets ont été écrits il y a un moment et sont publiés que maintenant. Il y a tellement à dire … Il peut également y avoir une reprise des différents statuts publiés sur les réseaux sociaux et un décalage dans le temps (avec les fêtes de fin d’année).

Les premières séances

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 janvier 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/premieres-seances-de-reglage-et-dorthophonie/

Aujourd’hui, c’est la journée des premières séances de réglage des processeurs et d’orthophonie.

Ce matin, je suis partie le cœur léger de la maison sachant pas vraiment à quoi m’attendre ce matin. Sur le quai du RER, j’essaie de l’entendre arriver tout en lui tournant le dos. C’est tricher un peu aussi car je sens aussi le courant d’air qui le précède. Il arrive, je ne l’ai pas entendu, juste senti la vibration. Je n’entends que le claquement des pas des personnes qui ont des talons ou des talonnettes.

Durant le trajet, j’ai tenté reconnaître le nom des gares qui sont prononcées avant l’arrivée en gare et la sonnerie de fermeture des portes du train, mission impossible. C’est juste un son étouffé. Je les entendais avant avec mes appareils auditifs. Avec les implants cochléaires, tous les sons ont changé. Tous les repères que j’avais ont disparu. Je prends mon mal en patience.

À l’hôpital, je vais vers le bâtiment où est situé le bureau de la régleuse. Une fois dans son bureau, je m’installe sereinement.
Je donne mes processeurs afin qu’elle puisse les brancher à son ordinateur pour vérifier qu’ils sont bien en état de marche et prêts à être réglés. Je les remets sur mes oreilles. Sur le moment, je n’ai pas d’inquiétude. Je sais pas comment ça va se passer.

J’apprends que la procédure est la même qu’à l’activation. Il faut que je me concentre pour lui dire quand j’entends le signal le plus faible sur chaque électrode. Concentration pour les 22 électrodes de l’oreille droite. Les sons vont du plus grave au plus aigu. C’est facile pour moi qui suis habituée à entendre les sons graves, même si les repères ont changé entre les appareils auditifs et les implants cochléaires. Je peine sur la fin de la séquence quand ça devient nettement plus aigu.

Après avoir identifié le son le plus faible des 22 électrodes, je me concentre sur le son qui peut être supportable pour mon cerveau. Un son qui pourrait être à un niveau acceptable, confortable. Soit ce n’est pas assez fort, je lui demande de monter d’un ton, soit c’est trop fort, on baisse d’un ton.

Ces 22 premières électrodes réglées, je les réécoute les unes à la suite des autres, pour voir s’il n’y a pas de variation importante entre chaque son. Un peu comme les gammes musicales : Do-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si-Do.

La régleuse me prévient qu’elle va allumer le processeur pour que je puisse me préparer psychologiquement à la connexion au monde sonore.
C’est trop fort d’un seul coup. J’ai du mal à supporter. J’en ai la nausée.
Un son à la fois, ça me semblait bien.

On éteint le processeur, le son est baissé. La procédure est recommencée autant de fois jusqu’à ce que je puisse accepter cette connexion avec le monde sonore, jusqu’à ce que ce soit correct même si c’est un peu fort. On enregistrera plusieurs programmes pour que je puisse m’adapter au fur et à mesure du temps.

Tout ce que je viens de faire avec l’oreille droite, je dois le refaire avec l’oreille gauche. Mon cerveau commence à flancher. La concentration est bien moins efficace. Je n’ai pas la même réactivité.

J’ai, au total, effectué une concentration pour 88 électrodes, 44 fois pour un son faible et 44 fois pour un son acceptable. Le tout en une heure et demie à peu près.

Après avoir fait le premier réglage des processeurs, j’ai aussi rendez-vous avec l’orthophoniste. Ma journée n’est pas reposante. Je me suis posée dans un café entre ces deux rendez-vous afin de pouvoir reprendre des forces.

Pendant la séance d’orthophonie, on a testé certains sons pour voir si je pouvais les reconnaître de dos : un applaudissement, un claquement de doigts, une feuille de papier secouée énergiquement, une feuille déchirée, un toussotement et pour finir une petite chanson.
Tout est pareil. Je suis incapable de faire la différence entre ces différents sons. Je suis repartie démoralisée et fatiguée.

J’ai l’impression de puiser dans mes réserves d’énergie, comme Mario Bros qui a son pouvoir qui descend au fur et à mesure qu’il avance dans le jeu.

Ma journée s’est terminée par une entrevue avec la maîtresse de mon fils pour la remise du livret scolaire. Je n’ai pas entendu sa voix. Je suis frustrée. Heureusement que je suis accompagnée de mon conjoint qui a pu me restituer les informations.

C’est là que je me suis rendue compte qu’il fallait que je m’arme de patience, de beaucoup de patience. Rome ne s’est pas faite en un jour.

Note aux personnes qui envisagent l’implantation cochléaire : N’attendez pas pour prendre rendez-vous, les agendas des orthophonistes sont souvent bien remplis. Prenez rendez-vous dès que vous avez la date de votre opération, il est plus facile de planifier quand c’est à l’avance, elles ont l’habitude. 🙂

Légende de l’image : Schéma représentatif des électrodes actives qui sont dans la cochlée.

Les billets ont été écrits il y a un moment et sont publiés que maintenant. Il y a tellement à dire … Il peut également y avoir une reprise des différents statuts publiés sur les réseaux sociaux et un décalage dans le temps.

Des nouvelles fraîches de ce matin

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 janvier 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/des-nouvelles-fraiches-de-ce-matin/

J’avais envie de vous donner des nouvelles récentes, ce que je fais ici.

Le soleil était agréable ce matin en partant malgré le froid, la photo est telle que je l’ai prise ce matin, j’ai trouvé ça beau. Je lis beaucoup ces derniers temps mais je ne m’exprime pas trop sur mes ressentis ou mon quotidien en temps réel, ça va revenir.

Nouveau petit réglage ce matin à l’hôpital pour l’oreille droite, je suis moins en souffrance par rapport aux sons aigus, où j’avais parfois certaines lettres qui sont étaient normalement avec une sonorité grave et je les percevais avec une sonorité aigue. Difficile pour reconstituer un puzzle sonore quand on converse.

Merci à ma régleuse d’être aussi patiente, de supporter toutes mes questions également. 💜

Mais quel changement quand même. Chaque jour, je m’étonne de ces sons, de cette richesse sonore.

Je reprends le contrôle de ma vie petit à petit, malgré la fatigue qui est causée par cette richesse sonore.

Merci à celles et ceux qui me soutiennent au quotidien.

Chronique d’un monde sonore : épisode 2

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 janvier 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/chronique-dun-monde-sonore-episode-2/

Mardi

C’est le jour du premier réglage et de la première séance d’orthophonie que j’ai raconté dans un autre billet. Je tente de reconnaitre l’annonce des stations dans le RER mais c’est bien trop tôt. Je crois avoir distingué la sonnerie des portes. Tous les bruits sont flous et incertains.

Mercredi

Première nouveauté, la régleuse m’a réglé l’allumage progressif des processeurs. Il y a un laps de temps de 10 minutes entre le silence et le premier programme que j’ai sur mes processeurs. Oui, j’ai plusieurs programmes, j’y reviendrai. Ça me laisse le temps de m’adapter au réveil, l’arrivée dans le monde sonore est difficile tellement c’est différent.

En préparant mon petit déjeuner, je ne distingue pas le bruit de la machine à café, ni le sursaut du grille-pain recrachant la tartine grillée à point. Par contre, j’entends pour la première fois, le raclement du couteau qui étale le beurre sur la tartine. Petit plaisir, je ne sais pas, je suis surprise.

Dans ma salle de bains, j’arrive à reconnaître le fameux glou-glou de l’eau qui coule dans la canalisation une fois qu’on a fait couler de l’eau à grand débit (pour l’écologie, on repassera hein). Un son qui m’est familier même si la tonalité a changé, le rythme du bruit ne m’est pas inconnu.

Je ne reconnais pas le bruit des voitures. Je dois rester encore vigilante quand je traverse. Arrivée chez l’orthophoniste, je me suis assise et j’ai écouté les sons autour de moi, j’ai entendu les pas de l’orthophoniste dans le couloir. J’étais un peu inquiète de savoir si c’était bien ça, mais oui !

Jeudi

Au petit déjeuner, nouvelle découverte. Je me rends compte que mastiquer fait du bruit. C’est bruyant car je prends plaisir à manger ces tartines beurrées et à la confiture de figues maison. C’est un plaisir car j’ai encore la sensation de plastique dans la bouche suite à l’opération.

Je fais des aller-retours dans la maison, je m’entends marcher, j’entends le bruit des vêtements qui frottent, les chaussons qui claquent doucement. Quelle sensation bizarre.

En allant faire mes courses, je me suis fait plaisir. J’ai acheté une bouteille de champagne ! En passant à la caisse rapide, ils me demandent si je n’ai rien à déclarer, ils vérifient. RAS.
Une fois que j’eus payé, je passe les portiques, je remarque que ça change de couleur mais aucun bruit particulier. Je continue mon chemin tranquillement. Un vigile vient me voir et demande à voir mon caddie. Je lui montre volontiers, je suis de bonne foi.
Il me parle, je ne le comprends pas.
Je lui dis que je suis sourde et que je comprends pas tout en tendant mon ticket de caisse. Il rougit du fait que je ne l’aie pas compris Je le rassure. Il voit que ma fameuse bouteille de champagne, l’antivol n’avait pas été retiré par la caissière… Il m’enlève l’antivol et me laisse repartir. Ce sont des choses qui arrivent !

Je charge mes courses dans la voiture de maman. Sur le chemin du retour, je me rends compte que je l’entends parler mais que j’entends aussi le bruit du clignotant de la voiture et arrive à repérer le bruit avec la lumière. Je souris. 🙂

En regardant une émission sur la Nouvelle-Calédonie (coucou François !), je m’aperçois que j’arrive à reconnaître le tempo de la musique. Moi qui avais été toujours mauvaise à ce sujet. Je ne reconnais pas l’instrument mais rien que le tempo, ça me fait doublement plaisir, car on m’avait laissé entendre que la musique c’était très compliqué avec l’implant cochléaire.

Vendredi

Ma maman est passée récupérer des affaires pour la soirée pyjama de minipixel chez elle, elle a toqué doucement à la porte alors que j’étais dans le canapé. J’ai entendu le « toc-toc ». Unique plaisir de la journée.

Les journées ne sont pas toutes positives, il y a des jours où c’est plus difficile. Où le moral est un peu en berne, où on se dit qu’on va pas y arriver. C’est le contre-coup des précédentes journées. Dans mes réflexions, je me dis que quand même je me suis lancé un sacré défi.

Deux oreilles implantées du même coup.

Je me rends compte que tout est terriblement différent, tellement loin de ce que j’avais dans ma mémoire auditive. Je pleure. J’essaie d’évacuer tout ce stress, sans compter tous les aléas de la vie qui se rajoutent à cette opération. Je sais que je vais y arriver, mais que le chemin va être sinueux.

Samedi

Ce matin, j’ai pris mon petit déjeuner dans le silence. J’avais besoin de me préserver, de faire une pause. Pareil quand je me suis mise dans mon canapé. Zéro bruit, le calme absolu. Silence absolu.

J’ai finalement fini par les mettre pour aller à la Poste et à la pharmacie chercher mon traitement médical. J’ai toujours terriblement soif depuis l’opération. Je vis avec un pichet d’eau à la main quasiment.

En me levant du canapé, je me suis cognée dans un grelot qui était dans le sapin de noël, je l’ai entendu. J’ai dû taper plusieurs fois, comme une enfant qui cherche à embêter ses parents, juste pour bien vérifier que c’est ça. Quel petit bruit bien gai …

Lors du déjeuner, mon mari ouvre une canette de coca. J’entends un bruit. C’est le son provoqué par la pression du liquide gazeux qui est dans la canette. Un psshiiiit.

Les billets ont été écrits en décembre avant Noël. Il y a tellement à dire … Il peut également y avoir une reprise des différents statuts publiés sur les réseaux sociaux et un décalage dans le temps.

Chronique d’un monde sonore : épisode 3

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 janvier 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Dimanche

18 décembre 2017, je me rends compte que cela fait un mois que je suis bi-implantée !
Le dimanche en général ce sont des journées relativement calmes où j’essaie de me ménager un peu. Pas forcément voir du monde, mais favoriser plutôt les personnes que je comprends bien même sans entendre pour ne pas me fatiguer.
Nous faisons le premier déjeuner à 4 et je me rends compte que c’est bien compliqué pour suivre les conversations alors que ce sont les personnes les plus proches de moi : ma famille. Je sais que la période des fêtes de fin d’année va être rude. J’essaie de me préserver mais aussi préserver mes proches, eux aussi ont le droit d’avoir une vie.

Je me sens lasse de parcourir la toile du web francophone sans trouver une personne qui a un vécu similaire au mien (surdité de naissance, appareillage) tout en ayant une bi-implantation à l’âge adulte.
Je connais une ou deux personnes, mais le vécu n’est pas le même… Les forums que je lis, ce sont pour la plupart des personnes qui sont devenues-sourdes et qui parlent de renaissance.
C’est difficile pour moi de lire ces témoignages.
Ce n’est pas une renaissance pour moi.
C’est une découverte.
Une découverte tel un nouveau-né qui vient au monde, sauf que mon cerveau à moi il est déjà bien formaté… par toutes ces années de stimuli visuel, mais aussi d’accompagnement auditif par les appareils auditifs qui eux sont que des amplificateurs de son.

Pour me préserver, je décide de prendre un peu de recul par rapport à ces forums. Si tu es une personne sourde de naissance qui a été implantée à l’âge adulte, n’hésite pas à entrer en contact avec moi par mail 🙂

Lundi

Au petit déjeuner, je prends ma tartine et la lâche dans l’assiette. Le bruit du choc me surprend. Je suis tellement surprise que je ne pensais pas que cela faisait aussi du bruit une tartine qui tombe (Avis aux petits rigolos : non, elle n’était pas beurrée, donc elle n’est pas tombée du mauvais côté).

Ce jour-là, je fais faire mon vaccin contre les méningites. Avec deux implants cochléaires, on est davantage exposés avec ces deux corps étrangers. En fin de journée, mon épaule a doublé de volume, je ne peux plus la bouger. Suivront 24h difficiles. J’ai été prendre conseil auprès du pharmacien. J’ouvre le tube de crème, j’entends le bruit de la vis du tube qui est en matière métallique du genre aluminium. Je visse, je dévisse, je visse, je dévisse et me résous à mettre la crème tellement j’ai mal. Je suis surprise de l’entendre cette vis.

Mardi

Dans les couloirs de l’hôpital pour le deuxième réglage, j’entends les pas au loin dans les couloirs. Ça me fait plaisir. Ce bruit m’était insupportable avec les appareils auditifs. Avec les implants cochléaires, c’est différent. J’arrive à faire la différence sur le son qui est loin ou qui est près. C’est une nuance importante.

Cette fois-ci, je peux aussi dire à ma régleuse que j’ai trouvé le bruit de la voiture. Je me suis placée sur une départementale non loin d’un feu rouge, et j’ai attendu toutes les voitures qui passaient.
J’ai compris grâce à l’espacement entre chaque voiture.
Quelle nouveauté !
Nous sommes tombées d’accord sur le fait que la voiture électrique, c’est un peu mort à découvrir car elle est vraiment silencieuse pour tout le monde 🙂

J’apprends pendant ce rendez-vous que mes processeurs enregistrent des informations telles que la durée du port, le type d’environnement, la fréquence d’utilisation des programmes ainsi que le volume. Je m’aperçois qu’elle a accès à une partie de ma vie privée. Je suis gênée et lui dis qu’elle me flique, elle rougit et acquiesce. On a pas dû lui dire ça souvent…
Je la rassure sur le fait que je comprends.
C’est plus facile pour le personnel de comprendre nos ressentis et affiner les réglages au fur et à mesure pour nous donner un confort auditif.

Le réglage dure une bonne heure et demie, concentration maximale sur les 88 électrodes. On ajuste, j’essaie de reconnaître des mots qu’elle prononce sur une liste déjà définie. Ma fatigue est au maximum avec toute cette concentration. À la sortie de l’hôpital, je me rends compte que j’ai déjà beaucoup plus de détails sonores avec le nouveau réglage. Il me faut me réhabituer. Je découvre en sortant de l’hôpital le bruit de la mobylette. Ce bruit pétaradant de la mobylette qui démarre en trombe. Je souris. Un nouveau bruit dans ma mémoire auditive.

En allant chez l’orthophoniste, j’ai croisé un éboueur qui balayait le caniveau. Le bruit du balai en plastique qui ramassait les feuilles dans l’eau m’a surprise. Je ne pensais pas que c’était un bruit aussi rêche et grave à entendre. Dans la salle d’attente de cette dernière, j’ai entendu un bruit mais je n’ai pas réussi à l’identifier. Je ne l’ai compris qu’une fois qu’une nouvelle personne est arrivée. Je me suis dit que c’était le bruit de l’interphone…

Au retour, la sonnerie des portes je ne peux pas l’entendre. Pas encore. C’est à peine perceptible. Dans le RER en revanche, je commence à percevoir la sonorité « Vincennes, Nation » mais je ne les comprends pas, je les devine.

Mercredi

Balade en bords de Marne avec minipixel, lui à vélo, moi à pied.
Il s’amusait à rester en équilibre à côté de moi… parfois il est nécessaire de rétro-pédaler pour rester en équilibre, j’ai entendu ce petit bruit désagréable, mécanique.

Jeudi

De retour chez l’orthophoniste, je m’entends essuyer mes chaussures humides sur le paillasson. Ce bruit de brosse.

Je suis passée au bureau souhaiter un bon anniversaire à une collègue. On boit une boisson chaude, elle tape son diffuseur de thé sur le bord de la tasse. C’est un bruit aigu, agressif.
En tout cas, elle a bien remarqué que c’était pas agréable pour moi.
Le second collègue avait un verre en plastique vide dans les mains et s’amusait à taper sur le haut du verre. Je pensais pas que ça pouvait faire un bruit comme un tambour. J’ai trouvé ça bruyant !

Vendredi

Une sortie dans les magasins en famille pour trouver les derniers cadeaux de noël. J’ai entendu pour la première fois l’alarme du magasin. Heureusement que mon conjoint était là pour me le dire car moi j’aurais continué mes courses sans savoir ce que c’était.
Le rayon des enceintes hifi était drôle à nous 3.
Lui testant pour la qualité, moi appuyant sur tous les boutons pour trouver un son qui sort, et notre fils qui arrêtait tout en disant « chut ! ».

Un goûter à trois dans une crêperie, je me suis étonnée à entendre la serveuse préparer les tables aux alentours. J’entendais le choc de la tasse sur la table. Un bruit net et sec. Chose qui ne m’était encore jamais arrivée.

Nous sommes rentrés en bus, je me suis mise à parler. Trop fort. Mari et fils me l’ont dit. Je ne maîtrise pas encore le volume de ma voix dans des lieux bruyants ou pas.

J’ai aussi découvert qu’éplucher une clémentine pouvait faire du bruit … le bruit de la séparation de la peau du fruit. Je suis encore surprise de toute cette richesse sonore. Un truc de fou quand même.

 

Je suis prise dans un tourbillon sonore. C’est excitant et fatiguant à la fois.
Il est difficile de ne pas s’emballer, car les voix je les entends mais je ne fais pas encore la différence entre les voix de femme et d’homme. Ce sont des sonorités, pas forcément des mots que j’entends.

Ne pas s’emballer.
Être patiente.
Ne pas se décourager.

 

Les billets ont été écrits en décembre avant Noël. Il y a tellement à dire … Il peut également y avoir une reprise des différents statuts publiés sur les réseaux sociaux et un décalage dans le tempsDans le prochain billet, je raconterai les découvertes sonores durant les fêtes de fin d’année. 

Une anecdote de mon réglage du jour 

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 20 janvier 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Je suis allée aujourd’hui, effectuer un nouveau réglage de mes implants. Ce soir, j’ai écrit dans mon cahier où je consigne la plupart de mes ressentis depuis l’opération. 

Je voulais partager un petit extrait avec vous. C’est certes peut-être pas grand chose pour vous, mais important pour moi. À chaque activation des deux implants, c’était jusqu’à ce jour quelque chose d’intolérable. Je ne pouvais pas supporter toute cette puissance. 

Aujourd’hui, il s’est trouvé que j’ai passé un cap malgré le fait que j’aie encore beaucoup de mal à supporter tous les bruits qui m’entourent. Même si je fais des découvertes quotidiennes parfois surprenantes. Je me surprends moi-même. 

« Nous avons enchaîné sur le réglage de l’oreille droite. Cette fois-ci, quand elle a allumé les électrodes. Je n’ai pas eu cette sensation de douleur ou de chose qui puisse être insupportable. C’était déjà un grand progrès pour la régleuse. »

Rien que ce petit détail, aussi insignifiant pour qu’il soit, le fait qu’elle me le dise, ca m’a encouragée dans ma motivation. 

Première veillée de noël en tant que sourde implantée

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 31 janvier 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Déjà 3 semaines depuis mon activation, la journée du 24 décembre 2016 s’est passée dans le calme puisque ma petite famille était partie pour la journée et fêter Noël avec la belle-famille le soir. J’ai préféré me préserver au maximum pour ce premier Noël sonore. Je fête Noël avec eux demain midi, le 25 décembre.

Il est midi. La maison est silencieuse, la télé en mode « sourdine ». Au programme de ce midi : canapé et plateau-télé.
Captivée par la télévision, j’ai pris le babybel pour le déballer et je me suis fait surprendre par le bruit du froissement du papier qui n’est pas le même que celui d’un emballage plastique épais ou encore un papier cadeau. Le bruit du papier du babybel était bien net, crissant, chaque froissement provoquant un sentiment désagréable dans ma tête.

Aujourd’hui, tous les sons me semblent aigus.

C’est la veille de Noël, je dîne chez ma maman en tête-à-tête. En arrivant, je me suis enfoncée dans le canapé de maman, et je n’ai plus bougé jusqu’à entendre tous les bruits possibles. Les bruits qu’il y a chez elle ne sont pas les mêmes chez moi.

Chez maman, l’ambiance est plus feutrée, plus calme. Tous les bruits que j’entends ressortent encore plus qu’à la maison.

J’ai été surprise d’entendre le bruit de ses pas sur le parquet quand elle marche. C’est un plaisir d’entendre ces allers-retours.
Avant, je ne pouvais pas non plus l’entendre s’affairer dans la cuisine tout en étant dans la salle à manger. Maintenant je peux. Je ne sais pas ce qu’elle fait exactement mais ses mouvements font du bruit et je peux les percevoir.

À l’apéritif, le glaçon qui tombe dans le verre me surprend. Je le reprends et je le refais tomber dans le verre. Ce tintement, c’est juste énorme. Je ne savais pas que ça faisait du bruit. J’en prends un second et je le fais tomber sur le premier, le bruit change. Wow. Je suis émerveillée telle une gosse devant ses cadeaux. Mon cadeau est là : la découverte de ce monde sonore si riche. Ma mère ouvre sa canette de soda, je perçois le faible pshiiiit, mais je l’entends.

Je profite de ce petit tête-à-tête avec elle pour lui expliquer mon ressenti et mon quotidien. Elle est surprise et se demande comment je tiens nerveusement. C’est simple, j’ai le choix de retourner dans le monde du silence ou d’aller vers le monde sonore. Le choix est vite fait : je suis trop captivée par les gens, les choses, ces lieux qui m’entourent. Le plus difficile est de pouvoir le retranscrire ou de l’exprimer par l’écrit. J’ai quelques échappatoires quand même entre l’écriture, la couture, le tricot, l’origami…

Il est vrai qu’intellectuellement, c’est difficile de supporter toutes ces nouveautés sonores, toutes ces sonorités différentes, qu’il est parfois nécessaire pour moi de les débrancher le temps de retrouver mon calme intérieur, mon souffle, mon moi.

Le four sonne, la sonnerie stridente insupporte ma mère. Je souris, je l’accompagne dans la cuisine. Elle me donne le rythme de la sonnerie, effectivement j’arrive à le retrouver parmi tous ces bruits. Je lui dis que oui, je l’entends. Soulagée que j’aie reconnu cette sonnerie qu’elle peut arrêter maintenant. Elle est aussi impressionnée par ma capacité à pouvoir atteindre des fréquences aigües que je n’avais jamais entendues.

À table, j’entends un bruit que je ne reconnais pas. Je le cherche. J’ai fini mon assiette, ce n’est donc pas moi qui le fais puisque je ne bouge pas. Mes yeux font le tour de tout ce qui est susceptible de faire du bruit. Je vois la fourchette de maman racler l’assiette, je fais la liaison entre le mouvement de la fourchette et le bruit. C’est différent qu’à la maison. Ça doit varier selon le couvert et la matière de l’assiette !
Je caresse la nappe d’affection, j’entends un bruit de frottement, encore un nouveau son.

Nous terminons la soirée par un café, j’entends la cuillère qui touille le sucre… Je souris. Encore un nouveau bruit. Décidément, cette soirée est riche même si nous la passons en tête-à-tête.

C’est un vrai bonheur de pouvoir découvrir tous ces bruits.
Entendre n’est pas une souffrance, la souffrance est plus quand mon cerveau est arrivé à saturation, que plus rien ne veut passer. 

Ce moment-là signifie qu’il est temps que je les enlève pour une pause, le temps d’une nuit, pour repartir d’un meilleur pied le lendemain.

 

Un Noël pas comme les autres…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 février 2017

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C’est le jour de Noël, tout le monde s’est levé tardivement à cause de la veillée d’hier. Ce matin, j’ai mis un peu plus tardivement mes processeurs car je voulais vider le lave-vaisselle et ne pas avoir mal à la tête. Le bruit de la vaisselle est terrible à entendre, surtout quand on va vite (je me comprends : prendre 3 ou 4 assiettes en même temps) !

Mon fils installé devant son ordinateur, j’ai pris soin de mettre la télévision avec du son pour masquer les éventuels bruits que je pourrais faire pour installer tous les cadeaux … sous le sapin. Maman est arrivée entre-temps, elle y a placé les siens. Elle n’avait pas sonné pour réserver la surprise à notre fils.

J’ai cogné dans le grelot du sapin, sans faire exprès quand j’ai déposé les cadeaux. Je me suis amusée à le faire tinter plusieurs fois… Mon fils l’a entendu et est descendu. Découverte des cadeaux au pied du sapin, c’est le moment de la distribution !

Moi, assise dans le fond du canapé, silencieuse. Habituellement je ne suis pas comme ça mais là c’était différent. À l’affût ou plutôt dans la crainte des bruits à venir que je ne connais pas. On m’avait prévenue que c’était un moment difficile. Le bruit du papier froissé est un bruit insupportable pour quiconque qui découvre ce bruit.

Après le calme, l’euphorie de Noël et les voix sont vite montées se mêlant aux exclamations de joie de mon fils à la découverte des paquets, et tout cela mêlé au bruit de papier froissé. Le summum en terme de bruit pour moi qui avais jusqu’à présent réussi à gérer. Là, c’était vraiment comme une explosion sonore dans ma tête. Le cœur qui bat fort parce que le cerveau s’emballe devant tant de bruits. Devant tant de détails sonores, tellement d’informations que mon cerveau a du mal à les traiter et filtrer ce qui est important ou pas. Quel bruit a davantage d’importance à un autre ?

Noël, c’est censé être un moment joyeux. Je me suis retenue pour ne pas gâcher l’ambiance. Je ne pouvais plus supporter les effusions de voix. J’ai demandé à mon conjoint de descendre d’un ton et j’ai bien évidemment baissé le son de mes processeurs au minimum pour avoir quand même du son, pour ne pas être complètement coupée. Ça aurait été dommage.

Arrivés à la moitié des cadeaux, mon cerveau a dit stop. J’ai craqué, les larmes ont coulé de tristesse et de joie parce que je voulais être de la fête, je voulais être contente pour mes proches qui étaient heureux de leur cadeaux. Mais moi, j’étais à saturation, saturation de tous ces bruits. Je me demandais comment font les gens pour supporter tous ces bruits. Il y a bien un filtre, mais alors il est sacrément costaud ce filtre !

C’est là que j’ai réalisé que le premier Noël de mon fils quand il avait 3 mois et demi, cela avait été difficile pour lui. L’ouverture du premier paquet avait provoqué une crise de larmes de sa part car il avait été surpris par ce bruit si particulier. Nous aussi, nous avions été surpris de sa réaction. Je comprends désormais tous ces bébés qui pleurent à leur premier Noël/Anniversaire. Tous ces bruits, c’est une explosion sonore qui arrive une fois l’an et on n’est pas habitués.

J’ai fini par retirer mes processeurs pour finir de déballer tous les cadeaux un peu plus sereinement et être joyeuse pour ce moment précieux en famille. C’était aussi un moyen pour montrer à ceux qui m’entourent que je peux pas supporter davantage ce monde sonore, que c’est trop dur pour moi.

En passant à table, j’ai remis mes processeurs pour pouvoir profiter des conversations au calme. Nous avons trinqué. J’ai entendu le tintement de la coupe de champagne, j’ai souri. C’était un bruit doux, mélodieux selon la position de la main sur le verre mais aussi différent si le verre est plus ou moins rempli. Autant de tintement possible, chaque trinquement est différent. Richesse sonore.

J’ai réussi à entendre la sonnerie du four sachant que ça allait bientôt arriver, mais c’était bien la première fois que je l’entendais. Un bip long et discontinu. Cette sonnerie aigüe ne pouvait pas m’être accessible avant, je n’avais pas les fréquences aigües dans mon audiogramme, ou du moins je les avais perdus.

Cette journée de noël a été particulièrement riche en sons, mais aussi fatiguante pour moi. Elle a été très particulière pour moi et le restera.
Une sieste en fin d’après-midi fut nécessaire pour récupérer de la journée, pour que mon cerveau se repose et puisse continuer à gérer les bruits à venir. Faire des pauses, c’est nécessaire pour pouvoir continuer à faire des efforts.

Les nuits sont salvatrices. Chaque nuit, je dors aussi profondément que je peux. Mon cerveau enregistre les sons de la journée et le matin je repars à nouveau comme le petit lapin Duracell dont on a rechargé les batteries …

Il y a tellement à dire … Il peut également y avoir une reprise des différents statuts publiés sur les réseaux sociaux et un décalage dans le temps

Même les chanteurs se font appareiller …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 février 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Beethoven était sourd, Sting aussi. Il a donné une interview sur le blog d’un constructeur d’appareils auditifs parmi d’autres.

Quelques extraits intéressants qui permettent de relativiser et répondre à certaines questions qui sont récurrentes également quand on est fraichement équipé d’une nouvelle technologie.

« Je suis passablement sourd et ‘quoi’ est le mot que je préfère » — Sting

Beaucoup de personnes sourdes ont ce réflexe de dire « quoi » 🙂 Je l’ai eue très longtemps et cela m’arrive encore de le dire, j’ai seulement trouvé d’autres façons de dire « quoi ».

Selon les individus, le cerveau a besoin de plus ou moins de temps pour s’habituer aux sons amplifiés. Deux mois en moyenne — Anna Biggins de chez Phonak

Ici, on parle d’appareils auditifs, deux mois c’est une moyenne !
En ce qui concerne l’implant cochléaire, c’est encore différent, technologie différente, capacité différente, adaptation différente…

« Malheureusement, il n’y a pas de filtre anti-n’importe quoi sur les aides auditives » — Anna Biggins

Sur les implants cochléaires, non plus… 🙂

Lisez l’interview, elle est intéressante.

Intégrer que tout fait du bruit

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 février 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/integrer-que-tout-fait-du-bruit/

Quand on est sourde, il est au début difficile d’intégrer que tout ce que l’on fait, fait du bruit. Quand on est sourde de naissance, on ne sait pas forcément que le monde est sonore à ce point, à tel point que je suis encore surprise aujourd’hui.
Quand on bouge,
Quand on respire,
Quand on marche,
Quand les vêtements frottent sous le mouvement du corps,
Quand on déplace un kleenex d’un bout à l’autre de la table,
Quand on passe l’éponge humide sur la table,
Quand on entend l’eau qui coule dans l’évier,
Quand on change l’ampoule et que le pas de vis de l’ampoule fait du bruit …

Tous ces bruits qui sont anodins pour la majeure partie des gens, ne le sont pas pour moi qui n’avais jamais entendu ces bruits quotidiennement et aussi nettement.

Quelques petites anecdotes rigolotes

À un moment précis, je suis avec mon fils dans la pièce, je me rends compte que je perçois un bruit régulier que je ne connais pas… Je lui demande de m’aider et d’arrêter son activité afin de découvrir quel est ce bruit.

Je découvre que le hamster fait du bruit quand il boit à son biberon dans la cage. J’entends la petite bille qui monte et descend sous la poussée de sa langue pour boire. Quel petit bruit bien aigu et rythmé d’autant plus qu’il avait soif !

À un autre moment, pendant que je regarde un film, j’entends un bruit aigu mais je ne vois rien qui se passe autour de moi. Je demande à mon mari d’arrêter le son de la télé pour identifier ce bruit. C’était l’un des hamsters qui couinait dans la litière et un peu plus tard, l’autre qui mangeait sa croquette. Un stronch, stronch, bien régulier. C’est drôle. Pas le même bruit que nous les humains quand nous mastiquons notre nourriture. 🙂

Je découvre aussi que mastiquer la bouche ouverte ou fermée ne fait pas le même bruit, je réalise qu’il est bien plus poli de mastiquer la bouche fermée, cela fait moins de bruit et c’est plus agréable pour la personne qui est en face de soi.

Patience, seul remède à la frustration

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 16 février 2017

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Cerveau en compote. Tout est fouillis, je n’y arrive plus. Vivement ma maison.

Être à l’arrêt du bus, entendre le ronronnement du RER qui passe en haut. Entendre le froissement des sacs de papier des gens.

Entendre le moteur du bus qui vrombit (et qui démarre accessoirement), avoir le cerveau complètement achevé par ces bruits de la journée. Tous ces bruits sont exacerbés.

Assise dans le bus, percevoir la voix d’un homme au téléphone, tellement forte, que j’ai envie de lui dire Chuuuutttt !

Je me sens obligée de me déconnecter de ce monde sonore, d’éteindre mes processeurs, la fatigue n’aidant pas surtout après une séance d’orthophonie.

Se dire que demain sera un jour meilleur, mais les progrès sont lents à mon goût (mais ils sont là !). Le terme « Patience » est mon meilleur allié.

Il n’est que 19h17, j’ai déjà les yeux qui piquent de sommeil.
Apprendre à entendre est épuisant mine de rien.

Quand on me voit, on dirait que rien n’a changé, que tout est comme avant. On perçoit à peine mes difficultés pour communiquer.
Mais tout est différent.
J’ai changé de monde sonore, ni vu, ni connu…

Je tiens à remercier ceux qui me soutiennent au quotidien par leurs petits messages par tous les types de communication possible. C’est important et surtout énorme de se savoir soutenue. Merci.

La patience est le seul remède à la frustration. — Dalaï Lama

Petit bilan de ces deux derniers mois

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 février 2017

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Il y a maintenant 10 jours que je n’ai pas écrit ici, les billets s’espacent mais ce n’est pas pour autant que j’ai arrêté d’écrire. Mes cahiers se remplissent d’encre violette … mon téléphone d’anecdotes saisies lors de mes sorties pour ne pas oublier de les reporter sur mon cahier de mémoires.

J’ai depuis le 1er janvier, déjà eu plusieurs réglages avec ma régleuse de l’hôpital. Pourquoi autant vous me direz ? Régler 44 électrodes en 1h30 relève de l’effort supplémentaire. J’essaie à chaque réglage d’arriver « reposée » pour cet effort qui doit être continu. J’ai trouvé mon rythme en faisant une pause de 5 à 10 minutes entre chaque oreille. Cela me permet d’aller tester la première oreille dehors avant de faire la seconde. C’est certes du temps supplémentaire, mais je crois nécessaire. J’ai toujours un temps de 15 minutes pour m’habituer aux nouveaux réglages pour savoir si ça va le faire ou pas. Le souci étant que le bruit en milieu hospitalier est tellement différent de ce qu’on peut vivre dans la vie de tous les jours d’autant plus que je suis assez sensible aux variations sonores (pour pas faire comme tout le monde). Le choc sonore à chaque fois, mais je progresse toujours. Pas assez vite à mon goût mais visiblement je progresse bien 🙂

Au début des réglages, j’arrachais les implants cochléaires quand on les activait une fois qu’on avait fait le calibrage, ce qui n’est désormais plus le cas. Je les garde aux oreilles même si cela reste fort et pas « confortable »

Les séances d’orthophonie se font 2 fois par semaine, je vous laisse faire le calcul des séances qui se sont déjà déroulées, j’ai une séance tous les 15 jours avec une autre orthophoniste du même cabinet tous les 15 jours et c’est plutôt bien, ça varie les exercices et les voix. Elles sont essentielles à la réeducation sonore avec les implants cochléaires. J’y reviendrai sur les séances.

Quant à la découverte des bruits, comment dire, chaque jour est différent, chaque son est différent à chaque nouveau réglage qui lui permet d’affiner les sons plus précisément, plus nettement.
Comment peut-on avoir des résultats plus précis à chaque fois ? Parce que les neurones du cerveau ont une plasticité plus ou moins malléable selon les personnes sourdes qui ont eu une audition stimulée depuis la naissance avec des appareils auditifs (une oreille qui n’a jamais entendu, je n’ai pas d’avis dessus). Les neurones ne meurent pas, elles se reconnectent différemment, elles permettent d’analyser et d’associer le son au visuel quand c’est possible.

Ces deux derniers mois, c’était vraiment nouveau son = nouveau visuel. Réapprendre à entendre. Par contre, la gestion de la fatigue sonore et mentale, c’est pas évident. Il faut que j’apprenne à faire des pauses, à dire stop, à savoir quand il faut que je m’arrête. La majeure partie de ma journée est quand même encore bien plus dans le calme que dans le bruit.

Quelques petits bonheurs à partager avec vous tout de même… les explications c’est bien mais si vous avez des questions n’hésitez pas, j’y répondrai avec grand plaisir.

Je commence à reconnaître le nom  des stations de RER et de métro et leur sonnerie. Le bruit des roulettes des valises qui claquent sur les pavés parisiens ou dans le métro, quel bruit insupportable.

Le week-end dernier, j’ai fait un gâteau au chocolat. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, depuis l’opération en fait. Le bip-bip du thermomix quand il a fini de travailler, je l’entends désormais alors qu’avant c’était impossible. Mélanger les ingrédients, ce son de mélange des matières différentes entre la farine, le sucre, le beurre, quel bruit bizarre …

Le cinéma, ça vaut un billet à lui tout seul. J’ai été voir plusieurs films. Si je devais le résumer en un seul mot :  ça te prend aux tripes (d’accord c’est 5 mots !).

La télévision, la musique, sont aussi des sujets qui valent des billets à eux seuls. Alors qu’on m’avait dit que la musique, je pouvais clairement l’oublier … visiblement, j’arrive à l’entendre et parfois c’est surprenant comme résultat. On y reviendra en temps voulu.

Savoir que mes fenêtres aux doubles vitrages n’isolent pas autant que cela, j’ai découvert que j’entendais les voitures passer dans la rue, les cris et les éclats de voix des adolescents qui rentrent du collège, ou encore le camion des poubelles qui passe et qui recule dans l’impasse avec son bip-bip sonore … J’étais déçue de savoir que mes fenêtres n’isolaient pas comme je le pensais. Quelle naïveté ! 🙂

Les bruits, je peux pas tous les lister, mais je vais en lister certains dans le domaine de la cuisine.

Quand j’allume le gaz, j’entends le son du gaz qui arrive dans le tuyau et qui s’enflamme grâce à cette petite étincelle. C’est impressionnant, je trouve d’entendre cette puissance qui propulse le gaz dans tes tuyaux de cuisine.

Ce soir j’ai entendu l’eau bouillir, les œufs qui cognent la casserole sous le mouvement des bulles de chaleur … Quelle surprise !

L’eau qui coule dans le lavabo que je sois dans la pièce ou pas, je reconnais le son aisément maintenant.

Le bruit de la vaisselle qui s’entrechoque, c’est quelque chose que je ne peux pas supporter. Soit je le fais et je les enlève, soit je le fais en n’enlevant pas les processeurs mais j’y vais tellement lentement que ca fait pas de bruit, mais je prends mon temps !

Ce soir, j’ai entendu mon mari se faire à manger, ouvrir les portes des placards, le bruit de la vaisselle, je trouvais qu’il y avait tellement de bruit que je me suis levée pour aller vérifier … Tout ça pour un sandwich !

Par contre, la fatigue, la soif et le goût ils restent encore compliqués à gérer au quotidien mais je ne désespère pas !
La fatigue dès que je fournis un effort de compréhension, d’écoute, je suis obligée de dormir un moment après pour pouvoir supporter le reste des sons que j’entends jusqu’au soir. Je suis achevée malgré ma concentration, mes efforts pour continuer à tenir debout, mais mon corps me dit stop.
Ces derniers temps, je suis plutôt sensible aux différents bruits qui m’entourent, est-ce signe que mon cerveau les a enfin intégré ou il est arrivé à saturation ? Je ne sais pas mais pour compenser je dors, et je dors profondément, tellement profondément que je ne me rappelle pas d’avoir rêvé.
La soif, je vis avec un pichet d’eau à la main, l’avantage c’est que mes reins sont propres !  Toujours voir le verre à moitié plein 🙂
Quant au goût, je dirais que la petite marmotte qui emballe le chocolat dans du papier alu, ben elle m’a filé sa boulette de papier alu. J’ai l’impression d’avoir mâché du papier alu au lieu d’avoir mangé du chocolat …

Heureusement qu’il me reste le crochet, les copines plus que fidèles au poste et les chamallows pour les moments difficiles qui malheureusement ponctuent ces périodes de découverte joyeuse. (Haribo, si tu sais pas à qui en envoyer, je prends tout le stock !)

Je me dis qu’il faut que je reste plus régulière dans la publication des billets, à quel moment vous préférez vous ? À vos commentaires ! 🙂

Nouvelle expérience : la boucle magnétique

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 mars 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/nouvelle-experience-la-boucle-magnetique/

Je suis allée au petit-déjeuner d’information sur le projet pilote EIFFELa  organisé par France Université Numérique. Cette matinée a eu lieu dans le cadre de la mise en avant du travail qui est réalisé actuellement pour rendre les MOOC (Massive Open Online Course en anglais ou Formation en Ligne Ouverte à Tous en français) de la plateforme FUN à terme. Le MOOC pilote était celui de SciencesPo sur les migrations internationales : un enjeu mondial. Ce qui m’intéressait, vous pensez bien que c’était la mise en accessibilité de ces MOOC !

La matinée a été intéressante, vous pourrez retrouver dans la storify (il doit manquer des choses mais si vous faites une recherche sur le #eiffela vous retrouverez l’intégralité des tweets) les éléments qui en sont ressortis. Si vous souhaitez participer au comité utilisateur du @LutinUserLab, contactez Marie Rougeaux

J’ai appréhendé cette matinée car c’était une nouvelle expérience sonore. Ne pas savoir comment je vais arriver à gérer les conversations entre les voix que je connais et les voix inconnues.
Nouvel espace, nouveaux bruits.
Nouvelle expérience.
Tester mes limites toujours. 

Ca m’a permis de jauger mon audition, ma capacité à me concentrer, les premières minutes sont toujours les plus difficiles pour communiquer, le temps que je m’adapte à la personne qui me parle. L’adaptation n’est pas instantanée à chaque bruit, conversation, pas encore…
Mon cerveau ne me le permet pas, même si cela ne se voit pas.

SciencesPo est une université sensibilisée à l’accessibilité donc équipée pour recevoir des personnes en situation de handicap. Avoir une université accessible, c’est quelque chose que je n’aurais pas pu imaginer il y a 20 ans. 🙂

Le petit-déjeuner a été traduit en LSF mais aussi retranscrit en vélotypie (coucou Vincent !), quand j’ai vu qu’il y avait une boucle magnétique dans la salle, je me suis dit que j’allais pouvoir tester mes implants parce que au cinéma, ça ne fait pas le même effet (faudra que je vous raconte, oui !).

Qu’est-ce que la boucle magnétique ou la boucle d’induction magnétique (BIM) ? C’est tout simplement l’ancêtre du bluetooth. C’est un système d’aide pour les sourds et malentendants. Ce système permet de transmettre directement le son de la personne qui parle (micro, télé, ou autre équipement sonore) aux processeurs des implants cochléaires (ou appareils auditifs) sans passer par les micros de ces derniers.

J’entends directement le son qui m’est transmis sans être gênée par les bruits environnants. C’est bien pratique car j’avais une plage braille qui était sonore (ses touches faisaient du bruit) à ma gauche.
Le fait d’être isolée des bruits environnants et de n’entendre que la voix de la personne qui parle, c’est un avantage énorme pour comprendre.

Quand il y avait un changement d’intervenant, je devais régler le volume en fonction. Selon la position du micro, je peux entendre la personne parler plus ou moins distinctement mais aussi souffler (ou la reprise de souffle en fin de phrase).
Je suis impressionnée de pouvoir entendre le souffle… 🙂

J’ai essayé de suivre la personne qui parlait au micro et essayer de coller le son que j’entendais à ce que je pouvais lire sur ses lèvres, sans tenir compte de l’interprétation LSF et de la vélotypie. J’ai pu comprendre par moments, mais c’est un exercice difficile et éprouvant de devoir restituer le son au mouvement. J’ai été obligée de les retirer à un moment, j’ai cru que mon cerveau était en surchauffe avec toute cette concentration malgré la bonne connaissance du vocabulaire du sujet.

Malgré cette sortie positive, je suis rentrée à la maison épuisée par tous ces nouveaux bruits pour finir par m’écrouler dans le canapé et dormir pour récupérer de tous ces efforts sonores.

Le monde est décidément plein de richesses sonores.
Je m’épate tous les jours.

Merci à France Université Numérique et Armony Altinier pour l’invitation.

La face cachée de l’iceberg

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 mars 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/la-face-cachee-de-liceberg/

Voilà maintenant un mois est passé depuis mon petit bilan personnel des 2 mois d’activation. J’ai entamé mon 3è mois d’activation.
Mon ressenti du monde sonore varie selon les jours. Il y a des jours où il y a des découvertes géniales, des surprises auxquelles je ne m’attendais pas. Ça, c’est le bon côté de l’activation. Je dois dire qu’il y a davantage de meilleurs jours que de mauvais. 🙂

Sur cet outil merveilleux qu’est le Web, on trouvera facilement des témoignages sur l’implant cochléaire qui sont plus que positifs, qui laissent beaucoup de place à l’espoir chez les futurs implantés.
Attention, je ne critique pas, je fais un constat (peut être raccourci).
La plupart sont soit implantés d’un seul côté, d’autres sont bi-implantés avec un laps de temps entre chaque oreille.

Peu de sourds de naissance sont bi-implantés simultanément à l’âge adulte. Il existe quelques personnes dans la même situation que moi, mais le ressenti est différent.

Cette fois-ci, je voudrais parler de la face cachée de l’iceberg.
Ces derniers jours, j’ai passé un bilan orthophonique qui est à l’issue des 3 mois d’activation. C’est un protocole hospitalier. Il est le même pour tout le monde pour pouvoir faire par la suite des statistiques, ce que je peux comprendre et c’en est logique même.

Là, où c’est difficile : c’est d’être mise en défaut malgré le fait de m’y être préparée avec l’orthophoniste de ville, de m’y être préparée psychologiquement. De me dire que je vais y arriver et d’en ressortir le moral dans les chaussettes parce que je constate que je vais mettre plus de temps que la plupart des personnes implantées qui sont passées par là, uniquement parce que ma surdité est tellement ancienne.
Pourquoi ? Parce que ces tests sont élaborés pour la plupart du temps pour des personnes qui ont entendu dans le passé.
Moi, je n’ai jamais entendu.
Pour le moment, je suis plus à l’aise quand j’ai un contexte et encore, il me faut un effort de concentration. Sur les 45 minutes d’orthophonie, je suis obligée de faire des pauses de 5 minutes. C’est positif mais intense.
L’objectif étant de pouvoir entendre sans faire de lecture labiale, mais quand on a un passif de presque 40 ans de lecture labiale … Difficile de se défaire des vieilles habitudes 🙂

Le point positif est qu’on a fait un audiogramme pour voir par curiosité quelle était ma perception des sons, le résultat est quand même radical. Avant je ne pouvais pas percevoir les aigus, aujourd’hui je les perçois très bien. Je perçois les sons quasiment à tous les niveaux aussi bien graves qu’aigus.

Par contre, je savais que ce serait difficile, mais pas à ce point. Finalement, on est jamais assez préparés ! Que la face immergée de l’iceberg serait aussi grosse. Qu’il y ait autant de choses à digérer.

Je sais que je dois m’auto-motiver, à me pousser les fesses pour bouger, pour reprendre une vie normale, prendre sur moi et affronter les choses sans jamais lâcher. Ces derniers jours, j’ai tenté de reprendre un rythme journalier avec un réveil matinal sur le conseil d’une âme bienveillante 😉

Mais mon corps il me dit stop, mon cerveau n’y arrive pas. Depuis le dernier réglage, c’est beaucoup plus dur, les sons sont plus « agressifs ». Je sais que c’est pas les processeurs qui sont mal réglés, je pense que mon cerveau est fatigué. Que lui et mon corps passent une période difficile. C’est très frustrant de ne pas pouvoir faire ce qu’on voudrait, reprendre le travail entre-autre, une vie normale. Je reconstruis mes repères auditifs petit à petit, je fais des découvertes tous les jours, c’est tellement énorme. J’avais un cahier que j’ai commencé quand j’ai été hospitalisée pour ma bi-implantation, j’en suis au troisième ! Et ce n’est que le début de l’aventure. Je sais que je dois rester patiente, prendre sur moi.

Le goût métallique que j’avais évoqué par ci, par là sur le blog, je l’ai toujours 4 mois après l’opération. J’ai trouvé le truc pour masquer ce goût de temps à autre dans la journée, c’est une petite bombe de Ricqlès. C’est peut être fort comme menthe mais ca m’aide beaucoup à supporter.

Heureusement que j’ai quelques personnes autour de moi, qui sont bienveillantes, sur qui je peux compter.

Tasse avec "maman cool" et la guimauve hand-made by luckyslug

En première ligne, mon conjoint qui est mon fan numéro 1, qui me soutient et supporte quotidiennement ce que je vis, mon fils en numéro 2 (même si des fois il trouve que sa mère est un peu « relou » et pas « cool » mais il est conscient que c’est difficile).
Mon petit garçon est conscient que c’est difficile pour moi, qu’il a recommencé à utiliser la langue des signes pour me montrer qu’il est avec moi même s’il est pour un enfant de son âge en pleine période de confrontation avec ses parents.

En tout cas, je n’ai pas tout dit sur la face cachée de l’iceberg … Et puis les choses négatives, ca ne se dit pas trop sur l’internet. Les larmes en font partie, elles sortent quand c’est vraiment nécessaire quelque soit l’endroit, les personnes avec qui je suis. Ce que je sais aujourd’hui, c’est que les gens ne veulent voir que la face visible de l’iceberg.

Il ne me reste plus qu’à remonter à la surface…

Quitter sa zone de confort

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 avril 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/quitter-sa-zone-de-confort/

Je me rends compte que sur le web, il y a beaucoup de personnes qui se posent la question de savoir si ca vaut le coup de se faire implanter ou pas, est-ce que c’est bien, est-ce que … et s’ensuivent mille questions… Je reçois même des mails me demandant si l’implant pourrait convenir à la ladite personne, je réponds que je ne suis pas qualifiée et qu’il faut aller voir un centre d’implantologie ou un spécialiste de la surdité. 

Les questions sont propres à chacun, chacun a des questions différentes.

Chacun va apprécier ce nouvel outil moderne différemment (oui même si cela existe depuis 40 ans environ, ca reste encore un nouvel outil car il n’y a pas autant de retour d’expérience sur ce sujet — par exemple ici la bi-implantation chez l’adulte sourd de naissance — je pourrais faire un petit historique à la limite à l’occasion).

Chacun avec son expérience, sa surdité, son parcours aura un ressenti différent de son parcours de personne implantée.

Ce que j’exprime ici, est mon parcours, mon ressenti. Certaines personnes peuvent se retrouver dans mes écrits, peuvent avoir des émotions que j’ai aussi ressenties.

Pourquoi parler de la zone de confort ?

J’ai envie de parler de cette zone de confort. Il faut se l’avouer qu’à certains moments de notre vie, on apprécie d’avoir cette zone de confort.

J’ai décidé, il y a quelques mois maintenant, de quitter ma zone de confort pour aller vers du mieux. Je sais que ce n’est pas facile à prendre comme décision. Je me rends compte tous les jours que c’est un choix que j’ai fait.

Un choix volontaire que j’ai décidé de moi-même en toute conscience et qui a été mûrement réfléchi.Parce que je savais pas ce que ces implants pouvaient m’apporter, je ne pouvais pas imaginer ce que ca donnerait au niveau sonore, les médecins avaient peut être une vague idée de ce que je pourrais avoir mais… le cerveau est un organe tellement étrange qu’on a pas assez de recul pour savoir comment il va réagir.

Ce que je savais en me faisant opérer, c’est que ca allait être difficile, bouleversant psychologiquement, fatiguant, qu’il faudrait être patiente et motivée, que je pourrais à minima récupérer ce que j’avais avant ma perte d’audition, je voulais simplement retrouver un confort que j’avais. Je ne suis pas encore arrivée à cette zone de confort que j’avais, ça progresse.

Aujourd’hui, cela fera un peu plus de 4 mois et demi que j’ai sauté le pas.

C’était certes un choix peut-être un peu fou pour certaines personnes, un choix insensé, osé, taré voire courageux (mais je ne vois pas pourquoi ce serait courageux, enfin, c’est un autre débat 😉 )… je cherche d’autres mots pour lister le côté fou de la décision que j’ai prise, mais j’en trouve pas, pas pour le moment.

J’ai pris cette décision car je ne voulais vivre qu’une fois ce qui est en train de m’arriver et non pas deux fois. Une seule anesthésie, une seule hospitalisation (ok, j’ai pas eu de bol, j’ai eu une ré-hospitalisation), une seule rééducation orthophonique en stéréo (certes intense !), la spatialisation du son quand on est en stéréo, etc…

Ce dernier mois a été difficile à vivre. Le moral, la patience, le ressenti en ont pris un coup. Les choses qui parfois n’avancent pas aussi vite qu’on le voudrait. Patience est le maître mot de l’implant. Si ca devait se résumer en un mot je dirais patience aujourd’hui. Demain, ce sera peut-être différent.

Il arrive qu’on regrette d’être sorti de sa zone de confort volontairement. Pour être honnête, j’ai dû le penser 2 ou 3 fois genre 5 secondes : Merde, pourquoi j’ai fait ça ? Je veux retrouver mes appareils. Oui, mais non, je veux du mieux, je veux aller de l’avant, je veux mieux entendre. Sauf que là, il n’est pas possible de revenir en arrière, enfin si, mais c’est aller direct pour le monde du silence intégral, ce que je n’ai jamais souhaité.

Le regret, c’est normal c’est humain, enfin, je crois.

Quelques nouvelles

Ce mois-ci a été plutôt compliqué à gérer aussi bien au niveau sonore que moralement et physiquement.

Trouver le bon réglage, essayer de tenir bon malgré les sons qui pouvaient être parfois agressifs et énervants surtout quand on ne sait pas d’où ils viennent, de prendre sur soi pour pas envoyer bouler tout le monde parce que c’est pas parfait comme on voudrait, serrer les dents pour encaisser les différentes remarques (pas trop hein, parce que c’est pas le moment d’aller chez le dentiste ! ), supporter tous ces nouveaux bruits qu’on aurait pas imaginé entendre, se dire que le monde est bruyant, se dire que c’est une chance formidable d’entendre, avoir les personnes autour de soi au bon moment même si elles aussi ont leurs soucis de santé et de boulot, de rester en contact avec certains collègues pour ne pas perdre pied vis à vis du bureau (même si j’ai la sensation d’être très loin de toute cette équipe avec qui je m’entends bien) et surtout chaque petite victoire est bonne à prendre.

Il y aurait tellement à dire, mais je ne peux pas tout raconter sur la toile comme ça et encore, ce billet est écrit d’un premier jet. Il y a des choses qui sont encore trop fraîches pour que je puisse les raconter ou pas un jour.

Je continue toujours à écrire dans mon cahier, qui est le 3è désormais. Il me suit toujours partout … D’ailleurs faut que j’aille remettre de l’encre dans mon stylo-plume.

Après, rien ne vous empêche de m’écrire pour avoir des nouvelles 🙂

NB: Non, pas de permis moto en vue, la photo a été prise lors d’une Gamon Girls Party organisée par Sandrine Camus.

6 mois que j’ai choisi d’être bi-implantée

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 mai 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/6-mois-que-jai-choisi-detre-bi-implantee/

Aujourd’hui est un jour spécial, voilà 6 mois qui ont passé à la vitesse du son de la lumière.

6 mois que j’ai choisi d’être bi-implantée.

Ce matin en préparant mon petit-déjeuner, je me suis rendue compte que les bruits du matin m’étaient familiers même si parfois j’ai encore du mal à supporter ces bruits après une nuit de silence total, profond.

Heureux hasard, aujourd’hui mon conjoint est en congés. Ce matin, je n’ai pas petit-déjeuné seule avec les fenêtres fermées. Il fait chaud, les fenêtres sont ouvertes. Les petits oiseaux chantent. Les voisins ont des cerisiers, ce sont des nids à oiseaux !

J’entends les oiseaux depuis peu, je ne vais pas me plaindre mais qu’est-ce que c’est bruyant !
Avant, je n’entendais que la tourterelle mais ça c’était avant.
Ça ne fait que 3 jours que j’ai identifié la pie grâce à une amie qui est venue déjeuner à la maison, j’entends aussi les tourterelles et autres petits oiseaux que je n’ai pas encore identifié car je n’ai pas de spécialiste sous la main.

Ce matin, j’ai eu le bonheur de reconnaître la pie du premier coup. Mon mari était étonné, on a attendu tous les deux qu’elle rechante, et il m’a bien confirmé que oui c’était la pie !

Au fond de moi, je suis heureuse de ce petit exploit qui est peut être insignifiant pour la plupart des personnes, parce qu’il paraît que le chant de la pie est pas spécialement beau ! 🙂
Impossible de dire si c’est beau ou pas, je n’ai pas 36 sons répertoriés dans mon cerveau pour pouvoir comparer et dire ce que je préfère.

Je ne peux pas constater les progrès au quotidien car je n’ai pas de repères auditifs. Ça me semble très long. Trop long. Il faut faire preuve de patience.

Il y a certainement des progrès, mais peut-être pas là où le corps médical les attend, notamment en compréhension orale (qui veut dire comprendre les gens sans pouvoir les regarder parler, faire de la lecture labiale). Ce sont des choses que je n’avais pas imaginées pouvoir faire un jour.
Percevoir certains mots avec le texte sous les yeux, j’y arrive mais à quel prix. J’en reconnais quelques uns mais il me faut un contexte à minima.
C’est et ce sera encore des moments difficiles qui solliciteront beaucoup d’efforts et de concentration.
La concentration est un peu plus efficace qu’il y a 6 mois. Je suis plus réactive aux sons, mais aussi beaucoup plus sensible. Je m’en rends compte par moments à la maison. J’arrive maintenant à entendre le petit bip-bip du four de la cuisine quand je suis dans mon bureau et inconsciemment ce midi, je l’ai reconnu sans vraiment être attentive. Je savais que le four marchait mais je ne connaissais pas l’heure de fin de la cuisson.

Les réglages commencent à prendre une vitesse régulière, à priori je suis à un réglage par mois. Ils commencent à se stabiliser, il était temps… Je suis néanmoins repartie sur de nouvelles bases le mois dernier. J’en reparlerai dans un autre billet plus tard, je ne préfère pas me prononcer, c’est trop frais encore.

C’est aussi pour ça que je n’écris pas beaucoup sur ce sujet, car ce sont des choses qui prennent du temps, qui sont pas forcément bonnes à partager à chaud. J’écris toujours autant dans ces petits carnets qui sont salvateurs. Parfois, je me dis qu’un livre pourrait être intéressant mais je ne sais pas comment faire, ni par où commencer, ni à qui en parler.

Cette opération a bouleversé ma vie. C’était l’inconnu avant, je ne savais pas à quoi m’attendre, je ne savais pas ce qui m’attendait.
Je savais que je pourrais récupérer ce que j’avais à minima mais je ne pouvais pas placer d’espoir sur la possibilité d’entendre mieux, car ma surdité est tellement ancienne et le cerveau assez complexe. Il n’y a pas assez de recul scientifiquement pour pouvoir juger l’efficacité de l’implant dans des cas comme le mien.

6 mois que j’ai les papilles gustatives qui sont pas au point (les nerfs gustatifs ont été probablement touchés durant l’opération, ce sont des choses réversibles). J’avais la sensation de manger du plastique en sortant du bloc, maintenant c’est du métal et il est bien ancré ce goût métallique … Vivement que ca revienne à la normale !

Tous les jours, il y a de nouveaux sons. J’ai découvert dernièrement le silence des personnes qui entendent. C’est pour moi un bruit permanent et non pas un silence total tel que je le connais. Mon silence n’est pas le vôtre et inversement.

Le bouleversement est tellement grand qu’il m’est difficile de me relever tout de suite (note : chacun réagit différemment vis à vis de l’implant, il n’est pas possible de le généraliser). Je ne mentirai pas non plus sur le fait que ces 2 derniers mois ont été difficiles psychologiquement, avec en plus l »hiver qui a été long. Se poser des questions, sortir de sa zone de confort, revoir ses attentes sonores vis à vis des implants cochléaires, me motiver pour garder la banane, continuer à faire ce que je faisais avant tout en tenant compte de ce bouleversement sonore.

J’ai l’impression que c’était hier que je partais au bloc à cette heure-ci.

Voilà, ça fait déjà que 6 mois.

 

Se faire violence

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 8 juin 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Depuis peu, il m’est plus dur d’écrire dans mon journal. Le moment présent est tellement intense que je n’arrive pas à me projeter, à me concentrer sur l’essentiel. Mon cerveau est toujours en ébullition. Quand je me couche, c’est la bousculade des mots, des phrases et des sons dans ma tête. C’est comme un train qu’on a lancé à grande vitesse.

Dans mon précédent billet, je disais que la concentration était meilleure. J’arrive à solliciter mes neurones pour comprendre ce qui se dit sans lecture labiale mais avec un contexte précis et dans le silence.

Reconnaître des mots, des phrases avec le texte sous les yeux, c’est possible.

Dès qu’il y a un bruit parasite, je perds ma concentration et par ricochet, ma mémoire me fait défaut. Je suis coincée par le bruit parasite tant que je ne l’ai pas identifié — que toi, tu as grandi avec que tu l’as oublié ou enfoui au fond de ta mémoire —. L’activité cérébrale est tellement sollicitée par les zones d’écoute et de concentration que tout le reste est éclipsé. C’est difficile à encaisser et à expliquer.

Aujourd’hui, c’est mon conjoint et mon fils que je comprends et encore, pas toujours. J’arrive à entendre et reconnaître les mots « oui », « non », « d’accord », « j’arrive », « sophie » sans les regarder et sans contexte. Les conversations à plusieurs dans le silence restent encore compliquées encore aujourd’hui.

Mon cerveau s’acharne à reconstituer ce puzzle sonore. Assembler les sons que j’ai entendus avec mes appareils auditifs à ceux que j’entends avec mes processeurs d’implant cochléaire, un travail énorme de maillage, de reconstitution. Le cerveau assimile les nouveaux sons à ceux qu’on a en mémoire.

Entendre et comprendre restent deux choses différentes.
Entendre, c’est facile.
Comprendre c’est plus compliqué. Jusqu’à présent, je me suis toujours aidée de la lecture labiale.

Une lecture labiale très bien entrainée puisque j’ai de nombreuses années d’entraînement. Le son et la lecture labiale sont complémentaires. La lecture labiale est comme une béquille, encore faut il pouvoir l’exercer dans de bonnes conditions (impossible dans le noir ou en contre-jour, ou d’un immeuble à l’autre à travers 2 vitres — cf. le film « Sur mes lèvres » — et j’en passe…).

Si je progresse aujourd’hui, c’est aussi un travail quotidien. J’ai eu jusqu’à présent, 2 séances d’orthophonie par semaine, la fréquence est en train de descendre à 1 fois par semaine.
C’est là aussi que je me rends compte qu’il faut que je reste motivée. J’ai aussi cette sensation de devoir débrouiller avec ces 2 oreilles toutes neuves que je n’arrive pas à dompter, que je n’arrive pas à maîtriser comme je le voudrais, que je dois être patiente.

J’ai la sensation d’avoir perdu mes stratégies et astuces qui me permettaient de communiquer sans trop de mal tout en utilisant mon cerveau qui faisait de l’auto-complétion avec la lecture labiale.

J’ai l’impression d’être comme un enfant qui apprend à marcher et à qui on a lâché la main pour qu’il s’élance de lui-même.

Chaque jour, je me fais violence pour me dire que je retrouverai mon confort que j’avais instauré tranquillement mais sûrement avec mes appareils auditifs. Je sais, au fond de moi, que j’y arriverai mais à quel prix.

NB : une chose est certaine, je ne retirerai pas mes processeurs.

Il y a du soleil sur la France

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 21 juin 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Dans les collines
Les champs et les vignes
Mon Dieu qu’il fait beau
Là-bas dans l’eau fraîche
Nos deux cannes à pêche
Attendent un poisson 
— Il y a du soleil sur la France, Stone et Charden
(ne me dites pas merci si la chanson vous reste dans la tête pour la journée, moi c’est fait !)

Nous sommes le 21 juin 2017.
C’est le jour de l’été ;
C’est aussi la fête de la musique ;
Et la chaleur canicule est là aussi.

J’ai sorti la piscine gonflable dimanche dernier. C’est plus facile d’aller dans le jardin avec ce beau temps. C’est la découverte des sons inconnus. Quand j’ai déplié la bâche de la piscine, je me suis rendue compte que le froissement de cette dernière était le même que celui des sacs de courses. C’est un son désagréable pour moi, je suis en général figée quand je l’entends. J’ai dû me faire violence pour pouvoir installer la piscine comme il faut.

Au moment de gonfler, j’ai été surprise par le bruit du vent qui est insufflé dans la bouée de la piscine par la pompe. C’est un bruit régulier et feutré. L’air qui pénètre dans cette bouée, on dirait qu’il frotte la surface du plastique pour la gonfler. Il y a une différence de son quand la pompe se remplit d’air ou se vide. Je n’avais jamais vraiment fait la différence. Je pourrais dire sans la voir quand elle se remplit ou se vide.

Pendant le remplissage de la piscine, je retrouve des sons qui me sont familiers. Le jet est encore au ras du sol de la piscine, un son grave et rapide. C’est celui que je connaissais mais cette fois-ci il est plus net, plus localisé dans l’espace sonore qu’est mon jardin.

J’arrive désormais à reconnaître le chant de la pie, du coucou, du moineau et … celui du Coq ! Ce qui m’amuse dans ces chants, c’est entendre les oiseaux communiquer entre eux. Une nouvelle forme de communication qui m’avait été inaccessible jusqu’à présent et que je découvre.
Par contre, ça peut devenir très énervant quand un oiseau est à proximité et qu’on recherche un peu de calme. Un nouvel apprentissage difficile que je dois faire. Accepter les sons qui sont produits autour de moi et d’arriver à ne pas être énervée par les bruits répétitifs.

Avec les appareils auditifs, je n’arrivais pas à supporter les bruits répétitifs, notamment les talons des chaussures. Je m’arrêtais pour laisser passer la personne et marcher derrière elle. Désormais avec mes processeurs d’implant cochléaire, les choses se présentent différemment. Les sons sont plus nombreux, plus forts aussi. J’ai l’impression que tout est fort. C’est compliqué de devoir se convaincre, que non c’est pas fort, que non on entend pas que moi, que je chuchote sans me rendre compte.

Apprendre à moduler ma voix en fonction de ce que j’entends, le « retour son » de ma voix avec les bruits environnants. Ca reste encore compliqué.

J’entends maintenant le flot sonore du trafic routier qui passe à quelques rues de chez moi. J’arrive à voir la différence quand le vent vient pas du même endroit, ce bruit varie en intensité.

J’entends parfois le bruit du moteur des avions qui passent dans le ciel. C’est assez surprenant. Je ne pensais pas qu’on pouvait les entendre. Ce sont certainement des sons futiles pour vous, mais tellement nouveaux pour moi. Mon filtre sonore s’améliore de jour en jour.

J’arrive à entendre quand un voisin bricole ou tond dans son jardin. Je ne fais pas encore la différence entre le karcher et la tondeuse, mais je perçois déjà ce ronronnement.

Pour en revenir à la piscine, je ne pensais pas pouvoir entendre mon fils se mouvoir dans l’eau de la piscine. Il provoque des remous en marchant dans un sens pour provoquer un tourbillon.L’eau est un matériau qui est très sonore.
L’expérience genre Thomas Pesquet (faudra que j’y revienne).
Une fois que le tourbillon est là, il marche dans le sens inverse.
Le son des remous est fort et puissant, c’est un son que je n’avais jamais entendu. L’eau qui remue, qui réagit aux mouvements, c’est fort. Ca m’impressionne.

Le quotidien est rempli de nouveautés, toujours aussi riche qu’au premier jour où j’ai entendu pour la première fois avec mes implants cochléaires. Il est toujours fatiguant à supporter mais c’est un peu plus facile qu’au début.

Un battement d’ailes…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 juillet 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Entre deux rendez-vous, je me suis assise dans un café. Seule à une table. J’entends mes voisines de table parler mais je ne les comprends pas. Il y a un bouhaha énorme. J’ai entendu le claquement des mains qui se tapent. J’essaie de tendre l’oreille sans les regarder, c’est peine perdue. 
Je tourne discrètement la tête. Je vois sur leurs lèvres qu’elles ne parlent pas français mais anglais ou américain. L’une d’elles a dit « fifteen ». 

Je vais pas détailler davantage la scène, ce sont des événements du quotidien. 

La lecture labiale est quand même ma meilleure amie, elle me sauve à chaque fois. Mes implants cochléaires sont complémentaires. Je me rends compte que j’en ai besoin pour communiquer plus aisément.

Ces derniers temps, je supporte très difficilement les bruits. Ca me fatigue. J’ai l’impression que tout le monde parle fort, mais non. C’est ma sensibilité qui a été remontée lors du dernier réglage car elle était plus basse que la normale. Je perçois davantage de détails. 

Dimanche dernier, j’ai pris un vêtement qui était sur la chaise de la salle à manger. J’ai entendu un bruit sec que je ne connaissais pas. C’était ma pièce qui était tombée par terre. J’ai été surprise du son que cela pouvait générer. Entendre une pièce tomber, ça ne m’était jamais arrivé encore. 

En fin de journée, j’aime m’asseoir dans le jardin pour écouter les chants d’oiseaux. L’heure avant le coucher du soleil, les oiseaux pépient davantage. On entend bien la différence quand le soleil est couché, la ville est plongée dans les bruits urbains. 

Il y a peu, j’ai entendu le battement d’ailes d’une tourterelle. C’était assez drôle et bizarre à la fois, à entendre. Première fois aussi. 

Je n’entends pas les battements d’ailes de papillons mais je me plaîs à les regarder devant ma fenêtre de bureau. C’est léger, furtif comme le son en quelque sorte. 

Je me rends compte que mon cerveau n’a pas été habitué à entendre autant de sons, autant de détails qu’il m’est encore nécessaire de faire des pauses de sommeil dans la journée pour mieux encaisser. 

Lâcher prise, ne rien faire, se forcer à ne plus analyser les bruits que j’entends depuis 7 mois. S’autoriser à se laisser aller, c’est pas simple quand le cerveau ou plutôt l’ouïe est tout le temps sollicitée. C’est l’objectif prochain. 

Les voyages, l’espoir font vivre…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 28 juillet 2017

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Ce soir, je suis les pieds en éventail à l’ile Maurice avec mes deux gars… Profiter de ce petit vent qui est permanent mais qui te permet de ne pas cuire au soleil, déguster une noix de coco fraîchement tombée, plongée à 4 mètres voir les coraux sans les toucher ainsi que les poissons tellement colorés qui viennent te picorer les bulles d’air sur ta combinaison de plongée ou les avant-bras… ou encore aller manger un bol renversé chez « Salut les Copains » ou aller manger une assiette de fruits de mer qui en vaut le détour qu’on en est capable de traverser tout l’île rien que pour ce plaisir.
 
Dans une semaine, je suis à New York tous les 3, profiter de ceux qu’on aime pour les voir. Frank, Robin, Marlene et Marjena. Marcher, explorer les rues de Manhanttan, échanger avec les gens qui nous entourent dans certains magasins. S’asseoir, contempler, écouter ces mouvements de foule, la variété de langues qui se trouvent à NYC, entendre le bruit du ferry, aller voir Ellis Island, les lumières qui font rêver ainsi que la skyline.
 
Dans 15 jours, je suis avec mes gars et Emmanuel qui vit au Japon avec sa petite famille depuis très longtemps mais que je ne connais que par les réseaux sociaux et mon mari. Se retrouver avec nos familles, profiter de ce séjour pour découvrir le japon avec quelqu’un qui y vit comme lui ou Karl… Découvrir ces jardins japonais si zen entre autres…
 

Mais non chers amis, les voyages écrits plus hauts ne sont que des rêves qui font que j’ai encore de l’espoir de faire mieux, d’aspirer à une vie normale ponctuée de voyages rêvés. Non, je ne suis pas partie, ce ne sont que des rêves.

J’aimerais bien réaliser à nouveau après ces deux années difficiles au niveau de la santé. Redécouvrir ces sons, bruits d’ailleurs, je suis persuadée que ces voyages,  que c’est aussi une forme de réeducation.

La santé va mieux, le bruit est pas mon pire ennemi (honnêtement, il est pas loin), mais comme on pourrait dire : « c’est compliqué ». Je vais faire en sorte que ce soit pas compliqué à expliquer et donner quelques nouvelles dans quelques jours.

8 mois de bi-implantation

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 1 août 2017

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Aux dernières nouvelles, je parlais d’entendre le battement d’ailes de papillon. Seuls les insectes peuvent les entendre ainsi que les oiseaux.

Voilà maintenant 8 mois que j’ai mes implants cochléaires. J’ai envie de dire que ces dernières semaines, j’ai passé pas mal de temps à faire la différence entre le bruit et le son. 

Le bruit est un ensemble de sons qui n’est pas agréable à entendre. Le son est un ensemble de vibrations auditives n’ayant pas forcément une harmonie. Les définitions ne sont certainement pas celles du Larousse.

Quand il a plu, je me suis surprise à écouter ce son qui était parfois agréable et parfois désagréable. 

La pluie qui tombe sur un toit en zinc, un velux, un store banne ou un piscine. Le son est différent selon la surface, je ne pensais pas que ce serait aussi varié. Pendant une séance d’orthophonie, j’ai entendu la pluie tomber sur un toit en zinc, j’ai trouvé ça désagréable.

Le monde sonore est très riche en détails. Mon cerveau et ma sensibilité ont encore du mal à gérer cette multitude d’informations. Parfois, il y a tellement de détails que je trouve que les sons sont forts alors qu’ils ne le sont pas forcément pour mon entourage. J’apprends encore à assimiler et à encaisser psychologiquement les différentes tonalités de sons quelque soit le volume.

Les voitures qui roulent sur le bitume par un temps ensoleillé et par un temps de pluie, il paraît que ce n’est pas le même son. Je n’ai pas réussi à faire la différence encore. C’est peut être un détail inutile certes mais important pour moi. 

Les séances d’orthophonie sont toujours au rythme de 2 par semaine. C’est un rythme soutenu mais qui en vaut la peine. Je progresse. J’arrive de temps en temps à comprendre des petites choses par-ci par-là. Ce sont principalement des phrases courtes, je ne m’en rends pas forcément compte. 

J’ai commencé en parallèle des séances de rééducation, à écouter des podcasts, de la musique, des livres audio. Jamais, je n’aurais imaginé pouvoir le faire un jour. 

La radio on peut oublier, ça va trop vite. Les paroles ne sont pas toujours audibles.

Les podcasts j’ai testé mais le débit de la parole est trop rapide. 

Le seul podcast que j’ai écouté est celui de la Riviera Détente, retranscrit entièrement à l’écrit. Je n’ai pas réussi à retrouver les mots sans support écrit sous les yeux. La seule chose que j’ai réussie à reconnaître ce sont les moments où les auteurs rigolaient (grassement j’ai trouvé mais peut-être que je me trompe). 

La musique est un exercice un peu différent mais efficace à double sens. 

Elle permet de travailler la reconnaissance de la sonorité des mots, mais aussi d’enrichir la culture musicale. L’application MusixMatch sur iOS reconnaît et retranscrit les paroles, qu’elles soient en français ou une autre langue, en live. 

La difficulté est de faire la distinction entre la musique et les paroles.

Au quotidien, la compréhension de la parole est différente. Les gens ne chantent pas forcément quand ils communiquent mais c’est un moyen d’entraînement comme un autre. L’idée est d’entraîner le cerveau en permanence et par tous les moyens (agréables, ça va de soi !) 

 Les livres audio, je les écoute avec un support écrit sous les yeux pour l’instant mais arriver à suivre la parole, c’est assez ardu comme exercice. J’ai testé trois livres audio, les voix varient. J’utilise principalement des livres audio où le narrateur a une voix posée et sans ambiance sonore. Ça revient cher pour l’instant puisque j’achète le livre en double exemplaire. Je n’ai pas pris d’abonnement à une bibliothèque audio, ce serait pas rentable vu que je suis assez lente à écouter un livre audio. Bernard Giraudeau est mon préféré. Il a une voix claire.

Il y a aussi des livres animés pour enfants qui sont plutôt bien racontés et sans musique. On entend bien les mots qui sont prononcés. Les voix sont claires et parfois un peu calquées sur le ton de l’histoire. L’histoire n’est pas monotone à écouter. 

J’ai envie de dire aussi que je recommence à sortir de ma bulle, même si ça reste encore difficile psychologiquement, la gestion de tous ces sons et ma relation avec l’humain. Je suis contente d’entendre, de retrouver voire même plus que ce que j’entendais avec mes appareils.

Dans la bi-implantation, la gestion du choc psychologique n’est pas assez préparé voire meme anticipé car on ne sait pas comment les gens peuvent l’accepter, le comprendre ni le gérer. 

De tout ce que j’ai pu lire, entendre et voir : il ne faut pas baisser les bras et être patiente. 

Je commence à voir le bout du tunnel même s’il me semble encore très loin. 

L’envers du décor de l’implant cochléaire

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 août 2017

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Ce billet est un peu spécial, j’exprime ce qui ne se dit pas sur la toile. On lira toujours que l’implant cochléaire est un outil merveilleux, magique, que c’est un outil qui fait renaître les personnes qui ont perdu l’ouïe.

On est dans une époque où la positive attitude est privilégiée et c’est tant mieux.

L’envers du décor, on ne l’exprime pas ou très peu.

Il y a des choses qui sont occultées à moins que j’aie mal cherché. C’est certes négatif mais parfois il faut dire les choses telles qu’elles sont. Il faut avoir le cran de le dire je pense.

Il faut avoir le cran de dire
que oui j’ai eu mal à la tête,
que oui les parties internes m’ont fait souffrir au début,
que oui parfois c’est dur (il y aura toujours des moments avec et des moments sans),
que oui ça va mieux,
que oui le pire est passé (ça, je ne sais pas…),
que oui il faut arriver à dompter le mental désormais.

Il y a des moments difficiles, très difficiles à tel point qu’on doit serrer les dents pour supporter, pour encaisser tous ces bruits qui nous entourent.

Ces bruits que je redécouvre chaque jour depuis 9 mois. Si je devais lister tout ce que j’entends, la liste serait longue, très longue. J’ai d’ailleurs arrêté d’écrire parce qu’il y en a trop. Ces bruits ne sont pas forcément pertinents au quotidien mais sont occultés par les personnes qui entendent depuis leur naissance.

Le monde est bruyant, plein de sonorités.
Certaines sont merveilleuses à entendre, d’autres sont désagréables.
J’avais été prévenue que ce serait un bouleversement total (mais pas à quel point par contre, c’est propre à chacun). J’ai apparemment une sensibilité sonore élevée. Difficile de supporter tous ces sons qui se répètent, qui sont provoqués par chacun de nos mouvements. Il y en a tellement.

Moi-même, encore aujourd’hui, j’arrive à me faire surprendre par ma respiration, mon souffle. Je sais que je ne peux pas arrêter de respirer mais parfois je m’arrête uniquement pour voir si c’est bien ce son que j’entends en permanence et qui fait partie de moi. La respiration, certains méditent pour s’entendre respirer. Je pourrais dire que je médite toute la journée, je m’entends respirer. 🙂

Mes implants cochléaires, je les aime parce qu’ils m’apportent ce qui me manquait : le son. ♥

Il m’arrive de me « débrancher » de temps à autre dans la journée pour me retrouver dans ma bulle de silence, dans ma bulle d’air qui me permet de mieux rebondir après. Revenir au monde sonore après avoir été dans le silence quelques heures reste encore difficile. Je ne sais pas comment je peux faire pour que la transition soit plus douce. Cependant je me rends compte qu’il m’est difficile de m’en passer. Je ne peux pas communiquer sans, je me sens amputée d’un sens.

Jusqu’à présent, j’ai tenu, j’ai serré les dents pour y arriver. J’ai fait beaucoup de progrès mais je suis arrivée à un point où c’est tellement dur d’entendre, de supporter tous ces sons que je serre les dents à chaque passage de voiture dans la rue tellement que je trouve le son fort alors que mes implants cochléaires sont réglés au volume minimum, que je pleure de lassitude, de fatigue, de ne pas arriver à voir le bout de ce foutu tunnel.

Soyez certains, je n’ai aucun regret concernant ma décision.
J’attends avec impatience le prochain réglage pour améliorer tout ça et rendre les choses un peu plus douces.

Je n’avais pas imaginé que ce serait aussi dur, encore aujourd’hui 9 mois après. #newsophie #newsound

 

Je ne dirai pas Game Over.

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 1 septembre 2017

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Certains ont vu passer sur les réseaux sociaux, une photo d’un paquet de mouchoirs vide accompagné d’un texte plutôt triste que je remets ici pour mémoire.

Je dirai pas Game Over. Pas encore. Entendre est quelque chose qu’on imagine pas que ça puisse être difficile pour d’autres. Je ne trouve pas ou plus les mots. Ma ténacité est en train de me lâcher. Mon cerveau est saturé. Ma motivation est là mais tiraillée par plusieurs sentiments. Les yeux sont humides, trop humides. Les pensées se bousculent, c’est le bordel dans ma tête et je ne sais pas à qui en parler. Je suis épuisée. En attendant, j’ai mis mes oreilles sur pause. #newsophie (et non, c’est pas une pub pour Lotus, ben ouais.)

Depuis le début de l’aventure de ma bi-implantation, j’ai toujours exprimé mes émotions avec pudeur. Mes émotions ont été aussi temporisées par le fait qu’ici, est un lieu qui est lu par tous. Par souci pour mes proches en particulier et mes amis, je ne me suis jamais totalement épanchée par mes écrits. Peut être que ce sera le cas ici, je ne sais pas.

Je repense à un billet récemment écrit par mon amie, Kreestal. Il est tellement difficile de s’exprimer sans crainte, avec insouciance comme on le faisait à l’époque du début de l’Internet en France, qu’aujourd’hui, tout est pesé, calculé, pensé et jugé.
Pour une fois, je n’ai plus envie de me modérer, de me retenir, d’avoir peur des jugements des autres. Ce carcan qui m’entoure, j’ai envie de m’en libérer, j’ai envie de dire les choses qui ne se disent pas. Dire : Et alors ?
J’ai juste envie de m’exprimer en tout liberté mais au fond de moi, quelque chose me dit que ce n’est pas possible. Un pas devant l’autre, tout vient à point de toute façon.

J’ai eu un rendez-vous de réglage à l’hôpital mercredi. J’attendais le rendez-vous avec impatience depuis 15 jours. Ce dernier a été correctement effectué puisque nous avons baissé les aigus ce qui est déjà bien plus confortable pour moi.

Hier a été une journée où j’ai payé le contre-coup de ce mercredi, comme toujours, ce sont des moments qui sont joyeux mais aussi éprouvants car il y a toujours une part de nouveauté à chaque fois. Les sons s’affinent, ils sont de plus en plus nets. J’en suis ravie, il ne faut pas croire que je suis déçue, que je regrette, que nenni. Pas du tout.

Hier a été une journée où je me suis rendue compte que j’étais à saturation, que j’en avais marre de faire des efforts sans relâche, de ne pas savoir à qui en parler puisque c’est pas courant, de supporter, de me retenir, de dire que tout va bien, etc….
Accepter le fait que j’étais fatiguée tout court. Ne pas se voiler la face.
Accepter le fait que ma relation avec l’autre est en train de changer.
Il faut admettre que psychologiquement, ce n’est pas une mince affaire quoiqu’on en dise. Il faut s’entourer des bonnes personnes et pas n’importe lesquelles. J’ai quelques chouettes professionnels autour de moi, soyez-en certain•e•s.

Et finalement j’ai osé écrire ce petit laïus avec pudeur sur les réseaux sociaux. J’ai réfléchi, j’ai pesé mes mots, j’ai corrigé mille et une fois pour finir par la poster cette photo.

J’ai vu les réactions arriver. C’est aussi dans ces moments-là qu’on se rend compte que les personnes sur qui on voudrait compter sont absentes. Et d’autres qui se manifestent alors qu’on ne pensait pas qu’elles le feraient. C’est aussi dans ces moments difficiles qu’on se rend compte qu’on a perdu des personnes en cours de route.
D’autres sont apparues sur mon chemin, je les remercie d’être là aujourd’hui, c’est précieux.

Hier, pour la première fois de ma vie de sourde, j’ai osé ne pas porter mes implants cochléaires de la journée sur les conseils d’une amie qui me suit depuis le début <3.
Je n’avais jamais osé parce que j’avais cette peur de l’échec, que je ne veux pas échouer mais réussir. Mais parfois, il vaut mieux reculer pour mieux sauter. Ça ne m’était jamais arrivé de me plonger dans le silence volontairement (en dehors des 3 semaines de silence imposées par les suites opératoires). Je dois dire que cette soupape m’a fait du bien. Dans les temps à venir, je pense qu’elle va être mise en place de manière à pouvoir évoluer plus sereinement vers le monde entendant.

C’est certes long, mais je reste patiente.
Ma patience est maintenant forgée, je ne me dis plus qu’il faut être patiente, je me dis que chaque jour est différent, que chaque jour tend vers le mieux.

Paris Web 2017 : Sophie mode d’emploi

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 2 octobre 2017

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Cette année, je suis encore dans le staff de Paris Web et vous me verrez pendant 3 jours.

Une fois n’est pas coutume, c’est Oxymore qui vous donne ce petit mode d’emploi parce que tous les sourds sont différents et que ma femme n’est pas comme d’habitude.

Voici un petit résumé des questions que vous pourriez lui poser sachant qu’elle a été bi-implantée il y a 10 mois :

  1. Elle est toujours sourde
  2. Elle a énormément mal à la tête parce qu’elle entend beaucoup plus de sons qu’avant
  3. Cette surcharge de sons fait qu’elle est souvent très fatiguée
  4. Si elle ne t’a pas dit bonjour, c’est qu’elle ne t’a pas vu•e et encore moins entendu•e
  5. Ce sera sans doute plus difficile cette année d’avoir de longues conversations et surtout à plusieurs personnes avec elle

Conclusion : Si tu vois qu’elle fronce les sourcils ou qu’elle n’est pas aussi souriante que d’habitude ou même en train de pleurer, pardonne-lui cette année, elle est plus sensible.

PS : Ce billet n’est pas pour vous faire rire mais pour prévenir un peu.
Elle aurait pu rester chez elle mais elle préfère être avec vous.

Paris Web 2017, une superbe édition

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 octobre 2017

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Voilà une nouvelle édition qui vient de se terminer.

En 2010, j’avais un rêve c’était d’aller à Paris Web.

En 2011, mon rêve s’est réalisé, j’y suis allée en tant qu’oratrice, première fois où j’ai parlé devant un public. J’ai, par ailleurs, profité de la vélotypie et de temps à autre de l’équipe d’interprétation LSF.

Depuis 2011, il y a eu quelques personnes sourdes qui sont montées sur la scène, et j’espère qu’il y en aura d’autres. Merci Emmanuelle , Olivier et Stéphane ainsi que Sandrine et Fanny qui maitrisent la LSF.

En 2017, c’est un moi « en transition », mais j’ai préféré être avec vous que derrière mon écran.

C’est la deuxième année consécutive que je suis présente dans le staff, le cœur de l’association. En étant dans l’équipe d’organisation, on ne vit pas l’évènement de la même manière qu’un•e auditeur•e ou un•e orateur/oratrice (ne croyez pas que j’ai vu toutes les conférences, non, une seule, j’attends moi aussi avec impatience les vidéos sous-titrées – d’ailleurs je compte sur vous !).
Je ne vous dirai pas tout ce qui se passe dans les coulisses, ni dans les lieux fermés tenus au secret 🙂

Cette année, je n’ai pas été aussi présente que je l’aurais voulu, mais je suis heureuse d’avoir pu participer de loin ou de près (je laisse juge ceux qui sont concerné•e•s). Il y a toujours eu cette prise de conscience d’inclusion. Quand il y avait les réunions staff qui se déroulaient pour la plupart sur Skype, il y a toujours eu une personne qui synthétisait le tout. C’était suffisant pour moi pour suivre de loin les choses.

J’avais peur de ne pas y arriver.

Je suis contente d’avoir pu dépasser cette peur de la foule, du bruit ambiant avec mes nouveaux processeurs et la fatigue qui va avec.

Il est évident qu’il y a eu des moments où j’ai eu méchamment mal à la tête, où j’ai lâché prise, où j’ai craqué à cause de la fatigue, où j’ai pas pu suivre les conversations de groupe.

Je suis contente de m’être déguisée en bisounours rose et de voir qu’il était encore attendu par certaines personnes à l’apéro communautaire. Il ne faut pas croire que c’est facile pour moi de le faire, il faut juste se dépasser. Et je me rends compte qu’il fait finalement partie de moi, cet ours rose.

Je remercie les personnes qui ont osé venir me voir, échanger avec moi et parfois même me poser quelques questions qui étaient difficiles à formuler.

Je remercie les personnes qui m’ont soutenue en me disant qu’ils me lisaient, ça fait du bien aussi de le savoir et ça m’avait manqué ! (N’hésitez pas à me le dire des fois par mail, ça aide dans les coups durs, mine de rien)

Je remercie les personnes qui m’ont aidée à comprendre quand j’étais en difficulté pour comprendre.

Je remercie les personnes qui avec toute leur bienveillance ont partagé des moments de silence.

Être à l’accueil de l’évènement, 11 mois après mon opération : accueillir les gens alors que ma compréhension n’est pas parfaite, alors que je supporte difficilement le bruit, c’était un défi énorme pour moi personnellement, je suis fière de l’avoir fait.

Je remercie le staff de m’avoir fait confiance.

C’est un des meilleurs moments même s’il fût difficile de temps en temps à gérer.

Grâce à vous, je me suis encore une fois dépassée.

J’espère que cette nouvelle édition 2017 vous aura autant plu qu’à moi.

Note : le billet n’est peut être pas parfait, bien léché, mais il vient du cœur en toute sincérité.

Mes autres billets :

#NonAuHarcèlement

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 9 novembre 2017

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Pour faire écho à l’enfance publiée ce matin sur mon blog, je me permets de rebondir sur le #NonAuHarcèlement. Encore une fois, une campagne qui me fait sortir de mes gonds parce que je suis aussi maman d’un petit garçon de 10 ans.

Ne connaissant pas vraiment l’origine de ma surdité, il aurait pu naître sourd lui aussi. Ce n’est pas le cas et il est quand même concerné par cette campagne. Mais je pense aux enfants sourds / malentendants, qui eux encore une fois, vont être oubliés puisque cette campagne ne comporte qu’un numéro principal :  le 3020 ainsi que 2 numéros verts (« Net écoute » et  « Non au harcèlement »)

En dehors d’en parler à un adulte de confiance, encore faut-il que l’enfant sourd / malentendant aie confiance ! Il ne peut pas utiliser ces numéros, il n’y a pas de formulaire sur le site en question.

J’ai continué à chercher. J’ai trouvé une piste : Net Écoute. Il y a un chat en direct sponsorisé par Drift, à l’heure où je l’ai testé il fallait laisser son adresse email … encore faut-il en avoir une. Un peu dommage si un enfant sourd s’était trouvé à ma place, confronté à un bot encore une fois et non pas à une personne qui aurait pu l’aider.

Partenaire privilégié des principaux réseaux sociaux pour lesquels elle est reconnue tiers de confiance, l’Association e-Enfance bénéficie de procédures de signalement exclusives et accélérées des comportements et contenus indésirables observés sur ces réseaux de communication, notamment constitutifs de cyber-harcèlement.

Du lundi au vendredi, de 9h00 à 19h00, les écoutants de la ligne Net Écoute accueillent chaque année près de 10 000 appels téléphoniques, conversations, chats, Messenger et emails. La ligne est accessible en composant le 0800 200 000, via l’application de messagerie instantanée Messenger et sur le site www.netecoute.fr.

J’ai trouvé également un formulaire, mais ce ne sera pas de l’instantané comme pour les autres… et je ne suis pas certaine que cela marche, je n’ai pas osé tester… pour ne pas encombrer les services.

Note : s’il y a une erreur, merci de bien vouloir me la signaler. En cherchant un bon petit moment, je n’ai rien trouvé d’écrit ou d’accessible à l’écrit pour un enfant sourd. Si l’information existe mais qu’elle n’est pas partagée, n’hésitez pas à me le dire aussi afin qu’on relaie au plus grand nombre.

Pour compléter, vous trouverez également le témoignage de Mélanie, Youtubeuse sourde qui a aussi abordé ce sujet.

Bavard comme une pie

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 novembre 2017

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J’étais presque arrivée à mon domicile ce matin, je m’apprêtais à traverser le trottoir. J’ai entendu un son qui ne m’était pas inconnu mais qui n’arrêtait pas. Il était vraiment aigu.

Je me suis arrêtée. J’ai levé la tête, j’ai continué à avancer jusqu’à me rapprocher au plus près du son qui était aigu mais que je n’arrivais pas à remettre.

Une fois que j’eus mis un nom sur ce son si aigu et incessant, je suis restée peut être 10 minutes à l’écouter au milieu du trottoir. C’était drôle.

C’était un groupe de pies qui parlaient entre elles. Deux sur la gauche, deux en face de moi et deux sur la droite sur une toiture de maison. Je me suis amusée à les regarder parler, j’arrivais à retrouver la pie qui avait émis le son, et effectivement, elles se parlaient à tour de rôle. J’étais impressionnée de voir toute la force qu’elles mettaient pour échanger tous ces sons si insistants, comme si la conversation était très sérieuse.

J’ai trouvé que c’était un moment magique. Moi qui n’avais jamais entendu les pies chanter, je trouve qu’elles ont un mode de communication intéressant (ok, je ne comprends pas leur langage, mais c’était vraiment drôle à voir).

Je comprends maintenant l’expression « Bavard comme une pie », il est vrai que j’aurais pu rester bien plus longtemps sur le trottoir mais j’avais des choses à faire. 🙂

Partie de billard : c’était il y a un an déjà

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 novembre 2017

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C’était il y a un an que je passais sur le billard au bloc.
C’était il y a un an que j’avais choisi le chemin de la bi-implantation.
À l’heure où j’écris mon billet, ils étaient en train de m’opérer où j’en ressortirai qu’à 22h sans pouvoir prévenir mes proches.
L’an dernier, à ma sortie de la salle de réveil, j’ai juste vu une infirmière qui m’a souhaité une belle vie sonore, je n’ai pas son nom, j’aurais bien aimé.
Quant à mes proches, je ne les ai pas vus quand je suis remontée dans ma chambre, même mon conjoint n’a pas pu monter, ils avaient refusé.
Je ne le verrai que le lendemain. C’est une chose qui m’a marquée et qui me remue encore les tripes aujourd’hui.

Déjà un an qui s’est écoulé. Garder que le positif de cette année qui vient de s’écouler, la première chose que je me dis est qu’est-ce qu’elle a été à la fois longue et courte.

Il y a eu des découvertes incroyables, formidables, aussi bien en sons qu’en personnes. Je n’ai pas perdu de sons en route, j’en ai découvert des nouveaux, retrouvé certains.

Des amis, j’en ai perdu en route mais j’en ai gagné d’autres. Et je les remercie d’être là aujourd’hui. Merci à vous de m’entourer si bien aujourd’hui. Merci à vous de m’aider à reconstruire mon nouvel univers sonore.

Côté sonore, c’est fou ce que ça peut changer la vie, certains diraient que c’est un virage à 180°, moi c’est 360° même plus. Je ne sais pas comment l’expliquer, j’ai essayé de l’expliquer à travers certains billets ici sur ce blog, j’ai encore plein de choses à dire, mais il faut pouvoir les digérer avant de pouvoir les ressortir à l’écrit. Écrits que je n’ai pas arrêté tout au long de l’année qui vient de s’écouler (ok, j’ai ralenti sur les derniers mois).

Je sais que je ne suis pas arrivée au bout de mes espérances, peut-être que j’ai mis la barre haute, trop haute pour certains. Mais j’ai retrouvé l’audition que j’avais perdue en avril 2016, ça, c’est énorme.
J’ai récupéré le niveau d’audition que j’avais avec mes appareils et j’ai eu du bonus en plus, j’ai gagné beaucoup par rapport à mes appareils.

Quand j’étais appareillée, ma courbe avoisinait les 70 db par moments. Maintenant, j’ai un gain de 50 db par rapport à avant selon les fréquences avec mes processeurs d’implants cochléaires. C’est peut être insignifiant pour vous, mais pour moi, c’est énorme. Je ferai un joli dessin un jour pour vous expliquer davantage mais je suis pas certaine que ca soit plus intéressant.

Mon cerveau a subi un bond en avant tellement énorme que ça n’a pas été facile physiquement et psychologiquement. Je viens de passer l’année à assimiler les sons qui m’entourent, j’en découvre encore et ce pour longtemps je pense.

Quant à la compréhension, elle est meilleure qu’avant. Parfois, c’est encore difficile, mais ca va l’être pendant un petit moment encore je pense.
Le plus dur dans l’histoire reste à arriver à gérer la fatigue, gérer cet afflux de sons qui est si important, j’ai découvert dernièrement que je pouvais peut être entendre certains sons blancs quand il n’y a pas de bruits dans les pièces, c’est une nouvelle piste à creuser.

En tout cas, si on me disait : « est-ce que tu recommencerais si c’était à refaire ? » Je dirais oui.
Je ne sais pas si mon mari aurait la même réponse aujourd’hui.
Une chose est certaine, c’est que je le remercie chaque jour d’être à mes côtés.

Je n’ai jamais voulu être dans le silence même si ce dernier m’est reposant, protecteur par moments. En écrivant ce billet, j’ai les tripes remuées, les larmes aux yeux et je ne regrette vraiment pas.

Non, aucun regret malgré les difficultés que j’ai traversées cette année.
Je sais que le meilleur est à venir !

Le bruit dans la cuisine

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 novembre 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Ce matin, j’ai préparé des crêpes.

Entendre le son du gaz qui arrive dans le conduit pour arriver sur le brûleur de la gazinière et entendre chaque trou s’enflammer à l’arrivée du gaz. Chose impressionnante que je n’aurais jamais pensé entendre un jour. Je ne pensais pas que cela faisait des sons.

Ou des bruits. Je n’arrive jamais à me dire que ce sont des sons mais le mot premier qui me vient à l’esprit est le bruit. Va falloir que je ressorte le dictionnaire, tiens.

Le son de la crêpière sur la gazinière, le métal qui s’entrechoque avec les grilles quand je la pose.

Mettre un soupçon de beurre pour éviter que ma crêpe colle (oui, je sais, j’aurais pu mettre essuyer ma crêpière avec du sopalin ou solapin comme diraient certaines), entendre le crépitement du beurre sous la chaleur de la crêpière.
Le son de la flamme qui se mélange au son du beurre.
Les sons sont moins intenses, cela s’est calmé …

Je l’assimile dans ma tête. Mon cerveau l’assimile. Ce sont des sons que je reconnais désormais.

Je verse la pâte à crêpes, j’entends le crépitement se raviver sous la chaleur du gaz. Quel moment. Une fois la crêpe cuite, le son se calme à nouveau.

Quand je pense qu’avant, je faisais à manger dans le silence…

Retour au monde sonore : 1 an déjà !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 décembre 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Quand je relis ce billet qui date d’il y a un an, le 5 décembre 2016 je faisais mon retour dans le monde sonore grâce à l’activation de mes deux implants cochléaires. (Je suis dans une faille spatio-temporelle, hein, malgré l’actualité… triste entre autres avec Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday)

Joyeux anniversaire mes petites cochlées équipées d’électrodes qui retransmettent ces sons qui sont à la fois magiques et épuisants !

Nous sommes mercredi, j’ai un sentiment enfoui au fond de moi-même. Un sentiment que je n’arrive pas à définir. Depuis quelques jours, j’ai ce goût de métal dans la bouche comme l’an dernier. J’ai les tripes remuées depuis hier. Je m’en suis rendue compte à cause de la date anniversaire. Ce matin, je me suis réveillée avec un mal de tête, un étau qui te compresse le crâne. Toute la journée, il m’a suivi malgré les cachets.

Ce matin, j’étais toute chose. Les tripes, y’a rien à faire, attendre que ça passe.

Ce matin, seule et debout dans la cuisine, d’un seul coup, je me suis mise à pleurer. Pourquoi ces larmes ? Ce n’était pas de joie, de l’émotion, de la prise de conscience que cela fait que et déjà un an que cette journée particulière s’est passée. Ma gorge s’est serrée tout au long de cette journée.

J’ai tenté d’occuper mon esprit comme j’ai pu. D’ailleurs, n’hésitez pas à aller lire les billets du calendrier de l’avent des 24 jours de web qui a été mis en place par HTeuMeuLeu ! 😉

L’année qui s’est écoulée a été à la fois, courte et longue. Quand je regarde derrière moi, je vois le chemin que j’ai parcouru, un chemin semé de petites embûches, des grosses montagnes à gravir, de petites et grandes victoires. Je sais que ce n’est pas fini, ce n’est que le début.

Le bilan annuel

J’ai passé le bilan annuel à l’hôpital la semaine dernière :

  • un bilan orthophonique qui consiste à remplir un questionnaire (qui à mon sens n’a aucune utilité et qui est un peu dépassé sans parler du fait que pour une personne qui maitrise bien le français, je trouve les questions et réponses sont bizarrement formulées). Discuter avec l’orthophoniste pour faire le point sur votre sentiment auditif au quotidien, si vous trouvez qu’il y a une amélioration.
    C’était avec une orthophoniste que je ne connaissais pas encore une fois de plus. Concours de circonstances, ce sont des choses qui arrivent, je peux le comprendre. Cela n’aura jamais été la même au final.
    Compliqué à gérer parce que chaque orthophoniste a son accent, sa manière de parler, de prononcer et d’articuler, de se cacher derrière la feuille… (Ça pourrait être un billet à lui tout seul l’orthophoniste derrière la feuille !)
  • un bilan audiométrique (tonal et verbal) :
    L’audiogramme tonal permet de voir à quel niveau est votre audition sur la courbe des décibels (qui vont de 0 à -120db) et des fréquences données (qui vont de 0 à 8000 Khz). Vous êtes sollicitée de façon à montrer que vous reconnaissez le signal qui est envoyé par le biais d’enceintes. Cela peut aller du plus fort au plus faible ou bien ils vont directement vous envoyer le signal faible mais c’est plus compliqué car il faut arriver à reconnaitre chaque fréquence qui a un rythme différent. D’autant plus, que le cerveau enregistre les fréquences et quand vous passez d’une fréquence à une autre, vous avez encore en mémoire le rythme de l’autre fréquence alors qu’il vous faut chercher à reconnaître la nouvelle fréquence. C’est chaud patate comme exercice.
    Résultat : j’ai un audiogramme qui se rapproche de l’humain qui entend normalement. Seulement mon cerveau a 39 ans d’éducation sonore à faire, et ce ne sera pas aussi rapide qu’un petit enfant qui aura la même opération que moi. C’est juste de la perception pas de la compréhension (attention, ce sont deux mots différents, j’insiste dessus, c’est pas parce que mon audiogramme se rapproche de la normale que je comprends tout, que nenni ! et que tous les bruits/sons me sont supportables, la gestion du bruit reste encore, un an après difficile, il m’arrive encore de serrer les dents à certains bruits — coucou le dentiste !—).
    L’audiogramme verbal consiste à envoyer une liste de mots prononcés par la machine il me semble ou alors c’est une voix enregistrée, et il faut reconnaître les mots qui sont dit. La machine ne répète pas les mots qui sont envoyés (on pourrait la faire répéter mais c’est pas dans le jeu sinon c’est pas marrant… et cela pourrait fausser les résultats).
    Résultat : j’ai doublé la reconnaissance des mots par rapport au bilan des 3 mois. Ce qui est bien, même très bien je trouve puisqu’avant avec les appareils auditifs, il m’était impossible de reconnaître des mots.
  • Et pour terminer un rendez-vous avec le chirurgien qui vérifiera vos oreilles au passage et un petit entretien qui se suit.

Je ne retournerai que l’an prochain pour le bilan qui aura lieu chaque année.

Les réglages

Pour l’instant, je continue les réglages à intervalles réguliers. Je remercie ma régleuse d’être aussi patiente avec moi, de croire en moi, de m’encourager aussi. Mon cas est apparemment particulier m’a t-on dit.
Une surdité de naissance implantée à l’âge adulte ce n’est pas courant parait-îl. Ceux qui me connaissent vraiment, savent que je ne suis pas du genre à baisser les bras même si je suis une grande sensible (oui, je l’admets et c’est ce qui me caractérise quelque part aussi et faudra faire avec 😉 )

Les chiffres

J’ai voulu en savoir plus, et les seuls chiffres concernant les implants de marque Cochlear comme le mien que j’ai pu trouver sur le site de la HAS (page 9) était qu’il y avait eu en 2012 d’après mon calcul : environ 28 adultes sourds bi-implantés. Mais je ne sais pas où me faire confirmer ce chiffre avec toutes marques confondues, si quelqu’un sait, qu’il se manifeste par le formulaire de contact 😉

Leçons à retenir

Ce que j’ en retire aujourd’hui depuis l’opération :

  • Apprendre à être patient (leçon numéro un dans l’histoire, même si vous l’êtes de nature, il faut encore faire preuve d’encore plus de patience, c’est inimaginable !) ;
  • Apprendre à s’entourer des bons professionnels avec qui vous avez une relation de confiance avec eux pour que le résultat soit optimal ;
  • Ne jamais lâcher (de temps en temps, ok ça fait du bien), ne pas penser que ça va se régler tout de suite avec 2 séances d’orthophonie par semaine (dans le cas des surdités de naissance) en quelques mois (après c’est variable mais bon… je dois avoir dépassé la centaine de séances d’orthophonie et c’est pas prêt de s’arrêter surtout qu’on continue encore à 2 séances par semaine) ;
  • Apprendre à prendre du recul et lâcher prise quand c’est + que nécessaire (oser enlever ses implants cochléaires pour être un moment dans le silence, ce n’est pas preuve d’échec. Juste reculer pour mieux sauter. Le cerveau n’est pas une machine, mais un muscle qui est plein de ressources épatantes) ;

Sacrée aventure

C’est finalement une aventure palpitante, je trouve, avec ses hauts et ses bas.
Oui, j’ai été heureuse, euphorique par moments,
Oui, j’ai entendu des choses que j’aurai jamais imaginé pouvoir le faire un jour,
Oui, j’ai été au fond du trou, je l’admets.
Il ne faut pas se voiler la face, c’est bien plus dur qu’on peut le laisser penser.
Je cherche pas à ce qu’on ait de la compassion ou tout autre sentiment négatif, juste être vraiment réaliste. Chaque personne aura un vécu différent vis à vis de cet outil qui permet d’entendre, pour certains ce sera tellement facile et rapide, pour d’autres ce sera difficile et long.

J’ai quitté ma zone de confort et j’ai souvent parlé de cette métaphore du tunnel sans fin, sans sortie de secours sur les côtés avec cette impossibilité de faire demi-tour (c’est le cas quand on est en voiture) mais ce n’est pas la bonne image.
J’ai aussi évoqué la métaphore du saut dans un trou dont on ne voit pas la fin. Cette métaphore n’est pas positive puisque le trou aura forcément une fin, il arrivera un moment où il y aura un vrai confort auditif et un vrai bénéfice au quotidien.
Je cherche encore aujourd’hui la métaphore pour caractériser cette année qui vient de passer.

Et si c’était à refaire ?

À celleux qui doutent de mes propos ou qui se posent la question telle que « Et si c’était à refaire ? » Oui, je le referais avec si possible moins de complications au départ.
Je pense que ça en vaut vraiment la peine, oui.
Je n’ai pas de regrets, aucun.

Pour finir, je reprendrai cette séquence du petit Prince, que j’affectionne particulièrement.

– Je cherche des amis. Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?
– C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens… »
– Créer des liens ?
– […] Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. […] Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé…
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
– S’il te plaît… apprivoise-moi ! dit-il.

Le Petit Prince de Saint-Exupéry

C’est une aventure qui mériterait d’avoir plus de détails, pour celleux que ca intéresserait, j’aimerais bien voir dans les commentaires si ca intéresse que je développe davantage par ailleurs.

Je me prépare désormais à revenir dans le monde professionnel, qui j’espère cette fois-ci sera la bonne date !

NB à moi même : il faudrait que je refasse le thème puisque les appareils auditifs je ne les ai plus … (si quelqu’un veut se dévouer, il peut aussi !)

Le carnaval des animaux

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 décembre 2017

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Je passe pas mal de temps à écouter des morceaux plutôt classiques. Généralement dans les transports, ça m’évite de supporter le bruit du métal qui claque, qui cogne.

Ce matin, j’ai failli rater ma station de métro, c’est pour dire…

Parfois c’est doux, parfois c’est puissant, parfois il y a du rythme.

Je viens de découvrir le Carnaval des Animaux de Camille de Saint-Saëns. Mon cœur balance entre les différents morceaux.

L’écouter un jour en concert, c’est une idée. Merci Skaiette pour toutes ces découvertes musicales, j’adore et j’en redemande !

N’hésitez pas si vous avez des albums, morceaux à conseiller, je suis preneuse 🙂

Petite victoire du jour !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 25 janvier 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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« Le train va stationner en gare quelques instants ( — pas compris  gmlblblmblbmlflmmlb — ) Merci pour votre patience »

Petite victoire de ce midi, danse de la joie intérieure surtout j’ai pensé à une amie implantée sur Montréal qui a vécu la même chose il y a peu !

C’est peut être insignifiant pour vous mais pour moi c’est énorme, surtout que la plupart du temps le son du micro est dégueulasse.

Cela dit, ils pourraient mettre des bandeaux défilants dans les rames des trains (tout ce qui est sur voie ferrée), ce n’est pas un truc qui est énorme à mettre en place et cela pourrait servir à tous.

Je me devais de l’écrire ici, c’est un détail certes, je ne suis pas en capacité de comprendre quand je n’ai pas la personne en face de moi, encore moins en environnement bruyant. Mon cerveau est en plein apprentissage, le chemin est long mais quand il y a de telles victoires aussi minimes qu’elles puissent paraître, j’essaie de savourer.

 

Let it snow ! Let it snow ! Let it snow !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 février 2018

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Oh the weather outside is frightful
But the fire is so delightful
And since we’ve no place to go
Let it snow, let it snow, let it snow

Quand la neige tombe, on a tous le regard émerveillé face à ces flocons qui tombent. Ces gouttes de pluie qui se sont transformées en flocons, essayer d’en voir la structure quand ils tombent. Nous sommes toujours sous l’émerveillement face à ce phénomène météorologique qui est magique.

Le silence est de mise, les sons sont étouffés comme si on nous avait enveloppés de ouate. Une sensation agréable, pour moi qui ai du mal avec les bruits parasites. J’en ai pas eu aujourd’hui. Merci la neige !

J’avais parlé de la neige et des appareils auditifs et c’était en 2013.

J’ai redécouvert la neige avec mes implants cochléaires il n’y a pas si longtemps que ça. Un court séjour en montagne m’a montré que la sonorité de la neige en ville ou en montagne était différente.

Des choses que je n’entendais pas avec les appareils, je les entends désormais mais avec plus de détails.

L’émerveillement touche même mon conjoint qui ne manque jamais de penser à moi quand il y a des choses nouvelles dans notre quotidien !

Le seul bruit que j’ai pu retrouver avec la période d’avant c’était le crounch, crounch de mes chaussures sur la neige. Le son est plus aigu qu’avant, plus net et précis ainsi que le bruit des crampons sur le bitume qui font crouic, crouic qui eux sont vraiment plus aigus.

J’ai découvert le frottement de mes vêtements sous le mouvement que je fais pour marcher. J’ai été obligée de marcher comme un cow-boy pour comprendre que c’était le frottement de mon pantalon, j’ai dû avoir fière allure pendant un court instant à marcher comme Lucky Luke.
Pareil pour les bras ballants, les entendre frotter sur les côtes, ça m’a agacée de voir que c’était des petits bruits pas très forts mais énervants.
L’impression reste forte même si ce sont des bruits anodins que la plupart des personnes ont enfouies dans un coin de leur cerveau.

Cette impression d’être la seule à faire du bruit dans la rue. C’est désagréable parce que je n’arrive toujours pas à différencier si le son est fort ou pas.
J’apprends à comparer les bruits que je fais aux bruits que j’entends.
En observant autour de moi, je peux aussi savoir si je fais trop de bruit. La réaction des personnes qui m’entourent m’aide beaucoup à construire mon échelle de valeurs sonores.

Entendre les gens arriver derrière moi, entendre leur crounch, crounch, ça reste surprenant.
Je ne suis pas encore habituée à cette nouveauté.
C’est perturbant d’entendre tous ces sons alors qu’avec la neige, les bruits parasites sont étouffés. Le son du moteur de la voiture diesel qui roule au ralenti ne fera pas le même son que celle qui roule à l’essence.
Entendre en plus le pneu qui écrase la bouillie de neige sur la chaussée, c’est encore difficile pour moi à expliquer. Je cherche encore mes mots pour définir les sons que j’entends.

Note à moi-même : le son de la pelle qui racle le bitume m’est très désagréable, la prochaine fois j’utiliserai un balai de jardin.

Je n’avais jamais fait attention : en faisant une boule de neige, on entend le son de la neige qui se compacte sous nos doigts. Un crissement faible mais aigu. C’est drôle, je ne m’en rends compte qu’après avoir aimé la faire, l’entendre atteindre sa cible et se désagréger sous la force de l’impact.

Je vous ai trouvé une petite vidéo dans la thématique qui est marrante 🙂

Je sais que la neige ne fait pas de bruit quand elle tombe. Une chose est certaine : le monde sonore change de perspective quand la neige est là.

Quelques nouvelles et puis … la montagne

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 mars 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Janvier et février sont passés à une vitesse impressionnante, j’ai continué à écrire de mon côté mais je n’avais pas publié grand chose.

Cela fait maintenant un an et trois mois que j’entends à nouveau avec mes implants cochléaires. J’ai toujours régulièrement des réglages pour mes processeurs et des séances d’orthophonie qui me donnent cette sensation d’être sur un palier d’évolution ces derniers mois, j’ai pas l’impression de progresser en terme de reconnaissance de bruit, d’écoute. Peut-être que tout se fait inconsciemment.

J’ai repris le travail en janvier à mi-temps, la réadaptation au bruit se fait progressivement encore aujourd’hui. La première matinée a été éprouvante pour moi à tel point que quand je suis rentrée, j’étais en larmes. Mon cerveau a eu mal face à cette multitude de bruits que je ne connaissais pas, sans compter le fait que je voulais être à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre de moi. Mon corps s’exprimait par le biais des larmes de fatigue.

J’ai essayé de me blinder psychologiquement, de prendre sur moi, parce qu’il n’est jamais facile de sortir de sa zone de confort. Ca reste encore difficile. Heureusement que la patience est de mise à la maison. Devoir réapprendre à vivre au quotidien avec une nouvelle audition. Réapprendre à reconnaître de nouveaux sons encore une fois, même environnement mais nouvelle audition.

Réapprendre à gérer le temps de transport avec son lot d’incivilités, de problèmes, ne pas paniquer, ne pas stresser, lâcher prise, c’est pas aussi simple que je l’aurais cru après tout ce temps passé.

Nous sommes en mars, ça va déjà mieux, je supporte davantage. Mais il me faut quand même me couper 30 minutes du monde sonore et dormir parfois (c’est variable selon le degré de fatigue sonore) pour pouvoir arriver à supporter les sons du reste de la journée.

La montagne

En février, j’ai emmené mon fils à la montagne. Ce sont des lieux que j’ai redécouverts sous un nouveau jour. J’aime  ces lieux pour leur silence et immensité. C’est comme si j’avais enlevé mes implants cochléaires alors que non. (C’est pas tout à fait pareil mais ça s’en rapproche beaucoup).

Assise dans une remontée mécanique, on apercoit au loin l'horizon et le ciel bleu avec la neige en dessous nos pieds.

La montagne a cette capacité à vous impressionner rien que par l’immensité qu’elle est face à vous. Vous vous sentez infiniment petit quand vous êtes en bas de la vallée au village. J’ai presque envie de faire le parallèle avec la cochlée et l’humain. Le saviez-vous : la cochlée n’est pas plus grande qu’un pouce ? C’est de l’infiniment petit par rapport à l’être humain que nous pouvons être. C’est cet organe infiniment petit qui peut te bousculer ta vie quand il ne marche plus. Il y a toujours plusieurs façons de s’en remettre, chacun le fait à sa manière.

J’ai redécouvert les sons de la montagne avec plaisir, car cela faisait 10 ans que je n’y étais pas retournée. Mais cela faisait 20 ans que je n’avais pas skié.

Retrouver ce bruit de scrounch, scrounch quand je marchais dans la neige avec mes chaussures de randonnée, ce petit bruit sous mes pieds, ce bruit qui change selon les chaussures (les chaussures de randonnée et les chaussures de skis, ca fait pas pareil aussi bien dans la démarche que dans le bruit — les chaussures de ski ça fait splock, splock, on sent la masse de la chaussure qui s’aplatit que ce soit sur la neige ou le bitume—).

Par contre, qu’est-ce que j’ai pu avoir mal à la tête, des maux de tête qui me réveillaient à 5h45 du matin. Pourquoi, je ne sais pas. Est-ce que c’était dû au fait que j’étais en altitude ? Est-ce que c’était dû à ma condition physique, je ne sais pas… On m’a parlé du mal de montagne. Je suis un peu perplexe.

La raquette

J’ai découvert ce nouveau loisir lors de ce séjour. Entendre les crampons s’enfoncer dans la neige, la raquette s’aplatir sur cette surface blanche et brillante accompagnée du crissement du bâton qui est planté dans la neige. Une bien belle balade de jour où je suis montée avec mon fils et le guide Pierrot en trois heures. Je me suis rendue compte que l’effort physique n’était pas le même que le ski alpin, mais j’ai savouré.

Savouré parce qu’on prend le temps de regarder les choses qui nous entourent, le temps d’écouter les bruits qui nous entourent. Un peu de slow-life, ça fait du bien surtout après tout ce temps à courir les rendez-vous médicaux. Nous avons eu la chance de découvrir un bouquetin qui était en haut des sommets et des chamois qui cherchaient de la nourriture. Mon fils a pris plaisir à découvrir les traces dans la neige, un renard, des écureuils, des chamois.

S’arrêter pour écouter le bruit de l’eau qui coule au milieu des rochers glacés, les cascades.

Le retour a été un peu plus épique. Nous sommes redescendus à travers les forêts. J’ai senti que les sons dans la forêt enneigée étaient différents. On entend à peine, voire pas du tout, le son du vent. Les sons sont étouffés comme dans du coton comme dans toute la vallée. J’ai pu entendre les branches recouvertes de neige craquer sous mes pas, les branches qui ont cédé au poids de la neige qui tombe.

La montagne de nuit et en raquettes, j’aurais dit que c’était flippant. Je me suis sentie prisonnière de cette noirceur dans la montagne et dans mon silence. C’est comme si on m’avait enlevé mes oreilles et mes yeux. Heureusement qu’il y avait le guide qui savait comment gérer la surdité en montagne et mon fils. C’est certainement un détail pour vous, mais il avait une lampe frontale qu’il dirigeait sur lui quand il me parlait. Toujours à faire attention à moi, aux bruits qui nous entouraient, prévenir qu’il y avait tel ou tel bruit. Nous sommes redescendus en traversant un village de montagne et avec les flambeaux. Un moment magique pour mon fiston. Merci Pierrot.

Vue de Pralognan de nuit après une heure de marche en raquettes à la nuit tombée

Le casque 

J’ai eu de la chance de tomber sur une vendeuse avec une patience infinie pour trouver le casque idéal. J’ai dû passer au moins une heure à les essayer et voir ce que ca pouvait donner en terme de confort. Vu le prix de ces petits bijoux, ca en valait la peine.

Je me suis équipée d’un casque Bollé qui a un détail bien spécifique : je pouvais garder mes implants cochléaires pour skier. Il avait les oreillettes en mousse renforcée ce qui me permettait quand même de pouvoir l’enlever et le remettre aisément n’importe où. Cependant, je l’ai pris bien plus grand que mon tour de tête car, les antennes à elles seules augmentent le périmètre cranien de 2 centimètres !

C’est pas grand chose, mais en fait si.

Avoir les antennes qui appuient toute la journée sur les parties internes fixées sur le crâne juste à cause du casque trop petit, c’est juste vouloir gagner un gigantesque mal de tête à la fin de la journée et en plus la peau n’aime pas le frottement de l’antenne. La peau du crâne est fragile malgré les cheveux. J’avais trouvé l’astuce de mettre une cagoule de nininja pour pouvoir les maintenir quand je mettais mon casque et pas flipper à chaque fois que je le retirais. Qui dit retrait du casque, dit risque de perdre les implants dans la neige… Ca serait un peu dommage !

Les embouts

J’ai cette particularité d’avoir demandé des embouts sur mes implants cochléaires mais ils ne me servent pas à entendre, juste à les tenir sur ma tête. Je pourrais très bien m’en passer mais j’ai un peu peur de les perdre. Les embouts ne servent à rien sur des implants cochléaires puisque tout se passe dans la cochlée, je ne sais pas si vous avez suivi jusque là.

La réverbération du son en montagne

La montagne a cette capacité de vous envelopper de silence. Elle a cette capacité à absorber les sons ce qui fait que la réverbération du son n’est pas la même qu’en ville. J’en ai fait l’expérience. J’ai crié sur les pistes pour appeler mon fils. Bien souvent, il ne m’entendait pas, je devais prendre sur moi et aller plus vite que lui pour le rattraper et lui donner la bonne information quant aux différents parcours que nous prenions.

Minipixel les bras en l'air avec un snowboard aux pieds

Le ski alpin (et le snowboard)

Selon l’état de la piste de ski, qu’elle soit verglacée, pleine de poudreuse du genre 70 cm ou 10 cm, les sons et les sensations sont différentes.
Quand la piste était à l’ombre et encore verglacée par les températures de la nuit, le son était sec. Le son du ski qui pourfend la neige verglacée n’est pas le même que  celle qui sera recouverte de poudreuse à 10 cm ou qui a dégivré…

Le son du ski sur la poudreuse est un son doux. On entend la neige bouger sous le mouvement des skis. On a été un peu fous avec minipixel, on a fait une nocturne en ski, sur une rouge. Quand la nuit tombe, les lumières de la piste s’allument, le son lui aussi change. Est-ce une question de perception personnelle ou est-ce vraiment l’environnement qui y est pour quelque chose ?

Entendre le simple bruit des skis qui avancent sur les tapis roulants des télésièges, écouter le son que cela fait quand tu franchis chaque poteau tantôt en plein milieu des pistes, tantôt au milieu des arbres. Parfois, la neige tombait par paquet, ce sont des sons que je ne connaissais pas. Entendre le bip du pass des tourniquets qui sonne à chaque passage. Entendre le sien, mais aussi celui du voisin.

En somme, une semaine à découvrir des sons que je ne connaissais pas et que je ne suis pas prête d’oublier.

Roger Voice a changé ma vie !  💚

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 avril 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Pour la petite histoire de comment est née l’application, le fondateur Olivier Jeannel, lui-même sourd, avait une rage de dents. Il rageait de ne pas pouvoir appeler lui-même le dentiste pour prendre rendez-vous en totale autonomie, sans être obligé de passer par sa petite amie qui n’est pas sa secrétaire ! Il a décidé de créer une application qui permettrait aux sourds mais aussi aux personnes aphasiques de pouvoir téléphoner.

Son histoire m’a profondément touchée car je suis en permanence confrontée à ce genre de situations.

Le téléphone était ma bête noire.

Combien de fois mon téléphone a sonné alors que j’étais impuissante face à cet outil que tout le monde a aujourd’hui ? Je ne pouvais pas répondre car je ne comprenais pas ce qui se disait dans ce combiné.

Combien de fois mon téléphone m’a craché à l’écran que j’avais des nouveaux messages sur mon répondeur vocal et que j’étais dans l’incapacité de pouvoir les comprendre ? Qu’il fallait que je demande à mon conjoint de les écouter, parfois ça passait directement à la trappe.

Combien de fois m’a t-on dit « On s’appelle ? » parce que je m’exprime à l’oral et les gens ont tendance à oublier ma surdité ? Quelque part, c’est flatteur mais frustrant quand on est sourde. C’est un détail pour vous, mais ô combien important pour moi. 

Combien de fois j’ai voulu prendre mon téléphone et appeler mes proches dans les moments familiaux douloureux juste pour le soutien mutuel et inconditionnel ?

Combien de fois j’ai eu un numéro de téléphone qui m’était imposé alors que je n’avais pas d’autres moyens de prendre contact avec la personne ?

Il m’a fallu bien du temps avant d’arriver à dépasser cette peur de prendre le téléphone et dire « Allô ? ».

Grâce à Roger Voice, j’ai osé. Ca a changé ma vie.

La première fois que j’ai utilisé l’application, j’étais un peu perdue.
Je n’avais pas intégré les us et coutumes du téléphone. Mine de rien, aviez-vous remarqué que les gens ne se présentent plus au téléphone de nos jours ? Se retrouver bêtement devant un écran, se dire que la personne nous entend et que nous allons pouvoir lire ses réponses.
C’est quelque chose de difficile à imaginer.

Depuis que j’ai mes implants cochléaires, j’ai une meilleure récupération auditive. J’arrive à choper certains mots et certaines phrases quand on est dans un contexte précis. (contexte fermé comme diraient les orthophonistes). Roger Voice m’a souvent servi de support écrit dans un environnement silencieux.

Une chose que je ne pouvais déjà pas faire avant et je n’avais jamais osé.

Je trouve que la transcription est plutôt bien pour de la reconnaissance vocale en français. Ce qui n’était pas gagné car la reconnaissance vocale est bien plus efficace en anglais qu’en français.
J’avoue que parfois, c’est cocasse mais je n’hésite pas à faire remonter les informations pour améliorer l’application.
Cette application est intelligente, il faut que nous l’aidions à grandir. Mais passons, ils ont réussi à mettre en place la reconnaissance vocale, moi je dis que c’est génial.
C’est encore mieux quand on a une bonne réception 4G avec un interlocuteur patient, à l’écoute si j’ose dire.

Des interlocuteurs impatients, impolis, j’en ai eu beaucoup et je ne raconterai pas ces histoires ici, mais oui, il m’est arrivé d’aller jusqu’à épuiser mon forfait téléphonique car une secrétaire médicale ne faisait pas son travail correctement. Et têtue comme je suis, j’ai été tenace.
J’ai été jusqu’à appeler 8 fois son numéro pour avoir un rendez-vous médical qui était urgent. Finalité de l’histoire : elle a craqué et moi, je me suis sentie pousser des ailes géantes.

Conseils

Mon conseil est tout de même de tenter d’abord avec vos proches, des personnes qui sont patientes et qui comprennent la problématique de la surdité pour ensuite évoluer vers la difficulté. Il ne faut pas hésiter à modifier le message d’annonce en disant que vous êtes sourd, qu’il va y avoir un temps d’attente (en particulier si vous écrivez).
Bref, je dis « faut pas avoir peur, faut oser ! »

Expériences

Ma première expérience avec l’application a été positive. J’ai commencé par appeler des personnes que je connais très bien : ma tante et mon oncle. J’étais sur le point de partir sur un coup de tête prendre l’air en province. Je les ai appelés juste avant de prendre mon train. Mon heure d’arrivée était tardive, j’avais peur de n’avoir personne à l’arrivée.

J’ai eu le coeur qui battait, comme une adolescente qui allait faire une bêtise. C’était la même émotion et cette sensation.
Réfléchir à ce que j’allais dire, essayer de savoir qui j’allais avoir derrière ce numéro, ma tante ou mon oncle. Que je n’avais d’ailleurs pas prévenus que j’allais les appeler vocalement. Mon oncle, agréablement surpris, m’a répondu qu’il serait là à l’arrivée. J’ai bien vu à la retranscription de ses paroles, qu’il en était tout aussi perturbé que moi de cette nouveauté.
Quand je suis arrivée à destination, j’en ai eu la larme à l’oeil d’avoir pu les prévenir et leur donner mon heure d’arrivée.
J’avais fait, pour la première fois, quelque chose toute seule, comme une grande, au téléphone avec l’aide de Roger Voice.

Sans mon conjoint. Un sentiment de liberté qui est enivrant.

Ma seconde expérience a été un peu plus ardue. Les cabinets médicaux. Je crois que personne n’aime ça. La première retranscription me disait  » la, la, la, la, la ». J’ai compris à ce moment-là l’agacement que nous pouvions avoir vis à vis de ces musiques qui finalement ne servent qu’à te faire patienter voire t’agacer.
Mon appel a été drôle au début, car au début de l’appel, Roger Voice énonce un texte comme quoi la conversation est enregistrée. Mais cette annonce tombe en même temps que celles des cabinets médicaux. Ce qui fait quand ils décrochent, ils ne le savent pas parce qu’ils ne l’ont pas écouté puisque j’ai été directement sur la musique d’attente. Deux musiques d’attente qui s’écoutent en fait. 🙂

J’ai pu prendre rendez-vous pour une radio pour mon fils sans difficulté. Je crois que la secrétaire ne s’en est même pas rendue compte. Prendre un rendez-vous toute seule, c’est comme un enfant qui va acheter une baguette tout seul pour la première fois à la boulangerie avec sa pièce.

J’ai enchainé sur les impôts. Qui aime appeler les impôts ? Je crois que peu aiment ça. Je peux désormais dire : « je l’ai fait, j’ai appelé les impôts toute seule comme une grande ». Le monsieur qui m’a eue au téléphone, m’a reçue sur rendez-vous. Et à la fin de notre rendez-vous, il me dit : « c’était bizarre au téléphone, je vous comprenais bien mais c’était bizarre ». Je l’ai vite rassuré en lui disant que je n’entendais pas et que j’avais utilisé une application qui me retranscrivait ce qu’il me disait. Il était comme un enfant devant un sapin de noël bordé de cadeaux.

Comme Olivier Jeannel, j’ai eu des problèmes dentaires. J’ai eu besoin de contacter mon dentiste. J’ai utilisé l’application Roger Voice pour rentrer en contact avec son secrétariat, lui exposer mon problème. Cerise sur le gâteau : je lui ai donné mon email pour qu’il puisse me répondre plus longuement et plus en détail. Ca a marché à merveille.

Je ne suis toujours pas capable d’avoir une longue conversation, mais déjà avoir retrouvé cette liberté grâce à RogerVoice, ne plus dépendre d’une personne, en l’occurrence mon conjoint, qui lui n’est pas ma secrétaire !

Sachez que si vous téléchargez l’application RogerVoice, vous pourrez m’appeler et sans avoir à payer quoi ce soit ! C’est pas merveilleux ça ?

Je termine en remerciant l’équipe de Roger Voice qui est toujours à l’écoute, avec un café quand on passe les voir, qui prend en compte les remarques que tu peux faire pour améliorer l’application.

Thank you Roger !

Joli mois de mai… 18 mois d’implant cochléaire

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 mai 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Aujourd’hui, ça fait 1 an et 6 mois que j’ai mes implants cochléaires (à peu de jours près). Quelles nouvelles de ce côté-là ? Attention, billet fleuve.
C’est vrai que j’ai été plutôt silencieuse sur mon blog. C’est la faute au temps. J’ai sauté dans une faille spatio-temporelle qui a fait que je n’ai pas vu les mois passer.

J’ai progressé dans ma rééducation sonore mais je ne peux/arrive pas à les quantifier. C’est mon super orthophoniste qui me dit que je progresse.
Moi, je suis encore en mode « Mais non c’est pareil. Ça bouge pas ». Que voulez-vous, je suis exigeante avec moi-même, peut être trop parfois. C’est peut être grâce à cette exigeance que je suis à ce niveau sonore. Je ne sais pas. Ce sont les personnes qui m’entourent au quotidien qui peuvent me le dire notamment en ce qui concerne la compréhension. On continue les réglages parce que je n’ai pas encore trouvé mon confort sonore (je trouve que c’est encore trop fort d’un côté et pas assez de l’autre).

Je dors toujours autant, je crois que mon cerveau a du mal à encaisser même s’il assimile bien mais dès que je peux, je dors ! C’est un peu embêtant parfois car ça coupe la journée mais les yeux piquent et là il n’y a rien à faire, juste fermer les yeux 25 minutes. Et hop, ça repart … parfois il me faut plus.

Est-ce que c’est la fatigue qui fait que je ne supporte pas aussi bien qu’il y a un an, ou est-ce que mon cerveau est à saturation et me dit stop ? Personne ne peut me le dire. Chaque cas est différent. Le mien est d’être sourde de naissance, d’avoir fait le choix d’être bi-implantée à 39 ans. J’ai sauté à pieds joints dans le monde sonore en toute conscience et sans regrets.

Témoignages

J’ai eu plusieurs demandes de prise de contact afin de pouvoir témoigner sur ma bi-implantation de la part de personnes qui souhaitaient aussi se faire implanter. J’en conclus que mon témoignage sert un peu quelque part. Il est vrai que quand on est implantés et quand on a des questions un peu techniques (un peu trop pour ma part) il est difficile de trouver les personnes qui peuvent répondre aux questions. Je trouve mes réponses à travers les personnes qui m’entourent dans le monde médical.

Avoir mal parfois…

En ce moment (depuis plusieurs mois) j’ai la partie interne qui m’est très sensible au toucher (le massage crânien de « détente » du coiffeur je peux faire une croix dessus, alors que j’adorais ça). J’espère sincèrement que ce n’est qu’un problème de force d’aimant (oui, les antennes que j’ai sur la tête sont maintenues par le contact d’un aimant externe qui doit se « coller » à l’aimant interne). C’est devenu une gêne importante au quotidien à tel point que poser ma tête sur mon oreiller est un moment délicat avant le coucher. Et là, personne du monde médical n’a LA solution, chacun a sa petite réponse, à moi de faire le tri… et de voir ce qui me convient le plus.

La rééducation sonore

Avant d’écrire ce billet, mes implants cochléaires ont bipé deux fois. Quand ça commence à biper, c’est mauvais signe. J’ai à peu près 10 minutes de son avant qu’elles me lâchent. Heureusement que j’ai deux jeux de batteries, elles me permettent de faire une journée et demie d’audition.

Je continue à m’entraîner quotidiennement à écouter, à décrypter. C’est un travail quotidien. Tout est bon pour travailler les oreilles.
Ça va certainement vous faire rire, tout le monde rêve d’entendre les petits oiseaux tous mignons avec leur petit bec. Moi, maintenant, parfois je m’étonne de les entendre encore et d’en être agacée par leur petit pépiement joyeux. Le souci de l’implant cochléaire est qu’il met tous les sons sur le même plan et c’est à ton cerveau d’arriver à faire la différence entre ce qui est important ou pas au moment T.

Savoir qu’une moto qui vient de passer dans la rue est de marque BMW et que chaque moto a son bruit significatif, ça m’a surprise lors d’une séance d’orthophonie.

Les fleurs qui poussent, ça j’ai pas entendu, d’ailleurs je sais pas si on peut entendre les plantes pousser (oui, encore une question bête ou pas).
Je les ai vues arriver. J’entends bien le bruissement des feuilles au contact du vent, du mouvement. C’est assez étrange comme son. Je m’étonne et j’étonne encore mon conjoint par la quantité de sons que je peux capter mais pas forcément identifier.

Quand j’écoute la télévision, je peux être surprise parce que je n’ai pas entendu la même chose que le sous-titrage. Ce n’est pas grand chose mais me rendre compte que le son ne suit pas le sous-titrage commence à me déranger. Mon conjoint me confirme quand il peut et quand il l’a entendu.

Je coupe régulièrement mes implants cochléaires pour me retrouver dans ma bulle de silence. Ce que je ne faisais pas avec mes appareils, voire jamais. Il m’arrive de les mettre qu’à midi le week-end. Ça m’étonne encore aujourd’hui.

Ces temps-ci, je suis plutôt concentrée sur les livres audio, je ferai un petit retour utilisateur en temps voulu. Quand j’aurai testé en long, en large et en travers. Je ferai un billet sur ce sujet ainsi que les différents sites/techniques que je peux utiliser pour ma rééducation auditive.

Monde professionnel

J’ai aussi passé quelques journées entières à écouter ces derniers mois.
J’ai commencé une formation « Expert en Accessibilité Numérique » peu de temps après ma reprise à temps partiel thérapeutique. C’était un moyen pour moi de me remettre dans le bain et de progresser en compétences qui étaient nécessaires en même temps. La première session a été ardue, c’était les premières journées entières que je faisais, à comprendre, à assimiler. Le cerveau a un peu court-circuité par la quantité de paroles à comprendre au bout de 2 jours. J’ai passé 3 jours à dormir mais je ne regrette pas d’avoir fourni cet effort. Il me reste encore quelques sessions à faire sur mai et juin.

Se souvenir

Petite note personnelle, je n’oublie pas mon Papi Jean qui n’est plus de ce monde aujourd’hui depuis 5 ans. Je n’ai plus cette tristesse que j’avais les premières années. Je me rappelle de lui avec affection, j’en garde les meilleurs souvenirs.

« L’éloquence des sourds », un documentaire sensible sur le monde des sourds

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 juillet 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Ce soir est diffusé sur Arte à 23h15, « L’éloquence des sourds », un documentaire qui se veut sensible sur le monde des sourds.

Pour moi, c’est un pari réussi.

C’est un documentaire qui donne une vision différente de ce qu’on aura pu voir jusqu’à présent. C’est la vision d’une personne sourde profonde, Virginie, qui vit toujours entre « deux mondes ».

C’est une immersion réalisée par Laëtitia Moreau, avec  une grande sensibilité, de la pudeur mais tellement vraie que j’ai pu me retrouver à plusieurs reprises dans les paroles de Virginie qui témoigne dans ce documentaire à cœur ouvert si j’ose dire.

J’ai choisi quelques extraits marquants qui font notre différence, qui font notre force.

« Un diplôme pour tout ce que nous avons fait pour arriver au même niveau d’information que les autres, ben, on a bac + 25 ! »
Je ris jaune mais c’est tellement vrai. La surdité est un handicap invisible qu’on imagine pas les efforts que nous faisons quotidiennement. Virginie les a très bien montrés dans ce documentaire.

« Ce sont des années de perroquet, de travail, d’affinage »
La preuve vivante que les sourds ne sont pas muets.
Virginie l’a prouvé dans ce documentaire si sensible, il y a une partie de la population sourde qui peut parler. C’est aussi le fruit d’un travail quotidien (quand la technologie nous permet d’évoluer aussi à ce niveau).

« À certains moments, on veut être comme les autres avant de comprendre que c’est impossible. Ensuite, on veut être soi, mais jusqu’où finalement exprimer sa différence ? (…) je pense que c’est un débat universel. »
Ce moment, c’est celui qui m’a le plus touchée en plein cœur. Virginie exprime vraiment ce que j’ai pu ressentir ces dernières années. Jusqu’où exprimer sa différence ? Accepter qu’on ne sera jamais comme les autres.
Ce sont des moments très personnels, intimes qu’on peut avoir avec ces pensées. Mettre à nu sa pensée, quel exercice difficile mais qui est parfois nécessaire pour qu’il y ait une vraie prise de conscience de la difficulté que nous pouvons avoir en tant que personnes sourdes profondes et qui oralisent.

J’y reviendrai plus tard mais ce documentaire est extrêmement sensible et touchant. On a bien une vision de la personne sourde qui a un pied dans deux mondes différents mais complémentaires.

Le replay est disponible du 10 juillet au 16 juillet et passe ce soir sur Arte à 23h15 si vous souhaitez l’enregistrer. Il y a un sous-titrage en version sourds et malentendants que vous pouvez activer sur la molette du player, c’est par défaut sur le français.

New York, la ville qui ne dort jamais…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 septembre 2018

Publié dans la catégorie : BlognameVis ma vie de sourde

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Après avoir passé ma soutenance de mémoire, j’ai pris quelques vacances bien méritées après 6 mois acharnés à essayer de reprendre le travail à temps partiel (digne d’une épreuve physique de Koh-lanta, qu’on se le dise…), de le conjuguer cette formation qui est enfin finie.

Cet été, nous sommes allés passer 10 jours à New York. Il me tardait d’y emmener notre minipixel qui n’est plus si mini mais assez grand pour se rappeler de ce voyage. Réservations faites au moins 6 mois à l’avance, nous n’avons pas trop planifié notre séjour ou plutôt nous l’avons fait ensemble à trois dans l’avion à l’aller.

Nous avons pris un AirBus 380 avec un petit luxe que nous nous sommes permis au moment de réserver les billets, la différence était moindre pour le confort qu’on pouvait y gagner. L’avantage de cette catégorie de siège (Eco Premium sur Air France) est qu’on a plus de place, on a pas le siège du voisin qui s’abat sur nous alors qu’on veut regarder le film, la possibilité de croiser les jambes, c’est pas négligeable quand tu as 8h30 de vol à l’aller. Et puis quand tu fais un certain gabarit, désolée mais moi avoir le popotin vissé dans un siège où j’ai la marque de la télécommande à l’arrivée sur la cuisse, non merci 🙂

Bref… Passons à l’essentiel ! Un superbe séjour qui a commencé avec 4 jours de temps magnifique qui nous ont un peu forcé à faire toutes activités en extérieur d’abord pour pouvoir profiter de cette météo si géniale.

Alors les activités que nous avons faites en prenant en compte que nous avions un ado de presque 11 ans avec nous :

  • Acheter une bonne paire de baskets pour qu’il puisse arpenter les rues de Manhattan qui peuvent s’avérer gourmandes en kilomètres. La trottinette sur les trottoirs de Manhattan, je la voyais mal. Ça aurait pu être possible dans le quartier de Brooklyn et encore, j’en suis pas certaine ;
  • Croiser des copains comme :
    • Sylvain et son petit frère qui sont pourtant pas si loin de nous en France,
    • Robin, un des instigateurs des Lightnings Talks (présentations éclairs en 4 minutes) de Paris Web, et qui est maintenant installé à là-bas. Un vrai régal.
    • Marlène, une vieille connaissance du grand-père maternel, qui a traversé l’Atlantique juste après la guerre de 1945, avec qui on prend plaisir à chaque voyage à l’appeler à l’arrivée en lui disant qu’on est là et prêts à passer du temps avec elle,
    • et pour finir Frank, un copain de lycée de Monsieur avec qui nous avons eu la chance de passer la journée dans le New Jersey en face de New York, ça donne tout de suite une idée de ce que peut représenter Manhattan de l’autre côté de la rivière au sud. Montrer aussi à notre fils ce que peut être la représentation de la vie à l’américaine. Une super journée mémorable pour nous trois.
  • Faire le tour de Central Park à vélo, j’avais anticipé en emmenant mon casque de vélo parce qu’avoir des implants cochléaires et un casque c’est juste insupportable quand tu as la pression des antennes sur le crâne, le deuxième avantage est que mon fils a pu profiter du casque puisque nous lui avons offert un skate-board fait sur mesure chez Zumiez, rien de plus beau comme cadeau d’anniversaire (qui a eu lieu en septembre) – passer toute une après-midi après avoir fait les repérages dans Central Park à faire du skate, regarder les choses qui pouvaient nous intéresser. On a eu droit à un chant de gospel, avec des mariés qui dansaient sur cette chanson, un groupe de jeunes qui faisaient tout un sketch mais en musique, c’était vraiment très chouette cette pause de verdure auprès des écureuils. On en a presque oublié les buildings !
  • Faire le Rockfeller Center, passage obligé pour avoir la vue globale de Manhattan.
  • Monter dans la Freedom Tower, un moment impressionnant pour nous 2, moins pour minipixel puisqu’il n’a pas vécu les attentats du 11 septembre. La dernière fois que nous sommes allés à New York c’était en 2012, elle n’était pas finie. Faire Ground Zéro était trop sensible pour nous, le hasard a fait que nous devions être à New York le 9/11/01 et nous y étions pas… Nous avions changé d’avis à la dernière minute pour rejoindre des amis en bord de mer française.
  • Faire le tour de Manhattan en bateau rapide en partant de Pier 25 du côté de Hudson River. Sensations garanties ! (Merci Robin pour le conseil, il était d’enfer !!!)
  • Prendre le Ferry de Staten Island pour voir la Statue de la Liberté à l’aller et au retour à moindre coût (zéro à vrai dire)
  • Aller à Luna Park de Coney Island, y passer la journée à faire les manèges avec minipixel, je les ai quasi tous fait sauf certains par rapport à mes implants. J’y ai même attrapé un coup de soleil, oui !
  • Voir le coucher de soleil sur Manhattan à partir de Dumbo, la nouvelle zone touristique, nous avions aussi pris la métrocard pour éviter la fatigue des kilomètres pour notre fils.
  • Testé des trucs improbables, manger des burgers qui étaient quasiment le triple de ce qu’on pouvait trouver ici, des glaces bien bourratives en sucre.
  • On a découvert qu’il y avait une 6 1/2 avenue à New York, si si.
  • Goûter tous les milkshakes possibles avec mon fiston et mon mari, c’était bien aussi (moins pour les kilos, soyons honnêtes)
  • Les « Concourses », qui sont en fait des souterrains qui permettent aux New Yorkais de pouvoir passer d’une avenue à une autre, voire même d’un bulding à un autre en passant sous-terre. Point de touristes… une découverte insolite.
  • Je dois en oublier encore…

Du côté des sons, j’ai redécouvert des sons que je n’entendais pas avec mes appareils alors qu’avec mes implants cochléaires si. J’ai entendu des crickets chanter, ça m’a paru tellement fort comme son que je n’y croyais pas. C’est fait, je connais désormais le chant du cricket américain. Je crois que c’est ce qui m’a le plus impressionnée lors de ce voyage.

Le respect et la tolérance que je trouve vis à vis du handicap notamment en ce qui concerne les implants cochléaires n’a rien à voir avec ce que nous pouvons avoir en France. Je n’ai eu aucune remarque quand il s’agissait de passer des portiques de sécurité que ce soit à l’aéroport ou aux monuments importants de la ville tout en montrant ma carte d’implantée. Certains disent qu’ils les passent sans problème, mais pour ma part, j’ai préféré suivre les recommandations de ma régleuse.
Éteindre les implants au décollage, et à l’atterrissage.
Signaler avant le décollage de France que j’étais sourde et qu’il y avait une prise en charge différente a été très bien perçu à mon arrivée aux USA. Je n’ai eu aucun problème à passer les services de sécurité et la douane.

À l’hôtel, certes un peu old school mais très bien situé, à 2 blocs de Central Park, le Wellington Hotel. Il y avait de quoi équiper à la demande certaines chambres pour les personnes déficientes auditives, c’était indiqué à l’accueil.

Concernant le son de la voix dans le métro, c’était assez drôle, car j’arrivais à reconnaître certains mots avec le support écrit de la station (certaines rames de métro ont été modernisées et sont équipées d’un écran montrant la destination mais aussi la prochaine station).

Faire quelques emplettes toute seule chez TJ-Maxx (ben oui, le skate ne rentrait dans aucune valise, j’ai évidemment racheté une valise !), ou chez Macy’s ou Barnes and Nobles, je me suis sentie libre, y compris en parlant en anglais même si parfois ils comprenaient pas, je répétais et il y avait une patience en face. Ça, c’est quelque chose que je ne suis pas prête de trouver en France.

Je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner. Si vous avez des bons plans, n’hésitez pas à partager ! Je referai un billet un peu plus détaillé sur les activités que nous avons faites.

Au fait, avez-vous pris vos places pour Paris Web ? Dernier jour avant une augmentation de 10% des tarifs !

 

Presque 22 mois d’oreilles bioniques

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 28 septembre 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Aujourd’hui, comme tous les vendredis, je ressors de ma séance d’orthophonie. Parfois, elles sont plus dures, parfois elles sont plus chouettes et parfois j’ai des conversations qui peuvent parler de tout et de rien.

Toujours des séances où mon orthophoniste se cache derrière un livre, ou je ne dois pas le regarder et me concentrer sur sa voix uniquement. Aujourd’hui on a parlé moustique ! 🙂

Je réalise aujourd’hui, le 5 octobre ça fera 22 mois que j’ai deux implants cochléaires. Ils sont devenus une partie entière de moi, je ne peux plus m’en passer. Je m’en rends compte parce que à la maison, quand je ne les ai pas et que l’un des membres de ma famille me parle, j’en suis gênée de ne pas avoir le son qui va avec la lecture labiale. Je leur demande toujours 5 minutes, le temps d’aller les chercher et de les allumer.

Je ne vous cache pas non plus, qu’il y a encore des moments difficiles, très difficiles. Ce n’est pas le but de ce billet 😉

Mais la semaine prochaine, je serai prise dans un tourbillon bienveillant qu’est Paris Web et je n’aurai pas le temps d’écrire quoi que ce soit.

Les progrès auditifs sont constants mais pas fulgurants.

J’ai encore quelques petites anecdotes à raconter. Récemment, je suis allée voir « Mission impossible : Fallout » au cinéma. En soi, c’est un film où tu ne fais que de courir avec le personnage principal. J’ai trouvé ça fatiguant. Mais le moment-clé intéressant est qu’à un moment dans le film, il y a des échanges en français.

Et évidemment, il n’y a pas de sous-titres à ce moment-là.

L’acteur principal discute avec un personnage en français, et à ma plus grande surprise, j’ai compris le dialogue. Ils n’étaient pas forcément tout le temps face à la caméra. C’est ça qui m’a surprise ! (Heureusement, qu’il n’y avait pas de pop-corn dans la salle, les bruits parasites ça n’aide pas à la compréhension).

J’étais contente de moi. Comme si j’avais encore réalisé une nouvel exploit. Oui, je crois que c’était un exploit parce que c’était une des première fois où je comprenais et sans avoir à m’interroger si c’était bien ce que j’avais compris. Je n’ai pas eu besoin de faire appel à mon cerveau pour l’auto-complétion mentale. Mais le contexte s’y prêtait vraiment bien.

Chaque jour, je m’étonne moi-même. J’ai toujours cette idée en tête qui finira par sortir un jour, à un moment qui sera le bon. #CeuxQuiSaventSavent

En ce moment, je suis sans emploi.

Ma vie est en train de changer parce que j’ai décidé que c’était nécessaire pour continuer à avancer. J’étais arrivée à un point où les choses ne coulaient plus de source. Pas d’inquiétude, j’ai trouvé autre chose.

Une belle aventure qui commencera le 15 octobre, c’est tout ce qui compte. Ça ne sera certainement pas facile pour moi, j’avais repris en janvier 2018 en temps partiel à 40%. Là, je repars à 100%, c’est un peu rude, les choses se sont pas déroulées comme il aurait fallu, parfois, il faut prendre sur soi. Je sais que les premières semaines seront dures, que je serai fatiguée mais j’avoue que j’ai hâte de voir ce que ça peut donner.

Par ailleurs, j’ai vu des informations passer et franchement des fois j’ai envie de dénoncer certaines choses au risque de m’attirer les foudres… mais à quoi bon ? Les gens ne sont pas toujours prêts à lire des choses qui soient en contre-sens avec les autres, c’est ce qui me retient de publier plus fréquemment parce que je n’ai pas envie d’avoir à gérer ces réactions qui pourraient avoir un impact sur ma vie, sur moi.

J’écrirai certainement d’autres billets sur les implants cochléaires, car j’ai vu passer des questions vertes et pas mûres, qu’il n’est pas tolérable de les laisser passer.

Je suis censée faire un bilan annuel à la fin de l’année, je ne sais pas ce qu’il en est des rendez-vous. Une chose est certaine, j’entends différemment qu’avec mes appareils et mieux, sans oublier que la fatigue est présente ou jamais très loin. Je ne regrette pas d’avoir sauté à pieds joints dans le vide que représentait cette opération pour moi où il n’y avait pas de réponses à mes questions ou d’affirmations.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les laisser en commentaires.

Paris Web 2018

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 octobre 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Comme chaque année, je fais un billet après chaque Paris Web.
Cette nouvelle édition m’a encore permis une fois de me dépasser.

J’avais rêvé d’y aller, j’y suis allée, j’ai participé en tant qu’oratrice et enfin en tant que staffeuse. Une période intense de 3 jours + 1 jour de préparation.

Passer 3 journées complètes avec beaucoup de monde, alors que ces derniers mois, j’étais plutôt dans le calme. C’est un exploit renouvelé comme l’an dernier. Davantage mieux supporté, c’est normal, j’arrive à ma deuxième année avec mes 2 implants cochléaires.

J’ai vu quelques conférences, dont une en mode groupie pour celle d’Emmanuelle à qui j’avais promis d’y être, parce qu’elle est une des personnes qui m’a aidée à prendre ce choix difficile de me faire opérer. Mais aussi car nous sommes toutes les deux concernées et qu’elle a osé vous livrer de vive voix, ce que je n’aurais pas pu faire en tant que staffeuse. Je suis ravie que d’autres personnes sourdes interviennent en tant qu’orateur•trice, pour montrer la diversité de chacun•e.

J’ai aimé entendre certaines voix, j’ai aimé reconnaître uniquement par l’audition certains mots de certaines personnes. En particulier, celle d’Agnès, où j’étais en forme (en même temps, le mot était récurrent : boulettes), celle des personnes anglophones où j’arrivais à entendre certains mots spécifiques. Je me suis rendue compte qu’auditivement, j’avais progressé. Je n’ai pas forcément réussi à le formuler durant l’évènement, c’est mon sentiment. C’est compliqué à expliquer mais je continue à garder mon journal pour pouvoir le faire un jour. J’ai certainement progressé dans la parole, c’est fort possible. Vous l’avez peut-etre constaté ou pas.

J’ai été ravie de voir davantage de personnes sourdes qui cultivent elles aussi le web de demain. Ça m’a fait plaisir de voir que l’accessibilité qui nous tient à cœur porte toujours ses fruits, toujours plus chaque année. Paris Web propulse ces personnes toujours plus haut, oui, plus haut (d’accord pas comme Buzz l’éclair avec « Vers l’infini et l’au-delà »).

J’ai eu des moments où j’ai eu mal à la tête, oui, je ne le nie pas.

J’ai eu des moments où j’ai craqué (si vous l’avez pas vu, tant mieux 🙂 )

J’ai été très souvent derrière mon écran pour cette édition, j’ai pris plaisir à voir vos messages passer à une vitesse sur mon écran, j’ai vu des messages qui m’ont fait sourire et c’est à ce moment qu’on sait pour quoi on le fait.

Comme tous les staffeurs, je n’ai pas eu beaucoup de disponibilités pour pouvoir échanger longuement avec chacun·e des participant•e•s. Mais sachez, que j’ai savouré chaque moment passé avec chaque personne avec qui j’ai pu parler, même 5 minutes. Ce sont des moments précieux à garder en mémoire, des moments qui sont fugaces mais intenses.

Mais j’ai aussi pris le temps de faire passer du rose parmi vous. C’est toujours un plaisir de voir un sourire pointer sur le visage de chacun·e. Je garde précieusement les selfies que j’ai fait avec vous et ce costume qui vous a donné le smile.

groupe de personnes avec moi déguisée en bisounours rose
© Audrey Vittecoq-Laporte

Paris Web, c’est aussi un exercice de cardio comme on s’accorde à le dire avec Julie et Frank, 43 138 pas en 4 jours. C’est chaud quand même, mais je n’ai pas eu cette impression d’en avoir fait autant et c’est tant mieux.

Merci aux équipes de Trilogue Interprétation et Système RISP d’avoir été rudement efficaces durant cette édition 2018.

J’ai certainement oublié de remercier certain·e·s personnes, je m’en excuse d’avance.

Merci encore une fois, aux co-fondateurs de Paris Web, sans qui je ne serais pas là aujourd’hui (oui, désolée les gars, mais oui) ainsi que les personnes que j’ai pu rencontrer à la suite de tout ça.

Pour finir, merci à mes compères du staff d’avoir été solidaires, d’avoir été davantage inclusifs même si ce n’est pas toujours évident, ni automatique dans les réflexes, encore moins avec la fatigue. J’ai envie de vous dire que vous êtes supers. #ShareTheLove

L'équipe de Paris-Web 2018 au complet
© Hubert Sablonnière

J’espère que vous aurez pris plaisir à voir les conférences que nous avions sélectionnées pour vous, mais ce que je retiens, ce sont vos messages #parisweb qui sont positifs, et ça, c’est important !

Merci à vous d’être venus, d’avoir participé.

#ShareTheLove

Ressortir de sa zone de confort

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 26 octobre 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/ressortir-de-sa-zone-de-confort/

J’ai décidé début septembre de sortir de ma zone de confort. Je ne me sentais plus à ma place. J’ai démissionné début septembre pour de me libérer de ce qui m’empêchait d’avancer, de m’épanouir et d’être moi-même. 

De ce fait, je n’aurai pas de photos de soleil, insolites à partager immédiatement puisque ce sont les vacances scolaires et je ne le suis pas.

Il y a 15 jours, j’ai pris un nouveau poste, celui de responsable Front, Qualité et Accessibilité web chez Numerik-ea qui s’appuie sur un groupement d’entreprises comme Ecedi, ATF Gaia et Simplon.co. 

Un beau challenge qui m’attend. 

J’ai autour de moi une équipe motivée, bienveillante et des collaborateurs qui font en sorte que ce soit inclusif à tout point de vue. 

Il n’y a jamais de problèmes, que des solutions. Je suis acceptée telle que je suis avec ma différence. 

Rien que pour ça, je ne regrette pas d’être sortie de ma zone de confort. (C’est marrant, hein, je sors régulièrement de cette zone – dans un mois – ça fera deux ans que je suis bi-implantée, ou bionique, appelez ça comme vous voulez) 

C’est aussi la dernière journée de la deuxième semaine où j’ai repris le boulot. Ce matin, pas d’orthophonie, c’est les vacances scolaires, un peu de repos orthophonique, ce n’est pas de refus. 

Je n’ai pas vu le temps passer, cela fait déjà 2 semaines que j’ai commencé.
J’ai souvent des journées bien remplies et intenses. J’essaie aussi d’apprendre à gérer mon stress et à y aller plus sereinement. Passer d’un temps-partiel à un temps plein d’un seul coup. C’est un grand changement qui bouleverse mon quotidien.
Heureusement que j’ai un mari qui est top, un fiston du tonnerre qui lui aussi m’apporte des solutions ainsi qu’aux autres. Ils m’épatent tous les deux.

Auditivement, je sais que j’ai progressé encore à vitesse grand V, j’entends désormais le nom de toutes les stations de métro par lesquelles je passe. Quand j’entends le nom de la mienne, je n’hésite plus, je descends. 

J’entends le bip de mon navigo quand je le passe sur la borne, je sais que je peux avancer sans avoir la crainte que le tourniquet se bloque parce que ça n’a pas été validé du premier coup. Ça paraît bête à le dire comme ça, mais se retrouver bloqué au tourniquet parce que le navigo n’a pas été bien validé, ça fait un peu mal quand ça arrive. 

Je fais davantage d’appels téléphoniques en visio-conférence, ça a été dur la première semaine parce que c’était nouveau pour moi, qu’il me fallait me concentrer davantage qu’avant. 

Maintenant, c’est beaucoup plus facile même si ça reste fatiguant encore. 

Je ne vais pas vous mentir, si j’ai de la vidéo, ce sera la lecture labiale qui sera privilégiée en support. Elle m’est nécessaire. Je ne peux toujours pas m’en passer. De temps à autre, parfois le son est décalé. Avant, ça ne me dérangeait pas. Maintenant oui. 

Parfois, j’ai que du son et là, ça se limite à des phrases très courtes : « allo, tu m’entends ? – Non, attends – J’arrive – Je branche mon casque – Non, ça va pas, mon implant gauche n’est pas connecté à mon casque bluetooth » 

Je peux le dire, aujourd’hui : j’ai fait une video-conférence où nous étions 4, et pas forcément tous au même endroit. Nous avons commencé et j’ai vu qu’il fallait que j’explique quelques règles pour être à l’aise. Quand la personne parle, elle est en grand et les autres sont en petit. 

J’en apprends tous les jours moi-aussi. 

J’ai remarqué quand on se coupait la parole, la vidéo de la personne qui parlait mettait un certain temps se mettre en « écran principal » et que je n’avais pas le début de la parole. Du coup à chaque prise de parole, la personne attendait d’être en grand et elle embrayait. La vidéo-conférence à 4 s’est très bien passée. C’est la première fois que cela m’arrive depuis que je travaille. Heureusement, qu’il n’y avait pas de décalage sonore et que la vidéo était correcte (non c’était pas full hd, mais pas pixellisé au point de ne pas pouvoir faire de la lecture labiale).

Ça fait plusieurs matins que j’entends de l’accordéon dans les couloirs du métro au lieu des pièces qui tintent dans un bol de bois. 

Je pourrais en raconter encore, mais ce billet a été écrit sur mon temps de trajet et la journée a été bien remplie à nouveau. 

Place au week-end super-chouette qui m’attend. 

Une année de plus au compteur

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 novembre 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/une-annee-de-plus-au-compteur/

Novembre est un mois un peu spécial pour moi. Depuis une semaine, j’ai l’esprit un peu chamboulé.

Parce que d’une part ça va bientôt faire un mois déjà que j’ai pris mon nouveau poste et j’ai l’impression que le temps m’a filé entre les doigts et en même temps je sais qu’il s’est passé des choses, même beaucoup.

Je me rends compte que je me suis adaptée à ce nouveau rythme, bien qu’il soit fatiguant, j’en repars tous les soirs avec une accumulation d’idées pour améliorer les choses chaque jour.

Je me rends compte aussi que les journées ne font que 24h, et qu’il ne faut pas que je me mente à moi-même. Que j’ai aussi une fragilité personnelle que je dois préserver.

Je vous invite à aller voir le TEDx de Lucie Caubel. Son discours m’a profondément touchée. Ses mots auraient pu être les miens. Seulement, à l’écrit c’est plus difficile à exprimer.

Je me rends compte que je ne peux pas tout faire et qu’il faut que j’apprenne à mettre des priorités dans ma vie. Que j’apprenne à accepter, que j’apprenne à appréhender ce que je vis en ce moment.

Au moment où j’écris ce billet, je suis dans un train, avec le morceau « Boléro de Ravel » joué par l’orchestre symphonique de Londres, dans les oreilles. Le meilleur endroit où j’arrive à m’exprimer facilement et rapidement.

Esprit chamboulé, pourquoi ?

Parce que à l’approche de mon anniversaire, je sais jamais quoi vraiment faire. Parfois je me dis une grosse fiesta avec tous ceux que j’apprécie, mais je ne sais pas si j’apprécierais, moi qui ai repris une vie à 200 à l’heure, après avoir passé 3 ans à galérer avec mes vertiges, ma perte d’audition qui restait et à essayer de trouver comment positiver et m’en sortir de cette spirale.

Je me rends compte que ça n’a pas la saveur qu’on a que quand on est en petit comité, de ces moments fugaces mais si importants à cumuler pour l’énergie des jours à venir. Le fêter, avec ceux qui le sont proches, ce n’est pas toujours évident car nous avons tous des vies bien remplies et différentes.

Je ne souhaite rien de particulier et je me dis en même temps que c’est dommage de ne pas le fêter.

Et parfois, la vie te montre qui sont les vrais amis, ceux qui sont proches de toi.

Et j’avoue que plus j’avance dans le temps, plus je me rends compte qu’il y a de moins en moins de monde aux moments importants de ma vie. Je m’en rends compte, des amis qui deviennent des connaissances, des proches qui s’éloignent malgré le temps.

Je ne suis pas triste de ce constat, je sais que ce que je vis ce sont des moments authentiques et ça me va. Nul besoin de plus.

Ma vie est loin d’être à l’image de ce qu’on peut voir sur les réseaux sociaux. Ces réseaux sociaux qui aujourd’hui ne laissent plus une seule place à la vie privée mais que chacun envie (ou pas), je me trompe peut-être. Ces réseaux sociaux qui ne montrent qu’une facette enjolivée du quotidien et pas de la vraie vie.

C’est la réflexion que je m’en fais. Si quiconque veut en discuter de vive voix, j’en suis.

J’ai fêté mon anniversaire hier en petit comité, mais comité qui m’est très cher. Des cadeaux qui te touchent en plein le mille dans le cœur, quitte à en verser quelques larmes.

Oui, ma sensibilité s’exprime par les larmes qui coulent le long de mes joues, car ce sont des cadeaux inattendus. C’est tout ce qui compte. Ça ne pouvait qu’être parfait.

Ma sensibilité fait partie de moi. À moi d’arriver à en faire une force et non pas une gêne.

Esprit chamboulé, car l’an dernier à la même date, je faisais une prise de sang, prise de sang qui s’est finie en « ambiance Halloween », l’infirmier en difficulté pour arriver à me piquer, qui s’excusait de plus belle parce qu’il n’y arrivait pas et que cela en mettait partout. Moi qui riais en même temps parce que c’était le jour de mes 40 ans pour définir ma carte génétique pour savoir d’où venait ma surdité, résultat que j’ai eu 7 mois et 5 jours plus tard. Bim. Je sais finalement suite à cette analyse que j’ai bel et bien jamais entendu de ma vie. Je suis née sourde et le resterai toute ma vie.

Esprit chamboulé car je suis à 6 jours de la date anniversaire qui a changé ma vie, ma vie auditive. Cette aventure où j’ai sauté à pieds joints, en étant soutenue par mon conjoint, mon fils et ma mère, sans savoir où ça allait me mener.

Et le sentiment étrange que mon corps a l’air de s’en rappeler, bien que ce fut violent comme choc, aussi bien physique que émotionnel si vous avez suivi l’histoire depuis le début. Voilà presque 2 ans que je suis bi-implantée.

Bref, novembre c’est un mois particulier… parce que quand je me retourne, je vois tout ce chemin que j’ai parcouru et c’est positif. Aucun regret même si ce fut long, très long, périlleux et difficile, il y a eu des joies aussi.

Déjà, pour finir la journée : savourer toute cette musique classique que je ne pouvais pas faire avant parce que je n’entendais pas les aigus et je n’avais aucune perception des nuances musicales.

Sacré anniversaire cette année !

2 ans de bionique, joyeux anniversaire mes p’tites oreilles !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 19 novembre 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/2-ans-de-bionique-joyeux-anniversaire-mes-ptites-oreilles/

Samedi dernier était la date anniversaire où je passais au bloc il y a 2 ans.
Les souvenirs que j’en ai aujourd’hui, ne sont plus aussi marqués mais mon corps lui s’en rappelle, j’ai dormi tout le week-end.
Je me rappelle d’être partie avec plus de 4h de retard, énervée (parce que le petit cachet que tu as avant de partir ne faisait plus effet)  parce que je n’avais aucune information sur le délai et que je n’avais personne ce matin-là avec moi pour l’attente.

J’étais seule dans ma chambre.

J’étais face à moi-même, face à mes interrogations, savoir si je faisais bien ou pas, pleine d’interrogations sans réponses puisque personne ne pouvait y répondre.

Je me rappelle du brancardier qui est arrivé avec un sandwich dans la bouche parce qu’il n’avait pas eu le temps de manger et qu’il avait pris sur son temps de pause pour résorber le retard, je me rappelle l’avoir taquiné gentiment moi qui n’avais pas eu le droit de manger depuis la veille, la faim se faisait sentir doucement malgré le stress pré-opératoire.

Je me rappelle de cet anesthésiste, qui m’a dit au bout de la 3e tentative, de respirer fort comme si c’était l’air pur de la montagne, je me rappelle d’en avoir rigolé avec lui.

Je me rappelle encore, d’avoir été réveillée par une infirmière en salle de réveil qui me disait que tout s’était bien passé malgré mon regard embrumé par l’anesthésie.
J’émergeais avec beaucoup de mal.
Je ne me rappelle plus son visage, mais de ses paroles. De ce qu’elle m’a dit alors que j’étais déjà plongée dans mon silence total à mon réveil.

Je me rappelle qu’à l’arrivée dans ma chambre, il faisait nuit noir, que je me suis rendue compte que je ne pourrais pas accéder à mon téléphone pour prévenir mon mari d’autant plus que lui était inquiet de son côté et n’avait pu accéder à la chambre car les portes étaient fermées au delà de 21h.

Je me rappelle avoir été bloquée physiquement, un moment très désagréable, je n’avais pas l’usage de mes jambes qui étaient dans des espèces de poches qui compressaient aléatoirement. Clouée au lit. C’était bien le terme. Je sais ce que ça veut dire maintenant.

Je me rappelle avoir touché ma tête qui était endolorie. Il y avait un bandage compressif. Je ne l’aurai jamais vu puisque j’étais clouée au lit.

Je ne me rappelle pas de la douleur le jour même. Je me rappelle juste d’être passée sous un camion, avec une tête comme une pastèque et les membres complètement désarticulés.

Je me rappelle pas mal de choses mais je vous invite à aller relire dans les archives…

Ma mémoire est encore là. Quand je me relis ce sont les larmes qui coulent parce que aujourd’hui je réalise que ça fait 2 ans que je suis passée sur le billard.

2 ans c’est rien dans une vie, et en même temps ça me paraît si loin.
2 ans que j’ai fait ce pari un peu fou car peu sont implantés des deux côtés le même jour. J’ai certes perdu mes repères auditifs que j’avais avant mais je les ai retrouvés, la perception du bruit, des sons a changé. Je n’entends plus comme des sons étouffés, mais des sons très clairs et nets qu’il m’est encore difficile d’identifier.

Pas plus tard que vendredi dernier, mon orthophoniste m’a dit : « ah ouais, t’as franchi un sacré palier ».

Je voulais partager ça avec vous, car il m’avait dit quand je suis arrivée dans son cabinet que j’avais fait déjà la majeure partie du boulot en rééducation auditive en janvier 2018. Il m’avait prévenu : « tu as fait le plus facile jusqu’à présent, désormais va falloir y aller avec les dents »

Pour finir pour ceux qui me posent cette question sans arrêt : « regrettes-tu ? »
Ma réponse est simple : « ça a été dur, c’est encore dur mais aucun regret quant à la prise de cette décision. »

24 mois que j’ai des oreilles bioniques

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 décembre 2018

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/24-mois-que-jai-des-oreilles-bioniques/

Aujourd’hui, ça fait 24 mois que mes oreilles bioniques ont été activées.

24 mois que je cours vers de nouveaux bruits qui deviennent désormais des sons que j’ai apprivoisés.

24 mois, ça fait 2 ans. C’est long et court à la fois.

Hier, j’ai effectué mon bilan orthophonique malgré quelques péripéties au niveau du secrétariat qui a commencé avec un « Non vous avez pas rendez-vous » et ça s’est terminé en « Venez, on va vous prendre en plus », j’ai eu de la chance ! Cette péripétie de rendez-vous ne sera que ponctuelle mais il faut être organisée.

L’inconvénient de ces bilans orthophoniques est qu’après je suis complètement vidée. Durant cette période, je concentre tous mes efforts pour montrer que j’ai acquis durant cette année. Comme si j’avais tout donné pour un marathon.

En parlant avec l’orthophoniste, je lui ai listé les nouveautés par rapport à l’an dernier et je prends conscience de l’avancée. Je me rends compte que oui, j’ai progressé, à petits pas durant l’année 2018. Il y a eu un changement dans ma vie, il y a quelques mois, qui a provoqué des répercussions positives.

Je vous en livre quelques uns :

  • J’écoute de la musique quand je marche, elle m’entraîne dans son rythme quand j’ai une longue marche. Ce que je pouvais pas faire ni apprécier avant puisque la musique n’avait aucun intérêt pour moi, elle était inintelligible pour moi.
  • Je peux décrypter quelques mots dans une phrase. J’ai testé avec le film « Mission Impossible » qui se passe à Paris (pas de commentaire sur ce blockbuster, hein, j’avais un créneau de 2h à tuer et c’est tout 😉 ). J’ai tout bien compris sans vraiment percuter sur le coup. Ce qui n’était pas le cas quand j’ai vu Da Vinci Code qu’il faudra que j’envisage de le regarder à nouveau.
  • Je peux entendre des mots sans vraiment m’en rendre compte, je les entends mais la grande différence c’est que je les comprends ! J’arrive à les entendre à force de les réécouter. C’est grâce à mon orthophoniste qui me suit et qui me soutient dans cette rééducation. Personne ne parle de cette rééducation auditive qui a l’air de surprendre plus d’une personne. L’émission « Les pouvoirs extraordinaires du corps humain » avec comme thème « Vivre jusqu’à 120 ans » a évoqué les implants cochléaires.  Les témoignages étaient vraiment trop courts pour qu’on comprenne ce que pouvait représenter l’enjeu d’avoir un implant avec tout ce que cela peut impliquer autour. Si des personnes sont intéressées pour en savoir plus, je pourrai développer ça dans un autre billet.
  • Je peux désormais entendre des phrases complètes sans regarder la personne, sans contexte mais attention ça me demande 80% d’efforts de concentration alors que pour une personne qui entend ça ne prendra que 20% et encore… je suis gentille. Je peux effectuer cette prouesse mais que sur quelques minutes. C’est peu pour vous mais énorme pour moi.

Il va de soi, que la rééducation auditive, le contact social, les interactions sociales sont facteur d’inclusion mais aussi de progression auditive pour moi.

Il ne faut pas oublier dans tout cela :

  • je suis née sourde sévère, ma surdité a évolué vers le silence total pour un jour ne plus rien entendre à droite y compris avec un appareil.
  • J’ai fait le difficile et courageux choix de me faire implanter les deux oreilles le même jour.
  • L’âge n’était pas forcément en ma faveur : 39 ans
  • La plasticité du cerveau continue de marcher même autant d’années après, mais aussi parce que j’ai eu cette chance d’avoir une équipe médicale qui a pris en compte mes exigences et mes capacités.

Je vais pas nier qu’il y a des moments où je suis complètement à plat et qu’il n’y a rien à faire. Je ne suis pas comme le petit lapin Duracell qui dure longtemps ! 😉

Et pour l’an prochain, j’ai bien envie de vous promettre quelque chose mais je ne le dirai ps publiquement. Je vous garde la surprise pour l’an prochain. Voilà c’est dit.

Au revoir 2018, bonjour 2019 !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 31 décembre 2018

Publié dans la catégorie : BlognameVis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/blog/au-revoir-2018-bonjour-2019/

Nous sommes le 31 décembre, je peine à réaliser que nous sommes déjà à la fin de l’année 2018. Si je me retourne pour voir ce qui s’est passé en 2018, l’année est passée à une vitesse que je n’aurais pas cru et pourtant il y a eu des mois qui m’ont paru bien plus longs que d’autres, qui eux sont passés à la vitesse du son.

Il y a eu tellement de choses qui se sont réalisées, et d’autres que je voulais faire et que je n’ai pas pu faire. 

Je vais faire un mix d’un bilan annuel (suite à une réponse sur twitter parce que j’avais reposté une chronique d’il y a 2 ans) et rajouter quelques liens avec mon monde sonore. Je garde encore à l’esprit que 2018 a été encore une année difficile, j’espère vivement que 2019 sera plus doux. 

Au revoir 2018

Monde sonore

J’ai davantage apprivoisé le monde sonore. Encore 2 ans après, je me retrouve à découvrir des sons que je ne connaissais pas, découvrir des situations auxquelles je n’aurais jamais pu imaginer que cela arriverait. 

Il m’arrive de relever la tête et de chercher un bruit quelle que soit sa localisation. Je me suis surprise à entendre de la musique dans mon train ou au bureau alors que c’est de la musique qui est envoyée très forte dans les oreilles de quelqu’un. Je ne pensais pas que c’était possible d’entendre des sons qui ne sont pas projetés dans nos oreilles mais dans celle des autres.

#flashback #newsophie « Tellement fatiguée que m’entendre respirer, ça me file la nausée. C’est bête hein. » – c’est plus le cas aujourd’hui mais ça me fatigue encore …— Sophie Drouvroy (@cyberbaloo_) 12 décembre 2018

J’ai aussi découvert d’autres bruits d’animaux que celui de la pie, mais celui de mon petit chaton Pixel qui est arrivé chez nous fin Juin. Qui nous a un peu rendu chèvre mais qu’on aime beaucoup et qui nous le rend bien car c’est un chat qui est expressif dans le sens où il râle, il miaule, bref, il s’exprime parfaitement bien pour un chat de 7 mois maintenant.

Pixel, un chat tigré européen (gris et blanc)

Je suis sourde et je le resterai toute ma vie. Parce qu’à chaque nouvelle rencontre c’est « ah ouais alors maintenant tu entends/comprends tout » ? 
Hélas, non. 
J’entends bien mieux qu’avant. 
Je comprends plus de choses qu’avant mais quand j’enlève mes implants cochléaires. Si l’environnement ne m’est pas adapté, je suis en situation de handicap et donc sourde comme un pot.

J’ai réussi à comprendre tout un dialogue en français au cinéma dans le film Mission Impossible : Fallout — navet ou pas, j’ai vu pas mal de films cette année —. J’ai été la première surprise. Il n’y avait plus de sous-titres, du coup je me suis forcée à écouter et là, bizarrement, oui, je me suis mise à comprendre. Ce n’est qu’en sortant du cinéma que j’ai réalisé cette prouesse que je venais de faire inconsciemment.

Je me rends compte moi qui appréhendais  les réunions, les vidéos-conférences, je réalise que je les gère mieux qu’avant. C’est à dire qu’en ayant la lecture labiale, le son, et le contexte (parfois) j’arrive à avoir des conversations one-to-one plus facilement qu’avant. Même quand le son est décalé par rapport à l’image, de temps en temps j’arrive à comprendre.

Les conversations à plusieurs dans la vraie vie, c’est possible quand on est 4, quand on est 6 je suis un peu larguée. Pour peu qu’il y ait du bruit environnant que je ne peux pas effacer de ma concentration auditive, c’est foutu. Et là je décroche. 

La principale difficulté avec l’implant cochléaire aujourd’hui que j’ai du mal à estomper ces petits sons qui peuvent être parfois dérangeants.

Vous, entendants, qui percevez un nombre infini de sons, vous les avez déjà triés depuis bien longtemps. Chez les personnes entendantes, le cerveau est formaté depuis la petite enfance pour trier les sons qui l’intéresse ou pas bien qu’ils soient nombreux et pas tous sur le même plan sonore.
Le mien reçoit beaucoup moins d’informations que le vôtre.
Il reçoit, certes, plus d’informations sonores avec l’implant cochléaire qu’avec un appareil auditif. Ces sons sont tous au même plan, et je dois faire en sorte que mon cerveau apprenne à ignorer les sons qui ne l’intéresse pas pour se focaliser sur ce qui l’intéresse. C’est un travail quotidien et constant. 

C’est pas « facile » comme il a été dit dans l’émission « les pouvoirs extraordinaires du corps humain » avec Adriana Karembeu et Michel Cymes qui est passée en novembre ou décembre sur France2.

J’ai encore de la difficulté à relire mes billets, quand je les relis, j’ai bien souvent les larmes qui coulent sur mes joues. Est-ce une forme de joie ou de prise de conscience, je ne sais pas. Mais ça provoque une vague émotionnelle que je ne peux pas retenir. 

Je continue à redécouvrir la musique et surtout, je partage cette découverte avec de nombreuses personnes sur twitter avec #newSophie #musiqueOnEar

En fait, la musique de StarWars ca va 5 minutes, quand tu te la tapes plus d’1 heure, ça devient un peu relou limite disque rayé. #musicOnEar #newSophie 19 décembre 2018

Twitter – @cyberbaloo_

de la musique pour se concentrer t’as #twitter ?#merci
— Sophie Drouvroy (@cyberbaloo_) 7 décembre 2018

Monde extérieur

Le travail

J’ai un peu déconnecté du monde parce que j’ai repris le travail mi-janvier 2018, cette période a été difficile dans le sens où me retrouver immergée à nouveau dans le monde sonore et professionnel malgré moi. Ne pas savoir comment gérer ça, ne pas savoir comment réagir vis à vis des comportements, ne pas savoir comment réagir émotionnellement.

La reprise du travail n’a pas été aisée. J’appréhendais beaucoup et je crois que j’ai eu raison. Il n’y a qu’une chose que j’ai réussi à faire, c’est d’arriver à tenir ces 2 journées et demies par semaine pendant plus de 6 mois, tout en dormant la moitié de la semaine… Dure période.

#flashback #newSophie #2yearsAgo «  Pour le moment, j’ai l’impression de puiser dans mes réserves d’énergie, comme Mario qui a son pouvoir qui descend au fur et à mesure qu’il rencontre un ennemi » — toujours aussi valable aujourd’hui après un réglage d’implant cochléaire.— Sophie Drouvroy (@cyberbaloo_) 13 décembre 2018

Projet professionnel

J’ai, toutefois, réussi à trouver un projet professionnel qui m’a aidée à tenir bon. À ne pas lâcher ce monde professionnel qui m’attendait. 

J’ai fait la formation longue d’Expert en Accessibilité Numérique, je n’y croyais pas que je pourrais la faire et pourtant… 

C’est un exploit professionnel que j’ai réussi cette fois-ci, tout en ayant la possibilité d’être accompagnée par un scribe (une personne qui prend des notes pour toi). Sans ce scribe, ô combien professionnel mais aussi amical, cela aurait été difficile. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes très sympathiques pendant la formation. Refaire une présentation alors que c’était la première fois que je reparlais à nouveau en public depuis mes implants cochléaires, ça a été un double challenge. Je remercie encore chaleureusement mon tuteur de formation pour ses conseils et son soutien inconditionnel).

Ressortir de sa zone de confort

Je suis aussi sortie de ma zone de confort encore une fois en 2018, j’ai traversé la rue. Après avoir passé plus de 6 mois à essayer de me réintégrer à ce monde que j’avais quitté avant mon opération, ce fut bien plus rude que je ne le pensais. Aujourd’hui, j’entame mon 3e mois de travail à temps plein.

Ça reste difficile encore. Je tiens la semaine, mais le week-end est consacré à la récupération, je ne fais que de dormir. J’espère que cela va se calmer. 

Les conférences

J’ai donné une petite conférence au salon du Handicap 2018, ainsi qu’une petite intervention à l’occasion de la Semaine Européenne des Personnes Handicapées. Je n’ai pas assisté à de conférences cette année, j’ai juste participé à l’organisation de l’édition 2018 de Paris Web, nous avons réussi à renouveler l’exploit qui était incertain jusqu’à la fin de l’été, je suis devenue secrétaire pour l’édition 2018/2019. 

J’en profite ici pour vous redire que les prix très doux (Very Early Birds de Paris Web) sont encore d’actualité jusqu’à minuit ce soir si vous vous décidez d’ici là.

DIY

J’ai fait très peu de DIY, puisque je passais les rares moments éveillée avec mes proches et quelques ami(e)s qui restaient dans les parages. 

Les voyages 

J’ai eu l’occasion d’aller deux fois à la rencontre des cîmes enneigées des montagnes alpines, de traverser l’océan pour revoir New York avec mon fils et mon mari.

Bonjour 2019

J’ai encore le même vœu qu’en 2018, j’aimerais que cela soit plus supportable, moins fatiguant côté sonore.

J’aimerais trouver le bon rythme de travail qui fait que je m’épanouis comme il le faudrait, sans pour autant me retrouver en mode carpette à la fin de la semaine, complètement incapable de profiter de mon week-end. Ça va prendre du temps je pense. J’y crois très fort pour 2019. 

Je vais déjà commencer par aller caresser les cîmes des montagnes bientôt avec mon fiston, ces vacances seront source de tranquillité, de sérénité, d’aucune angoisse. Mais j’aimerais voyager loin, très loin (genre New York, soyons fous, de l’autre côté du Globe carrément). Le Tour de France, on l’avait commencé fin 2018, il faut qu’on continue, d’autant plus que j’ai fait des promesses à certaines personnes 😉 

Passer la certification Voltaire, j’aimerais beaucoup, mais ça va me demander du travail. 

Avoir des projets littéraires, mais ne pas savoir par où commencer, ça va être un objectif 2019 très certainement. 

Rester enthousiaste et patiente (j’ai commencé à apprendre la patience en 2016)

Ah, l’an dernier j’avais dit que je voudrais en finir avec le FOMO c’est #AchievementUnlocked. Maintenant, reste à quitter doucement certains de ces réseaux ou du moins ne plus poster dessus pour me recentrer sur mon blog, qui lui ne sera pas éphémère comme tous ces réseaux sociaux. 

Et pour finir, je vous souhaite une « Bananier, patate sautée ! » (© de mon cher pdwn

Prenez soin de vous. 

La musique et moi

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 30 janvier 2019

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/la-musique-et-moi/

Janvier est passé à une vitesse folle. Je reviens sur cette histoire de musique, certains d’entre-vous me suivent sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter.

Quand j’ai pris la décision de me faire implanter, on m’avait dit : « vous savez madame, vous pourrez pas apprécier la radio, la musique. L’implant cochléaire a ses limites ».

Sauf que… c’est tout le contraire. Encore une fois, je ne rentrerai pas dans les cases définies de l’hôpital. 

À la lecture du paragraphe au dessus, je suis certaine que vous allez me dire : Mais quelles limites ? En effet, la technologie de l’implant cochléaire ne permet pas de saisir toutes les nuances sonores que les personnes peuvent percevoir. C’est peut être compliqué à saisir, il faudrait que je m’attarde sur ce sujet pour que vous puissiez comprendre.

Pourquoi ?

Parce que, depuis quelques mois, je me suis vraiment mise à écouter de la musique. Ce que je n’avais jamais fait depuis ma jeunesse.

Pendant mon adolescence, j’ai essayé avec un Walkman, mais c’était pour faire comme tout le monde… pour ne pas être différente des autres. Mais le sujet n’est pas là. 

Depuis, que j’ai mes implants cochléaires, je prends plaisir, mais vraiment, plaisir à écouter des musiques. C’est vrai que j’ai mes contacts sur Twitter qui m’aident à enrichir ma connaissance musicale. J’ai pris l’habitude quasiment chaque matin et soir de demander sur ma timeline ce que les personnes écoutent. 

C’est un moment que je peux partager avec vous et découvrir de nouvelles musiques. D’élargir mon univers sonore !

Styles musicaux

Ce qui est amusant, c’est que effectivement chacun a un style musical.
Mes playlists sont très électiques puisque je suis en pleine découverte. (Le rangement/classement c’est encore une autre histoire). En ce moment je peux passer du rock à Mozart, pour ensuite passer à du métal au Bach sur un marimba. 

Sensations

Les sensations que j’ai sont variées. Le matin, j’écoute plutôt du classique car ce sont des musiques qui sont agréables et douces. Certains auteurs sont plus faciles que d’autres à écouter. 

Pendant que je rédige ce billet, j’ai l’album « Baïka » de Nemanja Radulo dans les oreilles. Du violon, c’est agréable, doux, rythmé par moment. C’est un auteur que j’ai découvert hier soir par le biais de l’émission « Fauteuils d’orchestre » présentée par Anne Sinclair. 

Quand j’écoute, je vois dans ma tête, le violoniste et je l’imagine jouer sur telle ou telle corde de son violon. 

Émotions

À force d’écouter un instrument particulier, mon oreille apprend à reconnaître des sons que je suis capable de reconnaître (l’instrument, pas l’artiste, ni la mélodie, j’en suis pas encore à ce niveau) que je pourrai entendre dans mon environnement sonore (dans le métro par exemple). 

Tout le long de l’émission, j’ai enregistré les artistes dans ma playlist. 

J’ai tout de même une préférence pour la musique classique car quand j’ai commencé ma réeducation auditive, j’étais un peu lassée d’écouter du texte ou d’essayer de comprendre ce qui se disait à la télé. Skaïette, une amie, m’avait donné une playlist à ce moment-là. Elle m’avait par exemple donné le titre « les bêtises » de Sabine Paturel (ne me remerciez pas si vous avez les paroles en tête maintenant) que je connaissais de vue mais je ne connaissais pas vraiment la mélodie, ni les paroles. J’étais, à ce moment, avide de découvrir toutes ces notes musicales mais je ne savais pas par où commencer tellement l’univers musical est grand. 🙂

Je ne pensais pas que la musique serait un monde à part entière dans ce monde sonore que je redécouvre quotidiennement. 

Certaines musiques arrivent à me faire pleurer, ce qui est rare, mais oui, ça arrive. J’ai réalisé qu’il y avait des musiques pour des moments précis et des émotions précises. 

Quand j’ai une marche rapide à faire pour aller à un endroit, je demande si quelqu’un a un morceau endiablé à me faire découvrir. J’ai découvert qu’un rythme aide beaucoup à se concentrer sur une activité monotone et/ou physique. Souvent ça correspond à ce que j’en attends. 

Quand j’ai besoin de me concentrer encore une fois, je vais me tourner vers la musique classique ou sur une musique qui n’a pas de sens (coucou PY, qui m’a fait découvrir Brain.fm) – on m’a parlé aussi d’un autre site qu’il faut que je teste.

La première musique classique que j’ai découverte avec mes implants cochléaires, grâce à David, était l’artiste Yiruma. Cet artiste joue du piano. C’est l’instrument que je préfère quand je suis fatiguée. C’est un son qui me repose l’esprit. 

En ce moment, j’écoute « Concerto pour violon », un morceau très beau avec des notes très aiguës. Ce que je ne pouvais percevoir avant avec mes appareils auditifs. 

Reconnaissance

Les implants cochléaires me permettent de percevoir les aigus petit à petit, jusqu’à 8000 hertz. Ce qui est un exploit pour moi puisque je ne pouvais pas les entendre avant. Au début, je vais avoir du mal à les entendre. Je mets le son assez fort. Une fois que j’ai repéré cette note. Je redescends le volume de manière à ce que je puisse apprécier et savourer ce nouveau son. 

Je pense que je referai des billets sur ce sujet avec les titres et artistes que je découvre et mes émotions afin de pouvoir partager cette découverte sonore, qui est si riche. Ça vous dit ? (si vous voulez être cité, faut juste me donner des morceaux de musique à écouter 😉 )


La montagne, un an plus tard…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 26 février 2019

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/la-montagne-un-an-plus-tard/

Ma semaine de vacances, je la savoure d’autant plus que ces derniers mois ont été intenses. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas eu cette sensation d’impatience de voir les vacances arriver. Je reviens sur les mêmes lieux que l’an dernier en montagne et je constate déjà une différence sonore par rapport à l’an dernier.

Quand nous sommes partis de Paris, je me suis sentie vidée de toute mon énergie, avec un besoin de recharger mes batteries physiques, mentales. Ô combien nécessaires à mon quotidien. Depuis deux mois, je stagne auditivement sur un palier. Et ça, ça m’embête. Vraiment.

Moi qui ai dû apprendre la patience, apprendre à attendre les fameuses 3 semaines de silence total, apprendre à ne pas être frustrée parce que mes implants cochléaires ne me donnaient pas satisfaction, apprendre la patience. Encore aujourd’hui, j’apprends.

Aller chercher les sons, ceux qui sont les plus imperceptibles car je ne les ai jamais entendus. Ce sont les plus durs à trouver. Il faut arriver à trouver le signal et le retransmettre à quelqu’un qui entend pour qu’il me dise ce que c’est pour que je puisse l’enregistrer dans ma mémoire. Mon orthophoniste m’avait prévenue en me disant qu’il fallait que je travaille quotidiennement mon audition, ma mémoire auditive. Qu’il faudrait y aller avec les dents chercher ces sons que je ne connais pas encore pour encore améliorer mon audition bionique. J’en ai peut-être déjà parlé ici. J’ai encore ce courage.

Un ami m’a demandé : « alors ce scrounch, scrounch, ca donne quoi ? » 

Honnêtement, entendre la neige crisser sous mes pieds, c’est un son encore bien différent de celui de l’an dernier. J’aime ce son. ❤️
Je le savoure encore plus parce que j’ai travaillé durement mon audition cette année.

J’ai reconnu d’emblée les sons qui m’étaient familiers, le son de la mécanique du télésiège, celui de la barre du tire-fesses qui revient dans le tas de barre, un son bien métallique. Entendre le claquement du serrage des sangles des chaussures de ski, le « clac » quand tu les chausses. Les virages que je fais : si je les fais les skis serrés ensemble, ou en chasse-neige, le son n’est encore une fois pas le même. Le son du ski qui passe une piste fraîchement dammée, une piste avec de la neige ramollie par le soleil ou encore de la neige verglacée, ce sont autant de sons différents que de situations.

Je me suis surprise à entendre ce que disaient les gens sans forcément les regarder « bonjour », « bonsoir », « comment allez-vous ? », « merci ». Certainement des mots insignifiants pour vous mais tellement importants pour moi. Ce sont des mots que je reconnais sans avoir besoin du visuel, de regarder la personne. Je me rends compte que petit à petit, mon audition se base sur les sons et non plus sur le visuel (donc comprendre la lecture labiale). Les sons évoluent eux aussi, ils sont pas pareils. Ils sont bien plus précis que l’an dernier.

Tous les matins, nous avons un groupe de mésanges qui chantent sous notre fenêtre. Je suis telle une enfant, émerveillée, la fenêtre ouverte (avec minipixel qui râle derrière parce qu’il fait un peu frais dans la chambre) à les observer, à essayer de voir quand elles ouvrent leur bec et entendre ce chant qu’elles produisent.

Un nouveau bruit est venu se rajouter à ceux de l’an dernier, est celui du crissement du snowboard de mon fils. Le son d’un ski sur la neige et d’un snowboard est bien différent. Cette fierté de pouvoir parler avec lui au loin, cette fierté de pouvoir lui dire les choses sans avoir à m’inquiéter si je parle trop fort ou pas. C’est énorme.

Par contre, une chose est certaine : à mon arrivée, j’étais bien fatiguée. Je comprenais plus rien. C’est vraiment une station où les gens s’adaptent à toi, dès qu’ils voient que tu as des « appareils » (ils ne font pas la différence avec les implants cochléaires, mais ce n’est pas bien grave), tout de suite, ils font des efforts. Ou alors, c’est moi qui ai bien progressé, et qui comprend mieux les gens. Je ne sais pas. C’est difficile de juger soi-même.

Par contre, je prends vraiment plaisir à écouter quand je suis seule sur le télésiège, ce silence de montagne, qui n’en est pas vraiment un mais qui a une intonation particulière à lui tout seul. J’assimile ce son aux cîmes des montagnes qui ont parfois le soleil rasant, regarder les détails de ces montagnes, des rochers qui la constituent ainsi que les couches de neige.

Une chose est certaine, je n’aime pas du tout les bruits des couverts dans les restaurants, ni le cri aigu de la colère chez l’enfant petit, ce sont des fréquences qui me sont insupportables puisque les aigus je ne les entendais pas avant…

Prochain billet, je vous raconterai ma ballade en raquettes.


Trophées Femmes en Entreprise Adaptée 2019

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 12 mars 2019

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/trophees-femmes-en-entreprise-adaptee-2019/

Si vous me suivez sur les réseaux sociaux, vous avez peut-être vu passer ce « Trophée Femmes en EA ». J’ai eu dans les commentaires quelques questions, j’y reviens ici afin de pouvoir le partager avec un plus grand nombre de personnes.

EA, qu’est-ce que cela veut dire ?

EA, c’est Entreprise Adaptée. Vous allez me dire « Mais… adapté en quoi ? », « Que fais-tu là dedans ? » …

C’est une entreprise avant tout, mais qui permet à des personnes en situation de handicap d’exercer une activité professionnelle dans des conditions adaptées à leurs besoins. Elle emploie au moins 80 % des personnes handicapées dans ses équipes. (plus d’informations sur le site de l’UNEA)

Femmes en EA 2019

C’était la 5è édition de cet évènement. Handiréseau organise cet évènement pour mettre en valeur le parcours exceptionnel des femmes et soutenir l’égalité professionnelle dans les entreprises adaptées.

Je suis chez Numerik-ea, une entreprise numérique solidaire, depuis l’an dernier. Une entreprise dans laquelle j’ai trouvé bienveillance, solidarité et inclusion.

J’y exerce la fonction de Responsable Front, Qualité et Accessibilité. Une mission qui consiste à veiller que les contenus que nous produisons respectent les bonnes pratiques de la qualité web. J’ai également le profil d’experte en accessibilité numérique.

Numerik-ea a postulé avec Simplon. Nous travaillons ensemble sur Simplon Access. Un projet visant à mettre en accessibilité certains sites web d’acteurs de l’ESS, mais aussi les sensibiliser au sujet de l’accessibilité numérique.

L’évènement

Il y avait bien une accessibilité mais uniquement en LSF (Langue des Signes Française). J’ai jonglé entre la parole des intervenants et les interprètes en LSF afin de pouvoir suivre. Ce fût ardu pour moi car je n’utilise pas la langue des signes assez régulièrement pour la comprendre sans difficulté.

Dominique du Paty, fondatrice d’Handiréseau, a animé tout au long de la journée. Nous avons eu droit à des surprises entre quelques interventions : un rigologue et spécialiste du yoga du rire. Je dois dire que ce moment était épique, voir toute une salle de 450 personnes rigoler, c’est quelque chose !

Source : Handiréseau

Sophie Cluzel, secrétaire d’état des personnes handicapées, a fait la conférence. Elle nous a rappelé quelques chiffres.

Discours de @s_cluzel « 1% des femmes en situation de handicap cadres présentes dans les entreprises contre 16%, c’est bien trop peu » #femmesEnEa pic.twitter.com/Vsbw1k25QR
— Sophie Drouvroy (@cyberbaloo_) 5 mars 2019

Suivie des interventions de Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des Droits à la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité, de Pierre Pelouzet, Médiateur des Entreprises. Brigitte Macron, accompagnée de Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics, qui accueillait l’évènement dans son Ministère, a clôturé cette belle journée en remettant le Trophée du public à la dernière lauréate, Mélanie Mendel. Un moment d’émotion palpable et intense.

Trophée Nina Simone, catégorie « la volonté »

J’avoue quand on a annoncé mon parcours, je n’ai pas réalisé tout de suite. La fatigue n’aidant pas à suivre, le seul mot que j’ai vu de l’interprète en langue des signes était « implant », j’aurais aimé que ce soit un autre mot. Le hasard a fait que c’était celui-ci. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ça pouvait être moi.

J’ai mis quelques minutes avant de comprendre que c’était mon parcours qui était raconté. C’est devenu plus concret quand mon nom s’est affiché en haut de l’écran avec ma photo. Prise d’émotion sur le moment, j’en ai eu les larmes aux yeux, je ne m’étais pas préparée à parler en public. Les mots me sont restés un peu coincés dans la gorge.

Honorée d’être lauréate d’un prix « Nina Simone », qui est une pianiste, chanteuse et compositrice américaine. Moi qui découvre, avec plaisir, la musique depuis 2 ans et demi. Avoir un trophée de cette interprète musicale avec la catégorie de la volonté. C’est tout moi. La volonté représente bien le parcours que j’ai, tomber, se relever, avancer, et ainsi de suite sans lâcher.

Pour finir cette journée, les lauréates primées, nous avons eu le droit à un entretien privé avec Brigitte Macron.

Le buzz sur Internet

Une autre de mes surprises a été de voir que mes publications sur les réseaux sociaux ont été énormément relayées. En moins d’une semaine, mon post sur Linkedin a été vu plus de 5000 fois, mon tweet a eu plus de 8000 impressions et des dizaines de commentaires très positifs, ce n’est pas tous les jours qu’on est aussi soutenue !

J’ai peut être omis des personnes, mais en tout cas, je vous remercie toutes et tous pour vos votes et de croire en moi.

L’envers du décor de l’implant cochléaire, 2 ans plus tard…

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 août 2019

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/lenvers-du-decor-de-limplant-cochleaire-2-ans-plus-tard/

Ce billet fait référence à un billet que j’ai rédigé il y a maintenant 2 ans. Je vais encore une fois exprimer ce qui se dit pas sur la toile concernant l’envers du décor de l’implant cochléaire. 

L’implant cochléaire est certes, un outil très performant quand il est bien posé, il redonne l’ouïe à certaines personnes. Pour d’autres, le parcours est plus ardu. Le parcours est plus simple pour ceux qui ont entendu et perdu l’ouïe, la plupart dont j’ai lu les témoignages a récupéré son audition d’avant après l’opération, voire mieux. 

Dans mon cas, c’est différent. Je suis née sourde, je n’ai jamais entendu.
Ca fait 28 mois aujourd’hui que je suis bi-implantée.

Deux ans après, il m’arrive :
d’avoir mal à la tête après des journées auditivement chargées,
d’avoir mal derrière les oreilles quand je mets un casque audio (et pas le mini-mic – un accessoire qui est couplé aux implants)
d’avoir du mal à supporter certains bruits à certaines fréquences, 
d’être obligée de serrer les dents quand j’ai une harley davidson qui passe à côté de moi, ce bruit que vous aimez – amateurs de moto – moi je le déteste. C’est un bruit affreux et pas un son mélodieux. 

Encore aujourd’hui, je découvre des sons nouveaux. Certains que j’apprends encore, 2 ans et demi après, à apprivoiser. Ma sensibilité sonore est toujours aussi grande. Je me demande parfois si je ne suis pas misophone… Je me demande si une sourde de naissance appareillée et ensuite implantée peut être misophone. Je n’ai pas encore la réponse, je poserai la question quand je verrai les spécialistes.

Je n’arrive toujours pas à occulter les bruits du quotidien qui ne sont pas forcément pertinents mais que les entendants arrivent à occulter. 

Il ne m’est pas possible de passer plus de 24h sans implant, car quand je le remets après ce laps de temps, c’est encore plus dur par rapport à tous les matins. Ces matins où je le remets après 8h de silence total, le réveil auditif est parfois difficile. C’est douloureux mais parfois salvateur pour le moral d’avoir passé 24h dans le silence total qui n’est pas celui que vous connaissez.

Entendre certains sons que je n’avais jamais entendus, cette respiration qui fait du bruit, 2 ans après, je ne m’y fais toujours pas. Je me surprends encore parfois à m’arrêter de respirer pour voir.

L’implant cochléaire a quand même certains inconvénients.

Quand tu vas à l’étranger avec tout ton matériel et que tu t’aperçois qu’il manque l’essentiel : la brique dessicante pour que ton processeur ne prenne pas l’humidité. Commander des accessoires quand tu es à l’étranger, c’est compliqué. Tu n’as pas intérêt à oublier quoi que ce soit… si tu veux continuer à entendre. Pareil quand je pars en week-end, il est compliqué de partir léger. Parfois j’arrive à partir légère, d’autres fois non. 

Quand tu es suivie par un hôpital, c’est compliqué pour les rendez-vous. Tu ne peux pas avoir autant de rendez-vous que tu voudrais pour faire les réglages, du moins pas comme les premiers mois. Je suis quelqu’un de très exigeante envers moi-même, trop parfois (ce qui n’est pas forcément bien), mais aussi envers les autres pour avoir les réglages comme il faut. Heureusement, que je suis assez précise dans ce que je dis, que ma régleuse comprend tout de suite ce qu’il faut faire. J’ai cette chance que d’autres n’ont pas forcément. 

Quand tu as les cheveux qui repoussent un peu long, ton antenne ne te permet pas forcément d’avoir les cheveux comme tu veux et encore moins la possibilité de pouvoir passer les cheveux derrière l’oreille comme certaines personnes pourraient le faire. Il y a toute une technique que j’ai acquise au fil du temps, mais tout s’apprend.

Il y a des choses que je ne peux pas encore faire, mais je ne désespère pas. Je ne les liste pas ici car je ne voudrais pas donner trop d’espoir aux autres. 

J’ai toutefois acquis des choses que je n’avais pas avant, ca c’est le côté positif. Entendre mon chat ronronner, l’entendre râler, miauler dans une autre pièce, entendre les griffes qui claquent sur le parquet quand il glisse après une course effrénée d’un bout à l’autre de mon habitat. 

Le bilan est bien plus positif que négatif. Heureusement.

Soyez rassurés, 28 mois après, non, je ne regrette pas d’avoir sauté le pas. De me faire implanter les deux oreilles le même jour, d’avoir sauté à pieds joints dans un parcours où je ne savais pas, où je ne sais pas où ca va me mener encore aujourd’hui. 

L’orthophonie, une autre facette cachée de l’implant cochléaire

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 septembre 2019

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/lorthophonie-une-autre-facette-cachee-de-limplant-cochleaire/

L’orthophonie est une facette cachée de l’implant cochléaire. Il fait aussi partie de l’envers du décor. J’en ai parlé à plusieurs reprises de l’orthophonie dans mes différents billets qui sont des petits points « bilan » de mes implants cochléaires. 

Avant/Après

En général, je poste une photo de l’avant-orthophonie et celle de l’après-orthophonie… pour trouver un peu de réconfort dans ces moments sur un réseau qui est un peu plus privé. J’ai besoin de cette sphère privée aussi pour m’encourager et partager mes moments de faiblesse que vous pouvez ne pas voir par ailleurs. Comme tout le monde, j’ai mes moments de faiblesse, et heureusement que je ne suis pas Wonder Woman même si j’adorerais avoir son costume 😉

Ce sont des moments qui peuvent paraître insignifiants aux yeux des autres voire un interlude amusant (ça l’a été mes premières années de vie), mais tellement importants à ma rééducation sonore.

Combien d’heures d’orthophonie ?

Je me suis amusée à faire un calcul rapide des heures d’orthophonie effectuées depuis l’activation de mes implants cochléaires posés simultanément le 17 novembre 2016.
La première année j’ai dû faire environ un peu plus de 100 heures réparties sur l’année. La seconde année, sensiblement pareil et pour la 3e année je dois être aux alentours des 35 heures. Soit à peu près 230 heures sur 3 ans, ce n’est grâce qu’à ces heures que j’ai faites que j’arrive à ce niveau d’écoute.

Et l’an dernier, j’ai cru avoir la confirmation que j’avais dépassé les espérances du point de vue chirurgical. En terme de récupération auditive puisque n’ayant jamais entendu avant, il était difficile de prédire mon futur sonore d’où l’expression du « saut dans le vide à pieds joints » (références en bas du billet) et parce que je ne savais pas où j’allais.

Ces heures mises bout à bout, sont la récupération du fruit du travail de 20 ans d’orthophonie qui ont été effectués de la prise en charge à mes 6 mois jusqu’à mes 20 ans avec mes appareils auditifs.

À quoi ça sert ?

Ces moments sont réservés à être aussi une soupape dans le sens où l’orthophoniste comprend ma souffrance (oui, je les ai rarement évoqués ici car le but est de vous faire partager cette expérience de manière positive).
L’orthophoniste comprend mes moments de joie (moments de joie que j’ai partagés avec vous à plusieurs reprises sur Twitter), il m’explique le pourquoi du comment de certaines choses puisque ce professionnel de la surdité connaît les personnes sourdes de naissance implantées jeunes ou à l’âge adulte.

C’est aussi, cet orthophoniste, qui est un référent auditif dans ma vie quotidienne, qui fait le suivi de ce qui va et qui va pas au niveau des implants cochléaires. C’est lui qui va me donner les clés pour arriver à faire ces exploits auditifs. C’est lui qui me fait travailler durement avec parfois des moments de partage de tranche de vie personnelle.

C’est grâce au travail commun que nous faisons que je suis à ce niveau aujourd’hui.

Je souhaite maintenir ce lien avec lui, car je n’ai plus de lien avec l’hôpital qu’une fois par an : une demi-journée quand c’est bien organisé et qu’il n’y a pas de retard, mais généralement tu en ressors épuisée.

Orthophoniste ≠ hôpital

Le lien avec l’hôpital est plutôt « froid » même si j’ai un bon contact avec les personnes concernées :

  • Répondre à des questionnaires orthophoniques ;
  • Réaliser un audiogramme avec des mots prononcés par une machine (voire inécoutables) avec les implants cochléaires pour estimer la récupération auditive que tu as avec ;
  • Un audiogramme sans implants pour voir le niveau sonore que tu peux avoir ;
  • Un examen par le chirurgien de la cicatrice et des surfaces des antennes qui sont sous le cuir chevelu ;
  • Un test orthophonique qui consiste à te coller une étiquette sur le front voire te faire rentrer dans une case.

Ils n’ont pas cette chance avec moi, j’ai l’étiquette de celle qui est (chiante) exigeante pour les réglages. Je ne rentre dans aucune case du protocole de l’hôpital puisqu’aucune ne me correspond.

Le métier d’orthophoniste

Les orthophonistes, celles et ceux qui sont des perles rares à trouver sur Paris, il faut pouvoir y avoir accès, ce n’est pas toujours facile. Nombreux sont les patients qui n’ont pas les personnes formées pour leur surdité de naissance, ici on parlera de surdité.

C’est un métier qui a de différentes facettes, elles ne travaillent pas tous dans le domaine de la surdité, d’autres sont spécialisés pour les dys, ou encore les personnes ayant eu des AVC, pour les personnes autistes, et j’en passe… Les orthophonistes ont jalonné ma vie à leur manière, elles l’ont marquée plus ou moins affectivement. C’est grâce à elles que je suis à ce niveau aujourd’hui (J’ai quand même fait le plus gros du boulot !).

Inclure l’heure d’orthophonie dans son emploi du temps ?

Aujourd’hui, je suis confrontée à un souci de taille : il est difficile de jongler entre mon heure d’orthophonie nécessaire, mon boulot, ma vie de famille et de femme. Arriver à tout faire demande certains sacrifices. Je fais en sorte que les éléments extérieurs comme l’heure d’orthophonie n’impactent pas trop mon emploi du temps professionnel/personnel mais cela devient de plus en plus dur sachant que les mercredis et samedis sont réservés aux enfants.

En faisant de l’orthophonie le matin, j’optimise mon temps d’apprentissage. L’ouïe et le cerveau sont reposés et sont opérationnels pour la rééducation ce qui ne serait pas le cas en fin de journée. Mais ça devient de plus en plus difficile à faire en sorte que tout s’emboîte parfaitement. Pour l’instant, je rattrape mes heures dans la semaine en rognant sur la pause déjeuner ou je rallonge certaines journées quand je suis en télétravail.

C’est un sacrifice pour pouvoir continuer à apprendre à écouter, à reconnaître des sons. Sacrifier du temps perso pour arriver à tout faire. C’est parfois difficile à supporter, parfois difficile à comprendre pour les autres.

Je sors d’une période où je n’ai pas fait d’orthophonie depuis 3 mois à cause de ce changement de vie qui a eu lieu ces derniers mois (un déménagement). C’était un changement essentiel, mais qui coûte de l’énergie, du temps, mais le résultat sera au rendez-vous.

Une rééducation orthophonique pour une personne implantée c’est quoi ?

45 minutes de rééducation, c’est fatiguant. Certaines personnes ne font que 30 minutes parce qu’elles ne peuvent pas faire plus ou leur orthophoniste est débordé(e). Beaucoup d’orthophonistes font moins de 30 minutes, faites attention à la prescription que vous avez aussi.  Il m’arrive de faire 1h quand ça fait longtemps que je n’ai pas vu mon orthophoniste.

C’est une heure où tu fais des exercices de reconnaissance vocale, faire la différence entre un « chhhhh » et un « sssss », arriver à les prononcer correctement, différencier le « ou » et « u ». C’est insignifiant pour quelqu’un qui entend. Pour d’autres qui ont déjà entendu, cela peut être de la réeducation pour pouvoir entendre au téléphone. Pour moi qui n’ai jamais entendu, ça reste difficile.

Pour vous donner une idée, au début de mon audition bionique, je comptais mes syllabes pour arriver à comprendre ce que me disait la personne en face.

Et le mental dans tout ça ?

Tout compte fait, une heure d’orthophonie, c’est comme si quelqu’un avait couru un marathon de 25km et qu’on lui dit maintenant faut refaire 25km dans la foulée. Je n’ai pas d’exemple plus parlant, mais c’est ce sentiment que j’ai.

Et quand j’arrive au bureau ou à un endroit autre et qu’il faut que je fasse un peu du mental, c’est dur, je vais pas vous mentir. Sans compter l’accumulation de la fatigue. Tout à un prix, mais qui ô combien est savoureux quand on arrive à ce qu’on avait souhaité.

C’est pour ça aussi, que je ne cours pas de marathon 😉

 

3 années d’oreilles bioniques, déjà !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 novembre 2019

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/3-annees-doreilles-bioniques-deja/

Il est dimanche, 22h53. Assise dans mon canapé après un week-end bien rempli, je repense à ce 17 novembre 2016.

J’ai souvenir d’un départ au bloc avec plus de 4h de retard et qu’à l’heure qu’il est, j’étais remontée depuis 1h30 du bloc.

J’ai souvenir que je n’avais pas la possibilité de me lever. J’avais les jambes complètement immobilisées par un bandage compressif qui faisait le boulot par le biais d’une machine (pour éviter les phlébites post-opératoires).

J’ai souvenir que mon téléphone était coincé dans le coffre fort de la chambre d’hôpital.

J’ai souvenir que j’avais la tête lourde, une tête qui était recouverte d’un pansement compressif que je ne verrai jamais.

J’ai retrouvé le billet de l’an dernier.

Trois années sont passées à la vitesse de la lumière quand j’y repense. L’émotion est toujours aussi vive qu’au premier jour.

Ce soir, j’ai ce noeud dans la gorge qui me laisse un goût amer d’être remontée dans ma chambre, qui était vide… Je me rappelle avoir pleuré à l’arrivée dans ma chambre, j’espérais voir un visage que je connaissais.

La nuit qui a suivi l’opération avait été longue. Je ne pouvais pas poser la tête comme je voulais puisque j’avais été opérée des deux oreilles. J’avais été obligée de dormir droite comme un I. Mais je n’avais pas mal. J’avais simplement l’impression d’avoir la tête prise dans un étau.

En réfléchissant à tout ce que j’ai découvert depuis cette date, je n’arrive toujours pas à réaliser que je peux m’entendre respirer. Ce son de respiration qui me surprend tous les jours. Je ne m’y fais toujours pas et pourtant je respire toujours 🙂

Entendre le bip du micro-ondes alors que je ne suis pas dans la cuisine, c’est quelque chose que je ne pouvais pas entendre autrefois.

Ma capacité à entendre s’est nettement améliorée ces derniers mois grâce à mes séances d’orthophonie. Ces séances qui sont d’un côté fatiguantes mais de l’autre bénéfiques puisque le progrès est constant.

Je le sais avant même d’avoir fait le bilan de l’hôpital qui aura lieu début décembre. J’attendais ces rendez-vous avec impatience, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, j’attends avec impatience le réglage qui pourra être affiné et augmenté dans les aigus je pense. Je pense que je vais être pénible pendant le rendez-vous car mes exigences ont augmenté. J’ai parfois trop de détails dans les sons que j’entends, parfois pas assez. 

Les nouveautés de ces derniers mois :

  • Reconnaître sans trop de difficulté les phrases types qui sont prononcées dans les trains
  • Arriver à entendre des phrases courtes alors que je ne suis pas dans la même pièce que mon fils ou mon mari
  • Suivre une conversation à plusieurs, la difficulté est toujours présente mais beaucoup moins fatiguante
  • Quand j’audite l’accessibilité d’un site web avec VoiceOver, j’arrive à reconnaître le vocabulaire utilisé dans la page web, ces mots prononcés par la synthèse vocale. Une voix finalement robotique mais qui me permet de continuer à faire travailler ma capacité à comprendre.
  • Ma voix a changé depuis l’opération, m’ont fait remarquer certaines personnes
  • Entendre les pas de mon fils qui est à l’autre bout de l’appartement et qui traîne les pieds
  • Entendre mon chat manger ses croquettes dans la cuisine et surtout, surtout, l’entendre miauler, râler. C’est toujours surprenant de l’entendre
  • Passer une journée en formation sans aucune aide technique, juste entendre l’entourage parler. Certains font des efforts, d’autres moins, mais la compréhension est meilleure
  • Certains bruits sont désagréables à tel point que je suis encore obligée de retirer mes implants cochléaires : je pense en particulier à l’eau qui coule assez vite du robinet, les couverts qui s’entrechoquent, le papier froissé ou les petits bruits répétitifs qui rendent fous tout le monde 🙂

Je n’oublie pas de m’isoler dans ma bulle de silence total que vous ne connaissez pas, ce que je ne faisais pas avant mon opération. Je le fais volontiers aujourd’hui mais pas trop longtemps car le retour au son est toujours difficile.

Il ne faut pas oublier dans tout cela :

  • je suis née sourde, ma surdité a évolué vers le silence total pour un jour ne plus rien entendre à droite y compris avec un appareil.
  • J’ai fait le difficile et courageux choix de me faire implanter les deux oreilles le même jour.
  • L’âge n’était pas forcément en ma faveur : 39 ans
  • La plasticité du cerveau continue de marcher même autant d’années après, mais aussi parce que j’ai eu cette chance d’avoir une équipe médicale qui a pris en compte mes exigences et mes capacités.

Je me demande aujourd’hui si faire un livre à ce sujet peut être une expérience intéressante mais qui intéressera des personnes. Si quelqu’un a un éditeur susceptible d’être intéressé dans ses contacts, je suis preneuse ! 

Et vous, pour ceux et celles qui me connaissent, faites moi part de votre ressenti dans les commentaires ou par mail.

Bref, déjà 3 ans et en même temps je me dis : ça ne fait QUE 3 ans que j’entends à nouveau. Je me dis que je n’ai pas fini de découvrir ce monde sonore si riche… Si je suis moins fatiguée que la première année, j’ai toujours cette fatigue mentale qui me rappelle rapidement à l’ordre.

Joyeux anniversaire mes oreilles et mes implants cochléaires, quelle aventure !

Remonter à la surface

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 février 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/remonter-a-la-surface/

J’ai été au fond du trou ces derniers mois, je reprends petit à petit le contrôle de ma vie. Ça peut paraître simple pour certains, pour d’autres c’est difficile, très difficile.

Mon corps m’a lâchée progressivement, je me demandais ce qui m’arrivait. Et puis, un jour, il a fallu arrêter le déni. 

La dépression est quelque chose de terrible, on n’en parle pas de peur d’être jugée.

Ne me jugez pas.

Il me semble important de poser quelques mots ici.

La dépression est une maladie, qui n’est pas facile à accepter, à surmonter. Elle n’est pas facile pour la personne qui le vit, ni pour l’entourage.

Je commence à aller mieux depuis peu. J’avais coupé les ponts progressivement, j’essaie de les reconstruire petit à petit. Parfois, j’y arrive, parfois je n’y arrive pas mais je fais du mieux que je peux.

Je commence à apprécier les choses à nouveau mais elles restent exceptionnelles encore. Je suis partie prendre l’air qui était nécessaire à ma convalescence, en montagne, pour essayer de retrouver cette énergie qui m’habitait. 

J’essaie de voir la vie en couleurs, j’essaie d’aimer ce que je fais.
De temps à autre, c’est difficile au point de ne plus avoir d’air pour respirer et je me dis arrête de paniquer, pense à quelque chose d’agréable, respire lentement et mon souffle revient.

S’autoriser à vivre, à profiter des choses comme il se doit, j’y vais lentement mais sûrement.

Maintenant, now en anglais

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 28 février 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/maintenant-now-en-anglais/

J’ai envie de déposer une parenthèse photographique chaque jour avec un texte qui l’accompagne ici mais je redoute de dévoiler un peu trop de ma personne, de ma vie. 

Par ricochets ce matin, j’ai été lire les billets de mon copain Stéphane. Je suis tombée sur son billet now, cela fait tellement écho à ce que je me disais. Il a traduit que justement le but de « now » est de rassembler tous les écrits d’un instant T sur une même page (sans devoir passer par un quelconque réseau social). Moi qui voulais réduire mes publications sur des espaces numériques que je ne contrôle pas. Je voulais rendre mes contenus pérennes. C’est ce que je pensais faire ici, mais sur un hashtag. 

J’avais écrit une première version de ce billet qui s’est effacé.

Un coup du sort ?
J’ai eu l’esprit torturé où je me suis demandé si je devais réécrire ce billet qui m’avait pris plus de 2h ce matin.
Est-ce que je dois le réécrire ?
Est-ce que c’est un signe de ne pas le réécrire ?
Se dévoiler, dévoiler mes pensées sur un espace qui est le mien mais public. Sachant que tout ce qui est publié sur internet est sujet à discussion sur la vie privée. Est-ce que je fais bien ou pas ?

Je ne sais pas.

Instaurer une routine dans les activités de ma convalescence, c’est une manière pour moi de sortir de cet état dans lequel je suis depuis quelques mois. Une activité qui me fait du bien quand j’y arrive. J’essaie d’être positive dans mes billets et là, c’est un exercice difficile. 

En ce moment, tout me prend du temps. 

Je me suis levée ou plutôt j’ai réussi à me lever. 
J’ai mis des chaussettes blanches parsemées de « confettis » colorées de toutes les couleurs en me disant que c’était la bonne journée.

J’ai rangé mon bureau dans le but d’y trouver un réconfort, en faire un endroit cosy, agréable à côté de la fenêtre.

Sur cette photo, il y a mon ordinateur avec un fond d’écran de montagnes. Ce sont les cimes des montagnes qui nous entourent quand on est au sommet du Mont Bochor dans le parc de la Vanoise avec au premier plan mon fils qui est assis avec son snowboard. 

Ma paire de ciseaux de gauchère et mes aiguilles pour faire de la couture trônent derrière mon clavier. Je les ai mises ici en espérant que l’envie de coudre reviendra à nouveau. Porter les vêtements que j’ai cousus à nouveau et bien d’autres choses, comme les petites culottes par exemple ! 

À côté, il y a un cactus orné d’une fleur. C’est un cactus en croché réalisé par Julie qui fait partie de la fine équipe de Paris Web.

Paris Web, qui d’ailleurs, n’est jamais très loin avec ses autocollants Share The Love y compris en coulisses (mail, slack, etc…).

J’ai peut-être coupé les ponts avec tout le monde, y compris avec mes proches. J’essaie de raccrocher les wagons, ça reste difficile. Un jour ça va, un jour ça va pas, c’est aléatoire et parfois le « ça va pas » est plus long que le « ça va ». Et évidemment, inutile de me demander si « ça va ». 

À côté de ma souris qui est à gauche du clavier, il y a le pochon de l’écheveau solidaire qui contient mes pelotes et mon crochet du moment. Les activités que j’effectue en ce moment sont de courte durée, la concentration me faisant défaut. C’est pénible. J’en ai conscience mais je n’y arrive pas. 

Il y a un vide-poche en forme de licorne qui est vide à cause du chat. Ce chat, qui peut être très beau sur les photos de ses maîtres. Il fait tomber tout ce qu’il trouve, fait disparaître mes jolies bagues (que je retrouverai quelques mois plus tard). Il y a aussi un canard en plastique. Canard qui est redoutablement efficace quand tu es dans une tempête de boulettes au boulot.

Ma liseuse Vivlio numérique est dans un étui rose pailleté. La lecture est une activité que j’ai toujours exercée depuis que je sais lire. J’avais aussi arrêté de lire. Je devrais recommencer à lire.

Cette orchidée qui fait triste mine, j’ai négligé toutes mes plantes depuis que nous avons déménagé. Moi qui adore la nature. Voir les jonquilles réapparaître dans le parc, m’ont donné envie de revoir du jaune, du rouge, toutes ces jolies couleurs. Il ne me reste plus qu’à me faire violence pour faire des plantations dans les jardinières. Pourquoi me faire violence ? Parce qu’en ce moment, tout est difficile, tout est insurmontable même si au fond de moi, je sais que c’est faux. L’esprit ne suit pas forcément le corps et inversement. 

Au mur, il y a un abécédaire « Alphabets » brodé en rouge au point de croix sur du lin écru en 1 fil / 1 fil (ceux qui savent, savent ô combien ce sont des beaux ouvrages qui peuvent être fins quand on a des bons yeux). Au dessus de mon ordinateur, une photographie encadrée . Cette photographie floue d’un couple a bientôt 20 ans, un cadeau de mariage. Dans le coin du cadre, j’y ai collé des photos de moi en robe et lui prise durant l’été dernier. Il n’est jamais très loin. 

En fin de compte, ce billet est très long.
Futile pour vous.
Utile pour moi, j’y ai posé des mots et les relirai quand j’en aurai besoin.

Je me force à faire des choses, je me force à bouger, je lutte contre moi-même.

La dépression ce n’est pas une faiblesse, c’est un état. J’ai bien conscience que certaines personnes ont disparu quand j’ai parlé de dépression (peut être par peur, peut être pour se protéger), d’autres se sont manifestées.

 La dépression, c’est un état dans lequel je suis plongée involontairement, comme si j’étais prisonnière physiquement et mentalement. Personne s’en est rendu compte. Il s’est passé du temps avant que j’arrive à exprimer quelque chose que ce soit à l’oral ou à l’écrit.

La nommer me permet de l’extérioriser, me permet ou plutôt m’autorise à penser que c’est temporaire. Je l’espère. C’était l’instant T du jour.

Cela me ferait plaisir d’avoir un petit mot de votre part, à vous qui avez lu ce billet que j’ai réécrit.

J’ai certainement répété ou écrit maladroitement certaines choses mais rien que de penser à ce que je viens de livrer ici, j’en ai les sanglots dans la gorge et les larmes aux yeux. 

Ladybug

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 3 mars 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/ladybug/

Dans la continuité de l’état d’esprit du précédent billet. J’écrirai de temps à autre des billets de l’instant T « now » ou « maintenant ».

On voit le tracé d’un patron plastifié sur ce joli tissu gris. Un joli tissu gris clairsemé de forme d’insecte sérigraphié en blanc. Au toucher, il est agréable. J’avais fait attention à sa fabrication, öko-tex, il devrait être plus solide dans le temps aussi. J’avais pile acheté la bonne longueur de tissu. 2 mètres.

J’ai réussi à retrouver *le* patron de couture que je voulais faire, je savais à peu près où il était. C’est là aussi que je me félicite (chose rare !) moi-même d’avoir bien rangé mes patrons avant qu’on déménage.
Je les ai rangés dans des porte-documents plastifiés et noté le nom au stylo-bille sur un scotch. J’avais longtemps remis le fait de devoir le chercher longtemps ou de devoir le réimprimer pour ensuite l’assembler.

Je l’avais acheté chez Lil Weasel quand j’y suis passée cet été. Je le trouvais joli et c’était aussi l’occasion de renouveler ma garde-robe qui je l’espère un jour sera plus petite. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Les kilos sont bien installés chez moi. Il va falloir y remédier à un moment, mais chaque jour a sa peine.

Mes patrons de couture, je les achète en ligne mais je les imprime moi-même ce qui demande quand même une opération manuelle de ma part, d’assembler toutes les feuilles ensemble pour pouvoir y reporter la forme sur mon tissu.

Ce chat malin, qui était perché sur mon bureau a fait tomber ma boite où était rangées toutes mes aiguilles de couture. J’ai pu récupérer toutes les aiguilles sur le parquet sans avoir à les ramasser une à une grâce à mon porte-aiguilles. Il n’est pas très joli mais efficace.

Quand on a les ongles très courts, on trouve tous les moyens possibles pour les ramasser. J’utilisais mon antenne d’implant cochléaire pour ramasser les aiguilles à coudre avant que je retrouve mon porte-aiguilles à coudre.

Ces ciseaux, aussi brillants qu’ils soient sont pour une personne gauchère comme moi. C’est un cadeau de ma maman mécanicienne couture. J’ai cette paire et une autre bien plus grosse. J’affectionne celles-ci car elles sont faciles à prendre en main. Je ne coupe que du tissu avec ces ciseaux afin de préserver les lames.

Le soleil se couche, il est 18h passées. Un ciel bleu magnifique se présente avec une teinte qui vire à l’orangé. C’est un soleil qui me rappelle les fins de journées de mes vacances d’enfance en Vendée, un lieu que j’aime particulièrement. Cette teinte orangée me fait repenser au visage que j’avais après une journée face à la mer, le nez chargé d’iode, les joues rougies par l’action et la mer… des journées qui étaient ponctuées de silence puisque j’enlevais mes appareils auditifs pour aller à la mer.

Le son des vagues m’était inconnu jusqu’à il y a peu. C’est un son agréable, qui berce. Je le trouve doux à écouter avec mes implants cochléaires désormais.

« Dis siri » et la surdité

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 5 mars 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/dis-siri-et-la-surdite/

Je me suis dit que je n’avais rien à perdre et ne sachant pas par quoi commencer ma journée. J’ai eu assez de motivation déjà pour m’habiller, prendre mon petit déjeuner et faire des choses obligatoires du quotidien que j’ai procastinées au maximum.

J’ai joué avec l’assistant vocal de mon ordinateur comme il m’arrive souvent de le faire avec mon téléphone aussi. Je me suis mise à mon ordinateur et j’ai regardé mon écran. J’avais une fenêtre « découvrez les dernières fonctionnalités de Catalina ».

Je découvre qu’il y a le contrôle vocal, je me dis : « tiens, une bonne façon de tester ma voix et voir si elle est compréhensible par un assistant vocal ».

Petite parenthèse « surdité » : il faut savoir que ces assistants vocaux étaient très mauvais il y a quelques années. Quand on naît sourd et qu’on apprend à parler avec un appareillage auditif, on ne perçoit pas la voix comme une personne entendante. Notre parole est le résultat de ce que nous pouvons percevoir et reproduire sans vraiment être certain.

Ma perception auditive est différente de la vôtre. J’ai appris à écouter et à parler d’abord avec des appareils auditifs. Je n’ai jamais réussi à comprendre des mots avec mes appareils auditifs si je n’avais pas la lecture labiale.

Avec mes implants cochléaires, j’ai appris à comprendre les voix que j’entendais. Comprendre les voix avec la finesse des syllabes que je peux entendre. C’est un détail infime mais c’est ça qui fera que j’ai une voix plus claire, plus compréhensible. La compréhension reste encore exceptionnelle et au prix d’un effort monumental. Ce n’est pas quelque chose qui coulera de source chez moi, écouter et comprendre tout de suite ce que j’entends. Non. Aujourd’hui, j’écoute et je fais des efforts pour comprendre.

Aussi bizarre que ça puisse paraître, « faire des efforts pour comprendre », cela signifie que je mobilise une grande partie de mes ressources cérébrales pour pouvoir analyser les sons que j’entends et à partir de là, je reconstitue les mots selon la longueur par le nombre de syllabes, ensuite les sons que je reconnais « a », « e », « i », etc… et là, mon cerveau se met en marche et me renvoie le signal qu’il a pu reconstituer. Des fois, ça marche, des fois ça marche pas. C’est pas jackpot tout le temps !

Mais la perception auditive avec un implant cochleaire et un appareil auditive est différente. Ma voix a changé depuis que je suis implantée, je l’ai constaté en regardant les différentes conférences que j’ai données. On peut constater une évolution positive dans mon cas.

Je le rappelle : chaque personne est différente.
Ce n’est que mon expérience personnelle.
J’ai une voix qui est moins nasillarde qu’il y a 4 ans. Et pour en revenir au sujet principal : Siri. C’était mon pire ennemi. C’est en train de changer mais il y a encore du boulot je pense.

J’ai tenté d’ouvrir word avec les commandes vocales de mon ordinateur … Siri comprend « world » et pas « word », j’ai pourtant essayé plusieurs prononciations… qui se sont soldées en « merde ». (Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Siri qui l’a compris). Siri qui me répond que ce n’est pas gentil.

Ce qui donne des échanges assez drôles finalement quand c’est un moment où j’ai le temps.

Bizarrement, je me rends compte que le « Dis Siri » ne marche pas sur mon ordinateur. Après, il y a des phrases que je suis obligée de répéter plusieurs fois, par exemple les noms de ville : je dis « Pralognan » il comprend d’abord « Pra-loup » (c’est bien mais je n’y suis jamais allée), « Pralin » (c’est pas des photos de nourriture que je veux, mais des photos de vacances), et je change ma façon de prononcer et là il comprend. C’est comme ça que je me rends compte qu’il y a moyen de progresser mais c’est pas ce que j’ai envie de faire en ce moment.

Si vous dites à Siri « Tais-toi tu es pénible », la fenêtre se referme.

Finalement, est-ce que Siri en fait plus ? avant même que je le demande ? Je ne sais pas encore. Je vais tenter de l’utiliser davantage et j’en reparlerai.

Sur ce, je vais vous laisser. Je vais aller me préparer des carottes vichy. Parait que ça rend aimable.

Aux armes citoyens !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 20 mars 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/aux-armes-citoyens/

J’ai longuement hésité à écrire ce billet, et puis, je me suis dit que j’allais quand même vous partager mon point de vue, celui d’une personne sourde.

Les premières interventions officielles pour l’annonce de l’épidémie du Coronavirus en France n’ont été sous-titrées qu’au journal télévisé et encore, avec du retard puisque c’est du direct. Il est possible que je n’aie pas toutes les infos et que mon billet soit décousu.

Les points de situation coronavirus Covid-19 sont accessibles en LSF seulement sur le site de solidarites-sante.gouv.fr mais pas sous-titrées. Il n’y a pas de retranscription à minima sur chaque vidéo, c’est dommage … Je comprends la LSF mais ce n’est pas une langue dans laquelle je suis à l’aise.

Les déclarations du Premier ministre ne sont pas accessibles en LSF ni sous-titrées. Elles le sont quand cela passe au journal télévisé.

Une période comme celle-ci, c’est très anxiogène. C’est doublement anxiogène car j’ai parfois peur de ne pas avoir toutes les informations en main et qu’elles ne sont pas forcément toutes accessibles. Souvent quand ils disent « appelez le 15 », pour moi ça sera pas le 15 mais le 114. Il faut faire preuve d’adaptation concernant les numéros. Des infos circulent de toutes parts, des vraies comme des fausses. J’évite de trop regarder les réseaux sociaux et les actualités car c’est quelque chose qui tourne en boucle. Je suis d’accord qu’il faut faire attention, mais ça devient pesant sur le moral.

Le jeudi 12 mars, j’ai attendu l’allocution présidentielle comme de nombreux Françaises et Français. Cette allocution où il est annoncé que les établissements scolaires étaient fermés à partir de lundi et ce jusqu’à nouvel ordre.

J’ai été surprise de voir de la vélotypie incrustée dans un bandeau dans l’allocution présidentielle et l’interprète à droite dans une petite fenêtre. Mon premier réflexe a été de voir ce qui n’allait pas*… Mais il faut souligner l’effort, il y a eu de la vélotypie et de la LSF, ce qui n’arrive pas souvent ! Ca devrait être un automatisme contrairement à l’antibiotique 😉

La preuve, la France entière a découvert la vélotypie. Ça s’est ressenti sur les réseaux sociaux. Il était temps !

Ma deuxième pensée a été : « ouh là, rester à la maison avec le fiston, chaud, chaud … ». Donc si Squeezie m’entend, ça serait super chouette qu’il fasse une vidéo là dessus !

Ce titre de blog me trottait dans la tête depuis la dernière allocution présidentielle où le président de la République, Emmanuel Macron, a martelé dans son discours « Nous sommes en guerre ». C’est une guerre sanitaire mais pour la génération dont je fais partie, qui n’a pas connu la deuxième guerre mondiale comme mes grands-parents, les temps sont bizarres, c’est une guerre.

Les rues sont vides, les passants se font rares, il y a un silence pesant dans les rues pour les entendants. C’est un silence que vous pouvez toucher du bout des doigts quand je n’ai pas mes implants cochléaires. Ce côté « pesant ». Mais je me rends compte que ce n’est pas tout à fait le même silence car les oiseaux pépient au plus fort de ce qu’ils peuvent faire ou bien c’est parce qu’il n’y a plus de pollution sonore ?

Les cours par internet du fils se passent, il a une séance tous les jours en visio / audio pour la plupart. Ils arrivent à être une vingtaine de connectés pour tous les niveaux du collège. De ce côté, il gère, moi je donne des coups de coude en demandant t’as fait tes devoirs, t’as révisé… Je me suis refusée de m’énerver même si ca a été le cas les 3 premiers jours. Maintenant, on commence à trouver notre routine à la maison.

Dimanche, je suis allée voter. Les précautions avaient été prises (distance, gel, rideau semi-ouvert). Première impression bizarre, les rues sont vides malgré les quelques passants que nous croisons. Sentiment qu’il y a eu une bombe et que plus personne n’habite ici. Les oiseaux chantent fort, on les entend clairement.

Je me rends compte que les temps sont plus silencieux, je ne m’étais jamais rendue compte de certains bruits dans la rue que je reconnais maintenant qu’il y a ce silence partout.

Je vais pas vous cacher que les masques, ca me rassure pas des masses et surtout je peux pas communiquer puisque je lis sur les lèvres même si je suis implantée.

Je suis allée à la pharmacie en début de semaine et j’ai été confrontée pour la première fois à un échange avec une personne masquée. Je me disais « zut, c’est la cata, ca va être compliqué » et bizarrement, c’est l’effet inverse qui s’est produit. J’en ai été la première surprise. J’ai compris ce qu’elle m’a dit. Je me suis excusée de ne pas comprendre du premier coup, la pharmacienne avait compris. Elle parlait clairement dans son masque et moi je répétais comme un perroquet ce que j’avais compris, elle acquiesçait de la tête pour me confirmer que c’était bien ce qu’elle avait dit.

Sentiment de fierté dans ces moments difficile quand même, me dire que j’arrive à comprendre alors que c’est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé. C’est des phrases courtes mais quand même !

Lors de la deuxième allocution présidentielle, le confinement a été confirmé. J’ai pensé à ma mamie qui est en EHPAD et que ça n’allait pas être facile pour elle. Je voulais lui envoyer une carte pour son anniversaire le 18 mars, je ne l’ai pas fait car je ne voulais pas aussi impliquer les services postaux qui ne sont pas protégés. Je ne voulais pas l’appeler avec Rogervoice, car elle n’aurait pas compris que j’appelle. Chose que je n’ai jamais faite avec elle malgré les nouvelles technologies. Je ne veux pas la perturber pour en plus compliquer la tâche des équipes qui sont sur place. Sa mémoire à court terme ne marche plus, ça aurait pu provoquer une panique chez elle. J’espère tout simplement qu’elle est bien confinée et j’espère la revoir bientôt. J’ai des nouvelles régulièrement par mes proches.

Ce matin, j’ai imprimé mon attestation de déplacement dérogatoire (accessible en pdf pour mes amis aveugles) pour pouvoir aller chercher mon traitement et faire mes courses pour la quinzaine de jours à venir.

Au supermarché, j’ai eu la même réaction qu’à la pharmacie. Je me suis excusée auprès du boucher en lui disant que je lui faisais confiance pour les morceaux que je voulais et que je ne pourrai pas comprendre ce qu’il me disait avec mon plus beau sourire. Je n’ai pas tout compris mais j’ai saisi quelques bribes. Le message est passé clairement.

Ce matin, ce n’était pas les rouleaux de PQ qui m’inquiétaient, c’était plutôt le fait de trouver un tableau velleda pour pouvoir écrire dessus si jamais nous devions être amenés à avoir des masques et que je doive communiquer avec des personnes masquées qui ne maitrisent pas la LSF.
J’ai plaisanté avec le caissier en lui montrant le tableau velleda que j’ai acheté pour parer au pire si cela devait arriver.

J’ai été contrôlée à la sortie du supermarché, j’ai encore une fois compris ce que m’a dit l’officier de police même si je m’attendais à ce qu’il allait me dire. Quand on est sourde, on a parfois cette capacité à comprendre avant même que la personne parle. J’avoue que je ne suis pas sereine malgré toutes les précautions que nous prenons.

Au fur et à mesure que nous avançons dans le confinement, sans oublier les équipes médicales qui sont en première ligne et que nous nous devons soutenir, l’accessibilité se met en place petit à petit. D’abord la lsf sur les vidéos, la vélotypie sur les allocutions du président de la République, le doublement d’heures sur les forfaits téléphoniques le doublement par la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) du temps de communication accessible accordé aux personnes sourdes ou malentendantes via leur opérateur de téléphonie perso.

Maintenant, je vais essayer de faire des activités qui soient créatives pour justement avoir un peu de légèreté dans ce quotidien qui risque de durer.
J’ai quelques copains qui m’ont interpellée pour faire ces apéro-visio et tricot-visio ! Essayer de renouer du contact social malgré le confinement qui est nécessaire à ma convalescence.

Notes :
* Le bandeau noir est pas assez foncé, l’opacité est en dessous de 30% alors les sourds qui ne voient pas bien, c’est pas très très pratique. L’interprète en LSF qui ne fais pas 1/3 de l’écran de la télévision et qui de plus est sur un fond transparent alors qu’un fond uni aurait été judicieux pour les personnes sourdes dont la vue est mauvaise.

J’ai testé pour vous l’hôpital en période de covid19

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 avril 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/jai-teste-pour-vous-lhopital-en-periode-de-covid19/

Boum.

Me rendre compte que je suis tombée, que mes implants ont volé ainsi que mon téléphone. Réaliser que la chute est violente, réaliser que je ne peux pas me relever ni bouger. Que mon vélo est à terre. Seuls les paquets de fraises ont volé au milieu du passage. À l’entrée de ce tunnel piétons/cyclistes garni d’une barrière pour éviter que les motos prennent ce passage. Une des sacoches du vélo a effleuré une barrière et j’ai perdu le contrôle.

J’ai la chance d’avoir cette dame qui est arrivée très vite après ma chute. Cette gentille dame dont je ne saurai jamais le nom et que je ne reconnaîtrai jamais car elle portait un masque. Elle s’est approchée de moi et m’a parlé.

L’angoisse est arrivée très vite. Impossible de la comprendre sans lecture labiale. Mon cerveau, encore sous le choc, n’est pas en capacité de décoder quoique ce soit. Je vois qu’elle me parle mais je n’ai aucun son dans les oreilles, c’est comme ça que je me suis rendue compte que mes implants ne sont plus sur mes oreilles. Ils ont volé.

Elle a vu que j’étais désorientée, elle s’est approchée de moi. Je lui ai dit tout de suite que je ne la comprenais pas car je n’avais plus mes appareils. Je ne rentre pas dans le détail avec les gens dans ces moments-là. Elle a repéré mes implants visuellement et me les a montrés du doigt. Encore assommée par la douleur, je lui fais signe que je veux le prendre mais que je n’arrive pas à bouger. Elle le ramasse, prend le risque de me le tendre du bout des doigts. J’arrive à remettre celui de gauche. Je tente de lever mon bras droit, et là, décharge dans le bras. Impossible de le bouger. J’abandonne.

Je reprends mon téléphone dans la main droite en me demandant si j’appelle en premier mon mari ou les pompiers via le 114.
Je me rends compte que je vais tomber dans les pommes.
Je vois des étoiles.
Je ne contrôle plus ma vision, j’essaie de rester éveillée.

Je regarde la dame toujours à mes côtés et je lui dis d’appeler les pompiers et moi en entre-temps, je prends mon portable, je le pose sur la cuisse et appelle mon mari même s’il ne m’a pas en visuel, je lui parle, il se rend compte qu’il y’a un problème. Je lui résume la situation, très vite je lui demande de prendre ce qu’il me faut (chargeur du téléphone si je dois partir aux urgences, une ardoise velleda pour communiquer avec les gens qui ont un masque) mais la dame prend le relais.

Un monsieur passe. Il s’arrête, s’inquiète de mon état et relève mon vélo qui était en plein passage. Je lui explique avec difficulté comment mettre la béquille, il y arrive. Il ramasse les paquets de fraise et les pose délicatement sur le vélo ainsi que le frein qui s’est cassé durant la chute.

Je les vois discuter ensemble avec la dame. Je comprend que les pompiers vont arriver et qu’il va aller se positionner sur la route pour qu’ils puissent nous localiser facilement.

Mari prévenu, pompiers en chemin. La dame baisse son masque à plusieurs reprises pour me parler, me dire que les pompiers arrivent, que mon mari arrive. Elle garde le contact oral et visuel avec moi.

Mon fils, comme toujours dans ces moments de panique, très calme, m’appelle et me dit : «  papa est parti à vélo, il arrive. » Tout de suite, je réalise que personne pourra ramener le vélo et les courses. Je lui dis de télécharger une attestation et de venir à pied rejoindre son père. À mon retour à la maison, il m’avouera qu’il m’avait appelée pour que je reste éveillée jusqu’à l’arrivée des pompiers. Il aura bien fait, je ne suis pas tombée dans les pommes même si c’est très limite à cause de la douleur.

Les secours

J’aperçois sur la droite mon mari et sur ma gauche les pompiers équipés avec des masques chirurgicaux.

Les larmes commencent à couler le long de mes joues.

Je réalise que je suis dans la pire situation je voulais éviter pendant la pandémie.

Me retrouver confrontée à des gens qui portent des masques. Une situation dont nous avons souvent évoquée à la maison avec le coronavirus. Faire de la lecture labiale quand on est sourde et que tout le monde a des masques.

Comment faire pour les comprendre ?
Comment éviter cette situation ?
Comment les gens vont comprendre le fait que je n’entends pas ?
C’est vrai que j’arrive à comprendre quelques mots sans lecture labiale mais je ne suis pas en capacité de pouvoir communiquer à ce jour sans.

Je redis au pompier masqué que je ne le comprends pas, il répète. Mon conjoint un peu énervé, insiste, je le regarde et lui dis je gère. Je regarde le pompier droit dans les yeux, il comprend que j’ai mal. Je lui dis que je suis sourde que je lis sur les lèvres, propos que j’ai accompagné du geste de lecture labiale en langue des signes. Que je suis désolée que cette situation se produise. Il comprend. Il recule et baisse son masque. Il me rassure tout de suite, me pose les questions d’usage. Je réponds avec lucidité. Il est à moitié rassuré, il découpe ma veste pour vérifier l’état de mon bras.

Je vois mon bras, il a une forme bizarre. Impossible de le toucher, impossible de bouger ne serait ce qu’un bout de doigt. Quand on a mis l’attelle pour le transport, j’ai hurlé de douleur, j’ai failli tourner de l’œil. Ils se mettent à deux pour me relever en m’attrapant par la ceinture du pantalon. Je dis que mon pantalon va craquer. Une fois debout, vacillante entre les deux pompiers. Je sens que ça saigne. Je vois mes doigts complètement écorchés. Je sens que mes genoux piquent. Je marche avec difficulté, escortée des deux pompiers jusqu’au camion comme si un rouleau compresseur m’avait passé sur le corps.

Par la suite, l’échange avec les pompiers se fait vraiment avec une facilité et une bienveillance qui m’ont un peu déroutée. D’habitude quand je dis que je suis sourde, les gens ont des réactions négatives qui ne sont pas agréables. La gentillesse des pompiers, qui m’ont secourue, a été bénéfique. Elle m’a permis de ne pas paniquer et de me relâcher physiquement.

Dans le camion, ils continuent à me parler, je refais signe que je ne comprends pas. Le troisième pompier comprend, mes nerfs me lâchent. Avant de prendre la route, ils me disent où ils vont m’emmener et justifient leur choix, un établissement où il y’a le moins de cas de covid. Je leur demande de prévenir mon conjoint qui attend dehors.

Nous partons, l’un d’eux s’assoit à côté de moi et baisse son masque. Nous échangeons un sourire malgré la douleur. Sur le trajet, j’entends par intermittence la sirène mais je ne la reconnais pas. Je demande au sapeur-pompier si c’est la sirène. Il acquiesce l’air surpris, je lui explique que je reconnais parfois quelques sons et que la sirène en faisait partie. Tout au long du trajet, il m’a parlé sans son masque en le remettant de temps à autre quand il y avait des moments de silence.

Arrivée à l’hôpital

Je retrouve le visage familier du pompier qui avait découpé ma veste. Ils me déposent à l’accueil des urgences. Entourée de deux équipes de sapeurs-pompiers pour le transfert du brancard au lit. Quelques-uns ont baissé leur masque pour parler et me faire sourire. Ça m’a aidé à faire redescendre mon stress.

Je vois une infirmière, je me prépare intérieurement à recommencer à expliquer ma surdité.

Mais non.

L’équipe des pompiers a fait passer le message. J’ai été vraiment soulagée quand j’ai vu qu’elle reculait pour baisser son masque et me parler. La prise en charge des urgences a été pour la première fois nickel, je n’ai pas eu à insister que je ne comprenais pas. Les infirmières sont bienveillantes, j’ai pu parler avec elles sans masque mais avec la distance nécessaire avant chaque acte médical.

Première fois que je me sentais en sécurité et comprise à l’hôpital.

L’hôpital est un lieu effrayant pour moi. C’est un lieu où on maîtrise mal les infos, où les soignants sont peu disponibles et patients. C’est un lieu où je suis toujours infantilisée. Moi qui avais eu cette frayeur quand il y a eu cette polémique de prise en charge des personnes handicapées pendant la période du coronavirus, information qui a été vite démentie par Olivier Véran et Sophie Cluzel.

Un brancardier m’a emmenée à la radio, les couloirs étaient tous vides. Sentiment que l’hôpital avait été vidé avant mon arrivée.
Impression très très étrange, encore plus que quand la rue est vide.
La radiologue me confirme que mon bras est cassé et qu’il faut que je revoie l’interne de service. Les larmes montent aux yeux. Je prends conscience qu’il va y avoir plâtre et que le confinement va pas être simple.

Je suis à nouveau dans le couloir. J’attends le brancardier qu’il me remonte aux urgences. Couloir vide, je patiente à côté de chaises d’attente, qui sont des rangées de 3. Au milieu, une banderole rouge et blanche qui interdit de s’asseoir au milieu de 2 chaises pour respecter la distanciation. J’ai mis un peu de temps à comprendre vu que j’étais toute seule.

De retour dans le box des urgences, j’attends l’interne de service qui doit me confirmer le verdict de la radio. Je sais déjà que c’est cassé mais je ne sais pas comment ils vont régler ça. J’attends avec une angoisse au ventre, en espérant que le temps sera pas trop long. Je le vois arriver avec son masque. Intérieurement, je pense «  encore un masque ». Je le regarde. Il me fixe. Je percute pas. Il percute que je ne comprends pas, il baisse son masque.

Le verdict tombe

Il me confirme que mon bras est bien cassé à la tête du radius. (Ce détail que j’aurai en sortant de l’hôpital en lisant le rapport du chirurgien puisque je m’étais concentrée à comprendre l’essentiel) Qu’il faut opérer pour poser une plaque. Je fonds en larmes. C’était trop pour moi sans compter que j’ai mal et que je n’ai pas eu d’anti-douleurs.

Les infirmières me retrouvent et m’installent pour faire le reste des examens. Elles sont deux. L’une me demande des infos pour remplir les papiers, sans son masque en parlant fort. Je lui dis du bout des lèvres que ce n’est pas la peine de casser la voix, qu’elle allait avoir mal à la gorge. Que je lis sur les lèvres.
Elle s’excuse, je la rassure que c’est habituel mais que c’est mieux pour elle et qu’on essaie tous de faire au mieux. Pareil pour celle qui me fait mon test pcr du coronavirus. Je la cite : «  Nous c’est pas comme à la télé où on voit les gens tendre la tête et faire ça en 2 secondes ». Je lui confirme que ce n’est pas douloureux mais très désagréable. On en arrive à blaguer, l’atmosphère se détend. Elles m’annoncent dans la foulée que je pars au bloc dans 30 minutes.

30 minutes. J’ai pas le temps de réaliser ma chute, ma blessure. Je suis étourdie par la rapidité. Je me dis que ça doit être bien grave quand même pour que ça aille aussi vite. Je préviens mon conjoint avant de confier mes effets personnels à l’infirmière de service qui me les donnera à la fin de son service quand je serai ressortie de la salle de réveil.

Le bloc opératoire

Je descends au bloc sans mes implants, sans aucun moment de communication. Uniquement la lecture labiale comme outil. Les couloirs sont déserts. L’équipe m’attendait. Le médecin-anesthésiste s’approche de moi et me parle avec son masque.

Je n’ai pas eu le temps cette fois-ci de dire quoi que ce soit ou penser « ah encore de nouvelles têtes à qui il faut expliquer à nouveau pour la lecture labiale » que les infirmières lui disent que je lis sur les lèvres. Il recule et baisse son masque pour me parler pendant l’anesthésie locale. Les infirmières viennent me voir et baissent leur masque aussi. Ce que j’en retiendrai c’est qu’elle s’appellent Anne-lise et Élise. J’ai même blagué je crois en leur disant que j’étais vernie avec une belle équipe comme elles. Elles m’ont rassurée.

Je me sentais en sécurité. C’est ce que je retiens dans mes souvenirs. Sentiment que je n’ai rarement eu. La plupart du temps quand j’ai été hospitalisée, c’est zéro info, communication à néant vite voire au minimum puisque tout le monde est pressé. Là, c’est vraiment tout l’inverse.

Je les vois s’installer dans le bloc. Première fois qu’on me parle, qu’on m’explique comment ça va se passer. Le chirurgien arrive. Je remarque qu’ils se passent l’information que je lis sur les lèvres. Il s’approche de moi, complètement emmitouflé dans sa tenue. Tenue qui comprend une blouse, deux paires de gants, une cagoule, un masque. Il baisse rapidement son masque et se présente, m’explique ce qu’il va faire, me montre la plaque qu’il va mettre.

Il commence, et là, ça ne va pas. Je ressens tout. L’anesthésiste m’endort au masque. Je me réveille 3h plus tard, le bras complètement engourdi et dans un plâtre, la tête complètement sonnée. Il n’a pas été compliqué en salle de réveil de communiquer. L’info est passée une nouvelle fois, pareil quand j’arrive en orthopédie. Je n’ai pas eu à dire que j’étais sourde.

La chambre

Je demande à l’infirmière mon téléphone pour tenir mon conjoint au courant. Elle appelle l’infirmière des urgences qui me ramène mes affaires, je la reconnais à ses yeux fatigués mais souriants. Elle me donne mon téléphone et me fait un au-revoir de la main.

Le chargeur de mon téléphone ne marchait pas. Les infirmières ont tout testé et n’avaient pas de chargeur. L’infirmière de nuit m’a dit « ça va aller votre batterie va tenir la nuit ». Elle sort de ma chambre en me faisant le signe du pouce levé en l’air et un au-revoir, J’ai donc passé ma batterie de téléphone en économie d’énergie pour pouvoir communiquer en toute autonomie avec l’extérieur.

Je n’ai pas pris la télévision parce que il y avait de fortes chances qu’il n’y ait pas de sous-titres. Je me suis retrouvée face à mon silence et ma douleur.

J’ai vu la nuit tomber de la fenêtre de ma chambre d’hôpital.
J’ai ouvert les yeux quasiment toutes les heures.

Je n’ai pas réussi à dormir. Le seul moment où j’ai réussi à m’endormir, une infirmière m’a réveillée pour la température. C’est quelque chose de nouveau avec les implants, les oreilles sont à l’air libre contrairement à un appareillage classique. J’ai encore ce réflexe de l’enlever à chaque prise de température alors que ce n’est pas la peine. Quand on a des appareils avec des embouts, la température de l’oreille est faussée.

J’ai mal partout. Mon corps est cassé de partout. Des bleus sur chaque membre de mon corps.

Pour passer le temps, j’ai compté les dalles au plafond, il y en avait 36.
J’ai essayé de m’endormir en comptant les moutons pour que le temps passe plus vite (spoiler : non).
J’ai vu 4 avions traverser le ciel.
J’ai revu mon accident minute par minute.
J’ai réfléchi à ce que je pourrais faire en sortant pour m’occuper.

À chaque appel d’infirmière, je n’ai pas de problème de communication. Tantôt elles baissaient le masque et le remettaient, ou faisaient des signes du genre « attends », « ok », « au revoir ».

Le jour s’est levé. J’ai vu la lueur du soleil arriver, les oiseaux de plus en plus nombreux. J’ai remis mon implant gauche à mon réveil pour pouvoir communiquer plus facilement.

Je guette les bruits dans le couloir, je reconnais le couinement des chaussures, le bruit des roulettes de chariots et plus tard dans la matinée le chant des oiseaux par la fenêtre.

Petit-déjeuner avec un bras immobilisé et une main complètement endolorie, c’est compliqué. Heureusement qu’une aide-soignante me fait mes tartines.

Le chirurgien rentre dans ma chambre, je souris à sa vue. Il commence à me parler, je lui dis que j’entends pas. Automatiquement, il baisse son masque tout en s’excusant d’avoir oublié. Il me confirme que je sors après sa visite et la radio de contrôle.

Ce séjour express à l’hôpital est celui qui s’est le mieux passé depuis très longtemps. Les services sont peut-être saturés mais la bienveillance et l’humanité sont bien présentes.

Le port du masque pour les sourds

Le port du masque est une vraie problématique pour les personnes sourdes. C’est certes un geste barrière, mais c’est une barrière immense pour moi.

Je suis coupée du monde.

Je ne peux pas imaginer comment se passera la reprise du travail. Il y aura des masques partout. L’intégration sociale est déjà assez compliquée comme ça. En temps normal, je fais des efforts pour comprendre ce qui m’entoure. Maintenant, ça va m’en demander encore plus d’efforts, plus de stress pour gérer la compréhension et le contact avec les autres.

Je ne sais pas comment ça va évoluer dans le temps, il y a des tentatives de masques avec des zones transparentes au niveau de lèvres mais je redoute l’efficacité de ces derniers. J’ai eu de la chance pendant mon hospitalisation de ne pas avoir à redouter les masques, mais ça ne doit pas être le cas partout.

L’après

Demain, ça fera une semaine que j’ai eu mon accident.

Je vais pas vous mentir : c’est douloureux. Le moral en a pris un coup. Je viens de me relire, de revoir ma radio avec ma plaque et mes vis. Ça reste impressionnant encore une semaine après, j’en ai les larmes aux yeux. Il faudra du temps.

Je réfléchis beaucoup à comment passer le temps, trouver des astuces pour avoir une petite autonomie. Vos petits mots par-ci, par-là, m’aident au quotidien. N’hésitez pas.

Ça m’a pris plusieurs jours pour l’écrire alors qu’habituellement je l’écris d’une traite.

Cet article a été écrit avec mon index et l’aide de QuickPath d’iOS. La dictée vocale n’est pas au point encore pour ma voix.

Le masque, cet objet qui m’isole encore plus

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 22 octobre 2020

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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À l’heure où la pandémie est en train de repartir, je suis assise dans un café à attendre la réparation de la béquille de mon vélo.

J’ai observé autour de moi durant ce moment de pause. Les gens, dès qu’ils sont assis, enlèvent leur masque et consomment leur commande. Les serveurs ont leur masque sur la figure. Il y a quelques clients qui l’ont sous le menton. Quand je vois des masques sous le menton, je repense à l’image à 2 illustrations : la première qui est un visage qui porte un masque sous le menton suivi de la mention « porter ton masque » et l’autre qui est un sexe masculin sorti du slip avec la mention suivante : « c’est comme si tu portais son slip comme ça ». Je vous raconte ça parce que c’est à quoi cela me fait penser quand Je suis face à ces personnes. Je ne compte plus les façons de le porter aujourd’hui.

J’entre dans ce café/librairie, je fais mon choix de magazines. Et je me dirige pour prendre un café en passant. Je demande si je dois régler tout de suite ou si ça peut attendre. Ils me répondent avec leur masque. Je ne comprends pas, je reste plantée sur place avec un regard étonné. Un autre serveur me répond avec un air hautain. Je le comprends car son masque est sous le menton. En ce moment, ce qui est difficile, c’est le regard des gens et le ton de la parole quand je n’ai pas compris. J’ai une sensation de ne pas être traitée comme si j’avais compris.

Depuis mon accident, j’ai eu le temps de côtoyer des personnes et des situations. Il est évident qu’il n’y a pas une situation pareille depuis le premier jour du port obligatoire du masque. J’avais dit que j’écrirais sur les masques, je n’ai pas pu, mes bras n’étant pas toujours pleinement opérationnels, sans douleurs.

Entre-temps, j’ai réagi à une tribune du Figaro, d’autres personnes sourdes se sont exprimées sur le même sujet que j’ai repartagées sur mes réseaux.

Avec ce virus, j’évite les contacts au maximum. Je fais déjà preuve d’adaptation au quotidien pour entendre et comprendre. Avec la pandémie, l’effort est multiplié. Je préfère encore être dans ma bulle que de me retrouver face à des personnes masquées.

Me retrouver face à des personnes masquées, m’oblige à dire que je n’entends pas. Ça m’oblige à rendre ma surdité visible ce que je ne faisais pas avant. Sinon autant me balader avec une pancarte sur moi, comme un homme-sandwich.

Avant ma surdité était invisible, aujourd’hui, c’est la société qui m’est invisible.

Me retrouver face à des personnes masquées, c’est comme si je me retrouvais entourée de murs. La lecture labiale est un élément important de ma communication, de la relation que je peux avoir avec l’autre. Si je n’ai pas cet élément, je suis murée dans mon silence avec mes pensées.

J’ai l’impression que le monde a perdu son expression faciale, ses couleurs, tout est devenu terne. Avec le port du masque, je ne sais pas si les gens ont parlé gentiment ou durement, je ne sais pas si mon interlocuteur fait la tête ou il sourit.

C’est là qu’on se rend compte que les visages ont une importance visuelle pour le contact qu’on entende ou pas, qu’on comprenne ou pas.

Heureusement qu’il existe les masques transparents, j’ai eu beaucoup de remarques en me disant « ah mais ça serait super pour toi », seulement ça serait super pour les autres qui me côtoient au quotidien. Moi, j’en ai pas besoin sauf si je rencontre des personnes qui sont dans mon cas.

Nous avons pu tester deux sortes de masques, le masque sourire et le masque inclusif.

Le masque sourire est un masque qui est en tissu et transparent. Il a un élastique et deux lanières pour le fixer. La zone transparente est petite et bordée par les lanières et l’étiquette qui est assez grande par rapport au masque. Il se remplit assez vite de buée.

J’ai une nette préférence pour le masque inclusif car la vision de la bouche est beaucoup plus grande et agréable, il n’y a pas de buée, du moins elle apparaît beaucoup moins vite. (J’ai un conjoint bavard, nous l’avons testé en toute circonstances : intérieur, extérieur)

Il en existe plusieurs qui sont homologués : le masque inclusif, le masque sourire, le masque beethoven et le masque lux&elles.

Ces masques transparents me permettent de communiquer puisque je vois la personne, ses expressions. Mais hélas, il y a trop peu de masques disponibles et le délai est assez long pour ceux qui font l’effort de s’en équiper.

Aujourd’hui, c’est plus facilement « accepté » quand je dis que je n’entends pas et que je lis sur les lèvres. Il y a 6 mois, on pouvait ne pas me croire. Aujourd’hui, les gens compatissent et comprennent.

J’ai encore cette chance, d’être entourée de personnes sensibles à ma surdité, mon kiné, mon pharmacien, mes amis, les commerçants que je rencontre, qui font l’effort de le baisser et qui prennent ce risque pour pouvoir communiquer avec moi.

Sound of Metal

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 16 juin 2021

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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J’étais à l’avant-première du film « Sound of Metal » au Majestic Bastille hier soir. C’est l’histoire d’un batteur de métal, toxicomane, qui perd l’audition brutalement. Je vous en dis pas plus sur l’histoire du film. 🙂

Voici le résumé d’Allociné : « Ruben et Lou, ensemble à la ville comme à la scène, sillonnent les Etats-Unis entre deux concerts. Un soir, Ruben est gêné par des acouphènes, et un médecin lui annonce qu’il sera bientôt sourd… »

Le film a eu 6 nominations aux oscars dont « meilleur film » et « meilleur acteur » !

Facade du cinéma, Cinéma Majestic Bastille en néon jaune avec un fond rouge et le ciel bleu en arrière plan.

Refus

J’ai vécu la descente dans le silence avec le héros du film, Ruben. L’ayant vécu d’une autre manière, j’ai retrouvé les émotions que j’avais ressenties comme le héros du film. 

Que ce soit des émotions négatives ou positives, j’ai vite retrouvé mes émotions en parallèle du film. Pour une personne qui ne connaît pas le monde du silence, c’est violent mais réaliste. 

Il y a de la violence dans les images et les propos. J’ai trouvé ça plutôt réaliste comme situation. C’est important de souligner que les moments que va vivre Ruben, le héros du film, ne sont pas des moments anodins.

Refuser de ne plus entendre, vouloir entendre, vouloir pouvoir communiquer, c’est une période de vie qui doit être réfléchie quel que soit l’âge de la personne. Se retrouver confronté à des personnes qui parlent la langue des signes et ne pas les comprendre, c’est violent aussi que ce soit dans un sens ou l’autre.

Déni 

J’ai également beaucoup aimé l’accent qui a été mis sur la bande son du film. Par moments, le son était très fort. Est-ce que c’était volontaire, je ne sais pas. On entend bien la dégradation du son, les détails des sons qu’on peut percevoir ou ne plus les percevoir. 

Encore une fois, il y a un message : protégez votre capital auditif, faites attention. Une fois perdue, vous ne pourrez pas la retrouver. 

Tout autant quand il y a de la langue des signes dans le film, qui n’est pas traduite à l’oral, pour faire ressentir l’exclusion du héros dans les groupes de parole. 

Il est important de bien montrer qu’il faut qu’il y ait une réflexion sur la perte de son, mais aussi les évènements vécus par le héros.  Dans le film, on voit aussi l’importance de la place qu’occupe la petite amie du héros, Lou. On n’en parle pas assez, mais les personnes qui nous entourent au quotidien, sont importantes. 

Acceptation de soi 

Quels que soient les événements qui nous arrivent, il faut s’écouter soi et faire ce qu’il faut pour atteindre nos objectifs. Faire de notre différence, une force. 

Le film est sous-titré en version pour sourds et malentendants, comprendre ici, que le sous-titrage est en couleurs.

Dans tous les cas, si vous avez un moment et que le sujet vous intéresse, allez le voir. Vous ne le regretterez pas !

Merci à Sébastien et Barbara pour l’animation du débat, merci à RogerVoice et Tandem pour l’invitation, merci au Majestic Bastille pour l’accueil. 

Sourds et heureux

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 18 octobre 2021

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Sourds et heureux, un article paru dans Santé Magazine d’Octobre 2021. Un article rédigé par Ana Boyrie. Je ne retranscris que ma partie afin de rendre accessible le contenu mais je ne devrais pas car le droit d’auteur ne permet pas de reproduire tout un article, on a simplement le droit de faire des citations.

N’ayant pas eu de réponses de la journaliste, je le publie ici en attendant.

Un article de presse qui reprend les témoignages de Virginie 40 ans, Pauline 33 ans, Zoé 33 ans et Vivien 39 ans. Pour en savoir plus, je vous invite à acheter le numéro en kiosque 😉

Je suis capable de faire plein de choses autrement

Je ne me sens pas handicapée, je ne me sens pas limitée par mes oreilles. Je suis capable de faire plein de choses autrement. Lors de mes rencontres, j’ai pu remarquer qu’un grand nombre était intéressé par ma surdité, par mon vécu de malentendante [NDLR : Je suis sourde, mais bon, interprétation, toussa…]. J’ai donc voulu partager les situations auxquelles je suis confrontée au quotidien. Mon souhait était de donner ma vision de la surdité, avec positivité et pédagogie. Montrer la femme sourde et active que je suis ! Je ne pensais pas qu’en créant mon blog, je parlerais un jour en public, ni que je travaillerais dans le domaine de l’accessibilité !

Santé Magazine – Octobre 2021
Photo de l'article de presse retranscrit ci-dessus.

Revivre une nouvelle hospitalisation en période de covid

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 octobre 2021

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Ce matin, j’ai l’estomac noué. Je sais que je devrais pas être inquiète mais voilà c’est comme ça.

Je repasse sur la table d’opération demain. J’ai demandé à ce qu’on me retire cette plaque qui est dans mon poignet. Elle me me tient compagnie depuis mars 2020. Elle me rappelle ce mauvais moment, elle me fait souffrir au quotidien, mes doigts se rappellent à tout moment qu’elle est là. Il est temps de tourner la page.

Mélange de sentiments, difficile de les décrire. Je sais que je ne devrais pas, que je devrais avoir confiance. Avec tout ce qui s’est passé avec la pandémie, j’ai perdu un peu plus mon insouciance et ma confiance.

C’était il y a un peu plus d’un an, je suis tombée à vélo et j’ai été hospitalisée en pleine pandémie.

La gestion du masque avait été surprenante à ce moment-là. Depuis un peu plus d’un mois, je re-fréquente les hôpitaux… et les masques. Oui, ils sont toujours là quoiqu’on en dise.

En milieu hospitalier, le masque est présent et plus que jamais.

C’est déroutant car l’ambiance à l’intérieur des hôpitaux me rappelle la pandémie avec un peu plus de monde dans les salles d’attente. Tout le monde est masqué, je suis coincée dans ma communication. Un contraste fort avec l’extérieur.

Dehors où l’affluence n’est pas trop forte, on pourrait dire que c’est la vie d’avant sauf que moi, je me sens encore entravée dans ma communication. J’ai l’impression d’être invisible, je n’arrive pas à l’expliquer.

Avec l’obligation du port du masque aux alentours de l’été 2020, j’ai l’impression que la société m’est invisible. Ce masque m’a isolée malgré moi. Toutes ces fois où je me suis retrouvée confrontée à ma surdité. Ou plutôt le masque a rendu mon handicap visible. Il m’a renvoyé ma surdité en pleine face.

Un an et demi que j’apprends à composer avec ce nouvel objet du quotidien : le masque. Il y a quand même des points positifs car j’ai passé tout ce temps :

  • à anticiper bien des situations,
  • entendre ou du moins essayer de comprendre les mots que je pouvais percevoir (la parole étouffée quand on entend pas bien, c’est pas mal !),
  • décrypter les regards des gens quand ils me parlent pour les comprendre sans lecture labiale,
  • lire les mouvements des lèvres à travers les masques (oui, oui, c’est possible !),
  • et bien d’autres choses …

Anticipation, le mot du moment

Face à la personne qui fait l’accueil et la distribution dans les hôpitaux, je n’ai pas compris ce qu’elle m’a dit. J’ai deviné sans comprendre, que je devais aller à tel ou tel endroit. Elle ne s’est même pas rendue compte que j’étais sourde. Est-ce que c’est une victoire, je ne sais pas.

Quand je suis face à une secrétaire médicale, je lance mon application mobile de texte, j’écris dessus les renseignements par anticipation (nom / prénom / téléphone tout en précisant bien à l’oral que c’est uniquement par SMS).

Je n’utilise pas de logiciels de reconnaissance vocale dans ces moments-là. Il y a souvent beaucoup de bruits qui viennent parasiter la conversation. J’estime que ce n’est pas nécessaire de me rajouter de l’incompréhension et du stress en plus.

Rendez-vous

J’étais accompagnée de mon conjoint qui avait un masque transparent. Dès que nous sommes entrés dans le bureau du chirurgien, il a baissé son masque tout de suite pour que je puisse communiquer avec lui. Ça m’a fait plaisir qu’il s’en rappelle, un an après.

Quand j’y repense, au début il rechignait pour le baisser et s’adressait à mon conjoint pour échanger. Ça n’a pas été le cas cette fois-ci.

Il s’est adressé à moi directement, j’ai eu le sentiment d’exister.

J’ai revu l’anesthésiste, qui a baissé lui-aussi son masque sans problème pour que nous puissions échanger sur l’intervention à venir. Il a même eu un regard exaspéré du fait que le masque nous gâchait bien la communication mais que pour notre sécurité c’était mieux.

Nous étions d’accord. J’ai tellement été confrontée au masque, que je n’ai même pas posé la question de comment ça allait se passer au bloc opératoire.

Pourtant, ce matin, j’ai l’estomac noué, car je sais que demain je serai entourée de personnes masquées sans possibilité de pouvoir les comprendre et je ne pourrai pas anticiper. Je n’aurai pas mes implants cochléaires pour entendre, pour essayer de comprendre ce qu’ils vont me dire. Je vais me retrouver emmurée dans ma solitude, seule dans ma bulle. Il me faudra leur faire confiance.

Oui, ce n’est qu’une journée en ambulatoire. Oui, c’est rien comparé à d’autres qui souffrent bien plus.

La peur est légitime, et on en parle pas.

Les laboratoires

Après le chirurgien, l’anesthésiste, le test PCR. Je l’ai fait hier matin.

Comme d’habitude, la personne m’a parlé à travers son masque. Je l’ai regardée avec un regard qui signifiait que je ne comprenais pas.

Elle n’a pas compris.

J’ai répété que je n’entendais pas et que je lisais sur les lèvres.

Elle a répété ce qu’elle m’a dit.

J’ai haussé la voix, je ne me rappelle plus si je me suis énervée ou pas, mais j’ai répété que j’entendais pas et que je ne comprenais pas sans pouvoir lire sur ses lèvres ou écrire la réponse sur un papier.

Il y a eu des blancs dans la conversation. Le message a été long à être compris. Elle a enfin baissé son masque pour répondre à ma question.

J’ai fait l’enregistrement et je suis allée m’asseoir avec l’angoisse de ne pas entendre mon nom. Les salles d’attente sont aussi une source de stress supplémentaire. Je leur avais dit qu’il fallait venir me chercher. Heureusement que c’était la même personne à qui je m’étais adressée. Elle avait compris que ce n’était pas simple pour moi.

La veille

Aujourd’hui, je me sens pas autonome. Le secrétariat doit appeler au téléphone mon conjoint pour lui donner l’heure de passage pour demain.

Je me sens infantilisée même si je sais qu’il ne me traite pas comme un enfant mais comme son épouse.

Ils vont l’appeler pour lui donner l’heure de passage au bloc. Sans parler du stress qu’une opération peut engendrer, je trouve qu’on pourrait mettre en place la communication que ce soit pas SMS, mail, les moyens techniques sont là. Si ça ne se met pas aussi facilement en place, c’est qu’il y a une raison je pense. Les habitudes sont bien ancrées.

Demain

Pourquoi il n’y a pas un cursus (même rapide) dans les longues études de médecine, où on sensibilise les gens au handicap, à être bienveillants, à écouter l’humain ?
Et puis, demain, j’y serai et on verra…

5 ans de bi-implantation cochléaire, qu’est-ce que ça donne ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 17 novembre 2021

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/5-ans-de-bi-implantation-quest-ce-que-ca-donne/

Pour rappel : je suis sourde de naissance, appareillée à 6 mois et bi-implantée à 39 ans.

Je ne peux pas oublier cette date anniversaire, le 17 novembre 2016. C’est le premier jour du reste de ma nouvelle vie auditive : #newSophie. 

Et quel démarrage, j’ai envie de dire ! 

La période 2019/2020 a été compliquée entre la dépression (ce n’est pas ma bi-implantation qui l’a déclenchée) et la pandémie Covid. Je veux exposer ici un petit bilan « synthétique » de ce qui s’est passé au niveau sonore. Il y a peut être répétition avec les billets qui ont été postés depuis l’opération.

Au cinéma

En cinq ans, mes oreilles ont vécu de beaucoup de choses. À la veille de cet anniversaire, je suis allée au cinéma voir un film français sous-titré en français. J’ai pris plaisir à entendre les voix des actrices, les mélodies musicales. Je n’ai pas pu reconnaître toutes les musiques, ni les paroles. J’ai réussi à associer le son avec l’écrit. C’est tout simplement génial (pas magique hein !) après toutes ces années de travail, plus de 20 ans d’orthophonie, à essayer de reconnaître tous ces sons. 

Dans mon train

Je n’hésite plus à écouter les annonces des gares que je connais, entendre le nom de chacune d’entre-elles, c’est une petite victoire pour moi. Il y a 5 ans, je n’avais pas imaginé que ce serait possible aujourd’hui. 

Entendre la décompression pneumatique des portes à l’arrivée et au départ, l’accélération du train sur les voies, le roulis, le rebondissement des rames, ce sont autant de sons que j’ai découverts avec l’implant. 

Ce qui est drôle, j’entends aussi le claquement des coques de téléphones quand on arrive dans chaque gare, parfois, j’entends les zips des manteaux fermés à la va-vite. L’ouverture des portes sans les entendre. Les pas au loin. 

Ticket aller pour le son

Il y a 5 ans, on m’aurait dit « tu verras, tu te rendras compte que la vie est pleine de sons, autant de sons que de couleurs, de tonalités de lumières ». J’aurais fait les gros yeux et rigolé. 

Il y a 5 ans, je me jetais vers l’inconnu sonore. Je ne savais pas quel serait le résultat. On ne pouvait rien me garantir. En disant cette phrase, c’est inimaginable qu’on puisse tenter quelque chose dont on ne sait pas où ça va nous mener. C’est vrai, ça a été un choix difficile, douloureux. J’avais peur. J’avais pris un ticket aller pour le son, le voyage continue encore aujourd’hui. 

Le son et le cerveau

Aujourd’hui, je me rends encore compte qu’il y a des bruits que je ne peux pas assimiler, c’est pas que je ne veux pas, je ne peux pas. Comme le fait d’entendre ma respiration, c’est quelque chose qui me rend dingue en permanence, je me dis que ce n’est pas possible de s’entendre respirer… mais si.

Mon cerveau n’assimile pas cette information, même si vous, personnes entendantes vous l’avez oublié. Tous les petits bruits qui font partie de votre monde sonore, je les assimile encore aujourd’hui. C’est quelque chose inexplicable. Là je viens de prendre un grand coup de respiration, et oui, je m’entends respirer. 

Ce sentiment s’est accentué davantage avec le port du masque. Entendre son souffle dans le masque, le bruissement de ce petit morceau de papier qu’on porte sur la bouche. 

Un des points négatifs du masque : les élastiques me font mal aux oreilles après 1h de port, ce qui est logique. Mes cicatrices se trouvent dans le pli du pavillon de l’oreille sur 5 centimètres, pas plus. Les autres effets négatifs, j’en ai parlé à travers d’autres billets.

Pose de l’implant

La technique de pose de l’implant a aussi beaucoup évolué. Je me rends compte quand je vois les photos des opérations qui ont été faites par le passé, il fallait raser une bonne partie du crâne, moi on m’a rasé un petit centimètre pour dégager la zone à opérer. J’ai pas posté de photos car j’ai pas eu de chance par la suite, j’ai fait une infection sur l’une des cicatrices. Ce sont des choses qui arrivent. Je pourrais la poster aujourd’hui, on n’y voit rien il parait. Mais quelle importance vu que c’est derrière le pavillon ? C’est juste un peu plus sensible. 

Nouveau facteur à prendre en compte

Réfléchir à tout ce qui s’est passé en 5 ans, il s’est passé beaucoup de choses que j’ai pour la plupart consignées sur ce blog. Il manque le bilan des 4 années. La quatrième année n’est pas signe de progression car avec la pandémie et les confinements (mais aussi auto-confinement), j’ai perdu l’habitude des réunions, de voir du monde. Je m’en rends compte aujourd’hui.

Bien que j’aie progressé dans ma compréhension, il y a un facteur qui est la fatigue que je n’ai pas prise en compte. 

La fatigue est une ennemie sournoise. On ne la voit pas, on ne la sent pas malgré toute l’énergie que je peux déployer. Parfois, je suis obligée de dire « stop » . Je suis obligée de m’arrêter pour mieux repartir. C’est une chose dont personne ne m’avait jamais parlé. Au début, on m’avait dit que c’était normal qu’il y avait un temps d’adaptation, ce que je peux comprendre. Aujourd’hui, c’est un élément que je dois prendre en compte dans mon quotidien. Si je n’ai pas mon quota de sommeil, c’est compliqué à gérer. J’apprends à faire avec, on verra dans quelques années. Peut être que ce sera différent. 

Il y a 5 ans, on m’a dit…

« Vous ne pourrez pas entendre la radio ». Ça ne me manque pas, mais je sais que si j’ai la transcription écrite, je peux arriver à suivre l’émission de radio avec le support. J’arrive à « connecter » les mots entendus et les mots écrits. Je trouve que c’est déjà bien pour quelqu’un qui n’a jamais entendu. Toutes ces choses qu’on m’a dit que je n’arriverais pas, ben j’ai envie de dire, si j’y arrive, à ma manière. Pas à la manière dont l’équipe d’implantation a imaginé. On peut y arriver par des moyens détournés. La preuve. 

« L’usage du téléphone va être très compliqué ». Oui c’est compliqué. Mais j’ai de la chance de pouvoir reconnaître des mots quand je suis dans un contexte précis, d’arriver à comprendre des bribes. Ça peut paraître bizarre… non je ne peux pas faire des conversations d’une heure sans aide technique, mais ça progresse petit à petit. Apprendre à l’utiliser, à adopter les usages et les coutumes, c’est un nouveau monde. Les habitudes sont bien ancrées, d’ailleurs, il faut 21 jours je crois pour arriver à en changer une. Je n’ose pas imaginer le nombre de jours si je dois compter toutes les habitudes que j’ai.

« L’interphone, c’est un ennemi ». Oui, c’est encore un ennemi car je ne maitrise pas les sons qui sortent de cet engin dont j’ai parlé à plusieurs reprises ici. Mais j’ai appris à l’apprivoiser. Aujourd’hui, quand je décroche mon interphone, qui est le modèle le plus banal qu’on puisse avoir dans un appartement, j’arrive à comprendre certains mots, parfois il faut que ma suppléance mentale fasse le travail. Je trouve que je m’en sors plutôt bien. 

« Vous pourrez pas saisir les nuances musicales ». Aujourd’hui, je peux dire que je l’apprécie quand je suis disposée à l’écouter. Je peux reconnaître des mélodies, à ce jour, j’ai un titre et d’autres que je reconnais, c’est fou mais oui. Je n’ai toujours pas été voir un ballet avec un orchestre, c’est quelque chose que j’aimerais tester. Aller au théâtre et voir ce qui en ressort ou sans aide technique, pour voir, pour ressentir les choses. Si c’est un échec, ben au moins, je me dis que j’aurai essayé. 

Dans le temps présent

Aujourd’hui, je ne fais plus d’orthophonie. Bizarrement, le ressenti est mélangé, ambigu. Ça me manque parce que je ressortais de ces rendez-vous revigorée, reboostée, avec de nouvelles pistes pour appréhender de nouvelles choses. Ça ne me manque pas parce que ce sont des rendez-vous qui prennent du temps, de l’énergie. 

Aujourd’hui, je me rends compte que tout ce que je ne pouvais pas faire sans lecture labiale, je commence à le faire. C’est long, ça prend du temps, mais c’est possible. Il faut avoir la motivation et l’énergie. Je ne vais pas me voiler la face, mais la pandémie m’a un peu arrêtée dans mon élan. Aujourd’hui, j’essaie de le retrouver pour continuer à progresser, à mieux entendre et comprendre, à mieux vivre. 

Aujourd’hui, il arrive qu’on me dise « Ah mais tu as tes implants, donc tu comprends tout », je ne suis pas désolée de te décevoir, mais non je ne comprends pas tout. 

Aujourd’hui, je m’amuse de voir que ma surdité passe inaperçue. Mais parfois, j’aimerais qu’on prenne en compte le fait que je n’entende pas, même si c’est plus confortable pour l’autre que j’entende et comprenne. L’effort ne doit pas être unilatéral. 

Aujourd’hui, on me pose encore la question « Tu n’as pas de regrets ? ».
Je n’ai pas de regrets, parce que c’est une expérience inoubliable. Je n’oublierai pas la première journée d’hospitalisation, mon activation où j’ai pleuré la première fois que j’ai entendu un son et la voix de mon conjoint qui a été aux premières loges, découvrir tous ces sons qui me rendent dingue mais que je ne pourrais pas m’en passer. Quand je relis tout ce que j’ai écrit à ce sujet, j’ai la gorge nouée, les larmes aux yeux parce que je suis fière de ce que j’ai accompli. Je me suis trouvé des ressources dont je ne connaissais pas l’existence. 

Si je me pose et que je réfléchis à tout ce que je viens d’écrire, j’ai envie de dire que c’était quand même gonflé et osé de ma part de demander à faire les deux oreilles en même temps. Qui aurait sauté à pieds joints dans un trou sans fin ?

Le mot de la fin

J’ai pris un ticket aller pour le voyage du son. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’est peut-être pas direct, mais il vaut son pesant d’or. C’est un ticket d’or.

On est faits pour s’entendre

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 novembre 2021

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/on-est-faits-pour-sentendre/

J’ai été voir le film « On est faits pour s’entendre » au cinéma vendredi soir en version française sous-titrée. (VfST)

Résumé du film

Antoine semble n’écouter rien ni personne : ses élèves (qui lui réclament plus d’attention), ses collègues (qui n’aiment pas son manque de concentration), ses amours (qui lui reprochent son manque d’empathie) … Et pour cause : Antoine est encore jeune mais a perdu beaucoup d’audition. Sa nouvelle voisine Claire, venue s’installer temporairement chez sa sœur avec sa fille après la perte de son mari, rêve de calme et de tranquillité. Pas d’un voisin aussi bruyant qu’Antoine, avec sa musique à fond et son réveil qui sonne sans fin. Et pourtant, Claire et Antoine sont faits pour s’entendre !

Mon avis

Ce film parle de surdité, de malentendance plus exactement. Pascal Elbé, le héros du film mais aussi le réalisateur du film est devenu malentendant comme il le dit. 

Ce film reprend une bonne partie du vécu de Pascal Elbé. Découvrir qu’on entend moins bien, accepter sa surdité soudaine, ça n’est pas toujours facile et bien vécu. 

Pascal l’a bien montré dans ce film. La bande son a été travaillée de manière à montrer au spectateur le ressenti de la personne devenue malentendante. C’est réaliste. 

Pascal Elbé est dans une cabine d'audioprothésiste. Il a un casque sur les oreilles et a un air concentré.
Dans la cabine de l’audioprothésiste, en train de passer un audiogramme

Les séquences sont tout à fait représentatives pour une personne qui devient malentendante, mais aussi une personne qui a été implantée et qui redécouvre le monde sonore.

Coup de cœur

J’ai aimé ce film, car pour une fois il met en avant la personne malentendante / sourde oraliste dans la société. 

Ce détail a le mérite d’être souligné. Tous les films que j’ai vus jusqu’à présent parlaient souvent de langue des signes, de culture sourde. Cette fois-ci, le sujet est effleuré mais la lecture labiale prend le dessus. 

J’ai souri, j’ai ri et j’ai pleuré. Un film à la fois romantique et un peu dramatique avec la prise de conscience de la surdité. Mais parfaitement dosé. 

Avec des expressions qui auraient pu être dites par moi, comme celle-ci par exemple : « Arrête avec les chips, cest insupportable ! » 

Je me suis reconnue dans bien de nombreux passages, c’est bien la première fois que j’ai ri à cœur ouvert dans un cinéma. 

Cela ne m’était jamais arrivé. 

Bref, vous voulez ressentir un peu ce que j’ai vécu quand j’ai eu mes implants, mais aussi quand j’étais appareillée, foncez voir ce film ! 

Note : Pour les séances sous-titrées en français puisque c’est un film français allez sur www.cinest.fr

Je vous ai mis le dossier de presse du film en bonus si jamais cette thématique vous intéresse (il n’est pas accessible aux malvoyants, mais si besoin de repartager tout ça sous un autre format, signalez-le moi)

Mettre du piment dans ma vie sonore !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 1 mars 2022

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/mettre-du-piment-dans-ma-vie-sonore/

J’ai eu droit au renouvellement des processeurs d’implant cochléaire après 5 ans de port intensif. J’attendais beaucoup de ce changement, j’étais stressée et excitée à la fois. De la nouveauté de quoi mettre du piment dans ma vie sonore ! 

Stressée parce que je ne savais pas comment ça  allait se passer même si je garde un souvenir assez vif de l’activation de mes implants. Excitée à cause de la nouveauté technique, j’ai toujours eu un faible pour les dernières nouveautés.

Puissance

Tout d’abord, un processeur plus puissant dans le traitement du son. Rien qu’en gardant le même réglage, je me suis rendue compte de la différence du son que j’entends. 

Quand je suis ressortie de l’hôpital, je pensais pouvoir gérer un déjeuner. Rien que le fait d’arriver Boulevard de l’hôpital, entendre les gens marcher, les voitures rouler, les motos filer, le métro aérien à proximité, le temps de passer 2 coups de fil, je me suis rendue compte que ça allait être difficile.
Je suis rentrée chez moi, j’ai déjeuné rapidement et je me suis écroulée de sommeil. J’ai dormi 2h. J’ai fini ma journée sur une séance de dédicaces et un dîner en petit comité, ça ne me semblait pas excessif comme efforts même si je sentais déjà la différence par rapport aux anciens implants.

En fin de soirée, j’avais mal à la tête mais, je m’y étais préparée. J’entends le son tout à fait comme avant. Le fait d’entendre des fréquences dont on n’a pas l’habitude génère des maux de tête.

Le lendemain du réglage, je n’ai pas pu me lever. C’était mission impossible !
Un mal de tête tellement violent que j’en ai pleuré, ça m’a renvoyée à mes premiers jours de bi-implantation, à réaliser tout le chemin que j’ai parcouru jusqu’à aujourd’hui. Je pensais ne plus avoir à revivre ces moments. Le corps est plus fort. J’ai beau être habituée à les porter souvent (plus de 10h par jour), les premiers jours ont été rudes. J’y suis allée progressivement, j’ai commencé avec un son réglé à 2, je suis remontée progressivement à ce que j’ai habituellement mais je trouve ça encore fort. (Les motos en particulier, j’ai les poils qui se hérissent à chaque fois que j’en entends une passer). 

Je vais essayer d’expliquer mais ce n’est pas toujours évident. Le son est plus net, « propre », il est plus précis. J’ai davantage de détails sonores. 

Les sons sont plus forts alors que j’ai pourtant baissé le son et la sensibilité. (La sensibilité se rapporte à la gamme des sons sélectionnés par le processeur, par exemple les sons légers, les bruits de fonds, les sons proches ou éloignés » – source : cochlear). Merci à ma régleuse de me faire confiance sur le sujet – c’est un réglage qui est discutable avec celui ou celle qui règle l’implant.

Dimanche dernier, je suis allée faire une petite ballade dans la nature à côté de chez moi. J’ai entendu le chant des oiseaux. J’ai enfin réussi à associer la vision d’un oiseau et son chant. Rien que ça c’était une victoire énorme pour moi. 

Je perçois la différence entre les oiseaux. Ils n’ont pas tous les mêmes chants, ni la mélodie ainsi que le rythme. Je pouvais le percevoir avant le changement de processeur mais ce n’était pas aussi flagrant. 

Ça fait bientôt 15 jours que j’ai passé ce cap, j’ai eu des moments difficiles (maux de tête, fatigue) malgré le fait que je sois habituée à les porter de manière intensive.

Matériel

Il est plus petit, plus compact. Je le ressens sur l’oreille. J’ai les pavillons d’oreille sensibles (la cicatrice est au niveau du pli de l’oreille), ça tombe bien entre les masques, les implants et de temps en temps les lunettes, ça fait beaucoup.

Aujourd’hui, il est beaucoup plus petit et léger que j’ai l’impression d’avoir un jouet… Le nouveau processeur pèse 16 grammes contre 20 grammes pour la version d’avant. C’est à peu près l’équivalent de 2 pièces de 1 euro (15 grammes) pour vous donner une idée. 4 grammes c’est rien, mais c’est important sur un pavillon d’oreille ! 

Si le processeur tombe de mon oreille à cause d’un quelconque mouvement, l’aimant qui est sur ma tête le retient (un peu et pas très longtemps). La seule façon de me rendre compte que je ne l’ai plus, c’est l’absence de son, ce dont j’ai pas toujours la présence d’esprit de vérifier. Ce qui veut dire : les attractions de manège, je suis obligée de les retirer avant surtout si je sais que je vais avoir la tête à l’envers, si je mets un casque / bonnet / masque, je dois faire attention à ne pas les retirer en même temps. Il y a un potentiel risque de les perdre… !

Le jour où j’ai reçu mes deux nouveaux processeurs, j’ai reçu deux sacs à dos complets de matériel, complétant le package de mes implants.

Dans chacun de ces sacs à dos, il y a un dessicateur électrique, des capsules dessicantes à placer dans le boîtier de voyage, une antenne supplémentaire (avec un câble un peu plus long – j’ai opté pour le 6cm, il me reste le 8 cm en cas de problème), un package de prises internationales que je peux mettre sur mon matériel, un kit de recharge de batteries sur secteur et usb, un mode d’emploi du processeur et du matériel fourni, une télécommande, un set de piles et de boîtier à piles à mettre sur mes implants, un kit d’écouteurs pour vérifier si le son est ok sur les processeurs et enfin un kit de protection de micros, un stylo-tournevis et une clé usb pour les sauvegardes des réglages.

Mine de rien, il n’y a pas mal de choses quand même à ne pas oublier.

Technologie 

Et enfin la dernière partie importante, c’est la technologie. Les processeurs d’implants cochléaires se connectent automatiquement à mon iphone en bluetooth. 

Dès que du son sort de mon téléphone, je le reçois directement dans mes oreilles au volume que je veux sans déranger les personnes autour de moi. 

Je peux décider de pouvoir ou pas percevoir les sons qui m’entourent. Je décide du volume de ce que j’entends. Par exemple, je peux marcher dans la rue tout en mettant la possibilité d’entendre les voitures ou d’être dans le métro sans entendre le bruit de la circulation. 

L’avantage d’avoir le son en direct dans les oreilles, plus besoin d’avoir un casque ! Le son est meilleur puisqu’il n’y a pas d’intermédiaire. J’ai un appel, je regarde une vidéo sur internet, je mets de la musique, j’entends directement la sonnerie dans mes oreilles même si je n’ai pas mon téléphone en visuel, je sais que je suis connectée à mon iphone. Il peut arriver qu’ils ne soient pas reliés par contre.

Avant, je devais veiller à avoir une télécommande chargée, pour voir les détails de la charge des batteries des implants, le réglage en simultané ou encore le volume, maintenant tout se fait à partir de mon iPhone ou de mon Apple Watch aussi, il y a un menu permettant de gérer le volume, la musique, etc… Une mini-télécommande en plus.

L’application Nucleus Smart permet aussi de localiser mes processeurs, dans mon cas, ce n’est pas très utile car je retire mes implants quand je me couche et je les mets quand je me lève. Je sais toujours où ils sont, sauf cas exceptionnels. Mais c’est une fonctionnalité intéressante pour les parents d’enfants sourds ou les personnes qui ne se rappellent jamais où les avoir posés.

Dernière fonctionnalité qui me semble importante, c’est que je peux vérifier le temps d’écoute de la parole. Ça me permet de veiller à ne pas rester dans ma bulle de silence trop longtemps. Les porter, écouter les bruits qui m’entourent c’est bien mais communiquer avec les autres c’est mieux 🙂 

Les seuls points sur lesquels j’attire une attention, c’est la sécurité de ces processeurs puisque ce sont des objets connectés puisqu’on peut les localiser et s’y connecter en bluetooth, et le traitement des données personnelles dont j’ai pas toutes les informations encore. 

Ah petite information importante qui n’est pas encore répercutée sur le site de Cochlear, mais c’est compatible avec la dernière génération d’iphones.

Conclusion 

C’est un gain de confort au quotidien ! Je les adore, je sens que je vais encore progresser et c’est une super perspective.
Merci à l’équipe de l’hôpital qui me soutient dans cette aventure sonore.

Écoutez à travers mes implants cochléaires

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 avril 2022

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Assise sur un siège sur le quai du rer. Je dégaine mon téléphone pour écrire ce que je ressens, ce que je vis. Essayer de prendre du recul, c’est pas si facile alors que je le voudrais tellement.

Entendre tous les détails que vous pouvez pas imaginer. Essayer de les identifier. Ce que je fais à chaque fois que je sors de chez moi. Je trouve cet exercice fatiguant à force, surtout qu’il est malgré moi.

Je ne peux pas m’empêcher d’écouter, d’être à l’affût de tout ce qui m’entoure dans ce monde sonore.

Deux arrêts de gare plus tard, j’entends le roulis du train, qui passe sur les rails qui se croisent. Entendre ce vent comprimé entre deux trains qui se croisent, souffler, et la libération du vent qui était bloqué entre deux trains.

Entre chaque annonce, entendre la première annonce d’entrée en gare, et ensuite la seconde qui est la même chose mais la tonalité n’est pas la même.

Pendant ce temps, entendre des adolescents derrière moi, discuter, rire, mais ne pas comprendre un mot. Entendre juste des sons.

Entendre le son du train qui avance « silencieusement » si on peut dire ça comme ça, sans roulis, sans être bousculé par le vent.

Un silence se profile, mais non, un sifflement se produit. Un bourdonnement quand on entre dans une gare fermée. Les sons ne sont plus pareils soudainement.

Entendre le claquement des talons, des semelles de baskets sur les escaliers, avec toujours toutes ces voix en arrière plan.

Lever la tête, essayer de synchroniser le son avec ce que je vois. Entrer dans un tunnel, le son du train devient étouffé et par moment il s’atténue quand il ralentit… toujours avec cette voix qui égrène les gares au fur et à mesure.

Une annonce qui commence, qui apparemment dit qu’il faut faire attention à la marche en descendant du train, mais je ne suis pas sûre, elle était bien courte cette annonce.

À nouveau le roulis du train, le bruit du wagon qui roule dans ce tunnel, bruit qui varie en fonction des commandes du train, s’il avance, ralentit ou freine. Le son n’est pas le même. Avant je n’aurais jamais pensé que c’était possible. Entendre à nouveau les chaussures claquer sur les marches de l’escalier, la dépressuration des portes qui s’ouvrent. Le joint des portes qui couine quand elles se referment.

Entendre des sons de rails maltraités, parfois dans les courbes qui pourraient être des virages, on entend les roues du wagon qui crissent, qui couinent, sous la pression. En ligne droite c’est plus agréable, plus monotone même quand on croise un train sur la voie d’à coté.

Stationner en gare, ça veut dire aussi, qu’il y a un possible problème par ailleurs, attendre, écouter. Le silence est revenu, mon « silence », il n’y a personne qui parle, juste une bouteille qui vient de s’ouvrir, pas de téléphone qui braille, juste le bruit du train. Entendre la sonnerie des fermetures de portes du train, entendre le train arriver sur la voie d’à côté, les gens bougent. Je les entends.

Tous ces détails que j’ai décrits, je les entends, parfois c’est trop pour moi qui passe de la nuit du silence à la lumière du bruit.

Quand je suis fatiguée, les bruits sont exacerbés, et heureusement que j’ai la possibilité de baisser le volume mais ça ne suffit pas toujours…

Tout va recommencer à la prochaine gare… et demain ça recommencera, il faudra sans cesse décrypter les sons, les mouvements, les signes qui me sont envoyés.

Je vous ai décrit 30 minutes sonores de ma vie.

Peut être que vous réaliserez qu’il y a autant de détails, de finesse dans cette écoute que j’ai, que je tente d’apprivoiser depuis le premier jour.

Parfois, j’ai envie de silence, parfois j’aimerais que ça soit intégré, que ça ne soit plus difficile, que ce soit … évident.

Peut être un jour.

Perdre un chat quand on entend pas

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 23 août 2022

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Samedi soir, je reçois un message de ma voisine me disant qu’elle avait vu un de nos chats sur son balcon. Sachant que j’avais fait le nécessaire pour sécuriser cet espace extérieur, Suki avait réussi à contourner cette installation.   

L’objet de ce billet n’est pas la sécurité des balcons ou des fenêtres que ce soit clair. Nos fenêtres sont sécurisées.

Je la vois sur notre balcon, je la dispute et la fais rentrer. Elles ne vont sur notre balcon que sous notre surveillance, même s’il est sécurisé. Je commence à chercher sa sœur par mesure de sécurité car elles sont très fusionnelles.
C’est deux gouttes d’eau, toutes les deux noires avec une tache sur le poitrail. Les seules différences sont au poids et au toucher.

Avec mon mari et mon fils, on commence à vérifier tous les recoins de l’appartement. Tâche facile on dirait mais comme j’entends pas, ça change tout, oui, oui. 

Je ne peux pas forcément être certaine de l’entendre gratter quelque part si elle est enfermée, je ne peux pas l’entendre miauler si elle n’est pas à côté de moi. Si elle est derrière une porte, je ne l’entendrai pas. Je n’ai pas l’ouïe aussi développée qu’elles, ni le niveau de précision de leur organe vestibulaire, je n’entends pas comme mon mari et mon fils. J’ai un imaginaire lié au son beaucoup plus inventif et qui ne correspond pas toujours à la réalité.  

On se décide à se dire qu’elle s’est cachée quelque part dans l’appartement, on se couche, on reprendra les recherches demain.

Je suis toujours dans l’angoisse car je ne la retrouve pas.

Suki se couche à mes pieds, je me fie à son comportement, elle me colle toute la nuit, je trouve ce comportement suspect bien qu’elle dorme de temps en temps avec moi. Elle est trop calme, elle ne cherche pas sa sœur comme à l’accoutumée. J’ai réalisé qu’elle n’était pas dans l’appartement par déduction.

Mon mari et mon fils ont continué à retourner l’appartement, à vérifier pièce par pièce, tiroir par tiroir. C’était incompréhensible, elles qui sortent jamais, qui n’ont jamais mis une patte dans la rue, celle qui a disparu est la plus craintive, chaque invité qui est venu chez nous ne l’a jamais rencontrée. 

J’ai commencé à sortir dehors pour l’appeler dans la rue, à tourner autour de notre immeuble, de faire les caves à plusieurs reprises, vérifier les buissons. Mais comment faire quand on entend pas, si ma chatte est blessée et qu’elle miaule de douleur dans un buisson, comment je peux le savoir ? J’ai fouillé sans relâche tous les buissons, les recoins à plusieurs reprises, à plusieurs heures d’intervalle pendant plus de 24h, nuit et jour.

Comment faire pour ne pas hurler dans la rue, histoire de ne pas provoquer des tapages nocturnes à pas d’heures dans la nuit noire … ? Comment arriver à moduler sa voix dans ses moments-là ? J’essaie, j’imagine qu’elle m’entend avec son ouïe si aiguisée, mais je ne perçois pas de retours sonores ou visuels, c’est encore plus stressant. 

Être sourde dans ces moments où on recherche son chat, ça veut aussi dire solliciter tous ses autres sens pour combler celui qui ne marche pas ou pas toujours comme on voudrait pour la retrouver.

Quand on stresse, les sens sont perturbés et notre cerveau n’est pas toujours rationnel. Pendant ce laps de temps, j’ai simulé mes sens le plus possible pour retrouver mon chat. J’ai très peu dormi et mangé. 

24h plus tard, j’embarque mon mari pour refaire un tour de l’immeuble, pour qu’il me dise s’il entend quelque chose, car je sais qu’elle réagira au son de ma voix, du moins, j’essayais de m’en persuader. Premier tour, aucune réaction de sa part. On remonte, je décide d’embarquer sa sœur dans la caisse, en me disant qu’elle va m’aider à appeler Sumi. 

Je regarde Suki dans l’entrée et je lui montre sa caisse de transport en lui disant : «  Tu viens m’aider à chercher ta sœur ? » Elle ne s’est pas fait prier, elle est rentrée dedans et a attendu que je la referme. 

Nous sommes allés refaire un tour en l’appelant avec Suki. À un moment, il se fige sur place et entend un bruit. Un petit miaulement, mais très faible. Il me dit qu’il devient fou, qu’il croit l’entendre, dans le doute, on a continué à l’appeler mais plus de réponse. On est remontés.

Je bois un verre d’eau, je ne peux pas rester à rien faire la sachant quelque part, morte ou vivante, mais il me faut la retrouver.
Je réimprime des affichettes, mon fils m’aide en allant les coller à la gare à vélo et moi dans les rues voisines. Un peu plus tard, il me rejoint car il n’a plus de scotch. Je lui parle et lui dis qu’il faut continuer à l’appeler.
Sa réponse est : « Non mais ça sert à rien, quand on l’appelle elle vient pas. » Je lui dis qu’il faut continuer sans cesse. Jusqu’à ce qu’elle réponde par les miaulements ou sa présence.  

Ce qui est dur quand je suis dehors dans la rue, je n’entends pas aussi bien que quand je suis à l’intérieur, il n’y a pas de bruits parasites. Dehors, j’entends pas ma chatte, je ne peux pas distinguer si c’est un miaulement de râle, de douleur, de joie, de ce que mon cerveau décide d’interpréter les sons qu’il perçoit. 

On décide de rentrer mais je lui demande d’orienter sa lampe dans les buissons là où j’avais déjà vérifié des fois qu’on verrait deux yeux briller.
On marche, j’appelle, et bim ! Même réaction chez mon fils au même endroit que mon mari auparavant, qui me dit qu’il entend un miaulement très faible. Il oriente sa lumière vers les balcons car il trouve que c’est un bruit en hauteur. 

Comment faire quand on entend pas, quand on arrive pas à entendre, ni à situer le son dans l’espace ? Je peux distinguer certains bruits, les reconnaître, savoir si c’est devant ou derrière, mais savoir si c’est un son qui est en bas de mes pieds, ou au niveau de ma tête, ou encore plus haut (en dehors des avions) je n’ai pas d’expérience de spatialisation de son, pas autant que les personnes qui entendent. 


Il voit quelque chose bouger, il pense que c’est Sumi. Il appelle son père au téléphone, qui se met à la fenêtre de la cuisine pour vérifier.
Nos chattes sont noires et les retrouver dans la nuit, c’est pas si évident que ça en fait. Mon mari a entendu le petit miaulement qui disait : « mais ouvre-moi la fenêtre ». 

C’est comme ça qu’on a eu la confirmation qu’elle était sur le balcon du 3ème étage sachant que nous sommes au 4e. Sumi était au bord de la baie vitrée à attendre qu’on ouvre la fenêtre car le volet n’était pas complètement fermé…

Pas de chance, les voisins ne sont pas là. Nous sonnons à l’appartement qui avoisine le balcon où est Sumi. Mon mari y va, moi je reste en bas avec notre fils, puisqu’il est à vélo.

Le stress parfois, nous fait faire des choses qu’on imagine pas. Je lui dis de monter rejoindre son père, je suis restée en bas à les regarder et j’ai gardé son vélo bêtement alors qu’il l’avait cadenassé par précaution.

Notre fils a posé le bol de croquettes, que son père avait été chercher, comme il a pu à travers la vitre de séparation des balcons, sur l’étagère de la voisine. Sumi s’est approchée pour les manger, évidemment cela faisait 24h qu’elle n’avait ni mangé, ni bu, elle s’est laissée faire à moitié. Il a touché le cou de Sumi pour voir s’il pouvait la prendre tout en étant de l’autre côté de la vitre. 

Il a réussi à la prendre par la peau du cou et la récupérer, elle s’est accrochée par réflexe à la rambarde, mais il a été plus rapide et agile pour la ramener de l’autre côté. 

Entre-temps, je ne voyais rien dans la nuit et quand je vois rien, étrangement j’entends encore moins que d’habitude même si j’ai mes implants cochléaires. Je suis remontée récupérer un drap pour les aider, mais au moment de repartir, j’ai ouvert la porte, j’ai vu mon fils et Sumi collés serrés. Elle ne pouvait plus partir, il l’avait plaquée contre lui. Elle avait un regard apeuré, j’ai bien vu qu’elle avait pas compris ce qui s’est passé. 

Quand il l’a posée par terre, ses pattes arrières tremblaient. Je lui ai vite donné à manger pour la rassurer, elle ne s’est pas fait prier, elle a englouti sa pâtée.

Je réalise après coup, que chercher un chat quand on entend pas, est une source de stress encore plus importante. Car on s’imagine beaucoup de choses, on peut passer à côté de plein de choses même si on a un contact visuel ou tactile plus important.

Ce qui s’est passé, je pense, Sumi a dû vouloir suivre sa sœur pour une fois, la première fois, et a glissé de la rambarde du balcon. Elle a eu beaucoup de chance puisqu’elle a atterri au 3ème. 

Depuis, elles ont repris leurs petites habitudes, j’ai eu droit à tous les câlins et ronronnements possibles.

Demain, ça ira mieux.

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 8 septembre 2022

Publié dans la catégorie : BlognameVis ma vie de sourde

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Il y a un peu plus de 2 ans, j’ai fait une grosse dépression. J’en ai jamais reparlé vraiment sur ce blog. C’était au départ un burn-out mais qui a caché un mal-être bien plus profond. Je ne me suis jamais exprimée sur la question car c’est un sujet sensible pour moi bien que je sois en accord avec la plupart des contenus que je peux lire sur Internet. Un jour peut-être.

Comme je n’entends pas, je passe mon temps à compenser et surcompenser si bien que la plupart du temps, l’impression qu’on a que je comprends tout, que tout va bien.

Mais ma vie, c’est un peu comme la dictée à trous.

J’ai des moments où tout va bien parce que j’ai tout compris et analysé avec les bonnes réponses et surtout parce que je ne suis pas fatiguée. Heureusement que j’ai quelques personnes autour de moi qui m’aident à combler les trous de cette dictée.

Ce matin, je n’ai plus d’énergie, je me sens vidée, au fond de mon lit.
Je fais pourtant attention à avoir des nuits de qualité, je sais que les bonnes nuits me permettent de tenir le coup et d’être celle que vous connaissez.
J’ai les larmes aux yeux. Je me retiens de me laisser aller, je m’interdis même de tout lâcher même si l’envie est très présente. J’ai le sentiment d’être nulle, que je ne vaux rien, d’être à côté de la plaque parfois et bien d’autres choses.

Je sais quelque part au fond de moi que ce n’est pas vrai, mais les larmes qui coulent sur mes joues me font dire que je suis fatiguée. Fatiguée d’essayer d’aller bien, fatiguée de compenser, fatiguée de tout.

Ces signes me font dire, que le fond du trou n’est pas si loin qu’on peut le penser. Autour de moi, on est loin d’imaginer ce que je ressens en ce moment.

Cette tristesse permanente, même si elle ne se voit pas. Serrer la mâchoire et se dire que ça va aller mieux, en même temps serrer la mâchoire tellement fort que les dents font mal. Qu’aujourd’hui est un jour sans. Mais les jours se ressemblent tous en ce moment.

Sentiment terrible. Impression d’être enfermée dans un moule qui n’est pas le mien. J’essaie vainement de sortir de ce moule, mais seule j’y arrive pas.

C’est tellement dur. Ces deux six dernières années ont été difficiles sans oublier les masques avec le Covid. Impression de devoir surcompenser pour comprendre, devoir faire de la suppléance mentale pour y arriver, penser aux autres mais s’oublier. S’oublier un peu trop fait que je deviens transparente.

Cette foutue spirale qui a commencé à m’avaler il y a 6 ans, elle continue de tourner, j’ai beau essayer de remonter à la surface, mais je n’y arrive pas. Je ne sais pas par où commencer. Toucher le fond, je l’ai fait il y a 2 ans, je veux pas y retourner, c’est trop sombre.

Demain, ça ira mieux.

Dépression, burn-out et handicap, sujets sensibles ?

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 27 septembre 2022

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Voilà 20 jours que j’ai posé ces mots ici. Quand je les ai posés, je les ai vraiment écrits dans la foulée de l’émotion que je ressentais au moment de l’écriture.

Oui, l’illustration de ce billet n’est pas tout à fait en adéquation, mais j’ai envie de dire que si. On flotte, on nage entre plusieurs eaux, et être en équilibre comme ça, c’est pas si évident. J’avais pas envie de quelque chose de triste.

Ce billet encore une fois ne sera peut être pas structuré comme il le faudrait, en fait, l’important est d’exprimer quelque chose qui ne se dit pas ou ne se partage pas. Et puis, je n’ai pas beaucoup lu de témoignages de personnes handicapées ayant vécu une dépression / burn-out. À toutes fins utiles…

La dépression

Quand le mot dépression est dit, tout de suite, les gens pensent que je suis au fond du lit, sous la couette à ne plus sortir, à ne plus m’habiller. Que je suis une personne paresseuse, que je n’ai pas de volonté, ou d’autres choses dont je pense pas. Mais c’est l’idée que les gens peuvent se faire quand ils entendent ce terme. Je peux me tromper…

Quand une personne déprimée dit qu’elle ne va pas bien, il ne faut pas essayer de lui faire dire le contraire et de prendre ça à la légère. Quand c’est le cas, j’ai l’impression de ne pas être écoutée, que ma parole n’a pas de valeur.
Aujourd’hui, il faut toujours aller bien, avoir la patate, être positif, tout roule sur des roulettes, ça déraille jamais. Ne pas aller bien, c’est pas honteux, c’est un passage pas facile, c’est tout.

Quand je dis que je suis dans ce cas, les gens savent jamais comment se comporter et souvent ça se termine en silence radio, les gens disparaissent ou tu deviens transparente. La dépression, c’est avoir un sentiment de solitude, de manque d’estime de soi, de confiance. Il n’y a rien de plus terrible de se retrouver avec sa solitude, son mal-être.

J’ai de la chance, je suis bien entourée. J’ai vu tout de suite les personnes en qui je pouvais avoir confiance. Ces personnes se sont manifestées en privé et je les en remercie énormément parce qu’effectivement ce n’est pas toujours évident de parler à une personne dépressive. ❤️ 

La dépression c’est un dérèglement chimique au niveau du cerveau, qui fait qu’on n’a plus l’envie de rien. Tout m’ennuie, tout m’embête pour rester polie. La concentration est réduite à néant, la fatigue est omniprésente. Pourquoi lutter contre tout ça ? Je ne sais pas, mais j’aime pas ce sentiment soyez-en certains.

Ces dernières semaines, j’ai pourtant fait tout mon possible justement pour lutter contre cet état dépressif pour ne pas rester au fond de mon lit, à faire tout ce qui devait être fait, ce qui pouvait être fait, j’ai été le plus active possible. Quand je suis allée voir le médecin, elle m’a dit texto : « Il faut vous reposer ».
Le choc. Intégral. Me reposer ? Poser mes fesses sur un fauteuil ? C’est déprimant ! Ce n’est pas mon style.

Astuce qui fait la différence

Mais un petit « comment ça va ? » ou « n’hésite pas si je peux faire quelque chose pour toi », ça fait toute la différence. Oui, croyez-moi, ça fait la différence. Aussi bien au niveau personnel que professionnel, j’ai vu qui était là. Si vous avez un ami, une collègue qui disparaît des radars, n’hésitez pas à l’appeler, lui écrire, sans pour autant rentrer dans des conversations très longues. Lui montrer que vous pouvez être là.

Le burn-out

Le burn-out, parlons-en aussi !

Le burn-out, c’est quoi ? C’est un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. J’ai été confrontée plusieurs fois au burn-out. La première fois, il y a 7 ans à peu près, on m’avait demandé de m’investir au maximum de mes capacités de ce que je pouvais faire à ce moment-là, on m’avait demandé de faire mes preuves, oui, même avec une quinzaine d’années d’expérience en tant qu’intégratrice web.

Faire ses preuves en étant sourde appareillée/implantée, essayer de s’intégrer au maximum dans une équipe qui est soudée, au début bienveillante, mais au fil du temps, la bienveillance disparaît, puisque tu es à priori intégrée dans l’équipe même si tu y mets du tien tous les jours, que tu essaies d’adopter les habitudes de l’équipe, que tu essaies de combler la dictée à trous des conversations malgré le bruit dans l’open space, que tu essaies de comprendre le besoin du client qui a été verbalisé en réunion sans aides techniques peut être parfois de temps en temps épaulée par un collègue, que tu es confrontée à des remarques qui peut être sont anodines pour la plupart mais qui peuvent être blessantes. Sans oublier que j’étais déjà au maximum de mes capacités physiques (écoute, compensation, suppléance mentale), de mes capacités émotionnelles et mentales (prendre sur soi les remarques blessantes, prendre sur soi l’effort que j’étais en train de faire pour compenser, pour arriver au niveau attendu techniquement). Ces efforts pouvaient être faits sur un laps de temps court, mais malheureusement, ce laps de temps a été trop long.

Les conséquences ont été désastreuses, puisque ça a déclenché une crise de vertiges très violente, ça a eu des conséquences importantes, la fatigue était tellement importante que ça a occasionné plus de 6 mois de vertiges chez moi.

Et pourtant à ce moment-là, j’en ai parlé à personne. J’ai pas dit que je faisais un burn-out, parce qu’à ce moment-là, on n’en parlait pas, c’était honteux. C’est pour ça aussi que je prends la parole aujourd’hui parce que je ne veux pas que ça se reproduise.

Le monde du travail n’est pas si facile que ça quand on n’entend. (attention, je cherche pas la pitié, je dis simplement les choses).

La surdité, c’est un handicap de communication. Imaginez-vous dans le silence et faire tout ce que vous faites de nos jours sans entendre. En fait, c’est épuisant.

Astuces

Ne pas hésiter à faire des points réguliers avec votre chef hiérarchique, pour mettre les choses à plat, évoquer tout de suite les problèmes qui peuvent arriver au quotidien.

Si vous êtes un encadrant d’une personne sourde / malentendante, ne pas hésiter à lui dire que tout va bien, que vous êtes satisfait du travail réalisé par exemple. (ça le vaut aussi pour les autres)

Conseils

  • Bien expliquer ce que c’est la surdité,
  • Quelles sont les aides techniques possibles qui peuvent être mises en place, surtout ne pas les refuser sous prétexte qu’on a des super-pouvoirs,
  • Sensibiliser son entourage,
  • Expliquer pourquoi les open-space ne sont pas bienvenus,
  • Ne pas hésiter à se faire confirmer les propos entendus par un collègue lors de la même réunion,
  • Privilégier les pauses de silence (oui, mine de rien, se retrouver dans le silence permet de se ressourcer un peu)
  • Savoir dire stop.

J’ai longtemps hésité à écrire sur ces sujets, car j’ai conscience qu’en écrivant ce billet il pourrait y avoir des retombées sociales, personnelles et professionnelles. J’espère que ce billet pourra servir d’alerte et permettre à d’autres de s’arrêter à temps.

La santé mentale, ce n’est pas un virus.

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 octobre 2022

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Aujourd’hui, c’est la journée mondiale de la santé mentale. Voilà déjà un peu plus d’un mois que je vous en parlais ici et ici. Il est plus que temps de libérer la parole et de faire de ce sujet de quelque chose de légitime.

Pas un sujet tabou.

Non.

La définition est la suivante :

(…) comme un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté

OMS – Organisation Mondiale de la Santé

La dépression et les burn-outs, ce sont des sujets qui sont d’actualité et qui me tiennent à cœur aujourd’hui pour être passée par là plusieurs fois. Je me rends compte quand on évoque ces mots, le silence, le vide se fait autour de nous. Et franchement, je l’ai déjà dit, c’est terrible.

Je suis convaincue qu’en parlant, qu’en parlant autour de soi, que les gens se forment, ce sera plus facile à prendre en charge, à soigner. Il n’y a pas de peur, de gêne et de honte à avoir. C’est vrai que c’est un état qui ne se voit pas, comme la surdité.

Être dépressive, ça veut pas dire que je suis faible, que je suis fragile, et encore moins folle. Je le sais, je ne suis pas faible, fragile et folle. Pourtant c’est que la plupart des personnes peuvent penser encore aujourd’hui au 21e siècle. Il est temps d’agir, d’en parler !

Une dépression peut être provoquée par plusieurs facteurs. Le handicap auditif en fait partie. C’est un handicap invisible, le fait que ce soit invisible n’aide pas. C’est encore plus difficile puisque j’essaie de pallier à ce qui me manque dans la société. Je n’ai pas vraiment cherché de statistiques concernant la surdité et la dépression, je n’avais pas envie de m’enfoncer un peu plus. 😉

Je vais donner mon ressenti de mes dernières semaines de convalescence.

J’ai beau essayer de mettre en œuvre les conseils de mon médecin, d’essayer de casser ce cercle vicieux dans lequel je suis coincée.

La difficulté a toujours fait partie de ma vie, voilà quelques années que je la côtoie. On ne s’habitue pas aux choses désagréables, et heureusement… J’espère qu’en faisant des choses agréables, j’arriverai à renverser la tendance.

Ce n’est pas aussi simple que je l’aurais imaginé. Parfois, il faut que j’admette que cela puisse être long, qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, qu’il faut y aller petit pas par petit pas.

La dépression, c’est l’humeur qui n’est pas stable. À un moment, je vais être motivée, contente de faire quelque chose. L’instant d’après, je vais me rendre compte que ça me rend pas heureuse, plouf. Un petit coup de tristesse.
Et tristesse qui peut durer un peu, après c’est la solitude qui va suivre, où je vais être amenée à penser des choses pas terribles, « Je suis nulle, personne ne m’aime, je suis bonne à rien, etc… ». Toutes les pensées négatives qui surgissent sans qu’on les ait appelées. C’est fatiguant d’avoir une humeur aussi fluctuante.

La semaine dernière, mon moral était meilleur.
Attention, je saute pas au plafond mais je pleure moins, plus reposée. J’ai fait des choses que j’aimais faire. Je commence à repenser au travail (pas forcément une bonne idée, ça, mais l’envie est là). J’ai même revu des personnes que j’apprécie beaucoup avec qui j’ai passé un chouette moment.

Après un excellent week-end, mon corps a décidé que j’aurais plus de voix. 2 jours entiers à ne pas pouvoir parler, à avoir la voix de Garou comme me dit mon Minipixel-pas-si-mini. Je ne parlais déjà pas beaucoup au quotidien puisque la journée je suis seule et au repos. Je suis bien embêtée d’avoir cette extinction de voix. Une conséquence de cette dépression ? Je ne sais pas. Je trouve ça surprenant tout de même.

Hier soir, mon dos me lâche. Impossible de bouger, de marcher alors que je suis pourtant pas du genre à ne plus bouger. Ce n’est pas mon état habituel. Un nouveau signal d’alarme ?

Qu’est-ce que je peux faire ? À part en avoir marre de cet état, je sais que je suis sur la bonne voie. Je fais ce que je peux et je suis frustrée car je sais qu’il y a des choses sympas qui m’attendent.

J’avais recommencé le sport, bon, là je l’ai mis en suspens parce qu’avec un dos en vrac, c’est pas terrible. Mais depuis que j’ai repris, les travaux manuels avec du fil (de type crochet, tricot, couture), c’est un exutoire pour moi, surtout un objectif éloigné du numérique, de ce que je fais au quotidien.

Et vous, prenez-vous soin de vous ? N’hésitez pas à parler.

Et non, la santé mentale ce n’est pas tabou. Et oui, ça peut arriver à n’importe qui même à toi qui me lis. Je ne te le souhaite pas mais personne n’est invincible.

Ne m’oubliez pas !

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 31 janvier 2023

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Je veux avancer avec vous, lui, elle, et toi.  

Le numérique est en train de prendre un virage avec le RGPD, l’éco-conception.

De nouveaux sujets apparaissent, de nombreuses personnes s’en emparent, se les approprient.

Aujourd’hui, le RGPD et l’éco-conception ont le vent en poupe. 

Et c’est tant mieux, si on peut respecter la donnée personnelle, essayer de protéger la planète puisqu’il n’y a pas de plan B. 

Savez-vous que je suis tout autant concernée que vous ? 

J’aimerais moi aussi, apprendre, m’informer pour faire ma petite part tout simplement. Comme tout le monde. 

Savez-vous que les outils que vous mettez en place pour respecter le RGPD ne sont pas forcément tous accessibles ? 

Pensez-vous que pour faire de l’éco-conception responsable, il ne faut pas oublier les personnes en situation de handicap ? 

Utilisez-vous que les outils de communication vidéos, audios que vous utilisez pour répandre la bonne parole ne sont pas accessibles ? 

Étonnant ? Surprenant ?  

Savez-vous que l’écrit reste un moyen sûr de communiquer, sans oublier l’accessibilité de ce dernier à un panel beaucoup plus large de personnes, sans oublier le SEO de votre contenu (parce qu’oui, on ne va pas se cacher, le SEO va être amélioré par conséquent forcément)


Dans ce virage numérique, n’oubliez pas l’accessibilité !  

Les personnes aveugles, malvoyantes, n’accèdent pas forcément à votre gestion de cookies pour respecter le RGPD,

Les personnes sourdes et malentendantes n’accèdent pas à vos podcasts, vidéos, webinaires, formations, …
Et … Savez-vous que à cause de ces nouveaux sujets, vous laissez des personnes au bord de la route ?

C’est bête quand même. 

Internet était censé être un lieu universel. Je cite Sir Tim Berners-Lee, fondateur du W3C et inventeur du World Wide Web, l’accessibilité consiste à :

mettre le Web et ses services, à la disposition de tous les individus, quel que soit leur matériel ou logiciel, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, ou leurs aptitudes physiques ou mentales

Sir Tim Berners-Lee

Je constate tous les jours, en 2023, que l’accessibilité n’est pas encore connue des équipes (chef de produit, chef de service, développeur, intégrateur, designer ui-ux, graphiste, auteur, etc.) qui mettent en place des outils numériques. 

Je m’aperçois qu’en 2020, je m’adressais aux développeurs sur ce tweet : « Tout développeur qui est sur les Internets, devrait avoir au moins rencontré une personne handicapée pour éviter de coder comme une bouse et avoir conscience de l’impact de son travail sur les autres. ». Mais en fait, je devrais m’adresser à l’ensemble des personnes qui produisent du numérique. 

Il y a ces nouveaux sujets, le rgpd, l’éco-conception, ne laissez pas l’accessibilité … ne m’oubliez pas !

Si vous voulez qu’on échange sur le sujet, c’est avec plaisir ! 

4 février, journée mondiale du cancer

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 février 2023

Publié dans la catégorie : BlognameVis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/blog/4-fevrier-journee-mondiale-du-cancer/

J’ai perdu plusieurs proches d’un cancer.

Il y a quelques années, j’avais dépanné l’association François Giraud sur leur site internet. C’était une façon pour moi de les soutenir même si j’aurais voulu en faire plus et je n’ai pas pu.

C’est une association qui a été créée en hommage à François Giraud, décédé d’un cancer en 2013. François avait médiatisé sa maladie, mais surtout mis en avant la difficulté de la prise en change en tant que patient sourd.

C’est une association qui a pour objectifs de :

  • promouvoir le droit à l’information médicale sur le cancer en langue des signes française (LSF),
  • améliorer l’accessibilité des informations médicales en LSF,
  • sensibiliser à la prise en charge spécifique des patients sourds en cancérologie
  • et enfin, organiser des actions de soutien et d’accompagnement du patient atteint d’un cancer et de ses proches.

J’ai donc été à l’assemblée générale aujourd’hui, j’ai même adhéré pour les soutenir.

Ce soir, je fais ce billet parce que je me rends compte que c’est encore un nouveau sujet qui n’est pas assez connu de tous et toutes. N’hésitez pas à adhérer à cette association pour la soutenir, pour qu’elle puisse encore continuer à faire son travail. Cette association effectue un énorme travail de terrain. Et vraiment, je leur dis bravo pour cette motivation, ténacité à ne pas lâcher les choses.

J’ai été ravie de revoir quelques visages que j’avais perdus de vue.

Encore un sujet à aborder : l’accessibilité des soins, l’accessibilité de l’information médicale par les personnes sourdes est un sujet important, ça commence à ne plus être un tabou mais le chemin reste long. 

Tu m’aimes un peu, beaucoup, à la folie … 

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 14 février 2023

Publié dans la catégorie : BlognameVis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/blog/tu-maimes-un-peu-beaucoup-a-la-folie/

De nombreux podcasts ne sont pas accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Je demande régulièrement si tel ou tel podcast est accessible. 

La réponse est souvent invariable : « non ».
Quelle frustration de ne pas pouvoir accéder à ce contenu qui a un pouvoir de diffusion si important de nos jours, 
Quelle frustration de lire « non, ce n’est pas accessible », 
Quelle frustration de lire « non, je n’ai pas les moyens financiers de le faire » 
Quelle frustration de lire « non, je n’ai pas le temps » 
Quelle frustration de lire « non, c’est trop chronophage » 

Vous l’aurez compris, je n’aime pas ces réponses. Elles me renvoient mon handicap en pleine face. Mon handicap fait partie de moi, ce n’est certes pas ce qui me définit en premier, c’est certain et heureusement !

Si je vous disais que c’est une partie de plaisir pour moi de trouver des solutions pour contourner tous ces blocages, je vous mentirais. En fait, ce que j’aime c’est communiquer, partager et apprendre. 

Mon conjoint qui m’aime un peu, beaucoup, à la folie même. Il ne peut pas tout faire à votre place. 

Comme je vous aime un peu, beaucoup et à la folie… J’ai trouvé une application que je trouve bien et que je partage avec vous le retour utilisateur que j’en ai fait. 

Elle est gratuite. Elle existe pour mac (https://goodsnooze.gumroad.com/l/macwhisper) mais aussi en open-source (https://github.com/openai/whisper).

Elle est bluffante dans le sens où elle utilise OpenAI. Il faut télécharger le fichier audio, elle transcrit dans la minute, non, dans la seconde dès qu’elle commence à analyser le contenu audio !

Elle se débrouille bien je trouve à partir du moment où le contenu audio est de bonne qualité. Après, il faut toutefois quand même effectuer une passe, car les acronymes, les noms propres, c’est pas encore ça.

Je sollicite ma suppléance mentale quand je suis toute seule, je répète à voix haute les noms qui sont retranscrits phonétiquement et j’arrive à comprendre à peu près le contenu. Vous allez me dire : « bah c’est bon, pas besoin de faire le taf », oui mais, ça me gâche ce petit plaisir de le découvrir sereinement comme tout le monde.

Donc, si vous m’aimez un peu, beaucoup, à la folie, transcrivez vos podcasts. ❤️

Allez, joyeuse saint-valentin !

SEEPH 2023

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 6 novembre 2023

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

Lien du billet : https://www.sophie-drouvroy.com/vis-ma-vie-de-sourde/seeph-2023/

Depuis quelques jours, je vois fleurir le hashtag #SEEPH2023 sur différents réseaux. Je sors de ma détox numérique pour vous glisser un petit mot à ce sujet.

Késako SEEPH ?

Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées.

Quand je lis ça, ça laisserait penser qu’on est ravis d’avoir la lumière sur ce sujet : l’emploi des personnes handicapées, une semaine par an.
Certes.

Savez-vous qu’une personne en situation de handicap mettra plus de temps qu’une personne valide à trouver du travail ?
Aïe.

Rien que cette information, elle devrait vous encourager à recruter,
surtout à compétences égales !

Il y a de nombreux webinaires qui sont proposés.
Bien !

Pour l’instant, je n’ai pas vu qui annoncaient être accessibles aux personnes sourdes et malentendantes à savoir présence d’une transcription instantanée de la parole et/ou présence d’interprète en langue des signes (LSF).

Qui a un webinaire accessible ?

Je n’ai pas envie cette année de poser la question si c’est accessible, j’estime que ce n’est pas à moi de faire le « travail » d’information mais à la structure qui réalise le webinaire.

Et enfin pour terminer, pourquoi ce sont pas les personnes handicapées qui interviennent elles-même dans les webinaires ? Ça serait intéressant de les rendre visibles, encore plus durant cette semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées.

À vos claviers pour indiquer quels sont les webinaires accessibles à tous et toutes !

Le temps vole, plus vite qu’on le pense. 

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 10 novembre 2023

Publié dans la catégorie : Vis ma vie de sourde

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Voilà une semaine que je suis rentrée de mon voyage du Japon. 

Et aujourd’hui, j’ai un an de plus. 

Désolée, je ne raconterai pas encore mon voyage par ici, je le digère encore 💙

Je ne réalise pas que j’ai encore fait un truc un peu fou finalement, ma tête est encore un peu en mode : «  je l’ai vraiment fait ». 

Hein ? Qui ? Quoi ? 

Je viens de passer un mois à l’étranger, seule. Je me suis prouvée à moi même que c’était possible de réaliser des choses un peu folles, sans maîtriser la langue, avec ma surdité et en solo. 

Même si j’avais des amis qui m’attendaient avec impatience à l’arrivée, qui sont venus me chercher â l’aéroport, qui m’ont hébergée quelques temps chez eux. J’ai passé la plupart de mon séjour seule et les week-ends avec eux. 

Je dois dire, que j’ai a-do-ré. 

À tous les niveaux, que ce soit visuel, olfactif ou auditif. Je ne réalise pas, je ne sais pas par où commencer tellement il y a à partager.

Aujourd’hui, j’ai un an de plus.

D’habitude, je ne le dis pas, mais cette année j’ai envie de continuer à bouleverser les lignes qui étaient tracées pour moi. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas pris plaisir à me souhaiter Joyeux anniversaire à moi même. 

C’est une année qui vient de s’écouler et pas des moindres ! Quand je repense à l’aube de mes 40 ans, je sortais d’une période de santé difficile, je me faisais implanter pour pouvoir entendre à nouveau avec quelques années intenses de rééducation. 

Les années de ma quarantaine ont été finalement plus riches que je me le pensais et ce n’est pas fini ! J’ai envie de dire que ce n’est que le début. Le meilleur reste à venir ! 

S’il te plaît, apprivoise-moi …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 4 décembre 2023

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Il y a 7 ans, j’étais à l’aube de ma nouvelle vie sonore.

J’ai été implantée des deux oreilles le 17 novembre 2016, suite à une baisse du reste d’audition qui me restait. Il ne faut pas oublier que je suis sourde de naissance.

Après l’opréation, j’ai été plongée dans le silence pendant un peu plus de quinze jours.

Quinze jours, qui m’ont paru une éternité,

Quinze jours à gamberger, c’est long,

Quinze jours à trouver la définition du silence,
parce que ton cerveau en fait, il entend des sons fantômes,

Quinze jours à te poser la question de savoir comment va être cette nouvelle vie sonore ?

Est-ce que ça va marcher comme je l’imagine ? Est-ce que je vais entendre quelque chose ? Est-ce que ça va être des sons métalliques ? Est-ce que je vais entendre les petits oiseaux ?

J’avais plein de questions et d’incertitudes dans ma tête, j’ai tout écrit pour pouvoir m’en rappeler un jour comme celui-ci.

Je vous raconte ça sur ce billet 🙂

Merci de bien vouloir patienter …

Écrit par Sophie Drouvroy / Cyberbaloo — le 7 décembre 2023

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ou l’art d’apprendre à parler au téléphone.

Merci de bien vouloir patienter qu’une secrétaire prenne votre appel.
Votre appel est susceptible d’être enregistré.
Merci de bien vouloir patienter qu’une secrétaire prenne votre appel.
Votre appel est susceptible d’être enregistré.

Oui, allô ?
Allô, je ne vous entends pas.
Allô, madame, c’est pour …
Allô, je ne vous entends pas.  
[Communication terminée]

Il est 8h du matin, aucun service de transcription écrite de la parole assistée d’un humain est disponible à cette heure-ci, pourtant il y a de nombreux services qui ouvrent à cette heure-ci. Je parlerai d’un cabinet de professionnels de santé, équipé d’un secrétariat volant. Ceux-là, ce sont les pires (ou pas). Il faut traiter les appels le plus rapidement possible. Je le sais d’avance.

Je n’ai pas eu le temps de lire la transcription écrite que ca avait déjà raccroché. Comment expliquer l’inaccessibilité que je subis dès le matin, dès le réveil ou presque. La sensation désagréable de prendre une douche froide.

Je sais qu’avec mes implants j’ai fait énormément de progrès, que je reconnais plein de mots, mais dans ces moments-là, j’aime bien me sécuriser et commencer ma journée correctement.

Je constate que chez les personnes entendantes, le silence n’a pas sa place.

Jamais.

S’il y a un blanc au téléphone, on croit que c’est la communication qui est parasitée, si c’est dans une conversation, ça peut être signe de malaise ou je ne sais quoi et si c’est dans une réunion, la parole est vite prise.

Il suffit d’attendre 3 ou 5 secondes, ça peut paraître une éternité mais non. C’est le temps qu’il nous faut parfois pour lire et réagir quand on dépend de la transcription d’un contenu tiers.

Tip Accessibilité : S’il vous plaît, si vous avez en face de vous une personne qui a un handicap de « communication », comptez jusqu’à 3 ou 5 dans votre tête et ensuite vous pouvez recommencer votre phrase pour ensuite passer à autre chose.

Qui a dit que le silence est d’or ?

PS : non, ce n’est pas toi qui es visé.